E-7849/2008 - Abteilung V - Asile et renvoi (recours réexamen) - Décision sur réexamen
Karar Dilini Çevir:
E-7849/2008 - Abteilung V - Asile et renvoi (recours réexamen) - Décision sur réexamen
Cour V
E-7849/2008
{T 0/2}
A r r ê t d u 1 5 d é c e m b r e 2 0 0 8
Maurice Brodard, juge unique,
avec l'approbation de Martin Zoller, juge ;
Christian Dubois, greffier.
A._______, né le (...),
Bosnie et Herzégovine,
représenté par le Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s
(SAJE),
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Exécution du renvoi (réexamen) ; décision de l'ODM du
5 novembre 2008 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-7849/2008
Faits :
A.
Le 4 janvier 2003, A._______, ressortissant de Bosnie et Herzégovine
d'ethnie serbe, a demandé l'asile à la Suisse.
B.
Par décision du 24 mars 2003, l'Office fédéral des réfugiés
(actuellement et ci-après, Office fédéral des migrations; ODM), a rejeté
cette demande. Il a par ailleurs ordonné le renvoi de l'intéressé et
l'exécution de cette mesure qu'il a estimée licite, exigible et possible.
C.
Le recours formé par le requérant contre ce prononcé du 24 mars
2003 a été rejeté, par arrêt du Tribunal administratif fédéral (ci-après,
le Tribunal) du 15 août 2008.
D.
Par acte du 21 octobre 2008, A._______ a sollicité la reconsidération
de la décision d'exécution du renvoi du 24 mars 2003 et l'obtention de
l'admission provisoire en Suisse, motif pris d'une modification notable
des circonstances rendant inexigible l'exécution de son renvoi en
Bosnie et Herzégovine. Il a requis à titre incident les mesures
provisionnelles et la dispense du paiement des frais de procédure.
L'intéressé a produit un rapport médical délivré le 29 septembre 2008
par M. B._______, psychothérapeute, ainsi que par la doctoresse
C._______, cheffe de clinique, de l'assocation "D._______". A l'appui
de sa demande, il a indiqué souffrir d'une modification durable de la
personnalité après expérience de catastrophe du type F 62.0
(selon la classification internationale des troubles mentaux et des
troubles de comportement de l’OMS ; ci-après, CIM) associée à un
épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques (CIM – F
32.3), lesquelles trouveraient leur origine dans des événements
traumatisants vécus par le patient pendant la guerre. A._______
s'est plaint de cauchemars, de troubles de l'appétit, de maux de tête et
de tremblements. Il a expliqué que ces affections s'étaient aggravées
suite à la décision de renvoi de Suisse et qu'elles nécessitaient un
suivi psychothérapeutique d'une durée de plus de deux ans (à raison
d'un entretien hebdomadaire) inaccessible, selon lui, en Bosnie et
Herzégovine. Invoquant son important handicap physique, la situation
économique générale précaire de son pays d'origine, mais aussi
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l'absence de réseau social et familial dans cet Etat, le requérant a fait
valoir qu'il ne disposait pas des ressources psychologiques et
économiques suffisantes pour se réinsérer tant professionnellement
que socialement après son retour.
E.
Par décision du 5 novembre 2008, l’ODM a écarté la demande de
réexamen de A._______. Il a estimé que les affections de ce dernier
n'étaient pas graves et pouvaient être traitées en République serbe de
Bosnie. Il a notamment relevé que les soins dans le domaine
psychique étaient disponibles sans restriction dans ce pays. Il en outre
refusé d'accorder les mesures provisionnelles.
F.
Par recours du 8 décembre 2008, A._______ a conclu à l'annulation
de cette décision et à l'octroi de l'admission provisoire. Il a à nouveau
requis l'octroi des mesures provisionnelles ainsi que l'assistance
judiciaire partielle. Reprenant son argumentation développée en
procédure de première instance, il a plus particulièremement exclu
toute possibilité d'être traité dans son pays d'origine, raison pour
laquelle son rapatriement l'exposerait à une dégradation rapide de son
état de santé mettant sa vie en péril. De l'avis du recourant, l'ensemble
des éléments invoqués tant en procédure ordinaire qu'à l'appui de sa
demande de réexamen pour justifier le caractère non raisonnablement
exigible de l'exécution de son renvoi en Bosnie et Herzégovine permet
de conclure qu'une telle mesure le mettra concrètement en danger.
G.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, si besoin
est, dans les considérants en droit qui suivent.
Droit :
1.
1.1 Le Tribunal statue de manière définitive sur les recours contre les
décisions de l'ODM (art. 105 LAsi et art. 31 à 34 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32 ; art. 83
let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral
[LTF, RS 173.110]).
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1.2 A._______ a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 de la loi fédérale
du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative; [PA,
RS 172.021]) et son recours, présenté dans la forme (art. 52 PA)
ainsi que le délai légal (art. 50 al. 1 PA), est recevable.
1.3 Le Tribunal applique le droit d'office, sans être lié par les motifs
invoqués à l'appui du recours (art. 62 al. 4 PA par renvoi des art. 6
LAsi et 37 LTAF) ou par l'argumentation juridique développée dans la
décision entreprise (cf. PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. II, 2e éd.,
Berne 2002, p. 265; voir également la jurisprudence publiée sous
Jurisprudence et Informations [JICRA] 1994 n° 29 consid. 3 p. 207
de l'ancienne Commission de recours en matière d'asile [ci-après,
la Commission]).
2.
En l'occurrence, la question à trancher est celle de savoir si les
problèmes psychiques invoqués par l'intéressé à l'appui de sa
demande de réexamen du 21 octobre 2008 autorisent à conclure à
une modification notable des circonstances (postérieure à l'arrêt sur
recours du Tribunal du 15 août 2008; cf. JICRA no 2003 no 17 consid.
2a p. 103s.) rendant inexigible l'exécution de son renvoi en Bosnie et
Herzégovine.
3.
3.1
3.1.1 L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi, a contrario).
Elle est régie par l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16
décembre 2005 (LEtr, RS 142.20) entrée en vigueur le 1er janvier
2008. Bien que les définitions contenues aux al. 2 à 4 de la disposition
précitée, relatives au caractère possible, licite et exigible de l'exécution
du renvoi, comprennent des modifications rédactionnelles par rapport
à l'ancien art. 14a al. 2 à 4 LSEE, leur contenu matériel n'a pas
changé, de sorte que la jurisprudence en la matière demeure
applicable (cf. Message concernant la loi sur les étrangers, du 8 mars
2002, FF 2002 3573 s. ; Message concernant la modification de la loi
sur l'asile, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie et de la loi
fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 4 septembre 2002,
FF 2002 6403).
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3.1.2 Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution du renvoi peut ne
pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de
l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met
concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre
civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Cette
disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence",
soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité
de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés,
mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de
violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour
reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce
qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin
(JICRA 1998 no 22 consid. 7a p. 191).
Quant aux "réfugiés de facto" (au sens large du terme), quelle que soit
l'origine du départ de leur pays, leur existence est réputée mise en
danger dès lors qu'objectivement, au regard des circonstances
d'espèce, ceux-ci seraient selon toute probabilité condamnés à devoir
vivre durablement en dessous du minimum vital, donc conduits
irrémédiablement à un dénuement complet, exposés à la famine, à
une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la
mort. En revanche, les difficultés socio-économiques vécues par la
population locale, en particulier en matière de pénurie de logements et
d'emplois, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger
(JICRA 1994 no 19 consid. 6b p. 149). Dans le cadre de l'analyse des
cas d'espèce, il convient de faire appel à des critères aussi divers que
les attaches avec la région de réinstallation, notamment les relations
familiales et sociales, les séjours antérieurs, respectivement les
emplois qu'on y a exercés, les connaissances linguistiques et
professionnelles acquises, le sexe, l'âge, l'état de santé, l'état civil,
ou encore les charges de famille (ibid.).
L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas
confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se
trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du
renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de
Suisse (JICRA 1998 no 22 consid. 7a p. 191 et jurisp. citée).
3.1.3 Comme on vient de l'entrevoir, l'art. 83 al. 4 LEtr, auquel renvoie
l'art. 44 al. 2 LAsi, vaut notamment pour les personnes dont l'exécution
du renvoi ne peut être raisonnablement exigée parce qu'en cas de
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retour dans leur pays d'origine ou de provenance, elles pourraient ne
plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions
minimales d'existence ; par soins essentiels, il faut entendre les soins
de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la
garantie de la dignité humaine (JICRA 2003 no 24 consid. 5b p.157s.).
L'art. 83 al. 4 LEtr, disposition exceptionnelle tenant en échec une
décision d'exécution du renvoi, ne saurait en revanche être interprétée
comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit
par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales
visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que
l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays
d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteint pas le standard
élevé qu'on trouve en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires
peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de
l'étranger concerné, l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces
pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, au sens de
l'art. 83 al. 4 LEtr si, en raison de l'absence de possibilités de
traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très
rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en
danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et
notablement plus grave de son intégrité physique (JICRA 2003
susvisée, ibidem).
3.1.4 Cela dit, il sied de préciser que si, dans un cas d'espèce,
le mauvais état de santé ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité
sur la base des critères qui précèdent, il peut demeurer un élément
d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans le cadre de
la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de
l'exécution du renvoi (cf. jurisprudence précitée, ibidem).
3.2 Dans leur rapport médical du 29 septembre 2008 (cf. ch. 4.1, p. 3),
les praticiens consultés précisent sous rubrique "pronostic sans
traitement" ce qui suit: "les traumatismes et les séquelles du handicap
sont toujours présents et nécessitent ... un long travail d'élaboration
afin de permettre à A._______ de s'investir à nouveau à un niveau
psychosocial." A la lumière d'un tel constat, le Tribunal ne voit pas
comment un éventuel arrêt de la psychothérapie prescrite par ces
praticiens pourrait provoquer une dégradation de l'état de santé de
l'intéressé susceptible de conduire d'une manière certaine à la mise
en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et
notablement plus grave de son intégrité physique (cf. consid. 3.1.3 ci-
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dessus). Point n'est dès lors besoin de vérifier plus avant si les
affections psychiques de A._______ auraient déjà dû être invoquées
en procédure ordinaire et si elles peuvent ou non être traitées en
Bosnie et Herzégovine, comme l'affirme l'ODM (cf. décision attaquée,
consid. I, p. 1s.).
Dans son arrêt du 15 août 2008 (cf. let. E et G et consid. 5.5), l'autorité
de recours a pour sa part constaté que A._______ avait été opéré
avec succès à la hanche gauche, le 13 janvier 2005, et qu'aucun
traitement, manuel ou pharmacologique, ne lui avait été prescrit
depuis 2006. Elle a par ailleurs observé que les inconvénients liés à la
différence d'environ deux à trois centimètres de longueur entre les
membres inférieurs pouvaient être atténués par une élévation de deux
à trois centimètres de la talonnette d'un centimètre de haut
déjà utilisée par l'intéressé. L'autorité de céans a en outre jugé que les
séquelles de l'infirmité passée de ce dernier n'étaient pas invalidantes
au point de l'empêcher de reprendre une activité professionnelle.
Elle a, enfin, noté qu'en République serbe de Bosnie, A._______
pouvait bénéficier du soutien d'un réseau familial composé notamment
de son parrain qui avait financé son voyage en Suisse.
Après pondération globale de l'ensemble des circonstances du cas
d'espèce, le Tribunal estime qu'en dépit des problèmes psychiques
invoqués dans le cadre de la présente procédure de reconsidération,
un renvoi de l'intéressé en Bosnie et Herzégovine ne l'exposera pas à
un dénuement irrémédiable au regard de la jurisprudence évoquée
plus haut (cf. consid. 3.1.2 ci-dessus, 2ème paragraphe). Le fait que
A._______ sera probablement confronté dans son pays d'origine à
une situation plus difficile qu'en Suisse, notamment sur le plan
professionnel (cf. rapport médical du 29 septembre 2008, ch. 4.2, p. 3)
ne saurait en soi empêcher l'exécution de son renvoi (cf. considérant
précité, 2ème paragraphe).
4.
4.1 En définitive, force est de constater l'absence de modification
notable des circonstances (cf. consid. 2 ci-dessus) justifiant de
renoncer à l'exécution du renvoi de l'intéressé en Bosnie et
Herzégovine.
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4.2 Dans ces conditions, le recours, d'emblée infondé, doit être rejeté
par l'office du juge unique, avec l'approbation d'un second juge
(art. 111 let. e LAsi). Le présent arrêt, rendu sans échange d'écritures,
est sommairement motivé (art. 111a LAsi). La demande de mesures
provisionnelles devient pour le surplus sans objet.
5.
5.1 La requête d'assistance judiciaire partielle du 8 décembre 2008
doit elle aussi être rejetée, le recours étant en effet d'emblée voué à
l'échec (art. 65 al. 1 PA) pour les raisons déjà explicitées plus en détail
au considérant 3.2 ci-dessus.
5.2 L'intéressé ayant succombé, il y a lieu de mettre les frais de
procédure à sa charge, conformément à l'art. 63 al. 1 PA (1ère phr.)
ainsi qu'aux art. 2 et 3 let. a du règlement du 21 février 2008
concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal
administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
(dispositif : page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire partielle est rejetée.
3.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 1'200.-, sont supportés par
A._______. Ils devront être versés sur le compte du Tribunal dans les
30 jours à compter de l'expédition du présent arrêt.
4.
Le présent arrêt est communiqué :
- au mandataire du recourant (par courrier recommandé ; annexe :
un bulletin de versement);
- à l'ODM, Division séjour et aide au retour, avec le dossier
N (...) (par courrier interne ; en copie);
- au canton (...), en copie.
Le juge unique : Le greffier :
Maurice Brodard Christian Dubois
Expédition :
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