THEOCHARIS c. GRÈCE
Karar Dilini Çevir:
THEOCHARIS c. GRÈCE

 
 
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
Requête no 23162/15
Andreas THEOCHARIS
contre la Grèce
 
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 14 mai 2019 en un comité composé de :
Aleš Pejchal, président,
Tim Eicke,
Raffaele Sabato, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 4 mai 2015,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  Le requérant, M. Andreas Theocharis, est un ressortissant grec né en 1973 et résidant au Pirée.
2.  Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, M. K. Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l’État, et Mme Z. Chatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.
3.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait de la durée de la procédure qu’il avait engagée devant les juridictions civiles.
4.  Le 6 avril 2017, le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention concernant la durée de la procédure en première et deuxième instance a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
A.  Les circonstances de l’espèce
5.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
6.  Le 26 novembre 2007, le requérant saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre une société d’assurance. Il réclamait une indemnisation de 168 022, 70 euros (EUR) pour les dommages occasionnés par un incendie à un immeuble dont il était propriétaire.
7.  Le 25 février 2010, par la décision no 1129/2010, le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta l’action du requérant.
8.  Le 9 juin 2010, le requérant interjeta appel contre ladite décision.
9.  Le 14 septembre 2011, par l’arrêt no 4715/2011, la cour d’appel d’Athènes (« la cour d’appel ») rejeta l’appel du requérant.
10.  Le 23 mars 2012, le requérant saisit la cour d’appel d’une demande tendant à la révision du procès civil en appel (αίτηση αναψηλάφησης).
11.  Le 9 juillet 2013, par la décision no 4260/2013, la cour d’appel rejeta la demande de révision du requérant. Elle estima que les conditions permettant l’annulation de l’arrêt no 4715/2011 n’étaient pas réunies en l’espèce.
12.  Le 28 juillet 2014, le requérant se pourvut en cassation contre la décision no 4260/2013 de la cour d’appel.
13.  Le 19 février 2015, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation du requérant (arrêt no 170/2015).
B.  Le droit interne pertinent
14.  L’article 538 du code de procédure civile (CPC) se lit ainsi :
Révision
« Les décisions des tribunaux de paix, des tribunaux de première et de grande instance, des cours d’appel et de la Cour de cassation, lorsque cette dernière juridiction se prononce sur le fond (όταν δικάζει κατ’ουσίαν) (...), peuvent faire l’objet d’une demande de révision. »
GRIEFS
15.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure en première et deuxième instance.
EN DROIT
Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention
16.  Le requérant allègue que la durée de la procédure litigieuse a méconnu le principe du délai raisonnable. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
1.  Les arguments des parties
17.  Le Gouvernement soutient que la partie de la procédure concernant la demande de révision du procès civil en appel formulée par le requérant ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la durée de la procédure devant la cour d’appel, au motif que la demande de révision constitue une voie de recours extraordinaire, prévue par le code de la procédure civile, et qu’elle est indépendante de la voie de recours ordinaire d’appel. Il expose que ni la durée de la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes, de deux ans et plus de deux mois, ni celle devant la cour d’appel d’Athènes, d’un an et plus de trois mois, n’étaient déraisonnables selon les critères établis par la jurisprudence de la Cour. Il ajoute que des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées ne sauraient être reprochées aux autorités judiciaires.
18.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a été excessive.
2.  L’appréciation de la Cour
19.  La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». Par ailleurs, aux termes du paragraphe 4 du même article, elle peut rejeter toute requête qu’elle considère comme irrecevable par application dudit article « à tout stade de la procédure ».
20.  Le délai de six mois court à compter de la décision définitive dans le cadre de l’épuisement des voies de recours internes (Paul et Audrey Edwards c. Royaume Uni (déc.), no 46477/89, 7 juin 2011). La Cour rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention impose uniquement l’épuisement des recours disponibles et suffisants pour permettre d’obtenir réparation des violations alléguées. La finalité de l’article 35 est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises à la Cour (voir notamment Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999‑V). La règle de l’article 35 § 1 se fonde sur l’hypothèse que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée des droits d’un individu en vertu de la Convention (Lakatos c. République tchèque (déc.), no 42052/98, 23 octobre 2001). Un recours est effectif lorsqu’il est disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il est accessible et susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présente des perspectives raisonnables de succès (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II).
21.  Par ailleurs, la Cour rappelle que l’article 6 § 1 de la Convention est jugé inapplicable aux procédures extraordinaires permettant de solliciter la réouverture d’une procédure, car il ne s’agit pas en principe de statuer sur des « contestations » relatives à des « droits ou obligations de caractère civil » ni sur le bien-fondé d’« accusations en matière pénale ». En revanche, si un recours extraordinaire conduit de plein droit ou concrètement à faire entièrement rejuger le litige, l’article 6 de la Convention s’applique de la manière habituelle à la procédure de « réexamen » (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2), [GC], no 19867/12, § 60, 11 juillet 2017).
22.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour relève que le requérant a fait usage de la possibilité offerte par l’article 538 du CPC (paragraphe 14 ci-dessus) en demandant, par le biais d’un recours en révision, l’annulation de l’arrêt no 4715/2011. La cour d’appel a rejeté cette demande, au motif que les conditions permettant l’annulation n’étaient pas réunies en l’espèce. La Cour de cassation a par la suite rejeté le pourvoi en cassation du requérant. Il s’ensuit que tant la cour d’appel que la Cour de cassation se sont prononcées en l’espèce sur la question de savoir si les conditions permettant l’annulation de l’arrêt précité et le réexamen de l’affaire sur le fond étaient réunies et non sur une « contestation » relative à des « droits ou obligations de caractère civil ». Dès lors, la Cour prend note de l’argument du Gouvernement, selon lequel la demande de révision du requérant constituait en l’espèce une voie de recours extraordinaire, et considère que l’article 6 de la Convention n’était pas applicable à la partie de la procédure relative à cette dernière.
23.  Il s’ensuit que la partie du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention relative à la partie de la procédure litigieuse, commencée le 23 mars 2012 et terminée le 19 février 2015, doit être rejetée comme incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
24.  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la décision interne tranchant de façon définitive le litige est l’arrêt no 4715/2011 de la cour d’appel d’Athènes, rendu le 14 septembre 2011, donc plus de six mois avant le 4 mai 2015, date de l’introduction de la requête. Le fait que le Gouvernement n’a pas soumis d’observations sur la question de six mois n’est pas susceptible de modifier la situation (Belaousof et autres c. Grèce, no 66296/01, § 38, 27 mai 2014).
25.  Il s’ensuit que cette partie du grief est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 6 juin 2019.
Renata DegenerAleš Pejchal
              Greffière adjointePrésident

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