EUR-Lex -  61978CC0005 - FR
Karar Dilini Çevir:
EUR-Lex -  61978CC0005 - FR

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. FRANCESCO CAPOTORTI,
PRÉSENTÉES LE 15 JUIN 1978 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,

1. 
La présente affaire a trait à la question de savoir si, aux fins de la détermination des montants compensatoires dans le commerce intracommunautaire, il faut appliquer un critère forfaitaire établi par le Conseil pour calculer le montant du prélèvement sur les produits agricoles provenant de pays tiers. Est-il licite ou non pour les autorités douanières nationales d'appliquer ce critère par analogie, quand bien même il en résulterait des montants plus élevés que ceux qui sont nécessaires pour compenser l'incidence des fluctuations monétaires sur les prix des produits de base entrant effectivement dans la composition de la marchandise?
Les faits dont la question est issue sont très simples. Entre janvier et mars 1975, l'entreprise allemande Milchfutter a importé en république fédérale d'Allemagne, au départ des Pays-Bas, quelques lots d'aliments pour veaux consistant en préparations fourragères constituant un succédané du lait. Au dédouanement en Allemagne, l'entreprise a déclaré qu'il s'agissait de marchandises relevant de la position douanière 23.07 B I a) du tarif douanier commun et, plus exactement, du no 3 de cette position (marchandises d'une teneur en poids de produits laitiers égale ou supérieure à 50 % et inférieure à 75 %). C'est ainsi que la marchandise avait été, en fait, classifiée par les autorités douanières néerlandaises aux fins du calcul des montants compensatoires monétaires à l'exportation. Les autorités douanières allemandes ont toutefois jugé qu'il y avait lieu d'appliquer l'article 11 du règlement no 823/68 du Conseil, du 28 juin 1968, déterminant les groupes de produits et les dispositions spéciales relatives au calcul des prélèvements dans le secteur du lait et des produits laitiers. Selon cette disposition, «la teneur en produits laitiers des produits relevant de la sous-position ex 23.07 B est déterminée en affectant la teneur en lactose pour 100 kg du produit en cause du coefficient 2». Comme les marchandises en question possédaient, au regard du critère indiqué, une teneur en produits laitiers supérieure à 75 %, les autorités allemandes ont classé la marchandise sous la position 23.07 B I a) 4 (au lieu de a) 3) du tarif douanier commun et exigé en conséquence le paiement de montants compensatoires monétaires sensiblement plus élevés (169,90 DM au lieu de 127,40 DM et, à partir du 3 mars 1975, 149,40 DM au lieu de 112,10 DM la tonne).
Après avoir vainement formé opposition contre cette décision du Bureau des douanes, l'entreprise a introduit une action en justice devant le Finanzgericht de Münster. Et celui-ci, par ordonnance du 29 septembre 1977, a sursis à statuer en déférant à notre Cour, à titre préjudiciel, les questions suivantes:
«1.
La teneur en “produits laitiers”, résultant de l'application de l'article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 823/68 du Conseil du 28 juin 1968 (JO no L 151, p. 3) et de l'article 1 du règlement (CEE) no 1216/68 de la Commission du 9 août 1968 (JO no L 198, p. 13) est-elle déterminante pour le taux des montants compensatoires monétaires qui doivent être perçus sur les aliments composés pour animaux des positions tarifaires 23.07 B I a) 3 ou 23.07 B I a) 4 du tarif douanier commun, importés des Pays-Bas en république fédérale d'Allemagne de janvier à mars 1975?
2.
En cas de réponse négative à la question no 1 :
La teneur “effective” en produits laitiers est-elle déterminante?
3.
En cas de réponse affirmative à la question no 2:
La méthode selon laquelle la teneur effective en produits laitiers doit être déterminée résulte-t-elle du droit communautaire?
4.
Dans le cadre du système de compensation monétaire, la tarification du pays communautaire d'exportation est-elle obligatoire pour le pays communautaire d'importation?»

2. 
Pour déterminer le niveau tant des prélèvements que des montants compensatoires monétaires relatifs aux divers produits, la Commission n'a pas élaboré de nomenclature ad hoc, mais s'est fondée sur la classification des marchandises, telle qu'elle résulte du tarif douanier commun.
Il ne fait aucun doute, nous l'avons vu, que la marchandise dont il s'agit doit être classée sous la position tarifaire 23.07 B I a), concernant les préparations destinées à l'alimentation des animaux autres que des produits dits «solubles» de poissons et d'une teneur en amidon inférieure ou égale à 10 %. Le point controversé est celui de savoir si le produit doit être classé sous la sous-position 3 qui vise les préparations fourragères d'une teneur en poids en produits laitiers égale ou supérieure à 50 % et inférieure à 75 %, ou sous la sous-position 4 visant les produits fourragers ayant une teneur en poids en produits laitiers d'au moins 75 %.
Dans le but de faciliter les opérations de classification aux fins du calcul du prélèvement, le Conseil a été amené à s'écarter du critère, généralement appliqué en matière douanière, de la composition effective de la marchandise pour donner la préférence au critère forfaitaire déjà mentionné (article 11 du règlement 823/68).
Si I on considère que la composante laitière qui se retrouve le plus fréquemment dans les aliments composés pour animaux est le lait écrémé en poudre et si l'on tient compte de ce que ce produit présente une teneur moyenne en lactose de 50 %, il est facile de constater que l'application du coefficient 2 au pourcentage de lactose contenu dans une préparation fourragère dont la composante laitière est le lait écrémé en poudre aboutit à un résultat plus proche du niveau effectif de cette composante.
Mais, même la Commission reconnaît que cette méthode donne des résultats imprécis, lorsqu'interviennent dans la préparation des aliments pour animaux des composants laitiers dont la teneur en lactose est différente de celle du lait écrémé en poudre. Tel est particulièrement le cas des préparations fourragères contenant du sérum de lait en poudre dans lequel intervient un pourcentage de lactose beaucoup plus élevé que dans le lait en poudre, dans cette hypothèse, la méthode forfaitaire portera à calculer un niveau de composants laitiers supérieur au niveau effectif.
Il est à noter toutefois que cette imprécision n'entraîne pas d'inconvénients pour le fonctionnement d'un régime ayant un caractère indubitablement protectionniste tel que celui du prélèvement. Il est significatif à cet égard de retrouver dans le sixième considérant du règlement du Conseil no 823/68 le passage suivant: «il convient de retenir … la teneur la plus faible possible en amidon et, par contre, la teneur la plus élevée possible en produits laitiers; en effet, les composants laitiers ont une influence sensiblement plus grande sur la formation du prix de revient que les composants céréaliers».
En définitive, aussi longtemps que l'on reste dans le cadre du système des prélèvements, le choix d'un critère forfaitaire basé sur la teneur en lactose d'un produit comme le lait en poudre — qui, parmi les produits laitiers employés dans la composition des fourrages, ne présente pas une des teneurs en lactose parmi les plus élevées — garantit une meilleure protection du principe de la préférence communautaire et contribue, partant, à la réalisation pleine et entière d'un des objectifs essentiels de ce système.

3. 
Aucun texte communautaire ne prévoit qu'en matière de montants compensatoires monétaires inhérents au commerce intracommunautaire, il faut faire application de la disposition de l'article 11 déjà cité, relative au critère forfaitaire de calcul du montant des prélèvements. L'administration allemande des douanes et le juge de renvoi estiment toutefois qu'il y a de bonnes raisons d'exclure, dans le cadre du régime des montants compensatoires monétaires, l'application de critères différents de ceux qui ont été adoptés aux fins du prélèvement.
Il nous semble qu'il faut vérifier tout d'abord s'il est possible de trouver quelqu'indice dans la réglementation communautaire en vigueur.
Le règlement no 1380/75 de la Commission, du 29 mai 1975, portant modalités d'application des montants compensatoires monétaires, établit une distinction entre l'application de ces montants aux échanges avec les pays tiers (titre II) et leur application dans les échanges intracommunautaires (titre III). Alors que, pour les échanges avec les pays tiers, l'article 6 déclare applicables aux montants compensatoires «les dispositions en matière d'octroi de restitutions à l'exportation, de perception de droits de douane ou de prélèvements à l'importation», aucune disposition de ce genre ne se retrouve aux articles 7 et suivants en ce qui concerne l'application des montants compensatoires monétaires dans les échanges intracommunautaires.
Supposons que la règle de l'article 6 précité soit interprétée (comme la manière “large” dont il est formulé peut le permettre) dans le sens d'un renvoi à toutes les dispositions relatives à la perception du prélèvement, en ce compris celles définissant les critères de classification des marchandises en fonction du calcul de ce prélèvement. L'absence d'un renvoi de ce genre là où est réglée la matière des montants compensatoires dans le commerce interne de la Communauté devrait, dans ce cas, induire à considérer que le critère forfaitaire n'est pas applicable en cette matière.
Les autorités douanières allemandes ont soutenu, en revanche, devant la juridiction de renvoi qu'adopter aux fins des montants compensatoires monétaires dans les échanges intracommunautaires un critère de classification douanier différent de celui qui est admis pour les prélèvements par l'article 11 déjà cité, amènerait à classifier des marchandises de même nature sous des positions tarifaires différentes suivant qu'elles seraient de provenance extérieure ou intérieure à la Communauté. A son avis, cette conséquence serait contraire au principe général, en vertu duquel la classification tarifaire d'un marchandise doit être faite indépendamment de sa provenance.
A vrai dire, si l'on se rallie à I'interprétation «large» de l'article 6 du règlement no 1380/75, l'argument de l'administration douanière allemande ne paraît pas pertinent dans le contexte de la présente affaire. Le principe général invoqué par cette administration peut jouer lorsqu'il s'agit d'interpréter le tarif douanier commun aux fins de l'application des droits de douane aux marchandises importées dans la Communauté. A cet égard, il serait certainement inadmissible d'adopter des critères différents pour la classification tarifaire de marchandises identiques. Mais, dans notre cas, l'éventualité d'une classification différenciée se rapporterait à l'application d'un régime d'intervention nettement distinct tant des droits de douane que du prélèvement. La diversité des critères de calcul dans le cadre de ce régime ne peut donner lieu à aucun traitement discriminatoire des marchandises sur le plan douanier.
Cela étant, nous croyons qu'il vaut la peine de rappeler que l'interprétation «large» de l'article 6 précité est tout autre que certaine. Selon l'agent de la Commission, cette disposition se référerait aux procédures sur la base desquelles les autorités douanières nationales remplissent leurs fonctions, plutôt qu'aux règles relatives au calcul des montants à percevoir.

4. 
La juridiction demanderesse, partageant l'idée que le prélèvement et les montants compensatoires monétaires doivent être assujettis à un régime uniforme, a exprimé la crainte que l'application de critères de classification différents pour les deux types de charges mette en péril le fonctionnement des mécanismes d'intervention communautaire en agriculture.
Il est vrai que la compensation monétaire poursuit des buts en partie similaires à ceux du prélèvement; elle sert en effet, elle aussi, à garantir les courants commerciaux normaux et la stabilité des prix. Il y a toutefois des différences fondamentales entre le prélèvement et le régime des montants compensatoires monétaires. En premier lieu, le régime des prélèvements se caractérise, comme nous l'avons dit, par un souci de protection de la production et du commerce communautaire contre la concurrence des produits des pays tiers. Cet élément est étranger au régime des montants compensatoires monétaires. En second lieu, alors que le système du prélèvement remplit de manière permanente une fonction normale de régulation et de protection du marché commun agricole, le mécanisme des montants compensatoires constitue un régime exceptionnel et transitoire visant à éviter, par dérogation aux règles du marché commun, les bouleversements les plus graves que les fluctuations monétaires pourraient provoquer dans le flux des échanges et dans le fonctionnement du régime communautaire d'intervention. Du fait de ce caractère exceptionnel, l'application de ce régime est maintenu dans des limites rigoureuses, ainsi qu'il résulte de votre jurisprudence constante que nous avons eu l'occasion de rappeler récemment dans nos conclusions dans l'affaire Milac. Il faut donc non seulement constater que le mécanisme des montants compensatoires monétaires joue un rôle nettement distinct de celui du prélèvement, mais il convient de noter que l'adoption de critères de calcul, établis pour les prélèvements dans une perspective protectionniste, s'harmoniserait mal avec l'orientation restrictive à laquelle l'interprète du droit doit se tenir face au phénomène des montants compensatoires monétaires.
La Cour a déjà eu l 'occasion de relever que les règles relatives à la mise en œuvre du tarif douanier commun ont simplement une valeur indicative pour la classification des marchandises aux fins de l 'application du prélèvement, alors qu'elles doivent être considérées comme coercitives pour la perception des droits de douane (voir arrêt du 26 avril 1962 dans l'affaire 92/71, Interfood, Recueil 1971, p. 232). A plus forte raison faut-il admettre que les critères établis pour l'application du prélèvement ne peuvent lier dans un cadre aussi différent et visant surtout les échanges internes à la Communauté que l 'est celui des montants compensatoires monétaires.
La Commission s'est déclarée favorable à une extension facultative des critères à l'examen. Elle s'est limitée en effet à affirmer en guise de conclusion aux observations présentées dans la présente procédure qu'en 1975, le droit communautaire«ne faisait pas obstacle» à l'application par les douanes allemandes de la méthode de calcul forfaitaire dans le secteur des montants compensatoires monétaires. Elle a invoqué surtout des raisons d'orde pratique, consistant dans les avantages inhérents à l'adoption de critères de classification uniformes en vue de la perception tant du prélèvement que des montants compensatoires monétaires par les autorités douanières nationales. En particulier, la Commission s'est dite convaincue que l'adoption du critère forfaitaire basé sur un élément objectif d'évaluation facile, tel que la teneur en lactose, contribuerait à faciliter l'accomplissement des tâches incombant à ces autorités, garantissant la sécurité du droit et l'uniformité de traitement des administrés.
Il faut relever toutefois ce qui a été dit au cours de la présente procédure par l'entreprise Milchfutter, à savoir que les autorités douanières hollandaises se basent, pour le calcul des montants compensatoires qu'elles accordent à l'exportation, sur la composition effective du produit. La Commission n'a pas démenti cette affirmation et elle n'a pas dit non plus juger ce mode de calcul inadmissible. Il nous semble que la Commission a pris ainsi une position qui n'est pas entièrement cohérente avec ce qu'elle a affirmé elle-même. La satisfaction d'exigénces générales, telles que la sécurité du droit et l'uniformité de traitement des administrés en ce qui concerne l'application d'un régime communautaire d'intervention, devrait en effet être assurée dans tout le marché commun, et non pas seulement dans le cadre d'un État membre considéré individuellement. Il est clair que ces exigences générales sont négligées si l'on admet que, dans l'application d'un même régime, les autorités de chaque État membre ont le choix entre des critères distincts, susceptibles d'entraîner des classifications différentes d'une seule et même marchandise aux fins du calcul des montants compensatoires monétaires (comme ce fut le cas en l'espèce à l'exportation au départ des Pays-Bas, d'une part, et à l'importation en Allemagne, de l'autre).

5. 
Il convient, par conséquent, que soit adopté un critère unique de classification dans le cadre du régime des montants compensatoires monétaires. Mais lequel?
La première hypothèse à prendre en considération est celle d'une application par analogie de l'article 11 du règlement no 823/68 à la matière des montants compensatoires. Toutefois, la nette différence relevée ci-dessus entre le régime du prélèvement et celui des montants compensatoires monétaires nous incite à considérer qu'il manque les conditions de similitude entre les deux cas qui justifieraient le recours à l'analogie. Ajoutons qu'en conduisant parfois à classifier des marchandises d'une manière différente de ce qu'exigerait leur composition effective et à aggraver ainsi le poids du montant compensatoire, l'application du critère forfaitaire aux fins du calcul des montants compensatoires monétaires peut aboutir à une pénalisation des producteurs des autres États membres par rapport aux producteurs du pays d'importation, susceptible de fausser les conditions de la concurrence dans cet État plus qu'il n'est permis par la poursuite des finalités du régime des montants compensatoires.
On a vu précédemment que l'incidence plus lourde qu'a l'application d'une méthode fictive par rapport à celle qu'aurait la prise en considération de la teneur effective en produits laitiers des marchandises en cause n'est rien moins que négligeable. L'application pure et simple du critère de calcul forfaitaire dans ce secteur risquerait par conséquent d'être en contradiction avec le régime des compensations monétaires dont les interventions, conformément au dernier considérant du règlement no 974/71 du Conseil, «doivent être limitées aux montants strictement nécessaires pour compenser l'incidence des mesures monétaires sur les prix des produits de base pour lesquels des mesures d'intervention sont prévues». Il y aurait contradiction dans la mesure où l'application par analogie dans ce secteur de la méthode de calcul forfaitaire a pour effet de grever une marchandise provenant d'un État membre dans une mesure plus étendue qu'il ne serait nécessaire pour compenser l'incidence négative des mesures monétaires, dans le sens permis par le règlement no 974/71.
Les objections que soulève I application d'un critère d'évaluation forfaitaire et, partant, approximatif pourraient être levées si, en raison de la nature particulière du produit en question ou d'autres circonstances de fait en rapport avec la question, le législateur communautaire estimait formellement indispensable de recourir à ce critère aux fins de garantir l'effet utile de la réglementation communautaire. Ce n'est que moyennant ces conditions que la Cour a jugé admissible un critère forfaitaire établi par le Conseil pour la détermination des restitutions à l'exportation dans les pays tiers de fourrages à base de céréales (arrêt du 11 octobre 1977 dans l'affaire 125/76, Cremer, Recueil 1977, p. 1593). Dans notre cas, en revanche, le législateur communautaire n'a pas imposé l'application du critère forfaitaire dans la matière qui nous intéresse et la Commission elle-même, tout en jugeant le recours à ce critère «admissible en 1975», a dû intervenir ensuite, comme nous le verrons sous peu, afin que les autorités nationales commencent par examiner la composition effective de la marchandise dont il s'agit, avant de procéder à la classification de celle-ci aux fins de l'application de la compensation monétaire. Nous noterons, par parenthèse, que c'est là que réside probablement l'explication du peu de cohérence que nous avons signalé, de la position de la Commission sur ce point.

6. 
Il ne fait aucun doute qu'il ne peut être satisfait adéquatement à l'exigence restrictive exprimée dans le dernier considérant du règlement no 974/71, que nous avons déjà cité, qu'en modulant le montant compensatoire en fonction de la composition réelle de la marchandise. Toutefois, il ne serait pas juste de négliger les difficultés d'ordre pratique signalées par la Commission et qui peuvent faire obstacle à la vérification de cette composition et, partant, à la détermination de la proportion effective des composants laitiers contenus dans la marchandise à classifier. Cela dit, il convient de voir si la pratique suivie par la Commission ne fournit pas certaines indications utiles pour résoudre le problème d'une manière qui soit non seulement correcte sur le plan des principes, mais corresponde également à des considérations d'ordre pratique.
Il convient de rappeler tout d'abord que, par l'arrêt du 3 mai 1978 dans l'affaire 131/77, Milac, la Cour a déclaré non valide le règlement no 539/75 de la Commission, du 28 février 1975, dans la mesure où celui-ci fixait les montants compensatoires monétaires applicables aux échanges de sérum de lait en poudre, motif pris de ce que le sérum de lait ne figure pas parmi les produits auxquels l'application de montants compensatoires monétaires est autorisée par le règlement du Conseil no 974/71. Il s'ensuit qu'à tout le moins pour ce qui est des rapports encore pendants, les autorités communautaires et nationales devront faire abstraction du sérum de lait dans le calcul des montants compensatoires. Nous savons que le sérum de lait en poudre intervient souvent dans la composition des fourrages et il semble que tel soit le cas également des marchandises dont la classification se trouve en litige en l'espèce.
Il est clair que l'application pure et simple du critère forfaitaire indiqué ci-dessus, basé sur le contenu du produit en lactose, sans possibilité pour l'entreprise de fournir la preuve du contraire, ne tiendrait pas compte de la nécessité, déjà signalée, de faire abstraction du sérum de lait dans le calcul des montants compensatoires. Or, il est très significatif que la Commission, après avoir renoncé (par le règlement no 1824/77) à l'application de montants compensatoires monétaires au sérum de lait en poudre, a modifié en conséquence les règles d'application des montants compensatoires monétaires par le règlement no 3005/77 du 22 décembre 1977. En ce qui concerne en particulier la position tarifaire 23.07 B, ce règlement prévoit qu'en matière d'accomplissement des formalités douanières, l'intéressé doit préciser la teneur effective en poids des divers composants laitiers spécifiquement indiqués. Dans les observations qu'elle a présentées dans la présente affaire, la Commission a souligné que les autorités douanières peuvent vérifier le bien-fondé de ces indications, en se servant également à cet effet du dossier de fabrication délivré par le producteur. Ce n'est que dans la mesure où elle ne parvient pas à dissiper les doutes qu'elle peut éprouver éventuellement que l'autorité douanière nationale peut recourir au critère de calcul forfaitaire basé sur la teneur en lactose de la marchandise. Cela montre que la Commission elle-même juge aujourd'hui praticable et préférable d'appliquer à titre principal une méthode de classification basée sur la composition effective de la marchandise.
D'autre part, il résulte de l'arrêt Milac précité que la situation, à laquelle la Commission a entendu faire face grâce à l'adoption du règlement no 3005/77, existait dès 1975. Nous croyons, par conséquent, que les mêmes critères doivent être également appliqués aux opérations du genre de celles dont il s'agit dans le cas d'espèce (à tout le moins dans la mesure où il s'agit de rapports non encore parfaits).
Le souci d'éviter les risques de fraude, sans alourdir toutefois inutilement les tâches des autorités frontalières en matière de montants compensatoires monétaires, pourrait éventuellement justifier, dans les cas où il n'y aurait pas de moyens adéquats d'évaluation et où il subsisterait des doutes sur la composition réelle de la marchandise, le recours à une méthode forfaitaire de calcul basée sur un élément objectif qui puisse être considéré comme moyennement représentatif. Dans cet ordre d'idées, il serait également admissible, mais seulement à titre subsidiaire, de recourir au critère forfaitaire basé sur la teneur en lactose des fourrages, définie en fonction du produit le plus largement employé dans la composition des marchandises dont il s'agit, c'est-à-dire le lait écrémé en poudre.

7. 
Les considérations qui précèdent répondent aux trois premières questions préjudicielles.
Dans la quatrième question, il nous est demandé si, en matière de montants compensatoires monétaires, la classification tarifaire opérée par l'État membre exportateur lie également l'État membre importateur.
Le problème a une portée plus étendue que les autres, étant donné qu'il porte sur un aspect fondamental du fonctionnement du régime des montants compensatoires, considéré dans son ensemble.
La Commission a affirmé qu'elle cherche depuis longtemps à faire accepter, par les États membres, le principe du caractère obligatoire de la première classification tarifaire, mais qu'elle n'y a pas encore réussi. Elle estime que, jusqu'à ce qu'une réglementation spécifique ait été adoptée en la matière, chaque État membre conserve le pouvoir de décider de manière autonome de la classification tarifaire des produits, tant à l'importation qu'à l'exportation.
Un système de ce genre est manifestement susceptible de provoquer des distorsions dont les classifications divergentes de la même marchandise que nous avons vu opérer en l'espèce par les autorités de l'État d'exportation et par celles de l'État d'importation fournissent un exemple. Il s'ensuit, en effet, — comme nous l'avons relevé ci-dessus — que le montant compensatoire versé par les Pays-Bas à l'exportation se situera à un niveau inférieur au montant compensatoire perçu à l'importation par les autorités allemandes.
La référence à des critères de base uniformes pour la classification de la marchandise pourra réduire en pratique la fréquence de telles distorsions. En outre, il convient de rappeler que, par le règlement no 1556/77 du 11 juillet 1977 (Journal officiel no L 173, p. 10) — qui a modifié le règlement no 1380/75 précité — la Commission, outre qu'elle a fait obligation aux entreprises de fournir dans la déclaration en douane toutes les indications sur la composition de la marchandise qui servent au calcul des montants compensatoires monétaires, a également imposé la coopération entre les autorités de l'État membre exportateur et celles de l'État membre importateur aux fins de garantir l'application uniforme de ce régime et d'éviter les irrégularités. Il est évident qu'en matière de composition des produits, les contrôles qui peuvent être effectués dans le pays de production promettent d'être plus précis et efficaces et, en outre, plus aisés que ceux qui peuvent normalement être accomplis au moment du dédouanement de la marchandise dans le pays destinataire.
De son côté, l'entreprise Milchfutter a invoqué le principe sanctionné par la Cour dans l'arrêt du 15 décembre 1976 dans l'affaire 35/76 (Simmenthal, Recueil 1976, p. 1872). Dans cet arrêt, la Cour a affirmé qu'en matière de contrôles sanitaires des viandes, le système de contrôle uniforme instauré par les directives communautaires et fondé sur l'équivalence des garanties imposées en la matière par tous les États membres vise à déplacer le contrôle vers l'État membre d'expédition et rend, par conséquent, superflus les contrôles sanitaires de caractère systématique opérés à la frontière par les autorités de l'État destinataire en les privant de toute justification au sens de l'article 36 du traité de la CEE. Selon l'entreprise Milchfutter, ce principe, défini en relation avec l'application des régimes nationaux harmonisés, devrait s'appliquer à plus forte raison dans le cadre du système de compensation monétaire, ce dernier constituant un régime communautaire uniforme et, qui plus est, financé par la Communauté elle-même. L'entreprise Milchfutter ajoute que, si elle n'était pas d'accord avec la classification tarifaire effectuée par le pays exportateur, l'autorité douanière du pays importateur aurait toujours la possibilité de s'adresser à la Commission pour obtenir, dans le cadre du comité de gestion compétent, une prise de position susceptible d'assurer une classification uniforme du produit sur lequel porte la divergence de vue.
Il convient de dire toutefois qu'il n'y a pas coïncidence parfaite et entière entre le précédent invoqué par l'entreprise Milchfutter et le cas présent. L'exécution, par les autorités douanières, de leur tâche normale de classification tarifaire des marchandises ne peut être située, en effet, sur le même plan que des interventions restrictives en matière d'importation justifiables seulement sur la base de l'article 36 du traité.
En l'état actuel du droit communautaire, on ne saurait, à notre avis, dénier à chaque État membre le droit de procéder, par l'intermédiaire de ses propres autorités douanières, à la classification des marchandises importées ou exportées, quel que soit l'objectif de cette classification.
On ne saurait cependant nier non plus que l'activité propre de chaque autorité douanière peut constituer une entrave aux échanges entre les États membres lorsque, comme en l'espèce, elle fait obstacle au fonctionnement correct des mécanismes communautaires d'intervention et peut se traduire par une charge indue pour l'exportateur ou l'importateur.
Compte tenu de l'intérêt qu'il peut y avoir à éviter de tels inconvénients, il nous semble donc qu'il serait raisonnable d'admettre également dans cette matière un critère d'exclusion des contrôles nationaux systématiques, semblable à celui que vous avez jugé applicable en matière de contrôles sanitaires.
En substance, les autorités douanières de l'État importateur devraient normalement accepter, sans qu'il soit besoin de contrôle, la classification opérée par l'État d'exportation; mais cela ne porterait pas préjudice à leur pouvoir de procéder à un nouveau contrôle de la marchandise et, éventuellement, à une classification autonome. Du fait des exigences de collaboration communautaire que nous avons précisées et dans l'attente d'une réglementation excluant tout contrôle «a posteriori», l'exercice de ce pouvoir devrait se limiter aux cas dans lesquels des indices valables font douter de la pertinence de la décision des autorités douanières de l'État de provenance. Dans les cas de ce genre, une classification différente de celle opérée par cet État ne serait admissible qu'à la condition qu'il soit prouvé que la classification précédente est erronée, et cela à la lumière des critères uniformes que nous avons cherché à définir ci-dessus.

8. 
Nous conclurons par conséquent en proposant à la Cour de répondre aux questions qui lui ont été déférées par le Finanzgericht de Munster par l'ordonnance du 29 septembre 1977, en disant que:
a)
le taux des montants compensatoires monétaires relatifs aux préparations fourragères visées aux chiffres 3 et 4 de la position 23.07 B I a) dans le commerce entre les États membres est déterminé par référence à la teneur effective en composants laitiers, également lorsqu'il s'agit d'opérations réalisées en 1975;
b)
le recours au critère forfaitaire de calcul établi par l'article 11, paragraphe 1, du règlement no 823/68 du Conseil, du 28 juin 1968, concernant l'application du prélèvement aux importations en provenance de pays tiers n'est admissible en matière de montants compensatoires monétaires que s'il n'existe aucune possibilité d'établir la composition effective de la marchandise en cas de contestation;
c)
la classification effectuée par l'État de provenance pour l'application du régime des montants compensatoires monétaires ne lie pas, en principe, l'État d'importation; toutefois, le souci d'assurer le fonctionnement correct du régime des montants compensatoires doit inciter l'État importateur à s'abstenir de tout contrôle systématique de la marchandise et, en tout état de cause, à ne pas effectuer une classification de la marchandise différente de celle opérée par l'État de provenance, à moins que le caractère erroné de la première classification ne soit objectivement démontré.
( 1 ) Traduit de l'italien.

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