E-6525/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 25 octobre 2...
Karar Dilini Çevir:
E-6525/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 25 octobre 2...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-6525/2013


A r r ê t d u 4 d é c e m b r e 2 0 1 3
Composition
Sylvie Cossy (présidente du collège),
François Badoud, Walter Stöckli, juges,
Sophie Berset, greffière.


Parties
A._______, né le (…),
Ethiopie,
(…),
recourant,


contre

Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.


Objet
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 25 octobre 2013 /
N (…).


E-6525/2013
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Faits :
A.
Le 24 juillet 2013, le recourant est entré clandestinement en Suisse et a
déposé, le 29 juillet 2013, une demande d'asile au Centre
d'enregistrement et de procédure (CEP) de B._______. Entendu le 7 août
et le 2 septembre 2013, il a déclaré être originaire d'Ethiopie, d'ethnie
oromo et de confession orthodoxe. Il a précisé être né à C._______, avoir
vécu à Addis Abeba durant une dizaine d'années avant de retourner à
C._______ chez son frère durant quelques mois; il aurait ensuite regagné
Addis Abeba et y serait demeuré de février à avril 2013. Il se serait marié
environ cinq ans avant sa venue en Suisse et aurait un fils, né le
27 février 2011. Sa femme et son fils seraient demeurés à Addis Abeba.
Le recourant a déclaré avoir quitté l'Ethiopie le 5 avril 2013 et gagné la
Suisse par voies terrestre et maritime, via le Soudan, la Libye et l'Italie.
A l'appui de sa demande d'asile, le recourant a affirmé que son père était
partisan de D._______ jusqu'à son décès en 2007 (1999 selon le
calendrier éthiopien), engagement que l'intéressé aurait poursuivi par la
distribution de tracts. Lors d'une visite domiciliaire en janvier ou février
2013 (selon les versions), les policiers auraient trouvé ces prospectus,
des documents et un drapeau oromo ayant appartenu à son père. Le
recourant aurait été emmené dans un poste de police à Addis Abeba, où
il aurait passé une nuit, avant d'être transféré à C._______ ; durant une
quinzaine de jours, il y aurait été détenu, torturé et interrogé, notamment
sur les lieux de réunion et de distribution de tracts, ainsi que sur l'identité
des sympathisants de D._______. Pendant sa détention, les policiers
auraient régulièrement importuné et frappé sa femme. Après le paiement
de sa caution par son frère, le recourant aurait pu retourner à Addis
Abeba. Au vu de l'ensemble des problèmes rencontrés et d'une
surveillance permanente des services de police à son encontre,
l'intéressé aurait décidé de quitter son pays d'origine.
Le recourant n'a déposé aucun document d'identité.
B.
Par décision du 25 octobre 2013, notifiée le 29 octobre 2013, l'ODM a
rejeté la demande d'asile du recourant, pour défaut de vraisemblance des
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motifs invoqués, a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l'exécution
de cette mesure.
C.
Le 21 novembre 2013, l'intéressé a interjeté recours contre cette
décision, concluant à son annulation, à la reconnaissance de la qualité de
réfugié, à l'octroi de l'asile et, subsidiairement, au prononcé d'une
admission provisoire. Il a fait valoir que ses déclarations n'étaient ni
lacunaires ni contradictoires sur les points essentiels de son récit. Il a
demandé à être dispensé du versement d'une avance de frais.
D.
Le 25 novembre 2013, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le
Tribunal) a accusé réception du recours.
E.
Les autres faits de la cause seront évoqués, si nécessaire, dans les
considérants en droit qui suivent.

Droit :
1.
1.1 Le Tribunal, en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le
Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), connaît des recours
contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre
1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les
autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par l’ODM concernant l’asile peuvent
être contestées, par renvoi de l’art. 105 de la loi du 26 juin 1998 sur l’asile
(LAsi, RS 142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement,
sauf demande d’extradition déposée par l’Etat dont le requérant cherche
à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral [LTF, RS 173.110]), exception non réalisée en l'espèce.
1.2 Le recourant a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans
la forme (art. 52 al. 1 PA) et dans le délai (art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par
la loi, le recours est recevable.
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2.
2.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de
sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou
de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression
psychique insupportable (art. 3 al. 1 et 2 LAsi ; ATAF 2007/31
consid. 5.2‒5.6 p. 379‒381).
2.2 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu’il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l’autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur
des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7
LAsi).
3.
3.1 L'ODM a retenu que les déclarations du recourant étaient
contradictoires, insuffisamment fondées, manifestement invrai-
semblables et ne satisfaisaient pas aux exigences posées à l'art. 7
LAsi.
3.2 Quant au recourant, il conteste l'appréciation faite par l'ODM et
estime que ses déclarations sont détaillées et exemptes de
contradictions, à tout le moins sur les points essentiels de son récit.
3.3 En l'espèce, le Tribunal estime que c'est à juste titre que l'ODM a
retenu que les allégations du recourant n'étaient pas vraisemblables.
L'intéressé s'est en effet exprimé de façon contradictoire sur des
points essentiels et a tenu des propos insuffisamment fondés et
illogiques ; la chronologie des principaux événements, prétendument
vécus, est en outre incohérente. Le Tribunal relève quelques éléments
d'invraisemblance dans les paragraphes qui suivent.
Ainsi, après avoir d'abord affirmé que les policiers avaient découvert les
documents et un drapeau à son domicile le 27 février 2013, le recourant a
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ensuite déclaré que cela s'était produit en janvier 2013, avant de se
référer à la date du 5 février 2013. Il a également tenu des propos
contradictoires quant au moment où aurait débuté la surveillance policière
à son égard: avant ou après la découverte des documents et du drapeau
et, par ricochet, avant ou après sa détention. L'intéressé n'a pas été
constant sur la date à laquelle son épouse aurait été frappée par les
policiers, laissant tomber son fils qu'elle portait dans ses bras à terre,
parlant tantôt du jour de son arrestation, tantôt d'une date ultérieure ; il
n'a pas été plus constant sur le moment à partir duquel il n'aurait plus eu
de contact avec sa femme (depuis son arrestation ou depuis son départ
du pays).
Ensuite, le recourant a tenu des propos vagues concernant la durée de
son séjour chez son frère à C._______ (trois ou quatre mois) et ses
différents lieux de séjour à Addis Abeba.
Par ailleurs, son discours est lacunaire et peu circonstancié, notamment
quant aux circonstances du décès de son père, à la description des
documents trouvés à son domicile par la police, à la nature de ses
activités en faveur de D._______ et à ses connaissances de ce
mouvement.
Pour finir, il sied de relever que le recourant n'a transmis aucun moyen de
preuve – ni d'ailleurs de document d'identité – qui permettrait d'étayer
certaines de ses allégations.
Pour le reste, il est renvoyé aux considérants détaillés de la décision
entreprise.
3.4 Il ressort de ce qui précède que les motifs exposés par le recourant
ne répondent manifestement pas aux exigences de vraisemblance fixées
par l'art. 7 LAsi.
3.5 Il s’ensuit que le recours, en tant qu’il conteste le refus de l’asile, doit
être rejeté.
4.
4.1 Lorsqu’il rejette la demande d’asile ou qu’il refuse d’entrer en matière
à ce sujet, l’ODM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en
ordonne l’exécution ; il tient compte du principe de l’unité de la famille
(art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l’art. 32 de
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l’ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la procédure (OA 1,
RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose d’une autorisation de
séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait l’objet d’une décision
d’extradition ou d’une décision de renvoi conformément à l’art. 121 al. 2
de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).
4.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n’étant en
l’occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette
mesure.
5.
L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Si ces conditions ne sont pas
réunies, l’admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par
l’art. 84 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr,
RS 142.20).
6.
6.1 L’exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons
de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre
dans un pays donné ou qu’aucun autre Etat, respectant le principe du
non-refoulement, ne se déclare prêt à l’accueillir ; il s’agit d’abord de
l’étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d’exclusion de
l’asile, et ensuite de l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un
traitement prohibé par l’art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH,
RS 0.101) ou encore l’art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (Conv. torture, RS 0.105).
6.2 En l'espèce, l'exécution du renvoi du recourant ne contrevient ni au
principe du non-refoulement de l'art. 5 LAsi, ni à aucun engagement de la
Suisse relevant du droit international. Comme exposé plus haut, le
recourant n'a pas rendu vraisemblable qu’il serait exposé à de sérieux
préjudices au sens de l’art. 3 LAsi, ni qu'il courrait un risque, personnel et
concret d'être soumis à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou
contraire à l'art. 3 Conv. torture en cas de retour en Ethiopie.
6.3 Dès lors, l’exécution du renvoi du recourant s’avère licite (art. 44 al. 2
LAsi et art. 83 al. 3 LEtr).
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7.
7.1 Selon l’art. 83 al. 4 LEtr, l’exécution de la décision peut ne pas être
raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son
pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par
exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou
de nécessité médicale. Cette disposition s’applique en premier lieu aux
"réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les
conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas
personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de
guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour
qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment
parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin.
L’autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter
les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait
l’étranger concerné dans son pays après l’exécution du renvoi à l’intérêt
public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2011/50
consid. 8.1‒8.3 p. 1002‒1004 et jurisp. cit.).
7.2 De jurisprudence constante, l'exécution du renvoi vers l'Ethiopie est en
principe considérée comme raisonnablement exigible (ATAF 2011/25
consid. 8.3 p. 520 et réf. cit.). Malgré les tensions qui persistent, en
particulier avec l'Erythrée, cet Etat ne connaît pas actuellement une
situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée sur
l'ensemble de son territoire qui permettrait d'emblée – indépendamment
des circonstances du cas d'espèce – de présumer, à propos de tous les
ressortissants de ce pays, l'existence d'une mise en danger concrète au
sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
7.3 Il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait inférer que
l’exécution du renvoi impliquerait une mise en danger concrète du
recourant. A cet égard, le Tribunal relève que celui-ci est jeune, au
bénéfice d’une expérience professionnelle en tant que cuisinier et
ébéniste et n'a pas allégué de problème de santé particulier. Au
demeurant, le recourant dispose d'un réseau familial dans son pays, sur
lequel il pourra compter à son retour. Selon ses déclarations, sa mère, sa
femme et son fils vivent à Addis Abeba, ses quatre frères et sœurs en
Ethiopie.
7.4 Pour ces motifs, l’exécution du renvoi doit être considérée comme
raisonnablement exigible.
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8.
Enfin, le recourant est en mesure d’entreprendre toute démarche
nécessaire auprès de la représentation de son pays d’origine en vue de
l’obtention des documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse.
L’exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles
insurmontables d’ordre technique et s’avère également possible (ATAF
2008/34 consid. 12 p. 513‒515).
9.
Il s’ensuit que le recours, en tant qu’il conteste la décision de renvoi et
son exécution, doit être également rejeté.
10.
Il est renoncé à un échange d’écritures (art. 111a al. 1 LAsi).
11.
11.1 Dans la mesure où il est statué au fond, la demande de dispense du
versement d'une avance de frais est sans objet (art. 63 al. 4 PA).
11.2 Au vu de l’issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de
procédure, d'un montant de 600 francs, à la charge du recourant,
conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. b du règlement du
21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le
Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d’un montant de 600 francs, sont mis à la charge
du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans
les 30 jours dès l’expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé au recourant, à l’ODM et à l’autorité
cantonale.

La présidente du collège : La greffière :

Sylvie Cossy Sophie Berset


Expédition :