E-6980/2013 - Abteilung V - Déni de justice/retard injustifié - Déni de justice (retard injustifié)
Karar Dilini Çevir:
E-6980/2013 - Abteilung V - Déni de justice/retard injustifié - Déni de justice (retard injustifié)
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-6980/2013



A r r ê t d u 8 j a n v i e r 2 0 1 4
Composition

William Waeber (président du collège),
Gérald Bovier et Daniel Williseger, juges,
Isabelle Fournier, greffière.



Parties

A._______, née le (…),
agissant pour elle-même et son enfant
B._______, né le (…),
Erythrée,
représentée par (…),
Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE),
recourante,



contre


Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet

Déni de justice (retard injustifié) / N (…).


E-6980/2013
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Vu
la demande d’asile déposée en Suisse par la recourante en date du
18 avril 2011,
le procès-verbal de son audition sommaire au Centre d'enregistrement et
de procédure (CEP) de Bâle, du 11 mai 2011,
la lettre du 28 mars 2012, par laquelle la recourante a demandé à l'ODM
de l'informer de l'état de la procédure,
la réponse de l'ODM, du 3 avril 2012, demandant à la recourante de faire
preuve de patience, eu égard à la surcharge et aux autres priorités de
l'office,
la lettre de la recourante, du 6 juin 2012 ainsi que celle de son
mandataire, du 3 août 2012, demandant à l'ODM des informations quant
à la suite de la procédure, et le priant de rendre une décision à court
terme, compte tenu, entre autres, de l'état psychique de la recourante,
laquelle a allégué, rapport médical à l'appui, souffrir en particulier de
troubles anxieux,
la réponse de l'ODM, du 23 août 2012, informant la recourante que sa
demande serait traitée "aussi rapidement que possible" et lui indiquant
qu'il ne lui serait plus possible, à l'avenir, de répondre à d'autres requêtes
concernant l'état de la procédure,
le courrier du mandataire de la recourante, daté du 3 août 2012 (recte,
selon les indications contenues dans le recours, du 5 mai 2013), reçu par
l'ODM le 22 mai 2013, rendant celui-ci attentif au fait que neuf mois
s'étaient écoulés depuis son dernier courrier et le priant de faire le
nécessaire pour que la recourante puisse exposer ses motifs d'asile de
manière complète dans un proche avenir,
la convocation adressée à la recourante, le 21 juin 2013, pour une
audition fixée au 12 juillet 2013,
le courrier de l'ODM, du 8 juillet 2013, annulant l'audition "pour des
raisons d'organisation", en lui précisant qu'une nouvelle convocation lui
serait adressée ultérieurement,
la lettre du mandataire de la recourante, du 7 octobre 2013, priant l'ODM
de l'informer de l'état de la procédure dans un délai de quinze jours, à
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défaut de quoi il envisagerait l'ouverture d'une procédure judiciaire pour
déni de justice,
le recours du 10 décembre 2013, par lequel le recourante, se prévalant
des garanties procédurales de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de
la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), a conclu à ce
que l'ODM soit invité à statuer sans délai sur sa demande d'asile,

et considérant
qu'en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au sens
de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à
l’art. 33 LTAF,
qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile et le
renvoi peuvent être contestées devant le Tribunal conformément à
l'art. 33 let. d LTAF et à l'art. 105 de la loi du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi,
RS 142.31),
qu'en l'espèce, le recourante ne conteste pas une décision, mais se plaint
d'un déni de justice formel, en raison d'un retard injustifié de l'ODM à
statuer sur sa demande d'asile,
qu'un tel recours pour déni de justice ou retard injustifié, prévu à
l'art. 46a PA, est de la compétence de l'autorité qui aurait été habilitée à
statuer sur un recours contre la décision attendue (cf. MARKUS MÜLLER,
in : Auer/Müller/Schindler [éd.], Kommentar zum Bundesgesetz über das
Verwaltungsverfahren [VwVG], Zurich/St Gall 2008, art. 46a, no 3),
que le Tribunal est donc compétent pour connaître du présent recours,
que, selon l'art. 46a PA, le recours pour déni de justice ou retard injustifié
est recevable si, sans en avoir le droit, l'autorité saisie s'abstient de
rendre une décision sujette à recours ou tarde à le faire,
que le dépôt d'un tel recours suppose que l'intéressé ait non seulement
requis de l'autorité compétente qu'elle rende une décision, mais ait
également un droit à se voir notifier une telle décision,
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qu'un tel droit existe lorsqu'une autorité est tenue, de par le droit
applicable, d'agir en rendant une décision, et que l'intéressé qui s'en
prévaut a la qualité de partie, selon l'art. 6 PA en relation avec
l'art. 48 al. 1 PA (cf. ATAF 2009/1 consid. 3 p .6 et ATAF 2008/15
consid. 3.2 p. 193 s. ; cf. également ANDRÉ MOSER/MICHAEL
BEUSCH/LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem
Bundesverwaltungsgericht, Bâle 2008, nos 5.18 ss p. 240 ss),
que ces conditions sont manifestement remplies dans le cas d'espèce,
que, déposé par ailleurs dans la forme prescrite par la loi (cf. art. 52 PA),
le recours est recevable,
que la recourante fait valoir une violation de l'art. 29 al. 1 Cst., selon
lequel toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou
administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans
un délai raisonnable,
que cette disposition consacre le principe de célérité ou, en d'autres
termes, prohibe le retard injustifié à statuer,
que l'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas
la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou
dans un délai que la nature de l'affaire, ainsi que toutes les autres
circonstances, font apparaître comme raisonnable,
que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie sur la
base d'éléments objectifs, tels que le degré de complexité de l'affaire, le
temps qu'exige l'instruction de la procédure, l'enjeu que revêt le litige pour
l'intéressé, ou encore le comportement de ce dernier et celui des
autorités compétentes (JÉRÔME CANDRIAN, Introduction à la procédure
administrative fédérale, Bâle 2013, p. 74),
qu'il n'est pas important de savoir si l'autorité a, ou non, commis une
faute,
qu'est déterminant uniquement le fait que l'autorité agit ou non dans les
délais légaux ou, du moins, dans des délais raisonnables,
qu'il faut examiner si les circonstances concrètes qui ont conduit à la
prolongation de la procédure sont objectivement justifiées,
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qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour
que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la
procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié,
qu'en ce qui concerne l'autorité, on ne saurait lui reprocher quelques
"temps morts", qui sont inévitables dans une procédure,
qu'ainsi, pour autant qu'aucun de ces temps morts ne soit d'une durée
vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut,
que des périodes d'intense activité peuvent donc compenser le fait que le
dossier ait été momentanément laissé de coté en raison d'autres affaires,
qu'en revanche, une organisation déficiente, un manque de personnel
ou une surcharge structurelle ne peuvent justifier la lenteur excessive
d'une procédure (cf. notamment décision du Tribunal fédéral 12T_3/2011
du 21 décembre 2011 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral [ATF] 130 I
312 consid. 5 et réf. cit. ; ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 et réf. cit. ;
ATF 108 V 13 consid. 4c ; cf. également ANDREAS AUER/
GIORGIO MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol.
II, 2e éd., Berne 2006, p. 587ss, §§ 1267 – 1285 ; FELIX UHLMANN/
SIMONE WÄLLE-BÄR, in : Praxiskommentar VwVG, Zurich/Bâle/Genève
2009, art. 46a, no 19, p. 930 s. ; MARKUS MÜLLER, op. cit., no 6
ad. art. 46a),
qu'en vertu de l'art. 37 al. 2 et al. 3 LAsi, les décisions prises en vertu des
art. 38 à 40 LAsi doivent, en règle générale, être rendues dans les
vingt jours ouvrables qui suivent le dépôt de la demande (al. 2),
que lorsque d'autres mesures d''instruction s'imposent conformément à
l'art. 41 LAsi, la décision doit, en règle générale, être prise dans les trois
mois qui suivent le dépôt de la demande (al. 3),
qu'en l'occurrence, la recourante a déposé sa demande d'asile en Suisse
le 18 avril 2011 et a été entendue sommairement le 11 mai suivant,
que, depuis lors, la recourante s'est adressée à cinq reprises à l'ODM
pour lui demander de l'entendre sur ses motifs d'asile et de statuer sur sa
demande,
que, dans ses réponses du 3 avril et 23 août 2012, l'ODM a invoqué sa
surcharge et les priorités qui étaient les siennes, et a communiqué à la
recourante qu'il allait statuer "dans les meilleurs délais",
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qu'il n'a néanmoins pas rendu de décision, ni même entendu la
recourante sur ses motifs, depuis lors,
que, dans son dernier courrier, le recourante a prié une ultime fois l'ODM
de statuer sur sa demande et de l'informer dans les quinze jours des
suites de la procédure,
qu'aucune suite n'a été donnée à ce courrier, lequel n'est pas même
répertorié dans l'index du dossier de l'ODM, à l'instar des écritures
échangées depuis la réponse du 23 août 2012,
que le Tribunal ne méconnaît pas la surcharge de l'ODM ni le fait qu'il est
inévitable que les délais de traitement prévus par la loi ne puissent être
scrupuleusement respectés dans chaque cas,
qu'il n'en demeure pas moins que, dans le cas concret, l'ODM n'a
entrepris aucune mesure d'instruction reconnaissable depuis l'audition du
11 mai 2011, soit depuis plus de deux ans et demi,
qu'il n'a fourni aucune raison concrète, liée au cas particulier de la
recourante et ne tenant pas à des questions d'organisation de l'Office, de
nature à justifier une inaction d'une si longue durée,
qu'il n'a notamment pas tenu compte, dans ses réponses, des motifs
d'ordre psychique invoqués par l'intéressée,
qu'il paraît particulièrement frappant que l'ODM, après avoir annulé
l'audition agendée à la suite du courrier de la recourante, reçu le 22 mai
2013, ne lui envoie pas rapidement une autre convocation et qu'il ne
réponde pas à ses courriers subséquents,
qu'au vu de ce qui précède, force est de reconnaître que la procédure n'a
manifestement pas été menée dans un délai raisonnable au sens de
l'art. 29 al. 1 Cst.,
que, par conséquent, le recours pour déni de justice doit être admis,
qu'il est enjoint à l'ODM de se prononcer dans les meilleurs délais sur la
demande d'asile de la recourante, sous réserve d'actes d'instruction
encore nécessaires, en particulier de l'audition de l'intéressée qu'il est
invité à entreprendre de suite,
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que la recourante ayant eu gain de cause, il n'y a pas lieu de percevoir de
frais de procédure (cf. art. 63 al. 2 PA),
que la recourante a droit à des dépens pour les frais indispensables
encourus en raison de la présente procédure de recours
(cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 du règlement du 21 février 2008 concernant
les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
[FITAF, RS 173.320.2]),
que le montant de ceux-ci est fixé sur la base du dossier, à défaut de
décompte fourni par le mandataire (cf. art. 14 al. 2 FITAF),
qu'ils sont arrêtés, ex aequo et bono, à 300 francs,

(dispositif page suivante)


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le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis.
2.
Il est enjoint à l'ODM de statuer dans les meilleurs délais sur la demande
d'asile de la recourante, sous réserve d'actes d'instruction encore
nécessaires, en particulier de l'audition de l'intéressée qu'il est invité à
entreprendre sans délai.
3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
4.
L'ODM versera à la recourante le montant de 300 francs à titre de
dépens.
5.
Le présent arrêt est adressé au mandataire de la recourante, à l’ODM et
à l’autorité cantonale.

Le président du collège : La greffière :

William Waeber Isabelle Fournier


Expédition :