E-5724/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 10 septembre...
Karar Dilini Çevir:
E-5724/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 10 septembre...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-5724/2013


A r r ê t d u 1 4 m a r s 2 0 1 4
Composition
Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Martin Zoller, François Badoud, juges,
Anne-Laure Sautaux, greffière.


Parties
A._______, née le (…), Togo,
représentée par (…),
Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE),
(…),
recourante,


contre

Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.


Objet
Asile et renvoi ;
décision de l'ODM du 10 septembre 2013 / N (…).


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Faits :
A.
La recourante a déposé une demande d'asile en Suisse le 8 mars 2013
au centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Bâle.
B.
Elle a été entendue sommairement le 21 mars 2013 et a déposé sa carte
d'identité délivrée le (…) 2011. Elle a, par la suite, été entendue sur ses
motifs d'asile le 3 septembre 2013 et a produit une attestation de sa
qualité de membre active de (...) de l'ANC délivrée le (...) juin 2013 par
(...), ainsi que deux convocations de police datées respectivement du
(...) février 2013 et du (...) février 2013.
Lors de l'audition sommaire et de l'audition sur les motifs d'asile, la
recourante a déclaré être née dans la ville de Lomé où elle aurait passé
l'essentiel de sa vie. Elle serait célibataire, d'ethnie (...), de confession
catholique et étudiante (...) dans une université privée. Elle aurait adhéré
à l'Alliance Nationale pour le Changement (ANC) en 2010. Avant la
création de ce parti en 2010, elle aurait assisté avec ses parents aux
réunions de l'Union des Forces pour le Changement (UFC).
Le (...) décembre 2012, elle aurait participé à une manifestation
organisée par le Collectif Sauvons le Togo (CST), à laquelle des leaders
de l'ANC auraient pris part, et qui aurait été couverte par les médias.
Comme à l'accoutumée, elle se serait déroulée le samedi le long de la
plage. La manifestation aurait commencé à 10 heures dans le quartier de
Codjindi, à Lomé. Des hauts responsables de l'opposition, notamment
Jean-Pierre Fabre, y auraient tenu des discours avant le départ de la
marche. Lors du défilé, qui aurait longé la plage, entre 14 et 16 heures, la
recourante aurait été appréhendée et emmenée en voiture au poste de
gendarmerie, situé à proximité de (...).
A son arrivée à la gendarmerie, la recourante aurait subi un interrogatoire
et aurait été accusée d'avoir causé des dégâts lors de la manifestation.
Un gendarme lui aurait ordonné de signer un document sans qu'elle en
connaisse le contenu, ce qu'elle aurait refusé de faire. Elle serait restée
enfermée seule dans une cellule pendant deux jours et par deux fois
encore, les gendarmes auraient tenté de lui faire signer le document. En
raison de son refus, elle aurait été battue. Elle aurait été emmenée dans
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la cour de la prison et contrainte à rester agenouillée, en plein soleil.
Refusant de répondre aux questions d'un gendarme, la recourante aurait
été frappée. Un deuxième gendarme serait arrivé et, avec son collègue,
l'auraient à tour de rôle frappée avec une matraque en caoutchouc et à
coups de pieds. Elle aurait été ramenée dans sa cellule. Durant la nuit,
l'un de ses tortionnaires y serait entré et aurait abusé d'elle. Le
lendemain, un gendarme l'aurait emmenée hors de sa cellule et frappée
avec un tuyau, lui disant que son traitement était le résultat de ses
activités de manifestante et que la prochaine fois, elle ferait bien de
réfléchir avant de prendre part à une marche. Il l'aurait ensuite ramenée
dans sa cellule et lui aurait servi de la nourriture de mauvaise qualité.
N'ayant rien mangé depuis deux jours et se sentant très affaiblie, elle se
serait forcée à manger. Jusqu'à la fin de sa détention, elle aurait subi des
menaces et aurait été incitée à signer le document, ce qu'elle aurait
toujours refusé de faire. Pendant toute la durée de sa détention, elle
aurait dormi à même le sol à côté du seau prévu pour ses besoins
personnels. Le (...) janvier 2013, la recourante aurait été libérée, selon les
déclarations des gendarmes, en raison d'une grâce présidentielle ; elle
aurait signé un document à cette occasion. A sa sortie de prison, elle
serait rentrée chez elle, puis aurait été emmenée à l'hôpital par sa
cousine, avec qui elle vivait. Elle aurait été hospitalisée deux à trois jours
et aurait été soignée pour ses blessures, notamment aux côtes. Après
son séjour à l'hôpital, elle aurait repris ses études et tenté de rattraper
son retard.
Comme trois autres amis, B._______ (E-5879/2013, ci-après : C.) aurait
également participé à la manifestation et été appréhendé ; la recourante
l'aurait vu pour la dernière fois au moment où elle aurait été emmenée.
Dans la soirée du (...) février 2013, alors qu'elle se serait trouvée chez
une camarade d'études, la recourante aurait été informée
téléphoniquement par sa cousine que des gendarmes étaient venus la
chercher à son domicile. Elle se serait alors réfugiée chez sa tante à
Baguida, ville située dans la banlieue de Lomé.
Au petit matin, le (...) février 2013, la recourante aurait été à nouveau
contactée par sa cousine qui l'aurait avertie que des gendarmes étaient
revenus à leur domicile, qu'ils avaient amené la convocation datée du
(...) février 2013, l'invitant à se présenter au poste de police d'un quartier
de Lomé le (...) février 2013, à 8 heures, et qu'ils avaient fouillé la maison.
Selon la recourante, elle aurait été soupçonnée d'avoir été parmi les
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responsables de l'incendie du Grand marché de Lomé survenu, le
12 janvier 2013, et recherchée pour ce motif.
Suivant les conseils de sa cousine, et accompagnée par sa tante, elle se
serait rendue sans délai chez un pasteur à Cotonou, au Bénin. Ce serait
durant ce séjour d'un mois dans cette ville que les forces de l'ordre
seraient retournées à son domicile avec la seconde convocation datée
du (...) février 2013, l'invitant à se présenter au poste de police de son
quartier le (…) février 2013, à 8 heures également. Son compatriote C.
l'aurait rejoint à Cotonou. Ses quatre autres amis, détenus en même
temps qu'elle, auraient connu les mêmes problèmes et se seraient
également enfuis.
Le (…) mars 2013, la recourante et son compatriote, munis de
passeports d'emprunt, auraient pris un avion pour Zurich, avec escale à
Paris. Ils seraient entrés en Suisse le lendemain.
C.
Par décision du 10 septembre 2013 (notifiée le 17 septembre suivant),
l'ODM a refusé de reconnaître la qualité de réfugié à la recourante et
rejeté sa demande d'asile. Il a considéré que les moyens de preuve
déposés à l'appui de sa demande étaient dénués de valeur probante et
que ses déclarations ne satisfaisaient pas aux exigences de
vraisemblance posées à l'art. 7 LAsi. Il a estimé qu'elles étaient
insuffisamment fondées sur des points essentiels du récit, contradictoires
notamment avec les allégations de son ami C..
Par la même décision, l'ODM a prononcé le renvoi de Suisse de la
recourante et ordonné l'exécution de cette mesure, qu'il a estimée licite,
raisonnablement exigible et possible.
D.
Par acte du 10 octobre 2013, l'intéressée a formé recours contre cette
décision. Elle a conclu à la reconnaissance de la qualité de réfugié, à
l'octroi de l'asile et, subsidiairement, à son admission provisoire. Elle a
demandé l'assistance judiciaire partielle et la dispense du paiement de
l'avance de frais et produit une attestation d'aide financière. Elle a produit
un courrier daté du (…) octobre 2013 (...) de l'ANC indiquant que
l'attestation délivrée le (...) juin 2013 par lui-même comportait une erreur
en tant qu'elle s'adressait à la recourante par "Monsieur", erreur qui
devait être corrigée par le terme "Mademoiselle". Elle a également produit
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une même attestation, rectifiée, établie le (…) octobre 2013 par (...) de
l'ANC.
La recourante a contesté l'appréciation de ses allégations, faite par
l'ODM. Elle a soutenu avoir répondu aux questions sur le déroulement de
la manifestation selon le sens qu'elle leur a donné et cela de manière
détaillée et circonstanciée. Elle a fait valoir qu'elle avait oublié les heures
et lieux exacts du déroulement de la manifestation du (...) décembre 2012
et que c'était la raison pour laquelle son récit contenait des imprécisions.
Elle a apporté des explications concernant la contradiction ayant trait à
l'heure du début de la manifestation et a précisé que l'heure indiquée
correspondait à celle à laquelle elle s'était rendue à la manifestation et
non à celle de son début.
E.
Dans sa réponse du 4 novembre 2013, l'ODM a proposé le rejet du
recours. Il a observé que de nouvelles contradictions ressortaient de la
comparaison des mémoires de recours de la recourante et de son ami C..
F.
Dans sa réplique du 10 décembre 2013, la recourante a soutenu que ses
déclarations concernant le déroulement de la manifestation étaient
circonstanciées et détaillées. Elle s'est exprimée sur les contradictions
relevées par l'ODM entre ses déclarations et celles de son ami sur les
heures de la manifestation et les arrestations ayant eu lieu lors de celle-
ci. Elle s'est référée à divers articles de presse et à une déclaration
publique d'Amnesty International.
La recourante a joint à sa réplique une attestation, datée du (...) juin
2013, (…) de l'ANC certifiant que la recourante a été "obligée de quitter le
pays, parce que recherchée par les forces de l'ordre et de sécurité pour
des raisons politiques depuis février 2013".
G.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, si nécessaire,
dans les considérants qui suivent.



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Droit :
1.
1.1 En vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au sens
de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA, RS 172.021). En particulier, les décisions rendues par
l’ODM concernant l'asile et le renvoi - lesquelles n'entrent pas dans le
champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF - peuvent être contestées devant le
Tribunal conformément à l'art. 33 let. d LTAF (en vertu du renvoi figurant à
l’art. 105 de la loi du 26 juin 1998 sur l’asile [LAsi, RS 142.31]). Le
Tribunal est donc compétent pour connaître du présent litige. Il statue de
manière définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 La procédure devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que
ni la LTAF (cf. art. 37 LTAF), ni la LAsi (cf. art. 6 LAsi), n'en disposent
autrement.
1.3 Le Parlement suisse a adopté le 14 décembre 2012 une révision de la
loi sur l'asile du 26 juin 1998 (RO 2013 4375) qui est entrée en vigueur le
1er février 2014. Conformément aux dispositions transitoires de la
modification du 14 décembre 2012, les procédures pendantes à l'entrée
en vigueur de cette modification sont régies par le nouveau droit.
1.4 La recourante a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté
dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 108 al. 1 LAsi)
prescrits par la loi, le recours est recevable.
2.
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le
pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques (cf. art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment
considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de
l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui
entraînent une pression psychique insupportable (cf. art. 3 al. 2 1ère phr.
LAsi).
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2.1 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu’il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de
réfugié est vraisemblable lorsque l’autorité estime que celle-ci est
hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Ne sont pas vraisemblables
notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas
suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas
aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de
preuve faux ou falsifiés (art. 7 al. 3 LAsi).

Des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels,
elles sont suffisamment fondées (ou : consistantes), concluantes (ou :
constantes et cohérentes) et plausibles et que le requérant est
personnellement crédible.

Les allégations sont fondées, lorsqu'elles reposent sur des descriptions
détaillées, précises et concrètes, la vraisemblance de propos généraux,
voire stéréotypés étant généralement écartée. Elles sont concluantes,
lorsqu'elles sont exemptes de contradictions entre elles, d'une audition à
l'autre ou avec les déclarations d'un tiers (par exemple, proche parent)
sur les mêmes faits. Elles sont plausibles, lorsqu'elles correspondent à
des faits démontrés (en particulier aux circonstances générales régnant
dans le pays d'origine) et sont conformes à la réalité et à l'expérience
générale de la vie. La crédibilité du requérant d'asile fait défaut non
seulement lorsque celui-ci s'appuie sur des moyens de preuve faux ou
falsifiés, mais encore s'il dissimule des faits importants, en donne
sciemment une description erronée, modifie ses allégations en cours de
procédure ou en rajoute de façon tardive et sans raison apparente ou s'il
enfreint son obligation de collaborer (cf. art. 8 LAsi).

Quand bien même la vraisemblance autorise l'objection et le doute, ceux-
ci doivent toutefois paraître d'un point de vue objectif moins importants
que les éléments parlant en faveur de la probabilité des allégations. Lors
de l'examen de la vraisemblance des allégations de fait d'un requérant
d'asile, il s'agit pour l'autorité de pondérer les signes d'invraisemblance en
dégageant une impression d'ensemble et en déterminant, parmi les
éléments militant en faveur ou en défaveur de cette vraisemblance, ceux
qui l'emportent (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2, ATAF 2010/57 consid. 2.3 et
réf. cit.).

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3.
3.1 En l’occurrence, il convient d'examiner d'abord si la recourante a
rendu vraisemblables, au sens de l'art. 7 LAsi, ses allégués ayant trait à
sa participation à une manifestation, à son arrestation, le (...) décembre
2012, et à sa détention jusqu'au (...) janvier 2013.
3.1.1 Selon les déclarations de la recourante, corroborées par les
informations à disposition du Tribunal (cf. U.S. Department of State,
Country Reports on Human Rights Practices for 2012 , avril 2013, en ligne sur le
site internet du Département d'Etat des Etats-Unis
Under Secretary for Civilian Security, Democracy, and Human Rights > Bureau
of Democracy, Human Rights, and Labor > Releases > Human Rights Reports >
2012 Country Reports on Human Rights Practices > Africa >
Togo ,consulté le 13.11.2013), des manifestations organisées par les
militants et sympathisants du Front Républicain pour l'Alternance et le
Changement (FRAC) et du CST dans le but de revendiquer leur
opposition au régime togolais en place, ont eu lieu à Lomé tous les
samedis, et ce depuis le lendemain de la présidentielle de 2010. Toujours
d'après les mêmes informations, ces manifestations se déroulaient la
plupart du temps pacifiquement et sans incidents, et ne faisaient pas
l'objet d'une grande couverture médiatique. En revanche, lorsque de
telles manifestations revêtaient une importance particulière en raison de
la participation de hauts responsables des partis d'opposition par des
discours ou qu'elles se terminaient par l'intervention des forces de l'ordre,
les faits étaient relatés par les médias togolais. Or, tel n'a pas été le cas
pour la manifestation à laquelle la recourante aurait participé. Si la
manifestation du (...) décembre 2012 n'était pas l'une de ces
manifestations hebdomadaires, mais bel et bien une manifestation de
contestation organisée par des dirigeants de l'opposition, impliquant leur
participation par des discours, la couverture médiatique sur les lieux et la
dispersion des participants par les forces de l'ordre et l'arrestation d'un
certain nombre d'activistes, on aurait logiquement pu s'attendre à ce que
ces événements aient été rapportés par les médias. Le Tribunal n'a pas
connaissance de sources fiables et convergentes rapportant ne serait-ce
que l'existence de cette manifestation à cette date, alors que la simple
tenue d'une telle manifestation aurait déjà dû faire l'objet de publicité et
d'appel à la participation au peuple togolais. A titre illustratif, l'agenda du
CST des mois de décembre 2012 et janvier 2013 (tel qu'il est publié dans
un article du 3 décembre 2012 en ligne sur
,consulté le 12 février 2014)
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ne mentionne pas la manifestation alléguée, mais celle de la "marche
rouge" des femmes du 20 décembre 2012, organisée par le CST à Lomé.
Ainsi, des informations relatives à cette "marche rouge" ont été largement
diffusées par les médias togolais et internationaux, y compris sur Internet.
La description par les médias de cette "marche rouge" (qui s'est déroulée
dans le calme, sans incidents) et la description par la recourante de la
manifestation qui aurait eu lieu (…) jours plus tard comportent un grand
nombre de similarités constitutives d'un indice sérieux que la recourante
s'est inspirée de faits réels pour construire ses motifs d'asile. Ces
similarités consistent dans les appels à une grande marche ayant
précédé la manifestation, l'ampleur de la participation et la prise de parole
de dirigeants, ainsi que la revendication à l'alternance démocratique, le
tracé de la manifestation à travers la ville et le long de la plage et la
présence de journalistes.
3.1.2 En outre, questionnée à ce sujet, la recourante a déclaré ne pas
savoir ce qui s'était passé le 20 décembre 2012 à Lomé (p.-v. de
l'audition du 3 septembre 2013, Q 186). Compte tenu des nombreux
appels du CST à la mobilisation des femmes de Lomé qui ont précédé la
marche et de la couverture médiatique de cet événement, il n'est pas
crédible que la recourante, qui allègue avoir été activiste du CST et pris
part à des réunions et manifestations du parti, n'ait pas eu connaissance
de cette manifestation.
3.1.3 Les déclarations de la recourante relatives aux circonstances de sa
détention ne sont, quant à elles, pas crédibles. En particulier, le défaut
d'explications circonstanciées de sa part sur l'interrogatoire auquel elle
aurait été livrée constitue un élément d'invraisemblance. De plus, la
recourante n'a pas expliqué pourquoi un gendarme aurait tenté de lui
faire signer un document sans lui laisser prendre connaissance de son
contenu. L'accusation d'avoir commis, lors de la manifestation, des
déprédations devait reposer sur des déclarations de policiers ou de tiers;
la recourante n'a pas expliqué pour quelle raison les policiers auraient
attaché autant d'importance à lui faire signer un document dont elle
pouvait présumer qu'il contenait des aveux, que ceux-ci aient été vrais ou
faux. Il n'y a pas non plus de raisons d'admettre que les autorités aient
cherché à obtenir de la part de la recourante des informations qui leur
auraient été utiles, dès lors qu'elle n'a rien dit de précis à ce sujet. En tout
état de cause, il n'est guère crédible que, sans avoir obtenu les
renseignements escomptés, elles l'aient détenue encore pendant deux
semaines pour ne la relaxer qu'ensuite.
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3.1.4 Les déclarations de la recourante divergent de celles de son
compatriote C. quant à la dénonciation des conditions vécues en
détention à (…). Selon lui, ils s'y seraient rendu ensemble ; selon elle, elle
n'y serait jamais allée. En rectifiant, au cours de la procédure de recours,
certaines de ses déclarations pour les faire coïncider avec celles de son
compatriote, la recourante ne fait que perdre en crédibilité personnelle.
3.2 Il s'agit ensuite d'examiner les allégués de la recourante, selon
lesquels les autorités cherchent à lui imputer l'incendie du Grand marché
de Lomé du 12 janvier 2013.
3.2.1 Il est notoire que la gendarmerie nationale - l'un des corps de
l'armée togolaise – a été saisie de l'enquête sur les causes de cet
incendie et de celui, la nuit précédente, du marché de Kara,
apparemment criminels. Elle l'a confiée à une unité spécialisée, le
Service de Recherches et d'Investigations (SRI). Ce service a procédé
dès le 13 janvier 2013 à de multiples interpellations et arrestations,
spécialement au sein des partis d'opposition au régime en place, en s'en
prenant principalement à des responsables. L'opposition a accusé le
gouvernement de chercher à la discréditer à l'approche des élections
législatives (prévues initialement à l'automne 2012 et reportées à l'été
2013), à punir les commerçantes du marché pour le soutien qu'elles lui
apportaient, et enfin à couvrir des personnalités proches du régime qui
auraient commandité cet incendie à des fins d'enrichissement (…). Les
répercussions dans les médias nationaux de cette affaire, dans laquelle
chaque camp accusait l'autre, démontre qu'il s'agissait, quel que soit le
point de vue défendu, d'une affaire d'Etat. Dans ce contexte, et au vu des
soupçons d'allégeance de la justice togolaise au pouvoir politique qui ne
peuvent être exclus, l'argument succinct de l'ODM selon lequel la
recourante aurait pu se prévaloir d'un alibi et faire valoir ses droits en
justice avec l'aide d'un avocat ne saurait être retenu en tant que tel.
3.2.2 Compte tenu des arrestations des dirigeants des partis d'opposition
présumés coupables qui ont eu lieu entre le 13 janvier 2013 et la fin de ce
même mois, il n'y a pas lieu d'admettre que le SRI se soit intéressé à la
recourante dont le profil ne correspond manifestement pas à celui des
personnes soupçonnées. En particulier, il n'est pas vraisemblable que le
SRI se soit intéressé à elle du seul fait de sa détention antérieure à la
gendarmerie nationale. Elle n'a pas su expliquer pour quelles raisons elle
aurait été activement et durablement recherchée, quand bien même elle
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n'était pas présente sur les lieux de l'incendie et ne disposait d'aucune
information particulière relative à celui-ci.
3.2.3 En outre, il n'est pas convaincant que la police soit intervenue au
domicile de la recourante, alors que l'enquête sur les incendies a eu une
importance politique telle qu'elle a été confiée à un service spécialisé et
centralisé de la gendarmerie nationale. En raison des impératifs de
confidentialité liés à cette affaire d'Etat, il n'est guère crédible que le SRI
ait délégué à un commissariat de police local la tâche de rechercher la
recourante. De plus, il y a une incohérence dans le fait d'établir la
convocation de la recourante pour un entretien agendé au matin du (...)
février, et de procéder quelques heures plus tôt à une perquisition lors de
laquelle, si elle n'avait pas été absente, la police aurait pu l'appréhender.
Si la police avait détenu suffisamment d'éléments à l'encontre de la
recourante pour procéder à une perquisition et donc à son interpellation,
elle ne l'aurait pas simplement invitée à se présenter au commissariat, en
délivrant des convocations à son domicile. De plus, elle aurait pu
interpeller ses proches en vue de les interroger sur sa localisation. Cette
façon, pour la police, de procéder est d'autant moins professionnelle
qu'elle aurait omis, lors de sa première intervention, de fouiller le domicile
de la recourante, laissant ainsi à celle-ci et à ses proches la faculté de
détruire entretemps des pièces à conviction.
3.2.4 Les similitudes trop flagrantes entre certains points de détail des
déclarations de la recourante et de son compatriote C. sur leur vécu (par
ex. les soupçons des autorités quant à leur responsabilité dans l'incendie
criminel, un premier appel, le (...) février 2013, lors duquel ils ont été
avertis d'une descente faite à leur domicile par la police alors que chacun
d'eux était chez son camarade d'études, un second appel le lendemain
au petit matin lors duquel ils auraient appris l'existence d'une seconde
descente faite à leur domicile avec perquisition alors que chacun d'eux
était chez sa tante) ne correspondent guère à l'expérience générale et
donnent à penser que ces récits ont été échafaudés sur la base d'un
scénario inventé de toutes pièces.
3.3 Certes, la recourante a produit des moyens de preuve tendant à
étayer les faits allégués. S'agissant de la convocation datée du (...) février
2013 et remise au domicile de la recourante le (…) février suivant, ainsi
que celle datée du (...) février 2013, leur valeur probante est, comme
l'ODM l'a à juste titre relevé, d'emblée très faible, de tels documents
pouvant aisément être acquis contre paiement. De plus, les déclarations
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de la recourante sur leur remise à son domicile en Suisse par sa cousine,
sans qu'elle ne puisse en fournir les enveloppes, ne sont pas
convaincantes. Cela étant, contrairement à l'opinion de l'ODM, il n'y a pas
lieu de déduire un indice de falsification de l'utilisation des mêmes stylos,
par le même signataire, et avec la même "dextérité" (recte : écriture).
3.3.1 En revanche, l'authenticité des attestations produites par la
recourante à l'appui de sa demande d'asile (cf. état de faits, B.) et en
procédure de recours (cf. état de faits, C.) n'est pas contestée.
Cependant, le caractère standardisé, voire stéréotypé de ces documents
ne permet pas de leur accorder une quelconque valeur probante.
Néanmoins, l'adhésion de la recourante à l'ANC n'est pas mise en doute.
3.3.2 Les articles de presse et la déclaration publique d'Amnesty
International auxquels se réfère la recourante dans sa réplique ne
viennent nullement étayer les motifs allégués.
3.4 En définitive, au vu des nombreux éléments militant en défaveur de la
vraisemblance relevés ci-avant, et tout bien pesé, les déclarations de la
recourante quant à son arrestation lors d'une manifestation, sa détention
de plus de deux semaines et les recherches dirigées contre elle à la suite
de l'incendie du 12 janvier 2013, ne sont pas vraisemblables au sens de
l'art. 7 LAsi.
3.5 Partant, la recourante n'a pas établi l'existence d'une crainte
objectivement fondée d'être exposée à de sérieux préjudices au sens de
l'art. 3 LAsi, en cas de retour au Togo.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il conteste le refus de la
reconnaissance de la qualité de réfugié et le rejet de la demande d'asile,
doit être rejeté et la décision attaquée confirmée sur ces points.
5.
5.1 Lorsqu’il rejette la demande d’asile ou qu’il refuse d’entrer en matière,
l’office prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne
l’exécution ; il tient compte du principe de l’unité de la famille (cf. art. 44
LAsi). Il décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du
renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être
raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr, auquel renvoie l'art. 44 LAsi). A
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contrario, l'exécution du renvoi est ordonnée lorsqu'elle est licite,
raisonnablement exigible et possible.
5.2 En l'occurrence, aucune des conditions de l’art. 32 de l’ordonnance 1
sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1, RS 142.311) n’étant réalisée, en
l’absence notamment d’un droit de la recourante à une autorisation de
séjour ou d’établissement, le Tribunal est tenu de confirmer le renvoi (cf.
art. 44 LAsi).
5.3 L’exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-
refoulement de l’art. 5 LAsi, la recourante n’ayant pas rendu
vraisemblable qu'elle serait, en cas de retour dans son pays, exposée à
de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi (cf. supra).

Pour les mêmes raisons, elle n'a pas démontré à satisfaction de droit qu'il
existerait pour elle un risque réel, fondé sur des motifs sérieux et avérés,
d'être victime de torture ou encore d'un traitement inhumain ou dégradant
en cas d'exécution du renvoi dans son pays d'origine (cf. art. 3 de la
Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales [CEDH, RS 0.101] et art. 3 de la Convention
du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants [Conv. torture, RS 0.105]).

L’exécution du renvoi s’avère donc licite (cf. art. 83 al. 3 LEtr).
5.4 L'exécution du renvoi est, sur la base du dossier, raisonnablement
exigible et possible. La recourante n'a d'ailleurs pas contesté
l'argumentation de l'ODM quant à ces points. Il n'y a donc pas lieu
d'approfondir ces questions (cf. ATAF 2009/57 consid. 1.2 p. 798 et
réf. cit.).
5.5 Au vu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il conteste la décision
de renvoi et d'exécution de cette mesure, doit être également rejeté et la
décision attaquée confirmée sur ces points.
6.
Vu l’issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la
charge de la recourante, conformément à l'art. 63 al. 1 PA et aux art. 2 et
3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2). Toutefois, les conclusions du recours n'étant pas
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apparues d'emblée vouées à l'échec et la recourante ayant établi son
indigence, la demande d'assistance judiciaire doit être admise (cf. art. 65
al. 1 PA). Il est donc renoncé à la perception des frais de procédure.

(dispositif : page suivante)

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire partielle est admise.
3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
4.
Le présent arrêt est adressé à la mandataire de la recourante, à l’ODM et
à l’autorité cantonale compétente.

Le président du collège : La greffière :

Jean-Pierre Monnet Anne-Laure Sautaux


Expédition :