Knox c. Italie
Karar Dilini Çevir:
Knox c. Italie

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 225
Janvier 2019
Knox c. Italie - 76577/13
Arrêt 24.1.2019 [Section I]
Article 3
Enquête effective
Absence d’enquête sur les allégations de mauvais traitements perpétrés par la police lors de l’audition d’une personne en état de choc : violation
Article 6
Article 6-3-c
Se défendre avec l'assistance d'un défenseur
Utilisation comme preuve de la déposition calomnieuse à la police d’une personne en état de choc sans accès à un avocat : violation
Article 6-3-e
Assistance gratuite d'un interprète
Interprète ayant joué le rôle de médiatrice avec une attitude maternelle lors de l’audition d’une personne en état de choc : violation
En fait – Au moment des faits, la requérante, étudiante américaine âgée de vingt ans, se trouvait en Italie depuis environ deux mois. Elle y avait trouvé un emploi temporaire dans un pub géré par D.L. À la suite de la découverte du corps de la colocataire de la requérante, alors présente dans l’appartement avec son petit ami, ces derniers furent entendus par la police et mis sur écoute.
Le 6 novembre 2007 à 1h45, la requérante fut entendue en présence de trois agents de police et de A.D., exerçant les fonctions d’interprète. Elle déclara entre autres que D.L. était l’auteur des crimes. Puis le procureur entendit la requérante à 5h45 du matin, en présence de A.D. et de certains policiers. La requérante n’était pas assistée par un défenseur. À 8h30, la requérante, son petit ami et D.L. furent arrêtés pour violences sexuelles et meurtre. Ayant fourni un alibi, D.L. fut libéré.
La requérante exprima, vers 13h00 et tout au long de la procédure, son état de choc et de confusion lors de sa dernière audition incriminante réalisée sous la pression de la police, et elle revint sur ses déclarations incriminantes à l’égard de D.L. Cependant, le 14 mai 2008, elle fut mise en examen pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de ce dernier.
À la suite de l’audience du 13 mars 2009, lors de laquelle la requérante exposa de nouveau les traitements subis lors de ses auditions du 6 novembre 2007 et se plaignit du comportement de l’interprète A.D., sa défense demanda la transmission des actes au parquet sans avoir de suite. Une procédure fut aussi engagée contre la requérante pour dénonciation calomnieuse à l’encontre des agents de police et du procureur l’ayant questionnée le 6 novembre 2007.
En septembre 2015, la Cour de cassation acquitta la requérante des chefs de meurtre et de violences sexuelles, et observa que la condamnation de trois ans de réclusion pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de D.L. avait déjà acquis force de chose jugée. La requérante fut aussi acquittée dans la procédure pénale pour dénonciation calomnieuse à l’encontre des agents de police et du procureur.
En droit
Article 3 (volet procédural) : La requérante a, dans les heures suivant ses déclarations incriminantes à l’encontre de D.L. lors du 6 novembre 2007, et tout au long de la procédure qui a suivi, exposé qu’à ce moment elle était en état de choc et de confusion extrême et que la police avait exercé sur elle des pressions. Le 3 octobre 2011, la cour d’appel a estimé que la requérante avait en fait subi un véritable supplice ayant engendré une situation psychologique insupportable de laquelle, pour se sortir, l’intéressée avait formulé des déclarations incriminantes à l’égard de D.L.
En outre, l’interprète A.D. a aussi agi en tant que médiatrice, ce qui n’était aucunement requis dans le cadre de sa fonction. De plus, l’un des agents de police avait pris la requérante dans ses bras, l’avait caressée et avait pris ses mains dans les siennes, adoptant ainsi un comportement clairement déplacé, alors qu’elle formulait des accusations par la suite qualifiées de calomnieuses et ayant mené à sa condamnation.
Ces comportements, fournissant des informations quant au contexte général dans lequel l’audition de la requérante a eu lieu, auraient dû alerter les autorités nationales quant à la possible atteinte au respect de la dignité de la requérante et à sa capacité d’autodétermination.
Malgré les plaintes réitérées de la requérante, les traitements dégradants qu’elle a dénoncés n’ont fait l’objet d’aucune enquête pouvant éclaircir les faits et les responsabilités éventuelles dans son affaire. Particulièrement, la demande de transmission des actes au parquet formulée par la défense de l’intéressée le 13 mars 2009 est restée sans réponse. Par ailleurs, la procédure pénale contre la requérante pour dénonciation calomnieuse à l’égard des autorités –  à l’issue de laquelle l’intéressée a été acquittée, aucun élément n’ayant démontré que ses allégations pouvaient s’écarter de la réalité des faits – ne pouvait pas constituer une enquête effective concernant les griefs de la requérante.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 6 §§ 1 et 3 c)
a) Applicabilité de l’article 6 – La Cour rappelle qu’il y a « accusation en matière pénale » dès lors qu’une personne est officiellement inculpée par les autorités compétentes ou que les actes effectués par celles-ci en raison des soupçons qui pèsent contre elle ont des répercussions importantes sur sa situation. Or la requérante pouvait être considérée comme étant suspecte lors de ses déclarations à 5h45, le 6 novembre 2007, devant le procureur de la République. Dès lors à 5h45 au plus tard, la requérante faisait l’objet d’une « accusation en matière pénale » au sens de la Convention.
b) Existence de raisons impérieuses pouvant justifier la restriction au droit d’accès à un avocat – Le Gouvernement invoque le fait que, en application de la jurisprudence interne, les dépositions litigieuses du 6 novembre 2007 ont pu être utilisées en l’absence d’un conseil dans la mesure où elles intégraient en elles-mêmes une infraction pénale. La Cour note, toutefois, que l’interprétation jurisprudentielle invoquée a une portée générale et que le Gouvernement n’a pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui auraient pu justifier les restrictions apportées au droit de la requérante. Ainsi, aucune raison impérieuse ne pouvait justifier la restriction à l’accès à un avocat.
c) Équité de la procédure dans son ensemble – À quelques heures des auditions du 6 novembre 2007, la requérante, vulnérable en tant qu’étrangère âgée de vingt ans, se trouvant depuis peu de temps en Italie et ne parlant pas couramment l’italien, avait promptement rétracté ses déclarations. Pourtant, six mois plus tard, le 14 mai 2008, elle a été mise en examen pour calomnie.
Les déclarations litigieuses ont été recueillies dans un contexte de forte pression psychologique qui n’a pas été éclairci par une enquête. Et ces déclarations ont constitué en elles-mêmes l’infraction qui a été reprochée à la requérante et, donc, la preuve matérielle pour son verdict de culpabilité pour dénonciation calomnieuse. Enfin, le procès-verbal de l’interrogatoire de la requérante ayant eu lieu à 5h45 ne fait pas mention de la notification de ses droits procéduraux.
Ainsi, la restriction de l’accès de la requérante à l’assistance juridique lors de l’audition du 6 novembre 2007 à 5h45 a porté une atteinte irrémédiable à l’équité du procès dans son ensemble.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 6 §§ 1 et 3 e) : Le rôle de médiatrice ayant une attitude maternelle, joué par l’interprète A.D. pendant que la requérante, accusée au pénal, formulait sa version des faits, est allé au-delà des fonctions d’interprète qu’elle devait assurer. Cependant, les autorités ont omis d’apprécier le comportement de A.D., d’évaluer si ses fonctions d’interprète avaient été exercées selon les garanties prévues par l’article 6 §§ 1 et 3 e) et de considérer si le comportement de celle-ci avait eu un impact sur l’issue de la procédure pénale entamée à l’encontre de la requérante. En outre, aucune mention des échanges ayant eu lieu entre la requérante et A.D. lors de l’interrogatoire du 6 novembre 2007 n’est faite dans le procès-verbal y relatif.
Ce défaut initial a donc eu des répercussions sur d’autres droits qui, tout en étant distincts de celui dont la violation est alléguée, y sont étroitement liés et a compromis l’équité de la procédure dans son ensemble.
Conclusion : violation (unanimité).
La Cour conclut également à la non-violation de l’article 3 sous son volet matériel, en l’absence d’éléments permettant de conclure que la requérante ait fait l’objet de traitements inhumains et dégradants.
Article 41 : 10 400 EUR pour préjudice moral.
(Voir aussi Salduz c. Turquie [GC], 36391/02, 27 novembre 2008, Note d’information 113 ; Gäfgen c. Allemagne [GC], 22978/05, 1er juin 2010, Note d’information 131 ; Kaçiu et Kotorri c. Albanie, 33192/07 et 33194/07, 25 juin 2013 ; Baytar c. Turquie, 45440/04, 14 octobre 2014, Note d’information 178 ; Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], 50541/08 et al., 13 septembre 2016, Note d’information 199 ; Beuze c. Belgique [GC], 71409/10, 9 novembre 2018, Note d’information 223 ; ainsi que la fiche thématique Garde à vue et assistance d’un conseil)
 
 
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