E-5159/2008 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile
Karar Dilini Çevir:
E-5159/2008 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile
Cour V
E-5159/2008/wan
{T 0/2}
A r r ê t d u 9 o c t o b r e 2 0 0 8
François Badoud, juge unique,
avec l'approbation de Maurice Brodard, juge ;
Antoine Willa, greffier.
X._______, née le (...), Kosovo,
domiciliée (...),
recourante,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Exécution du renvoi ; décision de l'ODM du 8 juillet
2008 / N_______.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-5159/2008
Faits :
A.
Le 16 juillet 2007, X._______ a déposé une demande d'asile auprès
du centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe.
B.
Entendue audit centre, puis par l'autorité cantonale, la requérante,
originaire de A._______, a exposé que sa famille se serait opposée à
sa relation avec le dénommé Y._______ ; son père l'aurait battue pour
ce motif. Le 5 mai 2005, l'intéressée aurait rejoint Y._______ à
l'occasion d'un "enlèvement", mis sur pied avec son consentement.
Dès ce moment, elle aurait cessé tout contact avec sa famille.
Après une année de vie commune, Y._______ aurait commencé à
s'adonner à l'alcool et se serait montré violent, frappant l'intéressée à
plusieurs reprises ; il l'aurait également contrainte à des rapports
sexuels et l'aurait menacée de mort. L'intéressée n'aurait jamais
déposé de plainte à la suite de ces sévices.
Pour se mettre à l'abri, la requérante se serait enfuie chez une amie
du nom de Z._______, restant un mois chez elle. Celle-ci lui aurait
avancé l'argent nécessaire à son départ et aurait trouvé un passeur.
Y._______, pour retrouver la requérante, se serait adressé à sa famille
et à ses connaissances, dont Z._______. L'intéressée aurait rejoint la
Suisse, via l'Albanie et l'Italie, du 14 au 16 juillet 2007.
C.
Le 15 mai 2008, l'ODM s'est adressé au Bureau de liaison suisse au
Kosovo, l'invitant à vérifier l'exactitude des dires de la requérante,
relativement à sa situation personnelle.
Le 2 juin suivant, le Bureau, après avoir enquêté à A._______, a
communiqué que selon ses proches, l'intéressée était partie de la
maison familiale pour la Suisse en mai 2007, car elle n'avait pas de
perspectives au Kosovo ; elle était toujours en contact avec sa famille.
De 1999 à 2002, elle aurait été mariée, avant de se séparer, et aurait
de mauvaises relations avec son père, qui l'aurait battue en une
occasion.
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Selon la famille, la prise en charge de l'intéressée serait difficile en cas
de retour, vu la petite taille du logement ; toutefois, de l'opinion du
Bureau de liaison, une telle possibilité ne serait pas exclue. De son
côté, Y._______ a dit être le cousin de la requérante et n'avoir jamais
été marié avec elle.
Invitée à s'exprimer, l'intéressée, le 24 juin 2008, a maintenu sa
version des faits, observant que son père reconnaissait l'avoir battue,
et que Y._______ ne pouvait que nier son comportement antérieur à
son égard.
D.
Par décision du 8 juillet 2008, l'ODM a rejeté la demande d'asile
déposée par l'intéressée et a prononcé son renvoi de Suisse, au vu du
manque de pertinence de ses motifs.
E.
Interjetant recours contre cette décision, le 8 août 2008, X._______ a
affirmé que la décision de renvoi la concernant n'était pas
suffisamment motivée. S'agissant du fond, elle a contesté le rapport du
Bureau de liaison et a mis en avant les risques de représailles pesant
sur elle, tant de la part de Y._______ que de sa famille, contre lesquels
elle ne pourrait obtenir de protection adéquate. Dès lors, selon
l'intéressée, elle se trouverait, après son retour, dans la situation d'une
femme seule sans soutien familial,et connaîtrait des conditions de
réintégration difficile. Elle a enfin mis en avant son état de santé.
La recourante a conclu au non-renvoi de Suisse et a requis
l'assistance judiciaire partielle.
F.
Par décision incidente du 22 août 2008, le Tribunal a rejeté la requête
d'assistance judiciaire partielle, le recours étant manifestement voué à
l'échec , le 9 septembre suivant, il a rejeté une demande de paiement
échelonné de l'avance de frais.
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Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal
administratif fédéral, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours
contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du
20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021)
prises par les autorités mentionnées aux art. 33 et 34 LTAF. En
particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent
être contestées devant le Tribunal administratif fédéral conformément
à l'art. 105 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31).
1.2 La recourante a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et
les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (48ss PA et
108 al. 1 LAsi).
2.
La recourante n’a pas recouru contre la décision de l'ODM en tant
qu'elle rejette sa demande d'asile, de sorte que, sous cet angle, elle a
acquis force de chose décidée.
3.
Les assertions de la recourante, selon qui la motivation établissant le
caractère exécutoire de son renvoi serait lacunaire ou insuffisante,
tombent à faux ; en effet, l'ODM a procédé sur ce point à une
appréciation individualisée du cas, en relation avec la situation
personnelle de l'intéressée et la crédibilité à accorder à son récit. Une
éventuelle cassation n'entre donc pas en ligne de compte.
4.
4.1 Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 sur l’asile du 11 août 1999 (OA 1, RS
142.311), lorsque le requérant d’asile dispose d’une autorisation de
séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait l’objet d’une décision
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d’extradition ou d’une décision de renvoi conformément à l’art. 121
al. 2 de la Constitution fédérale du 18 décembre 1998 (Cst., RS 101).
4.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
5.
5.1 L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnable-
ment exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Elle est réglée par l'art. 83
de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS
142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette disposition a
remplacé l'art. 14a de l'ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le
séjour et l’établissement des étrangers (LSEE).
5.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière
que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité
corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs
mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être
astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants (art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(CEDH, RS 0.101).
5.3 L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement
exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine
ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas
de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
5.4 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas
quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un
Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
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6.
6.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv.
torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté
fédéral sur la procédure d'asile (APA), du 25 avril 1990, in: FF 1990 II
624).
6.2 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant
du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce.
6.3 Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains
(ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de
la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une
extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné
des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple
possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au
contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à
satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux,
au-delà de tout doute raisonnable, d'être victime de tortures, ou de
traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays.
Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles
intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des
droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la
protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne
peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement -
et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des
mesures incompatibles avec la disposition en question (JICRA 1996 n°
18 consid. 14b let. ee p. 186s.).
6.4 En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral relève que les
dires de la recourante sont sujets à caution.
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En effet, les données réunies par le Bureau de liaison, à l'occasion
d'une enquête menée sur place, sont claires et montrent que
l'intéressée n'a pas décrit les faits de manière exacte. On peut certes
considérer avec réserve les déclarations de Y._______, qui n'avouerait
certainement pas d'éventuelles sévices infligés à la recourante. En
revanche, les proches de l'intéressée, qui ont fourni des
renseignements détaillés, n'ont aucune raison de mentir en affirmant
qu'elle a été mariée de 1999 à 2002, et n'a quitté le domicile familial
qu'en mai 2007. X._______ s'est contentée de nier ces faits, sans y
opposer d'argumentation valable.
En conséquence, les problèmes qu'aurait rencontrés l'intéressée avec
Y._______, et qui seraient à l'origine de son départ, ne sont pas
crédibles. Cela étant, elle aurait eu en tout état de cause la possibilité,
si besoin était, de requérir la protection des autorités contre les
violences exercées par Y._______, ce d'autant plus qu'elle n'aurait pas
été mariée avec lui ; cette tâche est celle de la Mission
d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (UNMIK), en
collaboration avec le Service de police du Kosovo (SPK).
6.5 Dès lors, l'exécution du renvoi de la recourante sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et
83 al. 3 LEtr).
7.
7.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en
premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne
remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne
sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations
de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite
aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre
concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus
recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la
décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects
humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger
concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public
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militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 1999 n° 28
p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22 p. 191).
7.2 Il est notoire que le Kosovo ne connaît plus une situation de
guerre, de guerre civile ou de violences généralisées qui permettrait
d’emblée - et indépendamment des circonstances du cas d’espèce -
de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l’existence
d’une mise en danger concrète au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr.
7.3 En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait
inférer que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger
concrète de la recourante. A cet égard, l'autorité de céans relève que
celle-ci est jeune et au bénéfice d'une expérience du travail à domicile.
Par ailleurs, bien qu'une tension existe avec certains membres de sa
famille et que ceux-ci ne disposent pas de grandes possibilités de
logement, il ressort du rapport du Bureau de liaison qu'ils seraient le
cas échéant en mesure, et ne refuseraient pas, d'apporter à
l'intéressée l'assistance nécessaire.
Enfin, si la recourante a fait état dans son acte de recours de
problèmes de santé, elle n'a cependant fourni aucun renseignement à
cet égard.
7.4 Pour ces motifs, l’exécution du renvoi doit être considérée comme
raisonnablement exigible.
8.
Enfin, la recourante est en mesure d'entreprendre toute démarche
nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue
de l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la
Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles
insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible.
9.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.
S'avérant manifestement infondé, il l'est dans une procédure à juge
unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e LAsi).
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Il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt
n'étant motivé que sommairement (cf. art. 111a al. 1 et 2 LAsi).
10.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge de la recourante, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et
3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens
et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
de la recourante. Ce montant doit être compensé avec l'avance de
frais du même montant, déjà versée en date du 12 septembre 2008.
3.
Le présent arrêt est adressé :
- à la recourante (par courrier recommandé)
- à l'ODM, Division Séjour et Aide au retour, avec le dossier
N_______ (en copie)
- au (...) (en copie)
Le juge unique : Le greffier :
François Badoud Antoine Willa
Expédition :
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