GEORGESCU c. ROUMANIE
Karar Dilini Çevir:
GEORGESCU c. ROUMANIE

 
 
 
 
QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 62797/15
Ana-Maria GEORGESCU
contre la Roumanie
 
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant le 30 avril 2019 en un comité composé de :
Paulo Pinto de Albuquerque, président,
Egidijus Kūris,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 décembre 2015,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  La requérante, Mme Ana-Maria Georgescu, est une ressortissante roumaine née en 1954 et résidant à Bucarest. Elle a été représentée devant la Cour par Me C. Constantin, avocate à Bucarest.
2.  Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.
A.  Les circonstances de l’espèce
3.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
4.  Le 26 septembre 1990 fut signé à Paris l’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur le statut et les modalités de fonctionnement des centres culturels (« l’Accord » ; paragraphe 20 ci-dessous) sur la base duquel fut créé l’Institut français de Bucarest (« l’Institut »).
5.  Le 11 janvier 1992, la requérante, de nationalité roumaine, fut embauchée pour travailler à l’Institut en tant qu’hôtesse d’accueil. Le contrat de travail conclu à cette fin mentionnait, d’une part, « Monsieur le directeur de l’Institut français de Bucarest (l’employeur) » et, d’autre part, la requérante en tant qu’employée. Le contrat était conclu pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction. Il portait en en-tête l’intitulé de l’ambassade de France en Roumanie (« l’ambassade »). Ce contrat de travail fut régulièrement prolongé.
6.  Pendant l’année 1999, la requérante fut détachée temporairement au département de coopération culturelle de l’ambassade.
7.  Le 17 octobre 2000, la requérante réintégra l’Institut à un poste de secrétaire administrative du service des cours de langue. Le contrat de travail conclu à cette occasion mentionnait que l’Institut français de Bucarest avait été créé en vertu de l’Accord, et il désignait l’Institut, représenté par son directeur, en tant qu’employeur, et la requérante en tant qu’employée. L’article 24 dudit contrat précisait que « tout litige portant sur la conclusion, la modification et la cessation du présent contrat représent[ait] un litige de travail et sera[it] soumis au tribunal [départemental] du Secteur 1 de Bucarest, conformément à la loi roumaine ».
8.  Le 1er janvier 2012, l’Institut français de Bucarest devint l’Institut français de Roumanie (« l’IFR »).
9.  Entre-temps, en 2011, la requérante avait saisi le tribunal départemental de Bucarest (« le tribunal départemental ») d’une action relative à un litige du travail dirigée contre l’Institut, devenu l’IFR, sollicitant la régularisation de sa situation et de ses droits salariaux à la lumière de ses fonctions réelles au sein de l’IFR, ainsi qu’une indemnisation pour la souffrance qu’elle disait lui avoir été causée par l’IFR.
10.  L’IFR versa au dossier un mémoire en défense dans lequel il soulevait une exception tirée de son absence de personnalité juridique. Il y précisait qu’il dépendait de l’État français dans son fonctionnement, y compris pour les aspects administratif et budgétaire. Subsidiairement, il sollicitait le rejet de l’action pour défaut de fondement.
11.  Lors de l’audience du 15 novembre 2013, tenue devant le tribunal départemental, la requérante, représentée par un avocat, répliqua qu’il convenait d’appliquer en l’espèce l’article 41 § 2 du code de procédure civile (« le CPC »), qui prévoyait que les sociétés dépourvues de personnalité juridique pouvaient ester en justice si elles avaient leurs propres organes de direction (paragraphe 18 ci-dessous). Elle expliqua que non seulement l’IFR était mentionné comme employeur dans son contrat de travail et payait les charges liées à son salaire, mais qu’en vertu de l’Accord il disposait de ses propres organes de direction.
12.  Par un jugement avant dire droit du 22 novembre 2013, le tribunal départemental rejeta l’exception soulevée par l’IFR. Pour ce faire, après avoir rappelé la teneur de l’article 41 § 2 du CPC, il nota qu’il ressortait des pièces du dossier que l’IFR était un établissement public, constituant une entité rattachée à la mission diplomatique de la République française en Roumanie, dépourvu de la personnalité juridique, mais doté d’organes de direction propres. Considérant qu’il s’agissait d’un litige du travail et qu’il ressortait du contrat de travail que l’employeur était l’IFR, le tribunal départemental rejeta l’exception tirée de l’absence de personnalité juridique comme mal fondée.
13.  Ce jugement avant dire droit pouvait être contesté en même temps que l’arrêt tranchant le fond de l’affaire.
14.  Par un arrêt du 17 octobre 2014 portant sur le fond de l’affaire, le tribunal départemental accueillit partiellement l’action de la requérante.
15.  L’IFR et la requérante, représentée par un avocat, formèrent chacun un recours contre l’arrêt rendu par le tribunal départemental le 17 octobre 2014. L’IFR fit valoir qu’il ne bénéficiait pas de la capacité d’ester en justice. La requérante répliqua qu’en application de l’article 41 § 2 du CPC l’IFR avait bien cette capacité.
16.  Par un arrêt définitif du 25 juin 2015, la cour d’appel de Bucarest (« la cour d’appel ») fit droit au recours de l’IFR et rejeta l’action de la requérante. Elle nota que le jugement avant dire droit du 22 novembre 2013 du tribunal départemental (paragraphe 12 ci-dessus) était fondé sur une interprétation erronée de l’article 41 du CPC. Elle expliqua que, en vertu de l’Accord, l’IFR était un établissement public placé sous l’autorité de l’ambassade de la République française en Roumanie, qu’il fonctionnait comme une entité rattachée à la mission diplomatique de la République française en Roumanie, qu’il ne disposait pas de la personnalité juridique et qu’il n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 41 § 1 du CPC (paragraphe 18 ci-dessous).
17.  La cour d’appel constata ensuite que l’IFR ne se trouvait pas non plus dans l’une des situations prévues par l’article 41 § 2 du CPC. Elle releva qu’il ne pouvait être considéré ni comme étant une association – non constitué sur la base de l’ordonnance du gouvernement no 26/2000 relative aux associations et aux fondations, il ne remplissait pas les conditions légales posées pour la constitution et le fonctionnement d’une association – ni, dès lors qu’il avait été constitué par un accord intergouvernemental, comme une société de droit privé. La cour d’appel conclut que, dans la mesure où l’IFR ne jouissait pas de la personnalité juridique et n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 41 § 2 du CPC, l’action de la requérante avait été dirigée contre une personne ne disposant pas de la capacité d’ester en justice.
B.  Le droit interne et les autres documents internationaux pertinents
1.  Le droit interne
18.  Les articles pertinents en l’espèce du CPC tels qu’ils sont restés en vigueur jusqu’au 15 février 2013 se lisent ainsi :
Article 41
« 1. Toute personne qui a la jouissance (are folosință) des droits civils peut être partie à la procédure.
2. Les associations ou les sociétés qui ne jouissent pas de la personnalité juridique peuvent ester en justice, si elles disposent d’organes directeurs propres. »
Article 132
« Le premier jour de comparution, le tribunal peut octroyer au demandeur un délai lui permettant de compléter ou modifier sa demande et de proposer de nouvelles preuves. En pareil cas, le tribunal décide d’ajourner l’affaire et de communiquer la demande ainsi modifiée au défendeur, pour permettre à ce dernier de compléter son mémoire en défense. (...) »
Article 134
« Est considéré comme étant le premier jour de comparution le jour où les parties, dûment informées par notification, sont à même de présenter leurs conclusions. »
19.  L’article 9 (2) du nouveau code de procédure civile, entré en vigueur le 15 février 2013, prévoit ce qui suit :
« L’objet et les limites du procès sont circonscrits par les demandes et les défenses des parties. »
2.  Les documents internationaux
20.  L’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur le statut et les modalités de fonctionnement des centres culturels, signé à Paris le 26 septembre 1990, prévoit ce qui suit dans ses parties pertinentes en l’espèce :
Article 1
« Les Parties conviennent de la création d’un institut français à Bucarest, d’autres centres culturels français notamment à Cluj, Iasi et Timisoara et de centres culturels roumains en France dont un à Paris, ci-après dénommés « Centres culturels. »
Article 3
« L’Institut français de Bucarest ainsi que les autres centres culturels français en Roumanie sont placés sous l’autorité de l’ambassade de France en Roumanie, les centres culturels roumains sont placés sous l’autorité de l’ambassade de Roumanie en France et de la Fondation culturelle roumaine. »
Article 6
« Les centres culturels exercent leurs activités dans le respect du droit interne de l’État d’accueil, sous réserve des dispositions du présent Accord et du droit international. »
Article 10
« Les centres culturels disposent de la capacité de passer, dans l’État d’accueil, les actes nécessaires à leur fonctionnement. »
Article 12
« Les centres culturels bénéficient dans l’État d’accueil, pour tous impôts et taxes à l’exception des taxes dues en contrepartie de services rendus, des mêmes exonérations que les institutions ou services publics relevant du budget de cet État exerçant des activités analogues. Ce régime fiscal est précisé, en tant que de besoin, par échange de lettres transmises par la voie diplomatique.
Le régime fiscal des personnels des centres culturels est réglé par la législation de l’État d’accueil et les dispositions pertinentes de la convention entre les Gouvernements des deux États tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur les revenus, signée le 27 novembre 1974. »
Article 15
« Chaque centre culturel est administré par un directeur chargé de conduire ses activités et d’assurer le fonctionnement de ses services. Le directeur exerce son autorité sur l’ensemble des personnels.
D’un commun accord entre les Parties, les directeurs peuvent être membres du personnel diplomatique de la mission diplomatique de l’État d’envoi. (...) »
21.  L’article 11 de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens (« la Convention de 2004 »), qui vise les contrats de travail, est présenté dans l’arrêt Cudak c. Lituanie ([GC], no 15869/02, § 30, CEDH 2010). La Roumanie a signé cette convention le 14 septembre 2005 et l’a ratifiée par la loi no 438/2006.
GRIEF
22.  La requérante reproche aux juridictions nationales d’avoir rejeté sans l’examiner au fond l’action formée par elle relativement à un litige du travail. Elle y voit une violation de son droit d’accès à un tribunal, tel garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.
EN DROIT
23.  La requérante se plaint du fait qu’en accueillant l’exception du IFR tirée de l’absence de personnalité juridique, la cour d’appel a omis d’examiner le fond de son recours.
Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui se lit ainsi dans sa partie pertinente en l’espèce :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A.  Arguments des parties
1.  Le Gouvernement
24.  Le Gouvernement considère tout d’abord que la requérante n’a pas épuisé les voies de recours internes. À cet égard, il indique que, tant en théorie qu’en pratique, il était loisible à la requérante de saisir les juridictions roumaines d’une action dirigée directement contre l’État français, représenté par son ambassade à Bucarest, soit en élargissant son action déjà introduite auprès du tribunal départemental, soit en saisissant les juridictions internes d’une nouvelle action.
25.  Le Gouvernement soutient ensuite que, compte tenu des termes de l’Accord, même si l’Institut figurait en tant qu’employeur dans les contrats de travail, il n’était qu’une émanation de l’ambassade de France à Bucarest et ne pouvait donc pas ester en justice. Il rappelle qu’il était loisible à la requérante de saisir les juridictions roumaines d’une action dirigée directement contre l’État français, sans que l’immunité de juridiction de l’État pût lui être opposée.
2.  La requérante
26.  La requérante expose qu’elle a conclu le contrat de travail litigieux avec l’IFR, que celui-ci y était désigné en qualité d’employeur, qu’il était enregistré fiscalement en Roumanie et qu’il payait toutes les taxes afférentes aux salaires. Selon elle, l’IFR avait, en application de l’article 41 § 2 du CPC (paragraphe 18 ci-dessus), la capacité d’ester en justice, et la cour d’appel aurait fait une interprétation trop restrictive de la disposition en cause.
B.  Appréciation de la Cour
27.  La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement (paragraphe 24 ci-dessus), la requête étant de toute manière irrecevable pour les raisons qui suivent.
28.  Elle rappelle, à titre liminaire, que l’article 6 § 1 s’applique aux « contestations » relatives à des « droits » de caractère civil que l’on peut dire, au moins de manière défendable, reconnus en droit interne, qu’ils soient ou non protégés de surcroît par la Convention. La contestation peut porter aussi bien sur l’existence même d’un droit que sur son étendue ou ses modalités d’exercice ; enfin, l’issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question (voir, par exemple, Cudak c. Lituanie [GC], no 15869/02, § 45, CEDH 2010). La Cour estime qu’en l’occurrence ces conditions se trouvent remplies, le litige engagé par la requérante devant les juridictions internes portant sur des droits salariaux que l’intéressée estimait découler de ses relations de travail ainsi que sur la question d’un dédommagement pour le préjudice qu’elle disait avoir subi en conséquence du comportement selon elle abusif de l’IFR (paragraphe 9 ci-dessus).
29.  La Cour renvoie ensuite aux principes bien établis de sa jurisprudence relative au droit d’accès à un tribunal (voir, par exemple, Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, §§ 229-230, CEDH 2012).
30.  En l’espèce, la requérante a saisi les juridictions roumaines d’une action portant sur un litige du travail qui était dirigée contre l’IFR. Son action a été rejetée par la cour d’appel, qui n’a pas procédé à l’examen au fond de la demande, considérant que celle-ci avait été engagée contre un établissement qui ne disposait pas de la personnalité juridique et ne pouvait pas ester en justice.
31.  La Cour note que la cour d’appel a fondé la limitation du droit d’accès de la requérante à un tribunal sur l’interprétation faite par elle de l’Accord conclu entre le gouvernement de la Roumanie et celui de la France et sur l’article 41 du CPC (paragraphes 16 et 17 ci-dessus). Cette limitation était donc prévue par la loi et elle poursuivait, de l’avis de la Cour, les buts légitimes d’assurer une bonne administration de la justice et le bon fonctionnement de la coopération internationale (voir, mutatis mutandis, Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, §§ 63 et 72, CEDH 1999‑I).
32.  Pour ce qui est de la question de savoir si ladite limitation était proportionnée au but poursuivi, la Cour note, premièrement, que le tribunal départemental et la cour d’appel ont l’un et l’autre considéré que, en vertu de l’Accord qui avait fondé la constitution même de l’IFR, ce dernier était une émanation de l’ambassade de France à Bucarest et ne bénéficiait donc pas de la personnalité juridique (paragraphes 12 et 16 ci-dessus). Au demeurant, la requérante a soutenu devant les juridictions internes que, en application de l’article 41 § 2 du CPC, qui fixait les conditions que les entités dépourvues de la personnalité juridique devaient remplir pour pouvoir ester en justice, l’IFR devait être considéré comme partie défenderesse dans la procédure (paragraphes 11, 15 et 18 ci-dessus). Ce que la requérante conteste à présent devant la Cour, c’est plus particulièrement la manière dont la cour d’appel a interprété et appliqué en l’espèce l’article 41 § 2 du CPC. À cet égard, la Cour rappelle que l’interprétation de la législation interne incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux (Perez c. France [GC], no 47287/99, § 82, CEDH 2004‑I). Elle n’a pas à tenir lieu de juge de quatrième instance et elle ne remet pas en cause sous l’angle de l’article 6 § 1 l’appréciation des tribunaux nationaux, sauf si leurs conclusions peuvent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables (Bochan c. Ukraine (no 2) [GC], no 22251/08, § 61, CEDH 2015). Or, en l’espèce, la cour d’appel a expliqué de manière motivée et sans apparence d’arbitraire pour quelles raisons l’article 41 § 2 du CPC n’était pas applicable à la situation de l’IFR (paragraphe 17 ci-dessus).
33.  Deuxièmement, la Cour estime qu’il importe d’examiner si la requérante disposait d’une autre voie raisonnable pour protéger efficacement ses droits (voir, par exemple et mutatis mutandis, Waite et Kennedy, précité, §§ 68-74, et Chapman c. Belgique (déc.), no 39619/06, §§ 51-56, 5 mars 2013). À cet égard, elle note qu’il ressort du contrat de travail de la requérante que les parties avaient expressément prévu la compétence du tribunal départemental de Bucarest et de la loi roumaine pour le règlement des litiges du travail (paragraphe 7 ci-dessus). Ainsi, on ne peut considérer que le droit d’accès de la requérante à un tribunal ait été restreint d’emblée ; toutefois, l’intéressée devait diriger son action contre l’entité compétente pour ester en justice. À ce sujet, la Cour note que, selon le droit roumain, en vertu du principe de disponibilité, le demandeur décide librement de l’objet de la procédure et de l’identité du défendeur (paragraphes 18 et 19 ci-dessus). En outre, la requérante, qui a toujours été assistée par un avocat, avait connaissance, en dépit de l’indication de son contrat de travail, qui mentionnait l’IFR, représenté par son directeur, comme employeur (paragraphes 7 et 8 ci-dessus), du défaut de personnalité juridique de l’IFR (paragraphes 10, 11 et 15 ci-dessus). Ce fait a d’ailleurs été confirmé de manière constante par les juridictions internes (paragraphes 12 et 16 ci-dessus). Or, au lieu d’engager une action contre l’entité dont l’IFR était une émanation et qui avait compétence pour ester en justice ou d’étendre à cette entité l’action déjà engagée, la requérante a préféré poursuivre son action contre l’IFR en demandant l’application de l’article 41 § 2 du CPC, voie qui s’est avérée inefficace.
34.  La Cour estime que, pris dans leur ensemble, les textes applicables et les éléments d’information portés à la connaissance de la requérante au cours de la procédure étaient suffisamment clairs quant à la voie de droit qu’elle avait à sa disposition, mais qu’en réalité l’intéressée a laissé cette voie de côté. La Cour souligne qu’à aucun moment de la procédure interne l’immunité de juridiction de l’État français n’a été opposée à la requérante (voir, pour des situations différentes, Cudak, précité, §§ 59-60 et 64-67, et Sabeh El Leil c. France [GC], no 34869/05, §§ 51-54, 29 juin 2011). En outre, tout en tenant compte des engagements internationaux de la Roumanie (paragraphe 21 ci-dessus), la Cour considère qu’il ne lui appartient pas de spéculer sur l’issue qu’aurait pu connaître une action de la requérante engagée directement contre l’État français.
35.  Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances et eu égard, en particulier, à la voie de droit qui s’offrait à la requérante pour protéger efficacement ses droits civils (paragraphe 33 ci-dessus), la Cour considère que la limitation du droit d’accès aux juridictions roumaines à laquelle l’intéressée s’est heurtée ne décèle aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée et qu’il doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 23 mai 2019.
Andrea TamiettiPaulo Pinto de Albuquerque
Greffier adjointPrésident

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