Khan c. France
Karar Dilini Çevir:
Khan c. France

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 226
Février 2019
Khan c. France - 12267/16
Arrêt 28.2.2019 [Section V]
Article 3
Traitement dégradant
Conditions de vie précaires d’un mineur isolé étranger dans un bidonville et inexécution de l’ordonnance judiciaire de placement : violation
En fait – Le requérant, mineur isolé étranger (MIE), a vécu durant six mois dans la zone Sud de la lande de Calais à l’âge de douze ans. N’ayant pas été pris en charge par les autorités comme la majorité des MIE, il habitait dans une cabane.
Le 19 février 2016, une organisation non gouvernementale saisit le juge des enfants d’une demande de placement provisoire du requérant. Par une ordonnance du même jour, le juge des enfants, constatant que le requérant n’avait pas de représentants légaux en France, désigna un administrateur ad hoc. Par une ordonnance du 22 février 2016, il ordonna que le requérant fût confié à l’aide sociale à l’enfance afin de le mettre à l’abri et permettre son regroupement avec des membres de sa famille résidant en Grande-Bretagne, et ce dans un délai d’un mois.
Le requérant indique que ni le département du Pas-de-Calais ni les services préfectoraux n’agirent pour sa mise à l’abri. Ainsi, après la destruction de sa cabane lors des opérations de démantèlement de la zone Sud du 2 mars 2016, le requérant s’installa dans un « abri de fortune » dans la zone Nord. Puis, la semaine du 20 mars 2016, il quitta la lande et entra clandestinement en Angleterre.
En droit – Article 3 (volet matériel) : À défaut de prise en charge par les autorités et malgré le soutien qu’il a pu trouver auprès d’organisations non gouvernementales présentes sur la lande, le requérant a vécu durant six mois dans un environnement manifestement inadapté à sa condition d’enfant, caractérisé notamment par l’insalubrité, la précarité et l’insécurité. Le défaut de prise en charge du requérant s’est empiré après le démantèlement de la zone Sud de la lande, du fait de la destruction de la cabane dans laquelle il vivait et de la dégradation générale des conditions de vie sur le site. C’est, au demeurant, au motif de la situation de danger dans laquelle il se trouvait que le juge des enfants a, le 22 février 2016, ordonné qu’il soit confié à l’aide sociale à l’enfance.
Or, jusqu’à l’ordonnance de placement du requérant, les autorités compétentes n’avaient pas même identifié le requérant comme un MIE alors qu’il se trouvait sur le site de la lande depuis plusieurs mois et que son jeune âge aurait dû tout particulièrement attirer leur attention. Les moyens mis en œuvre pour identifier les MIE étaient insuffisants.
Aussi, si le requérant était favorable à une solution de mise à l’abri, il ne lui appartenait pas, en tant qu’enfant âgé de douze ans ayant une connaissance limitée de la langue française, d’effectuer lui-même les démarches nécessaires à la mise en œuvre de sa prise en charge. Il ne peut pas non plus être reproché aux organisations non gouvernementales qui avaient bénévolement apporté leur soutien au requérant, à l’avocate qui l’avait représenté dans la procédure qui avait abouti à l’ordonnance du 22 février 2016 et à l’administrateur ad hoc qui avait été désigné le 19 février 2016, de ne pas l’avoir conduit dans le foyer désigné par les autorités pour le recevoir, dès lors que cela relevait manifestement de la responsabilité de ces dernières.
La tâche des autorités internes est complexe, eu égard en particulier au nombre de personnes présentes sur la lande à l’époque des faits de la cause, ainsi qu’à la difficulté d’identifier les MIE parmi elles et de définir et mettre en place des modalités d’accueil adaptées à leur situation alors qu’ils n’étaient pas toujours demandeurs d’une prise en charge. Cependant, les autorités, qui ont omis d’exécuter l’ordonnance de placement provisoire du requérant, n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection du requérant, s’agissant d’un MIE en situation irrégulière âgé de douze ans, c’est-à-dire l’une des personnes les plus vulnérables de la société.
La précarité de l’environnement, totalement inadapté à la condition d’enfant, dans laquelle le requérant a ainsi vécu durant plusieurs mois dans le « bidonville » de la lande de Calais et l’inexécution de l’ordonnance du juge des enfants destinée à protéger le requérant, examinées ensemble, constituent un traitement dégradant.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 41 : 15 000 EUR pour préjudice moral ; demande pour le dommage matériel rejetée.
 
© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
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