E-6606/2016 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / dépôt ultérieur abusif de demande d'asile) et renvoi - Asile (non-entrée en matière / dépôt ultérieur de ...
Karar Dilini Çevir:
E-6606/2016 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / dépôt ultérieur abusif de demande d'asile) et renvoi - Asile (non-entrée en matière / dépôt ultérieur de ...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-6606/2016




Ar r ê t d u 1 e r n o vemb r e 2 0 1 6
Composition
William Waeber, juge unique,
avec l’approbation de Yanick Felley, juge ;
Isabelle Fournier, greffière.

Parties
A._______, né le (…),
Algérie,
recourant,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet
Asile (non-entrée en matière / demandes multiples) et
renvoi ; décision du SEM du 14 octobre 2016 / N (…).



E-6606/2016
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Faits :
A.
Le 11 juillet 2011, le recourant a déposé une (première) demande d’asile
en Suisse. Par décision du 27 juillet 2012, l’Office fédéral des migrations
(ODM ; actuellement et ci-après le SEM), se fondant sur l’ancien art. 32
al. 2 let. c LAsi (RS 142.31), n'est pas entré en matière sur la demande de
l'intéressé, a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de
cette mesure, au motif qu’il avait violé son obligation de collaborer.
B.
Le 27 octobre 2012, le recourant a déposé une (deuxième) demande
d’asile en Suisse. Il l’a retirée le 9 novembre suivant, déclarant souhaiter
quitter définitivement le pays.
C.
Le 18 décembre 2012, il a déposé une (troisième) demande d’asile en
Suisse. Par décision du 18 janvier 2013, le SEM, se fondant sur l’ancien
art. 32 al. 2 let. a LAsi, n'est pas entré en matière sur cette demande, au
motif que l'intéressé n'avait pas remis aux autorités de document d'identité,
qu'il n'avait pas rendu vraisemblable l'existence de motifs excusables de
ne pas satisfaire à cette obligation, et que le dossier ne faisait pas
apparaître qu'il remplissait les conditions pour la reconnaissance de sa
qualité de réfugié ou que des mesures d'instruction supplémentaires soient
nécessaires. Par la même décision, le SEM a prononcé son renvoi de
Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure.
Le 7 mars 2013, l’autorité cantonale compétente a annoncé au SEM la
disparition de l’intéressé depuis le 31 janvier 2013.
D.
Entre les mois d'août 2013 et avril 2015, le SEM a accepté plusieurs
demandes de reprises en charge de l'intéressé provenant d'autres Etats
en application de la réglementation dite Dublin.
Le 8 mars 2014, l’intéressé s’est présenté au centre d’enregistrement de
Vallorbe. L’enregistrement de sa demande a été refusé, en application de
l’art. 111c LAsi. Il a été informé, par la remise d’une fiche explicative, que
la demande d'asile devait être déposée par écrit, selon cette dernière
disposition.
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Le 29 octobre 2014, l’autorité cantonale compétente a signalé que
l’intéressé ne s’était pas présenté depuis son entrée en Suisse et qu’il était
sans domicile connu.
E.
Par écrit du 23 septembre 2016, l’intéressé, incarcéré à B._______
demande d’asile en Suisse. Il a indiqué qu’il désirait "vivement régulariser
son statut" afin de "pouvoir travailler et cotiser comme tout bon citoyen" et
"vivre en toute légalité en Suisse", pays qu’il connaissait depuis 2011 et
premier Etat de l’espace Schengen où il "avait déposé ses empreintes
digitales".
F.
Par décision du 14 octobre 2016, notifiée le 19 octobre 2016 à l’intéressé,
le SEM n’est pas entré en matière sur sa demande du 23 septembre 2016,
a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l’exécution de cette mesure,
mettant en outre un émolument de 600 francs à sa charge.
G.
L’intéressé a interjeté recours contre cette décision par écrit daté du
19 octobre 2016, transmis le même jour au SEM par télécopie et envoyé
le 26 octobre 2016 (date du sceau postal), par pli recommandé, au Tribunal
administratif fédéral (ci-après : le Tribunal).

Droit :
1.1
En vertu de l'art. 31 LTAF, le Tribunal connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF.
1.2 En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile
peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal,
lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par
l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF).
1.3 Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et dans le
délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 PA et art. 108
al. 2 LAsi).
2.
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2.1 La demande d’asile formée dans les cinq ans suivant l’entrée en force
d’une décision d’asile ou de renvoi est déposée par écrit et dûment
motivée. Les motifs de non-entrée en matière visés à l’art. 31a al. 1 à 3
sont applicables (cf. art. 111c al. 1 LAsi).
2.2 Les demandes multiples infondées ou présentant de manière répétée
les mêmes motivations sont classées sans décision formelle (cf. art. 111c
al. 2 LAsi).
2.3 Est considérée comme une demande d’asile toute manifestation de
volonté par laquelle une personne demande à la Suisse de la protéger
contre des persécutions (cf. art. 18 LAsi).
2.4 En règle générale, le SEM n’entre pas en matière sur des demandes
d’asile qui ne satisfont pas aux conditions fixées à l’art. 18 LAsi. Cette
disposition est notamment applicable lorsque la demande d’asile est
déposée exclusivement pour des raisons économiques ou médicales
(cf. art. 31a al. 3 LAsi).
2.5 Les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans
une procédure qu’elles introduisent elles-mêmes (cf. art. 13 al. 1 let. a PA).
L’autorité peut déclarer irrecevables les conclusions prises dans une
procédure au sens de l’al. 1 let. a lorsque les parties refusent de prêter le
concours nécessaire qu’on peut attendre d’elles (cf. art. 13 al. 2 PA).
3.
3.1 L’art. 111c al. 1 LAsi vise les demandes d’asile multiples. Il fixe des
règles de procédure particulières, dans le sens que, contrairement à la
procédure ordinaire, la demande doit être formulée par écrit. Par ailleurs,
elle doit être « dûment motivée ». Si la demande ne satisfait pas à ces
exigences de forme, le SEM peut la déclarer irrecevable (sur ces
questions, cf. ATAF 2014/39 p. 683 ss).
3.2 En l’occurrence, la demande du recourant, du 23 septembre 2016, en
tant qu’elle tend à l’octroi de l’asile, entre indubitablement dans la définition
des « demandes multiples » au sens du titre de l’art. 111c LAsi, puisqu’elle
a été formée dans les cinq ans suivant l’entrée en force d’une décision
d’asile ou de renvoi visant l’intéressé.
3.2.1 Le SEM n’est pas entré en matière sur la demande d’asile du
recourant en se référant tant à l’art. 18 LAsi qu’aux art. 111c al. 1 LAsi et
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13 al. 2 PA susmentionnés. A cet égard, sa motivation n’est guère claire.
En effet, le SEM affirme, d’une part, et ce à deux reprises, que la demande
de l’intéressé est dépourvue de motivation ou insuffisamment motivée, et
qu’elle ne satisfait donc pas aux exigences formelles de l’art. 111c al. 1
LAsi ; il constate cependant, d’autre part, en examinant les motifs avancés
par l'intéressé, que la requête de celui-ci ne constitue pas une demande
de protection contre une persécution au sens de l’art. 18 LAsi parce qu’il
invoque des motifs économiques.
3.3 Force est de constater que la requête de l’intéressé, du 23 septembre
2016, que celui-ci a formulée comme tendant à l’octroi de l’asile, est
manifestement motivée. Cependant, les motifs qu’il invoque – son désir de
vivre et travailler en Suisse – ne peuvent pas fonder valablement,
matériellement, une demande d’asile, puisqu’il ne s’agit à l’évidence pas
de raisons qu'il peut faire valoir à l'appui d’une demande de protection
contre des persécutions. Le SEM aurait certes dû, dans sa motivation, citer
non seulement l’art. 18 LAsi, mais également l’art. 31a al. 3 LAsi précité,
comme base légale permettant de fonder sa décision de non-entrée en
matière. Toutefois, cette omission n'a porté aucun préjudice à l’intéressé,
qui a à l'évidence saisi le sens et le contenu de la décision prise à son
encontre.
3.4 Dans son recours, ce dernier conteste cette décision en faisant valoir
que son intégrité physique est menacée en cas de retour dans son pays
d’origine. Il expose avoir été, avant de s’enfuir pour la Tunisie, « capturé et
torturé » par les membres de sa famille de son amie, pour avoir eu des
relations et conçu un enfant hors mariage avec celle-ci. Il prétend que ces
personnes le poursuivent encore et ont proféré des menaces de mort à son
encontre. Il fait également valoir que, depuis lors, sa santé psychique est
instable.
3.5 Le recourant, qui n’a nullement fait valoir des motifs de cet ordre dans
sa demande écrite du 23 septembre 2016, ne saurait faire grief au SEM de
ne pas en avoir tenu compte dans sa décision. Le fait qu’il n’ait pas évoqué
de tels faits est une raison de douter de leur vraisemblance, ce d’autant
plus que l’intéressé, qui a déposé plusieurs demandes d’asile en Suisse,
ne pouvait ignorer qu’il lui appartient d’alléguer et de rendre crédible les
motifs de sa demande de protection et ce dès le début de la procédure. Au
demeurant, force est de constater que le recourant a, en substance, déjà
fait valoir dans ses précédentes demandes d’asile les faits qu’il allègue
dans son recours. Ceux-ci ont été examinés matériellement par le SEM,
pour le moins dans sa décision du 18 janvier 2013 (cf. let. C ci-dessus).
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Ainsi, même si l’intéressé avait réitéré ses allégations dans sa demande
écrite du 23 septembre 2016, le SEM aurait pu, le cas échéant, être habilité
à classer la demande sans rendre de décision, en application de l’art. 111c
al. 2 LAsi.
3.6 En définitive, la décision du SEM est manifestement fondée, en tant
qu’elle n’entre pas en matière sur la demande d’asile du recourant, du
23 septembre 2016.
4.
4.1 Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à
ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en
ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille
(art. 44 LAsi).
4.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence
réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
5.
5.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission
provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 84 LEtr (RS
142.20).
5.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat
d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr).
Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que ce soit,
à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté
serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou
encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays
(art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH).
5.3 L'exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si le
renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre,
de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83
al. 4 LEtr).
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5.4 L'exécution du renvoi n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas
quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat
tiers, ni être renvoyé dans un des Etats (cf. art. 83 al. 2 LEtr.).
6.
6.1 En l’occurrence, l'exécution du renvoi doit être considérée comme
licite, au sens explicité ci-dessus. En effet, le recourant n’a pas invoqué,
dans sa demande du 26 septembre 2016, de quelconques risques liés à
un retour dans son pays d’origine. Il n’a, en particulier, fait valoir aucun
motif nouveau par rapport à ceux déjà examinés et jugés non crédibles
dans ses demandes d’asile précédentes, auxquels il fait référence dans
son recours. Le dossier ne fait ressortir aucun indice concret d’un risque
sérieux et réel de traitements prohibés.
6.2 L’exécution du renvoi doit également être considérée comme
raisonnablement exigible. Le recourant fait valoir, au stade du recours, des
problèmes psychiques auxquels il n’a pas, non plus, fait allusion dans sa
demande écrite du 23 septembre 2016. Ses allégués ne sont aucunement
étayés. Dans ces conditions, et compte tenu du fait qu’il a déjà, dans ses
précédentes demandes, fait valoir des motifs analogues, il y a lieu de
retenir qu’il n’a pas établi l’existence d’obstacles à l’exécution de son renvoi
de nature à le mettre concrètement en danger en cas de retour en Algérie,
au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr et de la jurisprudence en la matière (cf. ATAF
2011/50 consid. 8.1‒8.3 et jurisp. cit.).
6.3 L'exécution du renvoi est enfin possible (cf. art. 44 LAsi et art. 83 al. 2
LEtr), le recourant étant tenu de collaborer à l'obtention de documents de
voyage lui permettant de retourner dans son pays d'origine (cf. art. 8 al. 4
LAsi et ATAF 2008/34 consid. 12).
6.4 En définitive, la décision du SEM doit être confirmée en tant qu’elle
prononce le renvoi de l’intéressé et ordonne l’exécution de cette mesure.
7.
La décision est également conforme à la loi en tant qu’elle met un
émolument de procédure à charge de l’intéressé (cf. art. 111d al. 1 LAsi).
8.
8.1 Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.
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8.2 Manifestement infondé, il l'est dans une procédure à juge unique, avec
l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e LAsi).
8.3 Il peut être renoncé à un échange d'écritures (cf. art. 111a al. 1 LAsi),
9.
9.1 Vu l'issue de la cause, il y lieu de mettre les frais de procédure à la
charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. a
du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités
fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).

(dispositif page suivante)

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge
du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans
les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

Le juge unique : La greffière :

William Waeber Isabelle Fournier


Expédition :