G.K. c. Belgique
Karar Dilini Çevir:
G.K. c. Belgique


Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 229
Mai 2019
G.K. c. Belgique - 58302/10
Arrêt 21.5.2019 [Section II]
Article 3 du Protocole n° 1
Se porter candidat aux élections
Carences du processus décisionnel d’acceptation de la démission d’un parlementaire, prétendument extorquée : violation
En fait – Élue sénatrice en juin 2010, la requérante signa en août 2010 une lettre de démission de son mandat. Quelques jours plus tard, elle tenta de se rétracter en faisant valoir auprès du président du sénat qu’une forte pression avait été exercée sur elle par deux sénateurs lors de la signature de cette lettre, et que ceci avait vicié son consentement.
En l’absence de toute réglementation quant à cette question inédite devant le sénat belge, le service juridique du sénat rédigea deux avis, dans lesquels il estima in fine que, si la démission était irrévocable immédiatement, il revenait néanmoins à l’assemblée plénière du sénat de se prononcer sur la validité de la démission au moment de la vérification des pouvoirs du successeur. Le service juridique précisa par ailleurs qu’il était exclu qu’une quelconque juridiction puisse être appelée à se prononcer sur la régularité de la composition du sénat.
Dans son rapport à l’intention de la formation plénière, le bureau du sénat conclut qu’il n’y avait pas lieu de mettre en doute la validité de la démission de la requérante. Se ralliant à cet avis, le sénat prit acte de la démission de cette dernière et valida les pouvoirs de son successeur.
En droit – Article 3 du Protocole no 1 : Certes, la Cour a déjà jugé qu’on ne saurait permettre à un parlementaire de révoquer sa démission à tout moment (voir notamment Occhetto c. Italie (déc.), 14507/07, 12 novembre 2013, Note d'information 168). Toutefois, la présente affaire se distingue en ce que la requérante allègue ne pas avoir signé sa démission de son plein gré.
Il ne revient pas à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la démission de la requérante lui avait été extorquée ou était le fruit d’une volonté libre ; cette question n’est de toute manière pas déterminante ici.
En effet, lorsqu’une contestation s’élève à l’égard de la démission d’un membre du parlement qui souhaite se rétracter ou faire valoir que sa démission n’était pas valable au regard du droit interne, le processus décisionnel doit être entouré d’un minimum de garanties contre l’arbitraire.
Premièrement, le pouvoir autonome d’appréciation de l’organe prenant la décision ne doit pas être excessif : il doit être, à un niveau suffisant de précision, circonscrit par les dispositions du droit interne.
Or, tel n’était pas le cas en l’espèce. En effet, ni la loi ni le règlement du sénat ne prévoyaient de procédure pour les cas de rétractation de la démission d’un sénateur. En particulier, aucune disposition ne déterminait si la démission produisait par elle-même ses effets et était irrévocable, ou si elle ne devenait irrévocable qu’après l’approbation de celle-ci par l’assemblée plénière.
Deuxièmement, la procédure elle-même doit présenter des garanties contre l’arbitraire : elle doit être de nature à permettre aux personnes concernées de faire valoir leur point de vue et à éviter tout abus de pouvoir de la part de l’autorité compétente.
Or, tel n’a pas non plus été le cas en l’espèce :
–  certes, le règlement du sénat prévoyait que le bureau était appelé à vérifier les pouvoirs du successeur de la requérante et ainsi, indirectement, la régularité de la démission de la requérante. Mais ni la requérante ni son conseil ne furent entendus par le bureau. La requérante ne fut pas non plus invitée à présenter ses arguments par écrit avant l’adoption du rapport ;
–  en l’absence de dispositions légales ou réglementaires, le bureau a indiqué avoir appliqué quatre principes pour évaluer la validité de la démission de la requérante. Mais aucune motivation n’a été donnée quant aux raisons pour lesquelles le bureau a rejeté la thèse de la requérante ;
–  parmi les membres du bureau figuraient deux sénateurs qui étaient directement mis en cause par la requérante comme ayant participé à la contrainte exercée sur elle lors de la signature de la lettre de démission litigieuse. Or il ne ressort pas du dossier que ceux-ci se soient abstenus de participer au débat relatif à la régularité de la démission de la requérante : le bureau s’étant réuni à huis clos, il n’est pas possible de savoir quelle a été leur part dans la discussion. La composition du bureau du sénat n’était donc pas ici de nature à protéger la requérante contre l’apparence d’un poids prépondérant dans le processus décisionnel des sénateurs directement mis en cause ;
–  le déroulement de la séance plénière du sénat n’a pas permis de remédier aux défaillances de la procédure suivie par le bureau. En effet, d’une part, les deux sénateurs susmentionnés furent également présents lors de la séance plénière, et rien n’indique qu’ils se soient abstenus de voter. D’autre part, la requérante n’a pas eu la possibilité d’être entendue puisqu’elle fut empêchée d’entrer dans la salle par les services de sécurité.
Ces carences du processus décisionnel d’acceptation de la démission de la requérante de son mandat de sénatrice ont porté atteinte à la substance même de ses droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1.
Conclusion : violation (six voix contre une).
Article 41 : 5 000 EUR pour préjudice moral ; demande pour dommage matériel rejetée.
 
© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
Cliquez ici pour accéder aux Notes d'information sur la jurisprudence

Full & Egal Universal Law Academy