E-5157/2014 - Abteilung V - Exécution du renvoi - Exécution du renvoi; décision de l'ODM du 12 août ...
Karar Dilini Çevir:
E-5157/2014 - Abteilung V - Exécution du renvoi - Exécution du renvoi; décision de l'ODM du 12 août ...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-5157/2014


Ar r ê t d u 2 5 no vemb r e 2 0 1 4
Composition
Sylvie Cossy, juge unique,
avec l'approbation de Gérald Bovier, juge ;
Antoine Willa, greffier.


Parties
A._______, née le (…),
Cameroun,
représentée par (…), BUCOFRAS,
(…),
recourante,


contre

Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.


Objet
Nouvelle demande d'asile ;
décision de l'ODM du 12 août 2014 / N (…).


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Faits :
A.
A._______ a déposé une première demande d'asile en date du 8 juin 2013.
En substance, elle avait alors fait valoir s'être soustraite à un mariage forcé,
ce qui avait entraîné la rupture avec sa famille, puis avoir épousé un
homme qui l'avait maltraitée. Après avoir subi une tentative de viol de la
part d'un policier, elle aurait gagné la France sous l'égide d'un proxénète,
lequel l'aurait contrainte à la prostitution. Au stade du recours, l'intéressée
a également déclaré se trouver en danger en raison de ses orientations
bisexuelles.
Par décision du 18 novembre 2013, l'ODM n'est pas entré en matière sur
la demande, en application de l'ancien art. 32 al. 2 let. a LAsi (RS 142.31),
et a prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressée. Saisi d'un recours, le
Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal) l'a rejeté dans son arrêt
du 13 décembre 2013 et confirmé la décision attaquée (E-6890/2013).
B.
Le 20 juin 2014, l'intéressée a déposé une seconde demande d'asile
manuscrite. Elle y expose n'avoir pas été en mesure, lors de la première
procédure, de faire valoir ses véritables motifs, en raison de sentiments de
honte et de culpabilité.
Ainsi, après s'être soustraite à un mariage forcé en (…), la recourante
aurait travaillé comme domestique pour un dénommé B._______, qui
occupait un poste au sein de la sécurité camerounaise. Ce dernier l'aurait
contrainte à des relations intimes, d'où seraient issus deux enfants.
L'intéressée aurait fait croire à son ami, C._______, qu'il était le père des
enfants mais ce dernier aurait conçu des soupçons. L'apprenant et
craignant des conséquences indésirables pour lui, B._______ l'aurait fait
assassiner le (…) 2012.
B._______ aurait menacé la recourante de mort ou de dénoncer ses
tendances bisexuelles pour qu'elle ne révèle pas ces faits. Pour se mettre
à l'abri, l'intéressée se serait cachée chez une amie française qu'elle
connaissait depuis 2011, laquelle l'aurait aidée à gagner la France au
moyen d'un faux passeport, le (…) avril 2013, et lui aurait conseillé de
déposer une demande d'asile en Suisse afin qu'elles puissent continuer de
se voir, dans l'idée de pouvoir ensuite se marier.
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Depuis lors, la police la rechercherait activement au domicile de sa famille
et de celle de C._______ car elle serait accusée d'être bisexuelle et de
vouloir attenter à la vie de B._______ (sic). Ses proches auraient en outre
été sérieusement torturés.
La recourante s'est reprochée de ne pas avoir exposé d'emblée ses
véritables motifs, mais a dit craindre de dévoiler les faits commis par une
personne travaillant au sein du gouvernement, avec les risques que cela
comportait, et souhaitait protéger sa relation avec son amie française qui
l'aurait quittée dans l'intervalle.
La requérante a fait valoir qu'elle courrait des risques en cas de retour, en
raison de ses orientations sexuelles et de la position d'influence de
B._______, lequel pouvait craindre qu'elle ne révèle des faits
préjudiciables pour lui; de plus, elle ne pourrait compter sur l'aide des
autorités camerounaises.
La recourante a encore précisé que B._______ détenait sa carte d'identité.
Elle a néanmoins dit produire l'original de sa carte "par les autorités de mon
pays".
C.
Le 4 juillet 2014, l'ODM a demandé à la recourante de produire sa carte
d'identité jusqu'au 15 juillet 2014.
D.
Par décision du 12 août 2014, notifiée le lendemain, l'ODM a rejeté la
demande d'asile et prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressée, vu le
manque de vraisemblance de ses motifs.
E.
Interjetant recours contre cette décision, le 12 septembre 2014, A._______
a repris ses arguments, arguant qu'elle n'avait pas fait état de tous ses
motifs dès le début, ceci dans le souci de protéger ses proches, ainsi que
l'amie qui l'avait aidée à rejoindre la Suisse; par ailleurs, elle a fait grief à
l'ODM de ne pas l'avoir auditionnée et s'est plainte d'une violation de son
droit d'être entendu. Elle a conclu à la cassation de la décision attaquée,
et a requis l'assistance judiciaire partielle.
Elle a en outre produit une carte nationale d'identité, délivrée le (…) 2010
et valable 10 ans, expliquant qu'elle aurait réussi à "l'avoir de son ancien
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chef et amant avant de le quitter", carte qui avait été conservée par son
amie.
F.
Par ordonnance du 30 septembre 2014, le Tribunal a rejeté la requête
d'assistance judiciaire partielle, le recours étant manifestement dénué de
chances de succès, et a requis le paiement d'une avance sur les frais de
procédure présumés d'un montant de 600 francs, dont la recourante s'est
acquittée le 20 octobre 2014.
G.
Le 5 novembre 2014, la recourante a déposé un rapport médical daté du
29 octobre 2014, selon lequel elle souffre d'un état psychique perturbé
("Belastungszustand"), avec symptômes tant physiques (douleurs
abdominales) que psychiques (insomnies). Elle s'est en outre réservé la
possibilité de déposer un rapport médical détaillé et circonstancié, priant le
Tribunal d'en tenir compte sur la base de l'art. 32 al. 2 PA.

Droit :
1.
1.1 Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF.
1.2 En particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile
peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal,
lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par
l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF),
exception non réalisé en l'espèce.
1.3 La recourante a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et le délai
prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 al. 1 PA et art. 108
al. 1 LAsi).

2.
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L'intéressée a conclu à la cassation de la décision mais n'a pas pris de
conclusions explicites en matière d'asile et de renvoi; toutefois, la plupart
de ses arguments portent sur le fond et soulignent la vraisemblance et la
pertinence des motifs d'asile invoqués. Bien que non explicite, une
conclusion contestant le rejet de la demande peut se déduire des motifs du
recours (PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2011, ch. 5.8.1.4,
p. 807 et les réf. citées)
Dans ce contexte, le Tribunal considère comme adéquat de se prononcer
également sur les mérites de ces motifs; cette position est d'ailleurs
conforme au principe de l'économie de la procédure.
3.
Le grief fait à l'ODM de n'avoir pas auditionné l'intéressée sur ses motifs,
et d'avoir violé son droit d'être entendu, n'est pas fondé et doit être rejeté.
En effet, le rejet de sa première demande est entré en force le 13 décembre
2013, date de l'arrêt du Tribunal. La seconde demande ayant été déposée
moins de cinq ans plus tard, elle doit revêtir la forme écrite (art. 111c al. 1
LAsi) et l'ODM n'est pas tenu de procéder à une audition (FF 2010 4035,
4085 s).
4.
4.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de
leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de
leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux
préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la
liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique
insupportable. Il y lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux
femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi; également ATAF 2007/31 consid. 5.2‒5.6).
4.2 Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur
des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
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manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7
LAsi).
5.
5.1 En l'occurrence, les motifs nouveaux allégués par la recourante ne
convainquent pas.
5.2 Le Tribunal ne voit pas pour quelle raison l'intéressée n'aurait pas été
en mesure de les soulever lors de la première procédure. L'existence d'un
éventuel sentiment de honte devant leur nature n'est pas convaincant, la
recourante ayant alors décrit des faits (tentative de viol, prostitution forcée)
tout aussi traumatisants et délicats à évoquer. Après le rejet de sa
demande par l'ODM, elle a en outre complété son récit à la faveur de la
procédure de recours, alléguant sa bisexualité, élément qui n'a pas été
considéré comme vraisemblable mais articulé uniquement pour les
besoins de la cause. Ce même argument peut être repris dans la présente
procédure, tant la motivation de la nouvelle demande d'asile semble s'être
adaptée aux considérants de l'arrêt du Tribunal du 13 décembre 2013.
De même, le Tribunal ne discerne pas en quoi le récit de l'intéressée serait
susceptible de causer du tort à son amie française (dont elle ne cite jamais
le nom) ou à ses proches, les autorités camerounaises ne pouvant
connaître la teneur de ses propos.
Dès lors, dans la mesure où aucun mobile sérieux et crédible n'était de
nature à empêcher la recourante de décrire les faits tels qu'ils s'étaient
déroulés dans le cadre de sa première demande d'asile, la seconde version
qu'elle donne de ses motifs d'asile ne peut être tenue pour vraisemblable.
5.3 Le Tribunal constate en outre que le récit n'est pas crédible sur le fond.
On ne comprend pas pourquoi l'intéressée a poursuivi, durant six ans, une
liaison entamée sous la contrainte, sans tenter de s'y soustraire, alors
qu'elle avait su, par le passé, échapper à l'union forcée arrangée par son
père; elle n'a d'ailleurs fourni aucune donnée précise et vérifiable au sujet
des événements vécus durant cette période et s'est contentée de présenter
des généralités.
Elle n'a pas non rendu plus vraisemblable que B._______, même membre
d'un corps de police, a la capacité d'empêcher tout l'appareil d'Etat
camerounais de recevoir les plaintes de la recourante et dispose du
pouvoir de faire ouvrir une procédure pénale contre elle, à sa convenance,
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sur la base d'une accusation aucunement étayée; l'intéressée n'a d'ailleurs
fourni aucun détail à ce sujet.
Enfin, les orientations sexuelles de la recourante, si tant est qu'elles soient
connues au Cameroun, sont ici sans pertinence, ainsi que l'avait déjà
relevé le Tribunal dans son premier arrêt.
5.4 Finalement, il y a encore lieu de relever que la recourante a fourni des
versions contradictoires au sujet de sa carte d'identité. Dans sa demande
écrite du 20 juin 2014, elle a précisé que sa carte était entre les mains de
B._______ (p. 3), dans son recours du 12 septembre 2014, qu'elle avait
réussi à la récupérer chez ce dernier avant de le quitter; son amie l'aurait
conservée et la lui aurait transmise. Cette nouvelle version ajoute à
l'impression générale ressortant du dossier que la recourante adapte son
discours en fonction des circonstances, ce qui rend globalement ses
allégations invraisemblables.
5.5 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus de l'asile, doit
être rejeté.
6.
6.1 Aucune des exceptions prévues à l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août
1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311) n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer le
renvoi prononcé par l'ODM.
6.2 S'agissant de l'exécution de cette mesure, le Tribunal relève que la
recourante n'a pas établi la forte probabilité, concrète et sérieuse, d'être
exposée à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la
convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105)
Dès lors, l'exécution de son renvoi sous forme de refoulement ne
transgresse aucun engagement de la Suisse relevant du droit international,
de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 LAsi et art. 83 al. 3 LEtr [RS 142.20]).
6.3 Rien n'indique que l'exécution du renvoi ne puisse pas être
raisonnablement exigée, rien ne permettant en effet de retenir que
l'intéressée soit mise concrètement en danger en cas de retour dans son
pays d'origine, au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
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En effet, il est notoire que le Cameroun ne connaît pas une situation de
guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait
d'emblée – et indépendamment des circonstances du cas d'espèce – de
présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une
mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait inférer
que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger concrète de la
recourante. A cet égard, le Tribunal relève qu'elle est encore jeune et au
bénéfice d'une formation scolaire complète; quant aux troubles décrits
dans le rapport médical du 29 octobre 2014, ils ne paraissent revêtir aucun
caractère aigu, aucun traitement n'ayant d'ailleurs été prescrit.
6.4 Enfin, la recourante est en mesure d'entreprendre toute démarche
nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue de
l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse.
L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles
insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible au sens
de l'art. 83 al. 2 LEtr (ATAF 2008/34 consid. 12).
6.5 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la décision de renvoi et
son exécution, doit être également rejeté.
7.
Le recours s'avérant manifestement infondé, il est rejeté dans une
procédure à juge unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111
let. e LAsi).
Il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt n'étant
motivé que sommairement (art. 111a al. 1 et 2 LAsi).

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8.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à
la charge de la recourante, conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3
let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge
de la recourante. Ce montant est couvert par l'avance de frais versée le
20 octobre 2014.
3.
Le présent arrêt est adressé au mandataire de la recourante, à l'ODM et à
l'autorité cantonale.

La juge unique : Le greffier :

Sylvie Cossy Antoine Willa


Expédition :