E-5703/2009 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi - Renvoi Dublin (art. 64a LEtr)
Karar Dilini Çevir:
E-5703/2009 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi - Renvoi Dublin (art. 64a LEtr)
Cour V
E-5703/2009/mau
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 n o v e m b r e 2 0 0 9
François Badoud (président du collège),
Blaise Pagan, Jean-Pierre Monnet, juges,
Antoine Willa, greffier.
A._______, née le (...), Kosovo,
représentée par Service d'Aide juridique aux Exilé-e-s
(SAJE), en la personne de Karine Povlakic,
recourante,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile (non-entrée en matière) et renvoi ;
décision de l'ODM du 11 mai 2009 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-5703/2009
Faits :
A.
Le 22 mars 2009, A._______ a déposé une demande d'asile auprès
du centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe.
B.
Auditionnée le 24 mars suivant, l'intéressée a dit avoir déposé une
première demande d'asile en Hongrie , elle a alors été avertie qu'elle
pourrait être renvoyée dans ce pays, et a été invitée à s'exprimer à ce
sujet.
L'ODM a ensuite appris, par la consultation de la banque de données
EURODAC, que la requérante avait effectivement déposé une
demande d'asile en Hongrie, le 22 février 2009 ; dite demande avait
été classée le 24 mars suivant, en raison de la disparition de
l'intéressée, laquelle avait alors déjà gagné la Suisse.
Le 20 avril 2009, l'ODM a requis des autorités hongroises la
réadmission de la requérante, requête admise le 30 avril suivant.
C.
Par décision du 11 mai 2009, l'ODM n'est pas entré en matière sur la
demande d'asile déposée par A._______, en application de l'art. 34 al.
2 let. d de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31) ; en
application de cette disposition, il a ordonné son transfert en Hongrie,
Etat compétent pour examiner sa demande d'asile sur le fond, en vertu
de l'accord international dit "règlement Dublin", auquel la Suisse est
partie.
La décision a été notifiée à l'intéressée en date du 17 juin 2009, par
l'intermédiaire de l'autorité cantonale ; elle a refusé d'en signer
l'accusé de réception. La requérante a alors été immédiatement
interpellée et transférée à l'aéroport de Zurich, où elle a été placée en
détention jusqu'au matin du lendemain 18 juin, date de son transfert
en Hongrie par la voie aérienne.
D.
A._______ est ensuite revenue en Suisse, au mois d'août 2009, à une
date indéterminée. Par lettre adressée à l'ODM, le 31 août 2009, sa
mandataire a fait parvenir à cette autorité une procuration signée, le
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même jour, de l'intéressée. Elle a annoncé la prochaine arrivée de
celle-ci au CEP de Vallorbe et a sollicité "le réexamen de la décision
de renvoi vers la Hongrie et l'entrée en matière sur sa demande
d'asile", en raison de divers obstacle s'opposant à un retour dans ce
pays.
L'intéressée a requis, par l'intermédiaire de sa mandataire, communi-
cation des pièces essentielles du dossier, demande à laquelle il a été
donné suite, le 3 septembre suivant.
E.
La requérante s'est présentée au CEP de Vallorbe, où elle a déposé,
le 1er septembre 2009, une nouvelle demande d'asile ; celle-ci a été
enregistrée par l'ODM et fait encore l'objet d'une instruction à la date
de la présente décision.
F.
Le 10 septembre 2009, l'intéressée a interjeté recours contre la
décision du 11 mai précédent, concluant à l'annulation de celle-ci ; elle
a également requis la prise de mesures provisionnelles, ainsi que
l'assistance judiciaire partielle.
La recourante fait tout d'abord grief à l'ODM de ne pas lui avoir notifié
valablement sa décision, car cette notification n'aurait pas été
accomplie dans le respect des règles applicables à la notification des
décisions orales, fixées à l'art. 13 LAsi.
L'intéressée soutient également que le dossier ayant été transmis à sa
mandataire en date du 3 septembre 2009, le recours avait été déposé
dans le délai de cinq jours ouvrables fixé à l'art. 108 al. 2 LAsi. Elle
argue parallèlement qu'ayant été placée dans l'impossibilité effective
de déposer un recours, vu son interpellation immédiate du 17 juin
2009, le délai de recours devait lui être restitué. La recourante
reproche enfin à l'ODM de ne pas lui avoir accordé un droit d'être
entendu adéquat au sujet de son retour en Hongrie.
G.
Par ordonnance du 11 septembre 2009, le Tribunal a suspendu toute
mesure d'exécution du renvoi de l'intéressée jusqu'à droit connu sur
son recours.
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H.
Invité à se prononcer sur le recours, l'ODM, dans sa réponse du
21 septembre 2009, a renoncé à prendre position. Par réplique du 1er
octobre suivant, le recourante a persisté dans ses conclusions.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal
administratif fédéral, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours
contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du
20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021)
prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les
décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être
contestées devant le Tribunal administratif fédéral conformément à
l'art. 105 LAsi.
1.2 La recourante a qualité pour recourir.
Le délai de recours, s'agissant d'une décision de non-entrée en
matière, est de cinq jours ouvrables (art. 108 al. 2 LAsi).
1.3 Selon l'art. 34 al. 2 let. d LAsi, ici appliqué, l'ODM n'entre pas en
matière lorsque le requérant peut se rendre dans un Etat tiers
compétent, en vertu d’un accord international, pour mener la
procédure d’asile et de renvoi.
L'accord international ici applicable est l'accord du 26 octobre 2004
entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif
aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l’Etat
responsable de l’examen d’une demande d’asile introduite dans un
Etat membre ou en Suisse (RS 0.142.392.68). Dit accord rend
applicable en Suisse le règlement du 18 février 2003 (n° 343/2003) du
Conseil de l'Union européenne établissant les critères et mécanismes
de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une
demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un
ressortissant d'un pays tiers (règlement Dublin).
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1.4 Selon l'art. 107a LAsi, les recours déposés contre les décisions de
non-entrée en matière prises en application de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi
n’ont pas d’effet suspensif ; lorsque des indices sérieux laissent
présumer que les droits garantis par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950 (RS 0.101) sont violés par le pays de destination,
l’effet suspensif peut être accordé.
2.
En l'espèce, c'est de manière erronée que l'intéressée se réfère aux
règles posées par l'art. 13 LAsi, dans la mesure où la décision
attaquée n'était pas "orale" au sens où l'entend cette disposition, mais
comportait un exposé des faits, une motivation et un dispositif écrits,
ainsi que l'indication écrite des voies de droit ; il s'agissait donc d'une
décision ordinaire notifiée sous la forme écrite, telle que la prescrivent
les art. 34 et 35 PA. La recourante a reçu en mains propres le texte de
cette décision. Elle lui a été traduite et expliquée par un interprète.
Bien qu'elle ait refusé d'en signer l'accusé de réception, la décision
attaquée n'en a pas moins été régulièrement notifiée en date du
17 juin 2009.
3.
3.1 Le délai de recours de cinq jours ouvrables, dès la notification de
la décision attaquée, est arrivé à échéance le 24 juin 2009 ;
déterminer si le recours déposé le 10 septembre a été déposé à
temps dépend donc du caractère fondé ou non de la demande de
restitution du délai de recours.
La recourante soutient en effet que le délai de recours doit lui être
restitué, dans la mesure où elle n'aurait pas été en mesure de recourir
après notification de la décision, en raison d'une impossibilité
matérielle.
3.2 La restitution de délai est réglée par l'art. 24 PA. Selon cette
disposition, si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa
faute, d’agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que,
dans les trente jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, le
requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de
restitution et ait accompli l’acte omis.
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La jurisprudence en matière de restitution de délai est très restrictive
(cf. PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd., Berne 2002, p. 267,
ch. 2.2.6.7) et ne voit un empêchement à agir que dans un obstacle
objectif qui rend pratiquement impossible l'observation d'un délai, tel
un événement naturel imprévisible ou une interruption des
communications postales ou téléphoniques, ou alors dans un obstacle
subjectif mettant le recourant ou son mandataire hors d'état de
s'occuper de ses affaires et de charger un tiers de s'en occuper pour
lui, comme la survenance d'un accident nécessitant une
hospitalisation d'urgence ou d'une maladie grave (cf ATF 119 II 86ss,
114 ll 181 ss, 112 V 255, 108 V 109, 104 ll 61).
3.3
3.3.1 Le contexte dans lequel a eu lieu la notification de la décision
attaquée pose effectivement problème, car il n'appartenait pas à
l'autorité cantonale, simple organe d'exécution de la décision de renvoi
(cf. art. 45 al. 1 let. f et 46 al. 1bis LAsi), de différer de cinq semaines
la notification d'une décision dont elle avait été informée ; il lui
incombait de la notifier sans délai, ainsi que le lui imposait le principe
de la bonne foi et le devoir de diligence inhérent à l'accomplissement
d'une tâche publique.
Par ailleurs, le fait que la recourante ait été interpellée aussitôt après
la notification pourrait effectivement être considéré comme un obstacle
insurmontable, au sens rappelé ci-dessus, au dépôt d'un recours
conforme aux exigences légales. En d'autres termes, il pourrait être
soutenu que dans ces conditions, l'intéressée a été privée de son droit
d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale du
18 avril 1999 (RS 101), en ce sens qu'elle s'est trouvée dans
l'impossibilité effective de remettre en cause, par les voies de droit
ordinaires, la décision de l'ODM. En l'espèce, cette question peut
toutefois rester indécise.
3.3.2 En effet, en l'espèce, la recourante n'a pas établi qu'elle a
effectivement agi dans le délai de trente jours dès la cessation de
l'éventuel empêchement ; en effet, ce dernier consistant, selon
l'intéressée, dans son interpellation et sa détention en vue du renvoi, a
disparu au plus tard le 18 juin 2009, jour de son arrivée en Hongrie.
Dès ce moment, il lui était loisible de contacter les autorités suisses,
soit par courrier, soit en s'adressant à la représentation diplomatique
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suisse en Hongrie (cf. art. 21 al. 1 PA). Le dépôt du recours, le
10 septembre suivant, dépasse donc le délai légal de trente jours.
4.
4.1 En outre, la question d'une éventuelle restitution du délai de
recours peut rester indécise, la recourante n'ayant plus, dans les faits,
un intérêt actuel au dépôt d'un recours.
4.2 En effet, la loi a posé le principe que seul a qualité pour recourir
celui qui a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée (art. 48 al. 1 let. c PA).
Comme la jurisprudence du Tribunal fédéral l'a plusieurs fois rappelé,
l'intérêt digne de protection à l'admission du recours doit être actuel et
pratique, en ce sens que la situation du recourant, en cas d'admission
du recours, se verra concrètement modifiée à son avantage (cf.
notamment ATF 124 I 231 consid. 1b) ; en conséquence, il n'existe
plus lorsque la décision attaquée a sorti tous ses effets ou a perdu sa
validité.
Le Tribunal fédéral a toutefois admis que de manière exceptionnelle, la
règle de l'intérêt actuel peut être laissée de côté, lorsqu'il y a lieu de
sanctionner des décisions administratives contestables déployant leurs
effets immédiatement, et qui ne pourraient ainsi jamais être examinées
(essentiellement des refus d'autorisations de manifestations), et que la
même contestation est susceptible de réapparaître dans des
circonstances analogues, si bien qu'il existe un intérêt public clair à
trancher la question posée (cf ATF 127 I 164 et 125 Ii 497 ;. PIERRE
MOOR, op. cit., ch. 5.6.2.3, p. 642-643 et les références citées ; BENOÎT
BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 351-352 et 485 ; ANDRÉ
MOSER/MICHAEL BEUSCH/LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bun-
desverwaltungsgericht, Bâle 2008, p. 49-50 n. 2.70-2.73 ; ISABELLE
HÄNER in Kommentar zur Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren
[VwVG], Zurich/St. Gallen 2008, p. 648-649, n° 21-22).
4.3 La question de savoir si, dans le cas d'espèce, il peut être fait
exception à la condition de l'existence d'un intérêt actuel peut se
poser, eu égard à la pratique appliquée par l'autorité cantonale lors de
la notification des décisions prises en application de l'art. 34 al. 2 let. d
LAsi. En effet, cette pratique tolérée, sinon approuvée par l'ODM,
laisse à l'autorité cantonale le choix de la date de la notification,
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laquelle est aussitôt suivie de l'exécution du transfert ; le risque existe
donc que ce type de décisions ne puisse être revu par l'autorité de
recours, puisque les personnes intéressées ont d'ores et déjà quitté la
Suisse au moment où le dépôt d'un recours leur devient effectivement
possible.
Toutefois, le cas que présente la recourante est tout à fait particulier.
En effet, la décision attaquée a déjà été exécutée et a vu ses effets
pleinement déployés. Une seconde procédure a ensuite été ouverte
par le dépôt d'une seconde demande d'asile. Les rapports de droit s'en
trouvent dès lors totalement transformés : la situation de l'intéressée
doit être revue par l'ODM et la question du transfert en Hongrie à
nouveau examinée, si bien qu'il lui est loisible de faire valoir
d'éventuels obstacles à un retour dans ce pays, si ce dernier devait à
nouveau être déclaré compétent pour examiner ses motifs d'asile sur
le fond.
Ainsi, la recourante n'a plus d'intérêt pratique et actuel à obtenir
l'annulation de la décision du 11 mai 2009, l'autorité de première
instance étant maintenant appelée à statuer une nouvelle fois sur son
cas ; cette perte d'intérêt est d'ailleurs d'autant plus évidente que le
dépôt de la seconde demande a précédé de neuf jours le dépôt du
recours. En conséquence, le recours du 10 septembre 2009 est
irrecevable, en application de l'art. 48 al. 1 let. c PA ; il n'y a pas lieu de
faire exception à cette règle.
A cela s'ajoute que deux décisions ne sauraient être rendues sur le
même objet, dans le cadre de deux procédures simultanées, ce
d'autant moins que toutes deux pourraient, le cas échéant, déboucher
sur des solutions divergentes, voire contradictoires.
5.
Le Tribunal fait droit à la requête d'assistance judiciaire partielle, dans
la mesure où il ne paraît pas équitable de mettre les frais à la charge
de la recourante (art. 6 let. b du règlement du 21 février 2008
concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal
administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire partielle est admise ; il n'est pas
perçu de frais.
3.
Le présent arrêt est adressé à la mandataire de la recourante et à
l'ODM.
Le président du collège : Le greffier :
François Badoud Antoine Willa
Expédition :
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