E-4543/2009 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière) et renvoi - Non-entrée en matière
Karar Dilini Çevir:
E-4543/2009 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière) et renvoi - Non-entrée en matière
Cour V
E-4543/2009/mau
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 8 j u i l l e t 2 0 0 9
Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Maurice Brodard et Kurt Gysi, juges,
Isabelle Fournier, greffière.
A._______, né le 2 décembre 1989,
Nigéria,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile (non-entrée en matière) et renvoi ;
décision de l'ODM du 7 juillet 2009 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-4543/2009
Vu
le dépôt par le recourant d'une demande d'asile en Suisse, en date du
21 juin 2009,
le document qui lui a été remis le même jour et dans lequel l'autorité
compétente attirait son attention, d'une part, sur la nécessité de
déposer dans les 48 heures ses documents de voyage ou ses pièces
d'identité, et d'autre part, sur l'issue éventuelle de la procédure en
l'absence de réponse concrète à cette injonction,
les procès-verbaux des auditions du 26 juin et du 7 juillet 2009, lors
desquelles le recourant a en substance déclaré avoir fui son pays
parce qu'il y était persécuté en raison de son refus de succéder à son
père en tant que chef des prêtres de l'oracle de son village,
les déclarations du recourant, selon lesquelles sa carte d'identité
serait demeurée chez sa mère, qu'il ne réussirait plus à joindre par
téléphone et selon lesquelles il aurait quitté son pays par avion, à
destination de l'Allemagne, muni du passeport d'une tierce personne
passeport qu'il aurait, dès son arrivée en Allemagne, renvoyé à la
personne qui lui aurait procuré ce document, avant de gagner en
voiture la Suisse, où il serait entré clandestinement,
la décision, «notifiée oralement» à l'intéressé après l'audition du
7 juillet 2009 (cf. pv de cette audition), par laquelle l'ODM, en se
fondant sur l'art. 32 al. 2 let. a de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile
(LAsi, RS 142.31), n’est pas entré en matière sur la demande d'asile
du recourant, motif pris que celui-ci n'avait produit aucun document
d'identité ou de voyage et qu'aucune des exceptions visées par
l'art. 32 al. 3 LAsi n'était réalisée, a également prononcé le renvoi du
recourant et ordonné l'exécution de cette mesure,
le courrier daté du 9 juillet 2009, reçu le 13 juillet 2009 par l'ODM qui
l'a fait suivre au Tribunal, par lequel le recourant a formé un recours
contre cette décision, et allègue avoir entrepris des démarches en vue
de se procurer les documents sollicités,
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et considérant
qu'en vertu de l'art. 31 LTAF et sous réserve des exceptions prévues à
l'art. 32 LTAF, le Tribunal administratif fédéral connaît des recours
contre les décisions, au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du
20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021),
prises par les autorités mentionnées aux art. 33 et 34 LTAF,
qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM en matière d'asile
peuvent être contestées devant le Tribunal administratif fédéral
conformément à l'art. 33 let. d LTAF,
qu'en conséquence le Tribunal est compétent pour traiter le présent
recours,
qu'il statue de manière définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1 de la loi sur le
Tribunal fédéral du 17 juin 2005, [LTF, RS 173.10]),
que le recourant a qualité pour recourir, dès lors qu'il a pris part à la
procédure devant l'autorité inférieure, qu'il est spécialement touché par
la décision qui lui a été notifiée et à un intérêt digne de protection à
son annulation ou à sa modification (cf. art. 48 al. 1 PA),
que son recours, interjeté dans la forme (cf. art. 52 PA) et le délai
(cf. art. 108 al. 2 LAsi) prescrits par la loi, est recevable,
que l'autorité de recours examine d'office le droit fédéral,
les constatations de fait ainsi que l'opportunité (art. 106 LAsi)
sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 62 al. 4 PA)
ou par les considérants de la décision attaquée,
qu'elle peut dès lors admettre le recours pour d'autres raisons que
celles avancées par la partie ou, au contraire, confirmer la décision de
l'autorité inférieure sur la base d'autres motifs que ceux retenus par
cette dernière (cf. THOMAS HÄBERLI, in : Bernhard Waldmann/Philippe
Weissenberger [édit.], Praxiskommentar zum Bundesgesetz über das
Verwaltungsverfahren, Zurich/Bâle/Genève 2009, commentaire art. 62
PA, no 37 à no 40, p. 1249 s. ; MADELEINE CAMPRUBI, in: Kommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren (VwVG), Christoph
Auer/Markus Müller/Benjamin Schindler [édit.], Zurich/St. Gall 2008,
no 4 à no 7 et no 10, p. 789ss ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/LORENZ
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KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Bâle
2008, p. 181 n° 3.197),
qu'en vertu de l'art. 32 al. 2 let. a LAsi, il n'est pas entré en matière sur
une demande d'asile si le requérant ne remet pas aux autorités, dans
un délai de 48 heures après le dépôt de sa demande, ses documents
de voyage ou ses pièces d'identité,
que cette disposition n'est pas applicable lorsque le requérant rend
vraisemblable que, pour des motifs excusables, il ne peut pas le faire
(cf. art. 32 al. 3 let. a LAsi),
que selon l'art. 1a de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1,
RS 142.311), constitue un document de voyage, tout document officiel
autorisant l'entrée dans l'Etat d'origine ou dans d'autres Etats, tel
qu'un passeport ou un document de voyage de remplacement (let. b),
tandis qu'est considéré comme pièce d'identité tout document officiel
comportant une photographie et délivré dans le but de prouver
l'identité du détenteur (let. c),
qu'en l'occurrence, l'intéressé n'a pas remis ses documents de voyage
ou ses pièces d'identité dans un délai de 48 heures après le dépôt de
sa demande d'asile, en soutenant n'en avoir jamais possédé,
que, selon la pratique en la matière, la non-présentation de documents
d'identité n'est notamment pas excusable lorsque les déclarations de
l'intéressé concernant la délivrance de tels documents dans son pays
d'origine, ou concernant son voyage et les circonstances de sa fuite
sont contradictoires ou manifestement contraires au cours ordinaire de
la vie, faisant apparaître qu'il entend cacher les véritables
circonstances de son départ du pays et les documents avec lesquels il
a voyagé de manière à rendre plus difficile l'exécution de son renvoi,
qu'aux termes de l'art. 32 al. 3 let. b et c LAsi, il n'y a de place pour
une décision de non-entrée en matière ni si la qualité de réfugié est
établie au terme de l'audition, conformément aux art. 3 et 7 LAsi, ni si
l'audition fait apparaître la nécessité d'introduire d'autres mesures
d'instruction pour établir la qualité de réfugié ou pour constater
l'existence d'un empêchement à l'exécution du renvoi,
qu'avec cette réglementation, le législateur a introduit une procédure
sommaire au terme de laquelle - nonobstant la dénomination de
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« décision de non-entrée en matière » - il est jugé, sur le fond, sinon
de l'existence, du moins de la non-existence de la qualité de réfugié,
qu'ainsi, il n'est pas entré en matière sur une demande d'asile si, déjà
sur la base d'un tel examen, il peut être constaté que le requérant n'a
manifestement pas la qualité de réfugié,
que le caractère manifeste de l'absence de la qualité de réfugié peut
résulter de l'invraisemblance ou encore du manque de pertinence des
allégués (ATAF 2007/8 consid. 5.6.5 à 5.7),
qu'en l'occurrence l'ODM a "notifié oralement" à l'intéressé,
immédiatement à la fin de l'audition sur ses motifs d'asile, une
décision sommairement motivée, verbalisée dans le même document
que le procès-verbal de cette audition, ainsi que le prévoit l'art. 13
al. 2 LAsi,
que l'écrit que s'est vu remettre le recourant respecte les exigences
formelles prévues par cette disposition,
que, cela dit, une telle décision « notifiée oralement », au sens de
l'art. 13 al. 2 LAsi, à l'intéressé doit, comme toute décision, être
motivée à satisfaction de droit,
que la jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu,
garanti à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération
suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101) et concrétisé par l'art. 35 PA,
l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le
destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et
que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle,
que, pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne,
au moins brièvement, ses réflexions sur les éléments de fait et de droit
essentiels, autrement dit les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle
a fondé sa décision, de manière que l'intéressé puisse se rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause
(cf. ATAF 2008/44 consid. 4.4, ATAF 2007/27 consid. 5.5.2 ; voir aussi
ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236, ATF 126 I 97 consid. 2a p. 102 et les
arrêts cités ; cf. aussi JICRA 2006 no 4 consid. 5 p. 44 s.),
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qu'en l'occurrence la décision ne fait pas ressortir de manière
suffisante, s'agissant de la première exception prévue par l'art. 32 al. 3
let. a LAsi, quels sont les arguments qui ont guidé l'ODM,
que, s'agissant de l'existence de motifs excusables, l'ODM a relevé
que l'intéressé n'avait produit aucun document d'identité ou de voyage,
que l'allégation selon laquelle il n'était pas en mesure de joindre ses
proches n'était qu'une affirmation de sa part et que l'intéressé
soutenait avoir voyagé par avion avec des documents de voyage qu'il
aurait renvoyés à quelqu'un dont il aurait perdu les coordonnées,
que l'ODM en a conclu que l'intéressé n'avait fait valoir aucun motif
excusable,
qu'une telle motivation revient à résumer quelles ont été les
déclarations de l'intéressé et à relever qu'il s'agissait de simples
affirmations de sa part,
qu'à l'évidence elle ne constitue pas une réelle argumentation,
puisque elle ne contient aucune appréciation de la véracité des
déclarations de l'intéressé sur les circonstances de son départ et de
son voyage et aucune démonstration que celles-ci ne font pas
apparaître excusable la non-présentation de documents de voyage ou
d'identité,
qu'à cela s'ajoute que l'argumentation de l'ODM, s'agissant des autres
exceptions de l'art. 32 al. 3 let. b et c LAsi, s'appuie essentiellement,
voire exclusivement sur l'absence de pertinence de la persécution
alléguée et ne contient pas de démonstration de l'absence manifeste
de vraisemblance de l'ensemble du récit, dont on pourrait tirer la
conclusion que l'ODM aurait estimé que les circonstances du départ
du pays et du voyage jusqu'en Suisse étaient invraisemblables et
qu'ainsi elles ne sauraient expliquer l'absence de production de
documents d'identité,
qu'au vu de ce qui précède, force est de constater que la motivation de
la décision entreprise ne permettait à son destinataire ni de
comprendre le raisonnement de l'ODM ni de l'attaquer utilement s'il y
avait lieu, ni non plus à l'autorité de recours d'exercer son contrôle,
qu'en s'abstenant de présenter un raisonnement cohérent et un tant
soit peu consistant sur ces questions essentielles, l'autorité inférieure
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a violé le droit d'être entendu de l'intéressé, en particulier l'obligation
de motiver sa décision (cf. art. 29 al. 2 Cst. et art 35 PA) et donc le
droit fédéral (art. 106 al. 1 let. a LAsi),
que, dans ces conditions, le recours doit être admis, la décision du
29 mai 2009 annulée et la cause renvoyée à l'ODM pour nouvelle
décision, dûment motivée, celle-ci pouvant - par hypothèse - être
également une décision de non-entrée en matière, au sens de
l'art. 32 al. 2 LAsi, pour autant qu'elle en remplisse les conditions,
qu'au vu de l'issue de la procédure, il n'est pas perçu de frais (art. 63
al. 1 et 2 PA), de sorte que la demande d'assistance judiciaire partielle
est sans objet,
qu'il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au recourant, qui n'est pas
représenté et auquel la procédure n'est pas réputée avoir causé des
frais relativement élevés (art. 64 al.1 PA a contrario),
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le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis dans le sens des considérants et la décision de
l'ODM du 7 juillet 2009 est annulée.
2.
La cause est renvoyée à l'ODM pour nouvelle décision.
3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
4.
Il n'est pas alloué de dépens.
5.
Le présent arrêt est adressé au recourant, à l'ODM et à l'autorité
cantonale compétente.
Le président du collège : La greffière :
Jean-Pierre Monnet Isabelle Fournier
Expédition :
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