Halabi c. France
Karar Dilini Çevir:
Halabi c. France


Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 229
Mai 2019
Halabi c. France - 66554/14
Arrêt 16.5.2019 [Section V]
Article 8
Article 8-1
Respect du domicile
Visite de contrôle d’urbanisme dans une résidence partiellement meublée, sans accord préalable de l’occupant ou autorisation d’un juge : violation
En fait – Le requérant est un ressortissant britannique résidant à Londres. En novembre 2006, une société propriétaire d’un château obtint un permis de construire pour l’agrémenter d’une serre et d’un escalier extérieur ; elle avait également déclaré le projet de construire un local technique. En mars 2009, deux agents assermentés du service de l’urbanisme procédèrent à une visite de contrôle, qui se conclut par un procès-verbal d’infraction : en lieu et place des éléments ci-dessus avaient été construits deux logements et une salle de gymnastique. En décembre 2010, une autre visite déboucha sur un nouveau procès-verbal, dans lequel le requérant fut désigné comme « occupant des lieux ».
Le requérant contesta le premier procès-verbal comme reposant sur une atteinte à son domicile, la visite ayant eu lieu sans sa présence ni son accord. La juridiction compétente écarta ce moyen de nullité, au motif que personne n’avait revendiqué l’endroit comme étant son domicile lors de la visite ; et qu’au vu du projet déclaré, les agents contrôleurs n’étaient pas censés pénétrer dans des logements. La Cour de cassation n’y trouva rien à redire, considérant que ce type de visite ne permettait aucune coercition, et que les sanctions encourues en cas d’obstacle au droit de visite ne pouvaient être prononcées que par un juge, à même d’apprécier la légalité de la visite.
En 2017, jugés coupables de construction non conforme aux projets déclarés, le requérant et la société furent condamnés à une amende ainsi qu’à mettre les lieux en conformité. L’administration délivra toutefois un permis de construire modificatif, qui régularisa les constructions en cause.
En droit – Article 8
a)  Applicabilité – Les raisons suivantes justifient de qualifier la propriété visitée de « domicile » du requérant :
–  bien qu’il n’en fût ni propriétaire ni locataire (tout son patrimoine familial étant détenu par des sociétés), cette propriété constituait pour lui une résidence secondaire pour ses vacances en famille et pour recevoir ses relations d’affaires dans le cadre de séjours prolongés ; et les autorités nationales l’ont d’ailleurs effectivement considéré comme l’occupant des lieux dans le second procès-verbal et jusqu’à sa condamnation ;
–  les locaux visités constituaient une annexe indissociable de l’ensemble immobilier principal, dont le caractère était incontestablement résidentiel ; et la coupole italienne édifiée en mémoire du fils décédé du requérant atteste d’un lien émotionnel fort avec ce domicile ;
–  certaines des pièces visitées étaient déjà meublées, décorées et équipées, incluant même des objets du quotidien tels que produits d’hygiène et serviettes de bain : en y pénétrant, les agents de l’urbanisme sont entrés dans un espace physiquement déterminé où pouvait se développer la vie privée et familiale du requérant.
b)  Fond
i.  Ingérence – Certes, par leur nature, les visites effectuées par les agents de l’urbanisme ne présentent pas le même degré de risque d’atteinte au droit au respect du domicile et de la vie privée que les visites domiciliaires effectuées par d’autres administrations (douanes, impôts, etc.), qui peuvent déboucher sur la saisie de nombreux documents, données ou objets, et révèlent plus d’informations sur la personne visée. En l’espèce cependant, la Cour estime que l’entrée d’agents publics au sein du domicile du requérant, sans son autorisation, ainsi que la prise de photos à l’intérieur de cet espace utilisé par le requérant pour des activités relevant de sa vie privée, ont bien constitué une ingérence.
ii.  Base légale de la visite et légitimité du but poursuivi – Prévues par l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme, les visites de constructions en cours ou achevées sont destinées à vérifier la conformité des travaux aux autorisations délivrées et l’absence d’infractions aux règles d’urbanisme. Les objectifs ainsi poursuivis (protection de l’environnement, prévention des nuisances, garantie de la santé et de la sécurité des personnes) sont rattachables à plusieurs buts légitimes reconnus par l’article 8.
iii.  Nécessité dans une société démocratique – Lorsqu’elle est effectuée sur un chantier ou une construction en travaux, une visite comporte moins de risques de porter atteinte au droit au respect du domicile. Cependant, le code de l’urbanisme autorise aussi de telles visites jusqu’à trois ans après l’achèvement des constructions.
Certes, la visite s’est ici avérée justifiée, puisque les tribunaux ont effectivement jugé le requérant coupable de plusieurs infractions. Par ailleurs, un permis de construire de régularisation ayant été délivré, les conséquences de l’ingérence sur la jouissance par le requérant de son domicile ont été limitées.
Même si les principes relativement stricts dégagés en matière de perquisition et de saisie ne sont pas applicables en tant que tels ici, il convient de vérifier l’existence de garanties suffisantes et effectives contre les abus. Or, le code de l’urbanisme permet une visite dans un domicile, à tout moment et hors la présence d’un officier de police judiciaire, sans requérir explicitement l’assentiment de l’occupant ou l’autorisation préalable d’un juge.
Certes, l’absence de pouvoir coercitif des agents habilités leur interdit de pénétrer dans les lieux en cas de refus de l’occupant, sous peine de sanctions pénales. Néanmoins, l’obligation de recueillir l’assentiment de l’occupant n’est pas inscrite dans la loi ; seules des réponses ministérielles en font état. D’autre part, la possibilité pour l’occupant de s’opposer à une telle visite est purement théorique, puisqu’un autre article du code de l’urbanisme rend passible de sanctions pénales le fait de faire obstacle au droit de visite.
Quant au recours offert par le droit interne contre le procès-verbal de visite, il apparaît dépourvu de tout effet utile pour faire valoir l’inviolabilité du domicile, puisque les juridictions saisies en l’espèce ont refusé d’en prononcer l’annulation sur ce fondement.
Le risque de dépérissement des preuves de l’infraction ne saurait être invoqué pour justifier ces lacunes : en matière d’urbanisme, un tel risque est très faible. Ainsi, faute d’accord de l’occupant ou d’autorisation judiciaire, et a fortiori en l’absence de voie de recours effective, la visite litigieuse n’était pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 41 : aucune demande formulée pour dommage.
 
© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
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