E-5897/2010 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière) et renvoi - Non-entrée en matière
Karar Dilini Çevir:
E-5897/2010 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière) et renvoi - Non-entrée en matière
Cour V
E-5897/2010/
{T 0/2}
A r r ê t d u 1 7 s e p t e m b r e 2 0 1 0
Emilia Antonioni (présidente du collège),
Daniele Cattaneo, Muriel Beck Kadima, juges,
Céline Longchamp, greffière.
A._______, né le (...), Guinée-Bissau,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile (non-entrée en matière) et renvoi ;
décision de l'ODM du 13 août 2010 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-5897/2010
Faits :
A.
Le 7 juin 2010, A._______ a déposé une demande d'asile au Centre
d'enregistrement et de procédure (CEP) de B._______. Il lui a été
remis le même jour un document dans lequel l'autorité compétente
attirait son attention, d'une part, sur la nécessité de déposer dans les
48 heures ses documents de voyage ou ses pièces d'identité, et
d'autre part, sur l'issue éventuelle de la procédure en l'absence de
réponse concrète à cette injonction.
B.
Entendu sommairement audit centre le 21 juin 2010, puis sur ses
motifs d’asile le 29 juin 2010, le recourant a déclaré être un
ressortissant de Guinée-Bissau, originaire de C._______, appartenir à
l'ethnie (...) et avoir vécu chez son oncle, Baciro Dabo, à Bissau suite
au décès de ses parents en 1996.
Cet oncle, député du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée
et du Cap-vert (PAIGC) puis ministre de l'administration territoriale, se
serait présenté comme candidat indépendant aux élections
présidentielles de fin juin 2009. Le 5 juin 2009, aux environs de 23 h,
des militaires, parmi ses amis, se seraient rendus au domicile familial
et l'auraient assassiné d'un coup de fusil. Son épouse serait allée
chercher l'intéressé, alors couché dans son lit, pour le lui dire.
L'intéressé serait sorti de la maison et aurait rencontré les militaires
cagoulés. Le requérant se serait enfui, sur les conseils de sa tante, en
sautant par dessus le mur derrière la cour, se faisant, en tombant, une
fracture ouverte du bras gauche et se cassant différentes dents. Il
aurait alors été hospitalisé durant deux mois. De retour à son domicile,
il aurait fait part à sa tante de son souhait de quitter le pays, craignant
d'être, à son tour, éliminé par des militaires. Un mois plus tard, soit à
la fin du mois d'août 2009, il aurait quitté le pays en taxi pour rejoindre
D._______ (Sénégal). Il y aurait passé quatre mois, avant de prendre
le train jusqu'à E._______. Deux mois plus tard, il aurait poursuivi sa
route, accompagnant des commerçants jusqu'au F._______, puis
serait arrivé en Libye à bord d'un camion de (...). Après deux
semaines, il aurait embarqué à bord d'une pirogue pour cinq jours de
traversée jusqu'à l'île de Lampedusa (Italie). Il y aurait séjourné
pendant un mois chez un sénégalais, lequel lui aurait ensuite payé le
billet de train pour rejoindre la Suisse.
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L'intéressé a déclaré ne jamais avoir possédé de document d'identité,
son oncle étant décédé avant d'avoir débuté les démarches en vue de
l'obtention d'une carte d'identité.
C.
Par décision du 13 août 2010, l'ODM n'est pas entré en matière sur la
demande d'asile du requérant en application de l'art. 32 al. 2 let. a de
la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi, RS 142.31), a prononcé son
renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de cette mesure. L'ODM a
constaté que l'intéressé n'avait produit aucun document d'identité ou
de voyage et qu'il n'avait présenté aucun motif excusable. Il a retenu
que la qualité de réfugié n'avait pu être établie, ceci conformément aux
art. 3 et 7 LAsi, et qu'aucune des exceptions visées par l'art. 32 al. 3
LAsi n'était réalisée. L'ODM a enfin considéré que l'exécution du
renvoi du requérant était licite, raisonnablement exigible et possible.
D.
Dans son recours interjeté le 19 août 2010 auprès du Tribunal
administratif fédéral (ci-après : le Tribunal), l'intéressé a implicitement
conclu à l'annulation de la décision entreprise, à ce qu'il soit entré en
matière sur sa demande d'asile et au prononcé d'une l'admission
provisoire. Il a répété n'avoir jamais possédé ni pièce d'identité ni
document de voyage et ne pas pouvoir retourner en Guinée-Bissau,
les assassins de son oncle étant à sa recherche. Il a ajouté qu'il devait
être opéré à la fin du mois d'août et qu'il souffrait d'une hernie.
E.
Par décision incidente du 24 août 2010, le juge instructeur du Tribunal
a accusé réception du recours et confirmé l'effet suspensif de celui-là.
F.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, pour autant
que de besoin, dans les considérants juridiques qui suivent.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal,
en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au
sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la
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procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités
mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions rendues par
l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal
conformément à l'art. 105 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS
142.31).
1.2 Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et les
délais prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 PA et
108 al. 1 LAsi).
1.3 Saisi d'un recours contre une décision de non-entrée en matière
sur une demande d'asile, le Tribunal se limite à examiner le bien-fondé
d'une telle décision (cf. Jurisprudence et informations de la
Commission suisse de recours en matière d’asile [JICRA] 2004 n° 34
consid. 2.1. p. 240s. ; 1996 n° 5 cons. 3 p. 39 ; 1995 n° 14 consid. 4
p. 127s., et jurisp. cit.). Dans les cas de recours dirigés contre les déci-
sions de non-entrée en matière fondées sur l'art. 32 al. 2 let. a LAsi,
dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2007, l'exa-
men du Tribunal porte - dans une mesure restreinte - également sur la
question de la qualité de réfugié. L'autorité de céans doit examiner si
c'est à juste titre que l'ODM a constaté que le requérant concerné ne
remplissait manifestement pas les conditions posées par les art. 3 et 7
LAsi (cf. ATAF 2007/8 consid. 2.1 p. 73 ; cf. pour plus de détails con-
cernant cet examen le consid. 2.3 ci-après).
2.
Seul est à déterminer, en l'occurrence, si l'ODM était fondé à faire
application de l’art. 32 al. 2 let. a LAsi, disposition aux termes de
laquelle il n’est pas entré en matière sur une demande d’asile si le
requérant ne remet pas aux autorités, dans un délai de 48 heures
après le dépôt de sa demande, ses documents de voyage ou ses
pièces d'identité ; cette disposition n’est applicable ni lorsque le
requérant rend vraisemblable que, pour des motifs excusables, il ne
peut pas le faire, ni si sa qualité de réfugié est établie au terme de
l'audition, conformément aux art. 3 et 7 LAsi, ni si l'audition fait
apparaître la nécessité d'introduire d'autres mesures d'instruction pour
établir la qualité de réfugié ou pour constater l'existence d'un
empêchement à l'exécution du renvoi (cf. art. 32 al. 3 LAsi).
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3.
3.1 Selon l'art. 1a de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1,
RS 142.311), constitue un document de voyage, tout document officiel
autorisant l'entrée dans l'Etat d'origine ou dans d'autres Etats, tel
qu'un passeport ou un document de voyage de remplacement (let. b),
tandis qu'est considéré comme pièce d'identité tout document officiel
comportant une photographie et délivré dans le but de prouver
l'identité du détenteur (let. c). Conformément à la jurisprudence, le
document en cause doit prouver l'identité, y compris la nationalité, de
sorte qu'il ne subsiste aucun doute sur le retour de son titulaire dans
son pays d'origine sans démarches administratives particulières ;
seuls les documents de voyage (passeports) ou pièces d'identité
remplissent en principe les exigences précitées, au contraire des
documents établis à d'autres fins, comme les permis de conduire, les
cartes professionnelles, les certificats scolaires et les actes de
naissance (cf. ATAF 2007/7 p. 55ss).
3.2 En l'occurrence, bien qu'ait été expliquée au recourant la
conséquence de la non-production d'une pièce d'identité, celui-ci n'a
produit aucun document de voyage ni d'identité. Il a indiqué ne jamais
avoir possédé de documents d'identité et ne pas pouvoir entreprendre
lui-même les démarches en vue d'obtenir une carte d'identité, ce qui
n'est pas plausible (cf. pv. de l'audition sommaire p. 3, pv. de l'audition
fédérale p. 2 et 4). Il a ensuite affirmé n'avoir aucune personne qu'il
pourrait contacter alors qu'il dispose d'un réseau familial et social à
Bissau. Ainsi, l'épouse de son oncle, avec laquelle il aurait pourtant
maintenu contact depuis le Sénégal, se trouverait toujours à Bissau,
ville dans laquelle il aurait également des amis (cf. pv. de l'audition
fédérale p. 8, 10 et 12). S'agissant de son voyage jusqu'en Suisse, il
convient de retenir les indications vagues et stéréotypées du recourant
sur les différents endroits où il aurait séjourné, ignorant en particulier
l'adresse à laquelle il aurait vécu sur l'île de Lampedusa (cf. pv. de
l'audition fédérale p. 11). Il n'est, de même, pas crédible que, même à
supposer que l'intéressé ait voyagé sans documents de voyage, il n'ait
subi aucun contrôle d'identité, surtout à son arrivée en Italie (cf. pv. de
l'audition sommaire p. 6-7, pv. de l'audition fédérale p. 10-11). Force
est enfin d'observer qu'il n'est pas possible, comme l'a prétendu
l'intéressé, de quitter l'île de Lampedusa en train (cf. pv. de l'audition
fédérale p. 11-12). Ces éléments permettent de conclure que le
recourant cherche, pour le moins, à dissimuler ses documents de
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voyage. Au demeurant, dans son mémoire de recours, l'intéressé n'a
pas davantage étayé les circonstances de son voyage ni les raisons
pour lesquelles il aurait été empêché d'entreprendre des démarches
en vue de se procurer un document d'identité ou de voyage.
3.3 Le Tribunal considère, dès lors, que le recourant n'a fait valoir
aucun motif excusable susceptible de justifier la non-production de
documents au sens de l'art. 32 al. 3 let. a LAsi.
4.
4.1 Avec la réglementation prévue à l'art. 32 al. 2 let. a et à l'art. 32
al. 3 LAsi, le législateur a également voulu instaurer une procédure
d'examen matériel sommaire de l'existence ou non de la qualité de
réfugié. Ainsi, selon le nouveau droit, il n'est pas entré en matière sur
une demande d'asile si, déjà sur la base d'un tel examen, il peut être
constaté que le requérant ne remplit manifestement pas les conditions
de la qualité de réfugié. Le caractère manifeste de l'absence de la
qualité de réfugié peut tout aussi bien ressortir de l'invraisemblance du
récit que de son manque de pertinence sous l'angle de l'asile. En
revanche, si le cas requiert, pour l'appréciation de la vraisemblance ou
de la pertinence des allégués, des mesures d'instruction
complémentaires au sens de l'art. 32 al. 3 let. c LAsi, la procédure or -
dinaire devra être suivie. Il en ira de même lorsqu'il n'apparaît pas
clairement, sans dépasser le cadre limité d'un examen sommaire, qu'il
n'y a pas lieu d'ordonner de mesures d'instruction tendant à constater
l'existence d'un empêchement à l'exécution du renvoi au sens de
l'art. 32 al. 3 let. c LAsi (cf. ATAF 2007/8 consid. 5.6.5-5.7 p. 90 ss).
4.2 Dans le cas d'espèce, c'est à juste titre que l'ODM a considéré
que la qualité de réfugié du recourant n'était pas établie au terme de
l'audition (art. 32 al. 3 let. b LAsi), conformément aux art. 3 et 7 LAsi.
4.3 Le Tribunal considère, en effet, que le recourant a livré un récit
peu détaillé et divergent.
4.3.1 A titre d'exemple, on retiendra qu'il a indiqué, dans un premier
temps, que les militaires responsables de l'assassinat de son oncle
étaient ses amis (cf. pv. de l'audition sommaire p. 4) puis, dans un
deuxième temps, qu'il ne savait pas de qui il s'agissait (cf. pv. de
l'audition fédérale p. 8). L'intéressé a également affirmé que son oncle
avait été fusillé puis qu'il n'avait pas vu si les militaires détenaient un
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fusil (cf. pv. de l'audition sommaire p. 5, pv. de l'audition fédérale p. 7).
De même, lors de son audition sommaire, il a relaté s'être enfui sur les
conseils de sa tante et après avoir éteint la lumière (cf. pv. de l'audition
sommaire p. 4) alors qu'au cours de son audition fédérale, il a
prétendu que sa tante ne lui avait rien dit et qu'il n'avait eu aucun
geste particulier avant de prendre la fuite (cf. pv. de l'audition fédérale
p. 8). Entendu sur ces contradictions, le recourant n'a fourni aucune
explication convaincante puisqu'il s'est contenté d'invoquer des
incompréhensions (cf. pv. de l'audition fédérale p. 12).
4.3.2 En outre, l'intéressé n'a donné qu'une description générale et
imprécise de son oncle et des activités de celui-ci, ce qui n'est pas
admissible s'agissant d'une personne qui a vécu sous le même toit
durant treize ans (cf. pv. de l'audition fédérale p. 5-6). Ses indications
sur les circonstances fantasques de sa fuite, grâce à l'aide
providentielle, ne se sont pas révélées davantage plausibles (cf. pv. de
l'audition fédérale p. 7). De plus, si le recourant était effectivement
recherché par les autorités, elles l'auraient certainement recherché au
cours de son séjour de deux mois à l'hôpital puis au domicile familial à
sa sortie. D'ailleurs, le fait que l'intéressé soit retourné chez lui et y ait
vécu encore un mois n'est pas le comportement d'une personne qui
se sent réellement menacée (cf. pv. de l'audition fédérale p. 5, 8 et 13).
4.3.3 Il convient enfin de relever que les propos du recourant, qui n'a
nullement établi son lien de parenté avec Baciro Dabo, ne
correspondent pas aux informations disponibles sur l'assassinat de
celui-ci, événement largement répandu dans les médias et
apparemment utilisé pour les besoins de la cause, s'agissant
notamment du moment de l'assassinat, du déroulement de celui-ci,
des armes utilisées, des personnes impliquées et de la date des
obsèques (cf. notamment , ,
).
4.4 Au demeurant, force est de constater que le recours ne contient
aucun argument ni moyen de preuve de nature à remettre en cause
l'analyse développée ci-dessus et dans la décision attaquée à laquelle
il y a lieu, pour le surplus, de renvoyer (cf. consid. I 2 p. 3).
4.5 La décision de non-entrée en matière sur la demande d'asile du
recourant, prononcée par l’ODM le 13 août 2010, est dès lors
confirmée et le recours rejeté sur ce point.
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5.
5.1 Lorsque l'ODM refuse d'entrer en matière sur une demande
d'asile, il prononce en principe le renvoi de Suisse et en ordonne
l'exécution (art. 44 al. 1 LAsi) ; il tient compte du principe de l'unité de
la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la
procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose
d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait
l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi
conformément à l’art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril
1999 (Cst., RS 101).
5.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
6.
6.1 L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Si ces
conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être
prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 de la loi fédérale sur les
étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20), entrée en vigueur
le 1er janvier 2008.
6.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière
que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité cor-
porelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à
l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se
rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3
de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101).
6.3 L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement
exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine
ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas
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de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
6.4 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas
quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un
Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
7.
7.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(Conv. torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un
arrêté fédéral sur la procédure d'asile (APA), du 25 avril 1990, in: FF
1990 II 624).
7.2 L'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-
refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut, le recourant n'a
pas rendu vraisemblable qu'en cas de retour dans son pays d'origine,
il serait exposé à de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi.
7.3 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant
du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce.
7.4 Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains
(ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de
la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une
extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné
des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple
possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au
contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à
satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux,
au-delà de tout doute raisonnable, d'être victime de tortures, ou de
traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays.
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Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles
intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des
droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la
protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne
peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement -
et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des
mesures incompatibles avec la disposition en question (JICRA 1996 n°
18 consid. 14b let. ee p. 186s.).
7.5 Le Tribunal retient, au vu de ce qui précède (cf. consid. 4), que le
recourant n'a pas rendu vraisemblable l'existence de traitements
contraires à ces dispositions de droit international.
7.6 Dès lors, l'exécution du renvoi du recourant sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et
83 al. 3 LEtr).
8.
8.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
généralisée ou de nécessité médicale.
8.2 Cette disposition s’applique également aux personnes dont l'exé-
cution du renvoi ne peut être raisonnablement exigée parce qu'en cas
de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, elles pourraient
ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions mini -
males d'existence ; par soins essentiels, il faut entendre les soins de
médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie
de la dignité humaine (cf. GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationne-
ment, Berne 2002, p. 81 s. et 87). Cette disposition exceptionnelle, te-
nant en échec une décision d'exécution du renvoi, ne saurait en revan-
che être interprétée comme une norme qui comprendrait un droit de
séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des
mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au
simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical
dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteint pas le
standard élevé qu'on trouve en Suisse (cf. Jurisprudence et informa-
tions de la Commission suisse de recours en matière d’asile [JICRA]
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1993 n° 38 p. 274 s.). Ainsi, il ne suffit pas en soi de constater, pour
admettre l'inexigibilité de l'exécution du renvoi, qu'un traitement pres-
crit sur la base de normes suisses ne pourrait être poursuivi dans le
pays de l'étranger. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être as-
surés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné,
l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays sera raisonnable -
ment exigible. Elle ne le sera plus, au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr si, en
raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de
santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de condui-
re d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à
une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son inté-
grité physique (GOTTFRIED ZÜRCHER, Wegweisung und Fremdenpolizei-
recht : die verfahrensmässige Behandlung von medizinischen Härte-
fällen, in Schweizerisches Institut für Verwaltungskurse, Ausgewählte
Fragen des Asylrechts, Lucerne 1992 ; JICRA 2003 n° 24 consid. 5b
p. 157 s.), et ensuite aux personnes pour lesquelles un retour
reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce
qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin.
8.3 En dépit des différents coups d'Etat intervenus en 2009 et au
début de l'année 2010, on ne saurait considérer que la Guinée-Bissau
connaît actuellement une situation de guerre, de guerre civile ou de
violence généralisée qui permettrait d’emblée - et indépendamment
des circonstances du cas d’espèce - de présumer, à propos de tous
les ressortissants du pays, l’existence d’une mise en danger concrète
au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr.
8.4 En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait
inférer que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger
concrète du recourant. Le recourant est, en effet, jeune, sans charge
de famille et au bénéfice d'une expérience professionnelle de plus de
cinq ans en tant que commerçant (cf. pv. de l'audition sommaire p. 2). I l
dispose d'un réseau familial et social dans son pays, sur lequel il
pourra compter à son retour. S'agissant de son état de santé, il
n'apparaît pas que ses problèmes médicaux (ancienne fracture du
bras et hernie) sont d'une gravité telle qu'ils constituent un
empêchement au renvoi, dans la mesure où ils ne nécessitent pas des
soins essentiels ou des traitements complexes entrant dans la notion
de soins essentiels qui devraient impérativement se poursuivre en
Suisse, ceci conformément aux principes jurisprudentiels rappelés ci-
dessus. A noter d'ailleurs que l'intéressé a pu être réopéré en Suisse
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suite à sa fracture du bras. Il n'y a donc pas lieu de considérer que
l'exécution de son renvoi conduirait à une mise en danger concrète de
sa vie à brève échéance, ses problèmes de santé ne devant pas, au
vu de leur nature, l'empêcher de reprendre une activité commerçante.
A cela s'ajoute qu'il est loisible à l'intéressé de solliciter, au besoin,
une aide médicale au retour
8.5 Pour ces motifs, l’exécution du renvoi doit être considérée comme
raisonnablement exigible.
9.
Enfin, le recourant est en possession de documents suffisants pour
rentrer dans son pays ou, à tout le moins, est en mesure
d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation
de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage
lui permettant de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte
donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère
également possible.
10.
Cela étant, l'exécution du renvoi doit être déclarée conforme aux dis -
positions légales. Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la
décision de renvoi et son exécution, doit être également rejeté.
11.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et 3
let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)
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E-5897/2010
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal
dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé au recourant, à l'ODM et à l'autorité
cantonale compétente.
La présidente du collège : La greffière :
Emilia Antonioni Céline Longchamp
Expédition :
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