E-6855/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Karar Dilini Çevir:
E-6855/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Cour V
E-6855/2006
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 6 f é v r i e r 2 0 0 8
Jean-Daniel Dubey (président du collège),
Robert Galliker et Maurice Brodard, juges,
Yves Beck, greffier.
A._______, né le [...], B._______, née le [...], et
C._______, né le [...],
ressortissants de la Serbie,
représentés par Diane Lokia, Service d'Aide Juridique
aux Exilé-e-s (SAJE), (...),
recourants,
contre
Office fédéral des migrations (ODM), Quellenweg 6,
3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du
10 octobre 2003 / N_______.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-6855/2006
Faits :
A.
Le 20 juin 2003, A._______ et son épouse ont déposé une demande
d'asile en Suisse, dans laquelle a été inclus leur fils C._______, né le
[...].
B.
Entendue sommairement, le 25 juin 2003, puis sur ses motifs, le
18 juillet 2003, B._______ a exposé qu'elle était de religion
musulmane, d'ethnie albanaise et qu'elle avait vécu avec sa famille à
R._______ dans la commune de S._______ (Kosovo). En date du [...]
2001, elle aurait entendu des coups de feu depuis sa maison. Elle
serait sortie et aurait découvert que son cousin paternel, chauffeur du
président de la ligue démocratique du Kosovo (LDK) de la région de
S._______, avait été tué et que ses deux frères qui l'accompagnaient
étaient blessés. L'un d'eux serait décédé quelques heures plus tard
des suites de ses blessures. Entendue presque quotidiennement par la
police, B._______ aurait accusé T._______, de l'Alliance pour l'Avenir
du Kosovo (AAK), d'être impliqué dans cette affaire. Ce dernier,
interrogé à plusieurs reprises par la police, aurait alors averti la
requérante qu'elle devait "faire attention".
Suite à ces événements, Flutura Zeqiraj Dreshaj aurait
continuellement vécu dans la peur et l'insécurité. Pour cette raison, en
décembre 2002, elle se serait rendue légalement en Suisse auprès de
sa tante paternelle, chez qui elle aurait séjourné durant un mois. Ayant
appris qu'elle était enceinte, elle aurait décidé de rentrer au Kosovo.
Elle se serait mariée selon la coutume, le [...] (le mariage civil aurait
eu lieu le [...]), et se serait installée chez son époux, à L._______ dans
la commune de S._______.
Le 7 juin 2003, par crainte de représailles à la suite des événements
précités, elle aurait quitté le Kosovo avec son époux. En effet, elle
aurait constaté que la situation sécuritaire au Kosovo s'était
détériorée, que des témoins de règlements de comptes avaient été
tués, qu'ils ne pouvaient obtenir une protection adéquate et qu'une
femme enceinte avait récemment été assassinée. Elle aurait
également craint qu'un dénommé U._______ ne se venge sur elle et
ne la tue pour avoir été soupçonné du meurtre de son cousin et de son
frère et détenu quelques semaines pour cette raison.
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Entendu séparément sur ses motifs, A._______ a pour l'essentiel
confirmé les propos de son épouse. Il a déclaré qu'il n'avait pas de
motif d'asile propre.
C.
Par décision du 10 octobre 2003, l'Office fédéral des réfugiés (ODR ;
actuellement et ci-après : l'Office fédéral des migrations, ODM) a
rejeté la demande d'asile des intéressés au motif que leurs
déclarations ne satisfaisaient pas aux conditions requises pour la
reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 de la loi sur
l'asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31). Il a relevé que les ennuis
rencontrés par les requérants étaient le fait de tiers et que rien ne
laissait penser que les autorités de leur pays d'origine ne seraient pas
en mesure de les protéger, dès lors que celles-ci avaient enregistré la
plainte de B._______ et avaient entrepris des investigations sérieuses.
En outre, il a estimé que les requérants n'avaient pas de crainte
objectivement fondée d'être persécutés à leur retour au Kosovo, dans
la mesure où, suite aux événements du 10 décembre 2001, ils avaient
pu y vivre durant une année et demie sans problème particulier,
hormis un avertissement du leader politique que la requérante avait
formellement accusé. Il a encore précisé que les craintes alléguées
provenaient essentiellement de suppositions et de faits divers relatés
par des proches ou les médias.
L'ODM a également prononcé le renvoi des intéressés de Suisse et a
ordonné l'exécution de cette mesure, qu'il a considérée comme licite,
raisonnablement exigible et possible.
D.
Dans le recours qu'ils ont interjeté, le 13 novembre 2003, auprès de
l'ancienne Commission suisse de recours en matière d'asile (ci-après :
la CRA), les recourants ont répété les motifs à l'appui de leur
demande et ont conclu à la reconnaissance de la qualité de réfugié et
à l'octroi de l'asile. Ils ont soutenu qu'une interprétation conforme de la
convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Conv.
réfugiés, RS 0.142.30) et de l'art. 3 LAsi devait conduire à l'octroi de
l'asile même lorsque les persécutions émanaient de tiers et que l'Etat
n'était pas en mesure d'accorder une protection efficace à la victime.
En l'espèce, ils ont affirmé que B._______ ne pourrait pas obtenir une
protection efficace de la Force pour le Kosovo (KFOR) ou de la
Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo
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(UNMIK), lesquelles étaient chargées des tâches de justice et de
police au Kosovo, et qu'elle serait en danger tant et aussi longtemps
que la question du meurtre de ses proches, qui avait pour origine des
tensions entre la LDK et l'alliance AAK-PDK (Parti démocratique du
Kosovo), ne serait pas résolue.
Ils ont déposé un rapport du [...] 2001 de la juge d'instruction chargée
de l'enquête à [...] ainsi qu'un communiqué de presse de l'UNMIK, tiré
d'internet, faisant état de l'arrestation, le [...], de U._______, en raison
de soupçons pesant sur lui d'être l'auteur des meurtres précités.
E.
Par décision incidente du 28 novembre 2003, le juge instructeur a
invité les recourants à payer, jusqu'au 15 décembre 2003, la somme
de Fr. 600.- en garantie des frais présumés de la procédure, sous
peine d'irrecevabilité du recours.
F.
Par courrier daté du 29 novembre 2003, les recourants ont déposé
quatre articles de presse, dont deux tirés du journal Bota Sot, datés
des [...] 2001, faisant en particulier état de l'assassinat, le [...] 2001,
du frère et du cousin de B._______, ainsi que du caractère politique
de ce double meurtre.
Ils ont réaffirmé que la police de l'UNMIK n'était pas à même de leur
offrir une protection adéquate ni n'avait, par ailleurs, la volonté de
poursuivre les auteurs de délits.
G.
Par lettre postée le 12 décembre 2003, les recourants ont demandé à
être dispensés de toute avance de frais.
Ils ont versé en cause une attestation d'indigence du 11 décembre
2003.
H.
Par nouvelle décision incidente du 17 décembre 2003, le juge
instructeur a renoncé à percevoir une avance de frais de procédure.
I.
Le 23 décembre 2003, les recourants ont produit un article du journal
Bota Sot du 27 novembre précédent, faisant état de l'assassinat d'un
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membre du corps de police au Kosovo, ainsi qu'un certificat médical
établi le 26 mai 2003 par le docteur [...] du département de [...] de
l'Hôpital universitaire Pristina. Ce médecin attestait que B._______
souffrait d'anxiété et de dépression accompagnés d'agitation d'origine
réactive nécessitant un traitement médicamenteux ainsi qu'"un suivi
médical dans la communauté dans laquelle elle vit".
J.
Dans sa détermination du 6 janvier 2004, l'ODM a proposé le rejet du
recours. Il a estimé que B._______, en l'absence de problèmes
concrets dans son pays d'origine et dans la mesure où elle était
retournée au Kosovo après un premier séjour en Suisse en décembre
2002, n'avait pas de craintes justifiées de subir de sérieux préjudices.
K.
Dans leur réplique du 29 janvier 2004, les recourants ont confirmé
leurs griefs et conclusions. Ils ont réaffirmé que B._______, en sa
qualité de témoin d'un crime à caractère politique, risquait sa vie en
cas de retour au Kosovo. Ils ont contesté l'appréciation de l'ODM selon
laquelle la prénommée n'avait pas rencontré de problèmes concrets
avant son départ du Kosovo, dans la mesure où elle avait
constamment vécu dans un état de peur et d'angoisse.
Ils ont déposé des articles de presse du journal Bota Sot des 26
(recte : 12) janvier 2004 et 26 novembre 2003 faisant en particulier
état du meurtre de témoins du procès du groupe Dugadgin (recte :
Dugagjini). A cet égard, ils ont soutenu que leurs craintes étaient
d'autant plus justifiées que T._______ était proche de ce mouvement.
L.
Le 17 octobre 2005, les recourants ont déposé une copie de leur
courrier du 13 novembre 2003 adressé à l'UNMIK, dans lequel ils
demandaient à cette autorité des informations sur l'état d'avancement
de la procédure relative aux meurtres commis le [...] 2001.
M.
Par lettre datée du 31 octobre 2005, les recourants ont une nouvelle
fois soutenu que les personnes qui dénonçaient les auteurs de crimes
de nature politique étaient en danger au Kosovo.
A l'appui de leurs affirmations, ils ont produit un article de presse du
journal Bota Sot du 29 juin 2005 faisant état du meurtre d'un
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journaliste, lequel avait dénoncé des crimes de nature politique et plus
particulièrement l'assassinat du cousin et du frère de B._______ (cf.
article du [...] 2001 mentionné let. F supra).
N.
Une seconde détermination de l'ODM du 10 novembre 2005, dans
laquelle cette autorité préconisait le rejet du recours, a été transmise
aux recourants pour information.
Droit :
1.
1.1 Le Tribunal administratif fédéral statue de manière définitive sur
les recours contre les décisions, au sens de l'art. 5 de la loi fédérale
du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA,
RS 172.021), rendues par l'ODM en matière d'asile et de renvoi (art.
105 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 [LAsi, RS 142.31] en relation
avec les art. 31 à 34 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral [LTAF, RS 173.32] ; art. 83 let. d ch. 1 de la loi
fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 Les recours qui étaient pendants devant l'ancienne CRA au 31
décembre 2006 sont traités par le Tribunal administratif fédéral, entré
en fonction le 1er janvier 2007, dans la mesure où il est compétent
(art. 53 al. 2 phr. 1 LTAF). Tel est le cas en l'espèce.
1.3 Le nouveau droit de procédure s’applique (art. 53 al. 2 phr. 2
LTAF).
1.4 Les intéressés ont qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté
dans la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 50 al. 1 PA) prescrits par
la loi, le recours est recevable.
2.
2.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou
dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux
préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de
leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe
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social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment
considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie,
de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui
entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir
compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2
LAsi).
2.2 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui,
sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés
(art. 7 LAsi).
3.
3.1 En l'occurrence, les recourants n'ont pas allégué avoir été les
victimes de persécutions avant leur départ du Kosovo. En revanche, ils
ont invoqué une crainte de persécutions futures, arguant du fait que la
vie de B._______ serait mise en danger en cas de retour au Kosovo,
en sa qualité de "témoin" du double meurtre, pour raisons politiques,
de son cousin et d'un frère.
3.1.1 La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à
l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation
ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un
élément subjectif. Sera reconnu réfugié, celui qui a de bonnes raisons,
c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers
(élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon
toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution.
En d'autres termes, pour apprécier l'existence d'une crainte fondée,
l'autorité se posera la question de savoir si une personne raisonnable
et sensée redouterait elle aussi, dans les mêmes circonstances, d'être
persécutée en cas de retour dans sa patrie. Sur le plan subjectif, il doit
être tenu compte des antécédents de l'intéressé, notamment de
l'existence de persécutions antérieures, et de son appartenance à un
groupe ethnique, religieux, social ou politique l'exposant plus
particulièrement à de telles mesures ; en particulier, celui qui a déjà
été victime de persécutions antérieures a des raisons d'avoir une
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crainte subjective plus prononcée que celui qui n'en a encore jamais
subies. Sur le plan objectif, cette crainte doit être fondée sur des
indices concrets qui peuvent laisser présager l'avènement, dans un
avenir peu éloigné et selon une haute probabilité, de mesures
déterminantes selon l'art 3 LA. Il ne suffit pas, dans cette optique, de
se référer à des menaces hypothétiques, qui pourraient se produire
dans un avenir plus ou moins lointain (Jurisprudence et informations
de la Commission suisse de recours en matière d’asile [JICRA] 1997
no 10 consid. 6 p. 73s., arrêts et doctrine cités).
3.1.2 En l'espèce, les recourants n'ont pas démontré que leur crainte
d'être persécutés en cas de retour au Kosovo était fondée. En effet,
B._______ n'aurait pas pu demeurer au Kosovo, suite au tragique
événement du [...] 2001, si elle avait été réellement en danger. Or,
jusqu'à son départ du Kosovo, le 7 juin 2003, comme l'ODM l'a à juste
titre relevé, il ne lui est rien arrivé (cf. pv de l'audition du 18 juillet 2003
p. 4 : "Entre le [...] 2001 et votre départ du pays, s'est-il passé quelque
chose de particulier en ce qui vous concerne ? Non, mais on avait
peur tout le temps"). Si T._______, qu'elle aurait dénoncé à la police
comme étant le probable responsable du meurtre de ses familiers,
avait vraiment voulu s'en prendre à elle, il ne se serait pas contenté de
lui dire, à une seule reprise, qu'elle devait "faire attention" (pv de son
audition du 25 juin 2003 p. 5, pv de son audition du 18 juillet 2003 p.
4). On ne voit du reste pas pourquoi il aurait voulu ou voudrait encore
l'éliminer, dès lors qu'elle n'a pas assisté personnellement aux
événements du [...] 2001, qu'elle n'a donc pas vu et ne connaît pas les
assassins de ses proches et qu'elle ne pourra pas témoigner contre
lui, pas plus d'ailleurs que contre U._______. Le Tribunal est conforté
dans son opinion selon laquelle la recourante n'a pas de raison de
craindre de sérieux préjudices au Kosovo, par le fait que ses père et
mère y séjournent toujours et qu'ils n'ont pas été inquiétés ni n'ont
subi de menaces de qui que ce soit, alors même qu'ils auraient eux
aussi été présents au domicile familial, le [...] 2001, et qu'ils pourraient
également être considérés comme des témoins potentiels. Enfin, il
sied de relever que les tensions et rivalités qui existaient entre les
membres de la LDK et de l'AAK se sont estompées. En effet, après les
élections d'octobre 2004, le gouvernement a été dirigé par une
coalition formée de membres de ces partis. Puis, les élections du 17
novembre 2007 ont vu la défaite de la LDK comme de l'AAK au profit
du PDK.
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3.2 Certes, selon la jurisprudence actuelle invoquée par les
recourants (cf. JICRA 2006 no 18 p. 181), une persécution au sens de
l'art. 3 LAsi peut aussi être le fait de tiers, lorsque l'Etat n'entreprend
rien pour l'empêcher ou pour sanctionner leurs auteurs, que ce soit
parce qu'il tolère voire soutient de tels agissements ou, sans intention
délibérée de nuire, parce qu'il n'a pas la capacité de les prévenir.
L'Etat n'est toutefois pas tenu de garantir une protection absolue à
tous ses citoyens et en tous lieux, mais la protection doit revêtir un
caractère effectif et la victime disposer d'un accès raisonnable à cette
protection. Autrement dit, le principe de la subsidiarité de la protection
internationale par rapport à la protection nationale permet d'exiger
d'un requérant d'asile qu'il ait épuisé dans son propre pays les
possibilités de protection contre d'éventuelles persécutions avant de
solliciter celle d'un Etat tiers (JICRA 2006 no 18 consid. 10).
Au Kosovo, les forces de sécurité de l'UNMIK et celles de la police
(Kosovo Police Services, KPS) sont, de manière générale, à même
d'offrir une protection effective aux citoyens qui les sollicitent (UNMIK,
Kosovo In April 2007, p. 5 ; Home Office, Operational Guidance Note,
Republic of Serbia [including Kosovo] 12 février 2007, spéc. ch. 2.9 à
2.14 et ch. 3.8.6 à 3.8.7 ; OSAR, Kosovo : Sicherheit und Gerechtigkeit
für die Minderheiten, Effektivität von Sicherheitsorganen und Justiz, 20
septembre 2006, ch. 3 à 3.3 p. 3ss ; US Department of State, Country
Reports on Human Rights Practices 2006, Serbia [includes Kosovo],
spéc. chap. Kosovo section 1d et e ; Conseil de sécurité des Nations
Unies, Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, S/2007/768, en particulier
ch. IV et V p. 3s.). Cela est d'autant plus vrai, en l'espèce, que les
recourants sont d'ethnie albanaise et que cette ethnie est largement
majoritaire au Kosovo. En outre, comme l'ODM l'a à juste titre relevé,
les autorités du Kosovo n'ont pas refusé leur protection à B._______,
dès lors qu'elles avaient enregistré la plainte de la prénommée puis
entrepris de sérieuses investigations pour retrouver les assassins de
ses familiers.
3.3 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus de la
qualité de réfugié et de l'asile, doit être rejeté.
4.
4.1 Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
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Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure du 11 août
1999 (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d'asile dispose d'une
autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet
d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément
à l'art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 décembre 1998
(Cst., RS 101).
4.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
5.
5.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Elle est réglée
par l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005
(LEtr, RS 142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette
disposition a remplacé l'art. 14a de l'ancienne loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE).
5.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine, dans son Etat de provenance ou dans un Etat tiers est
contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international
(art. 83 al. 3 LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de
quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son
intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs
mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être
astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants (art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(CEDH, RS 0.101).
L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si
le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de
guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
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L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la
Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat
tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
6.
6.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv.
torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté
fédéral sur la procédure d'asile [APA], du 25 avril 1990, in : FF 1990 II
624).
6.1.1 L'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-
refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut, les recourants
n'ont pas rendu vraisemblable qu'en cas de retour dans leur pays
d'origine, ils seraient exposés à de sérieux préjudices au sens de l'art.
3 LAsi.
6.1.2 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse
relevant du droit international, il sied d'examiner particulièrement si
l'art. 3 CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements
inhumains, trouve application dans le présent cas d'espèce. Si
l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains ou
dégradants s'applique indépendamment de la reconnaissance de la
qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une
extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné
des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple
possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au
contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à
satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux,
au-delà de tout doute raisonnable, d'être victime de tortures, ou de
traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays.
Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles
intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des
droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la
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protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne
peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement -
et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des
mesures incompatibles avec la disposition en question (JICRA 1996
no 18 consid. 14b let. ee p. 186s.).
6.1.3 En l'occurrence, les recourants n'ont pas établi qu'un retour en
Serbie, plus précisément au Kosovo les exposerait à un tel risque (cf.
consid. 3 supra).
6.1.4 Dès lors, l'exécution du renvoi des recourants sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et
83 al. 3 LEtr).
6.2 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en
premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne
remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne
sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations
de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux
personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en
danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins
dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc
dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation
dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après
l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son
éloignement de Suisse (JICRA 2005 no 24 consid. 10.1 p. 215 et jurisp.
cit.).
6.2.1 En l'occurrence, la Serbie, y compris le Kosovo, ne connaît pas
une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée
sur l'ensemble de son territoire qui permettrait d'emblée - et
indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à
propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en
danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
6.2.2 En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait
inférer que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger
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concrète des recourants. A cet égard, l'autorité de céans relève que
ceux-ci, d'ethnie albanaise, sont jeunes, au bénéfice d'une expérience
professionnelle et n’ont pas allégué de graves problèmes de santé.
Sur ce dernier point, B._______ a déjà bénéficié, au Kosovo, de soins
nécessaires à son état de santé ; cas échéant, elle aura de nouveau
accès aux traitements adéquats. Enfin et bien que cela ne soit pas
décisif en l'espèce, les recourants disposent d'un réseau familial et
social dans leur pays, sur lequel ils pourront compter à leur retour.
6.3 Pour ces motifs, l’exécution du renvoi doit être considérée comme
raisonnablement exigible.
7.
Enfin, les recourants sont en possession de documents suffisants pour
rentrer dans leur pays ou, à tout le moins, sont en mesure d'entre-
prendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de
leur pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage leur
permettant de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte
donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère
également possible.
8.
8.1 Cela étant, l'exécution du renvoi doit être déclarée conforme aux
dispositions légales.
8.2 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la décision de
renvoi et son exécution, doit être également rejeté.
9.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge des recourants, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et
3 let. b du règlement du 11 décembre 2006 concernant les frais,
dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
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E-6855/2006
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
des recourants. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal
dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est communiqué :
- à la mandataire des recourants (par lettre recommandée ; annexe :
un bulletin de versement)
- à l'ODM, Division séjour et aide au retour, avec le dossier N_______
(par courrier interne ; en copie)
- au canton de [...] ( par lettre simple ; en copie)
Le président du collège : Le greffier :
Jean-Daniel Dubey Yves Beck
Expédition :
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