SA-Capital Oy c. Finlande
Karar Dilini Çevir:
SA-Capital Oy c. Finlande

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 226
Février 2019
SA-Capital Oy c. Finlande - 5556/10
Arrêt 14.2.2019 [Section I]
Article 6
Procédure pénale
Article 6-1
Procès équitable
Admission de témoignage par ouï-dire entourée de garanties adéquates dans une procédure en droit de la concurrence : non-violation
En fait – La société requérante alléguait qu’à l’issue d’un procès en droit de la concurrence elle avait été condamnée à verser une amende sur la base de preuves par ouï-dire, sans avoir pu interroger ou faire interroger les personnes à l’origine de ces éléments, et qu’en conséquence elle avait été privée d’un procès équitable.
En droit – Article 6 § 1 : les affaires d’entrave à la concurrence mêlent d’ordinaire des questions économiques et factuelles complexes et souvent très vastes ; d’où le caractère également très divers des éléments de preuve correspondants. De solides considérations d’intérêt public se trouvent en jeu dans l’application effective du droit de la concurrence. De plus, en règle générale, les sanctions financières applicables en la matière ne sont pas infligées à des particuliers mais à des sociétés, et elles sont fixées en fonction du préjudice causé par le comportement anticoncurrentiel et du chiffre d’affaires de l’entité convaincue d’infraction aux règles de la concurrence.
La question est de déterminer si la procédure menée devant les juridictions nationales a été équitable du point de vue des droits de la défense, la société requérante alléguant que la Cour administrative suprême s’est fondée sur des éléments de preuve qui n’ont pu être vérifiés devant elle.
a) Les motifs sous-tendant la manière dont les témoignages ont été examinés – En première instance, de nombreux éléments de preuve ont été produits par l’Autorité de la concurrence et les défendeurs, et ont été examinés devant le tribunal de commerce lors d’une procédure contradictoire. Ledit tribunal est parvenu à la conclusion que les sociétés défenderesses, dont la société requérante, avaient pris part à une entente d’ampleur nationale concernant le marché des contrats de l’administration centrale dans le secteur de l’asphalte. S’agissant en revanche du marché des contrats avec les administrations locales ou le secteur privé pour les travaux et approvisionnements liés à l’asphalte, le tribunal de commerce a procédé à une analyse séparée des éléments de preuve et a conclu à l’absence d’éléments suffisants quant à l’existence d’une entente dans les secteurs d’activité de la société requérante. En conséquence, si le tribunal de commerce a estimé que la société requérante avait enfreint les règles de la concurrence en participant à l’entente de portée nationale pour les contrats de l’administration centrale, il n’a pas formulé de conclusion semblable relativement à l’entente qui aurait concerné les contrats avec les administrations locales et le secteur privé.
En appel, la Cour administrative suprême devait essentiellement déterminer si le tribunal de commerce avait correctement analysé l’ampleur des pratiques restrictives, notamment en séparant les différents segments du marché en fonction du point de savoir si les activités litigieuses avaient concerné des contrats avec l’administration centrale ou des contrats avec les administrations locales ou le secteur privé. Cette question ne portait pas que sur les faits ou les preuves ; elle exigeait aussi une analyse subtile de facteurs économiques liés au marché ainsi que des aspects juridiques pertinents.
b) Importance des preuves indirectes non vérifiées – La Cour administrative suprême a entendu, en qualité de témoins cités par l’Autorité de la concurrence, trois personnes qui à l’époque pertinente occupaient des postes de dirigeants ou d’employés dans certaines des sociétés défenderesses ayant déployé leurs principales activités dans différentes régions du pays. L’un de ces témoins, ancien propriétaire de l’une des entreprises concernées, a directement mis en cause la société requérante comme acteur de l’entente. De plus, la Cour administrative suprême s’est fondée sur des transcriptions de dépositions livrées par d’autres témoins devant le tribunal de commerce, dépositions ayant corroboré les éléments qui incriminaient la société requérante.
L’analyse de la Cour administrative suprême a abouti à une conclusion différente de celle du tribunal de commerce, puisque la haute juridiction a estimé qu’il fallait prendre le secteur de l’asphalte comme un tout s’agissant des pratiques restrictives, et qu’elle a conclu qu’une entente unique avait englobé tous les aspects des contrats liés à l’asphalte. La conclusion selon laquelle la société requérante avait participé à l’entente a été formulée sur la base de preuves documentaires et de témoignages de personnes entendues par la juridiction suprême ou par le tribunal de commerce et qui, bien informées sur les sociétés concernées, avaient exposé aux juridictions leur propre expérience des pratiques restrictives en cause. Ces témoins ont été désignés nommément et l’essentiel de leurs dépositions a été cité, aucun élément n’indiquant que la haute juridiction se soit véritablement appuyée sur des témoignages par ouï-dire. Pour autant que les témoignages aient pu faire référence à des informations de deuxième main provenant de tiers, l’exposé par la Cour administrative suprême de l’ensemble des preuves sur la base desquelles elle a statué ne corrobore pas l’allégation selon laquelle les conclusions de la haute juridiction auraient été déterminées par ces aspects des témoignages. Si les témoins à charge – des personnes bien informées sur l’entente – ont également pu rapporter des informations basées sur le ouï-dire, la Cour n’est pas convaincue que ces éléments aient joué un rôle décisif dans l’arrêt de la Cour administrative suprême. Les preuves indirectes n’ont pas été déterminantes dans le dénouement de la procédure litigieuse.
c) L’équité de la procédure dans son ensemble – L’arrêt de la Cour administrative suprême repose principalement sur des conclusions tirées de preuves documentaires et de témoignages que la société requérante pouvait contester pendant la procédure, notamment au moyen de contre-interrogatoires. Le droit pour la société requérante de produire des éléments afin de réfuter les preuves présentées par l’Autorité de la concurrence et le droit d’exposer dans le détail sa propre analyse des éléments admis par la juridiction nationale ont été pleinement respectés. Lors de la procédure écrite et orale menée devant la Cour administrative suprême, la société requérante a eu la possibilité d’exercer ses droits de la défense et de bénéficier ainsi de garanties adéquates qui s’étendaient aux éléments de preuve à partir desquels la juridiction nationale a statué. Eu égard aux circonstances de l’espèce, la manière dont la Cour administrative suprême s’est appuyée sur des preuves indirectes non vérifiées était justifiée.
Conclusion : non-violation (unanimité).
(Voir aussi Jussila c. Finlande [GC], 73053/01, 23 novembre 2006, Note d’information 91, et Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], 50541/08 et al., 13 septembre 2016, Note d’information 199)
 
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