GAVRIILIDOU c. GRÈCE
Karar Dilini Çevir:
GAVRIILIDOU c. GRÈCE

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
Requête no 53987/13
Efthimia GAVRIILIDOU
contre la Grèce
 
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 5 mars 2019 en un comité composé de :
Aleš Pejchal, président,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 19 août 2013,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. La requérante, Mme Efthimia Gavriilidou, est une ressortissante grecque, née en 1961 et résidant à Kozani. Elle a été représentée devant la Cour par Me I. Theofilaktos, avocat au barreau de Kozani.
2. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’État, et Mme K. Karavasili, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.
3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaignait de la durée des procédures engagées par elle devant les juridictions administratives.
4. Le 6 avril 2017, le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention a été communiqué au Gouvernement en ce qui concerne la durée des procédures en première instance et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.
A. Les circonstances de l’espèce
5. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1. La première procédure
6. Le 31 décembre 2001, la requérante et neuf autres personnes saisirent le tribunal administratif de première instance de Kozani, siégeant en formation de trois juges, d’une action collective en dommages-intérêts contre l’organisme d’assurance des agriculteurs (οργανισμός γεωργικών ασφαλίσεων), se plaignant de ne pas avoir bénéficié des allocations familiales qui leur auraient été dues.
7. Une audience fut fixée au 30 janvier 2004, puis au 25 juin 2004 après un ajournement.
8. La requérante se désista de son action le 22 juin 2004.
9. Le 15 juillet 2004, ledit tribunal administratif prononça l’annulation de la procédure (καταργεί τη δίκη) dans le chef de la requérante (décision no 331/2004).
2. La seconde procédure
10. Le 28 janvier 2004, se prévalant de l’article 115 § 5 du code de procédure administrative, la requérante saisit, après « disjonction de l’action collective » (χωρισμό του κοινού δικογράφου), le tribunal administratif de première instance de Kozani, siégeant en formation de juge unique, d’une nouvelle action en dommages‑intérêts, dont l’objet était le même que celui de l’action collective.
11. Le 25 octobre 2004, ledit tribunal fit partiellement droit à l’action de la requérante (décision no 294/2004).
12. Le 10 février 2005, l’organisme d’assurance des agriculteurs interjeta appel contre la décision de première instance.
13. Le 13 septembre 2012, le tribunal administratif de Kozani siégeant en formation de trois juges et statuant en appel fit droit à ce recours et rejeta l’action de la requérante (arrêt no 280/2012). Son arrêt fut notifié à la requérante le 19 février 2013.
B. Le droit interne pertinent
14. La disposition de l’article pertinent en l’espèce du code de procédure administrative se lit ainsi :
Article 115
« 5. Chacun des demandeurs ayant une communauté d’intérêts entre eux (κάθε ομόδικος) a le droit, par disjonction de l’action collective (κατά χωρισμό του κοινού δικογράφου), jusqu’à la date de la première audience, d’introduire une nouvelle action. Dans ce cas, est considérée comme date d’introduction de ce dernier recours celle de l’action collective ».
GRIEF
15. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée des procédures engagées par elle devant les juridictions internes de première instance.
EN DROIT
Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention
16. La requérante considère que la durée des procédures en cause a méconnu le principe du délai raisonnable. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en sa partie pertinente en l’espèce :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
17. Le Gouvernement expose que la période à prendre en compte en l’espèce a commencé le 28 janvier 2004, date de la saisine du tribunal administratif de première instance de Kozani siégeant en formation de juge unique par la requérante, et qu’elle s’est terminée le 25 octobre 2004, date du prononcé de la décision no 294/2004 dudit tribunal. Selon lui, la durée de la procédure en cause a donc été de neuf mois environ pour une instance. Le Gouvernement estime que la date du 31 décembre 2001 ne peut pas être considérée comme la date de début de la procédure, au motif que la requérante s’est désistée de l’action collective. D’après lui, le désistement de la requérante a été confirmé par la décision no 331/2004 portant annulation de la procédure afférente à l’action collective dans le chef de la requérante, prononcée par le tribunal administratif de première instance de Kozani siégeant en formation de trois juges.
18. Le Gouvernement ajoute que la disposition de l’article 115 § 5 du code de procédure administrative relative au dies a quo de la nouvelle action – selon laquelle la date d’introduction de l’action collective est considérée comme étant celle de la nouvelle action – a été instaurée au bénéfice de certains demandeurs à une action collective engagée devant les juridictions administratives, à savoir ceux ayant saisi ces tribunaux en l’absence de la réunion des conditions prévues par ledit code à cet égard. Il considère que, en l’espèce, la Cour ne peut prendre en compte la possibilité ainsi offerte par la loi, et que, par conséquent, elle ne peut conclure, dans le cas de la requérante, au non‑respect du délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
19. Le Gouvernement estime que la durée de neuf mois devant la formation de juge unique du tribunal administratif de première instance de Kozani ne peut pas être considérée comme excessive, et il invite la Cour à déclarer la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement.
20. La requérante réplique que les deux procédures forment un ensemble, et elle se plaint de leur durée globale.
21. La Cour note d’emblée qu’elle ne saurait suivre la requérante dans son raisonnement, car les procédures litigieuses portaient sur deux actions distinctes. Dès lors, pour autant que la requérante se réfère à la première procédure, la Cour note que cette procédure, qui a commencé le 31 décembre 2001, date de la saisine du tribunal administratif de première instance de Kozani siégeant en formation de trois juges, a pris fin le 15 juillet 2004, date du prononcé par ledit tribunal de l’annulation de la procédure en cause dans le chef de la requérante, à la suite du désistement de cette dernière en date du 22 juin 2004. Ladite procédure s’est donc terminée plus de six mois avant l’introduction de la présente requête. Il s’ensuit que cette partie du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention est tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
22. S’agissant de la seconde procédure, la Cour note que celle-ci a commencé le 28 janvier 2004, date à laquelle la requérante a saisi le tribunal administratif de première instance de Kozani siégeant en formation de juge unique d’une nouvelle action, et qu’elle s’est terminée le 25 octobre 2004, date à laquelle ledit tribunal a rendu la décision no 294/2004. Cette procédure a donc duré neuf mois pour une instance. À cet égard, la Cour souscrit à l’argument du Gouvernement selon lequel le fait que la requérante a introduit la nouvelle action, sur le fondement de l’article 115 § 5 du code de procédure administrative, ne peut avoir d’effets sur le dies a quo à prendre en compte pour le calcul de la durée de la procédure relative à cette action.
23. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce, no 50973/08, 21 décembre 2010).
24. En l’occurrence, elle note que la période à prendre en compte s’est étendue sur neuf mois environ, ce qui n’est pas déraisonnable pour une instance (Stavoradis c. Grèce, no 45140/98, 12 octobre 2000 et Schinas c. Grèce [comité], no 36081/09, § 27, 28 mars 2017). En outre, la Cour ne relève pas de périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées tout au long de la procédure litigieuse qui seraient imputables au comportement des autorités internes (voir, Zacharis c. Grèce (déc.), no 32283/02, 14 décembre 2004, et Skoulaki et autres c. Grèce, [comité], no 47731/16, § 15, 14 novembre 2017). Il s’ensuit que la durée de la procédure litigieuse ne saurait être considérée comme incompatible avec les exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.
25. Eu égard à l’ensemble des éléments recueillis, la Cour estime qu’il n’y a pas eu, en l’espèce, dépassement du « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
26. Dès lors, le grief tiré de la durée de la procédure en cause est manifestement mal fondé et il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 28 mars 2019.
              Renata DegenerAleš Pejchal
              Greffière adjointePrésident

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