E-4438/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Karar Dilini Çevir:
E-4438/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Cour V
E-4438/2006/wan
{T 0/2}
A r r ê t d u 1 9 a o û t 2 0 0 8
Emilia Antonioni (présidente du collège),
Nina Spälti Giannakitsas et Maurice Brodard, juges,
Yves Beck, greffier.
A._______, né le [...], alias B._______, né le [...],
Afghanistan,
représenté par Manuel Piquerez, avocat,
rue des Annonciades 8, 2900 Porrentruy,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM), Quellenweg 6,
3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 10 mars 2005 /
N_______.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-4438/2006
Faits :
A.
Le 2 mars 2004, A._______ est entré en Suisse et a déposé une
demande d'asile au centre d'enregistrement de Bâle.
Entendu le 5 mars 2004, le 26 avril 2004 et le 16 février 2005, il a
exposé qu'il était célibataire, de religion musulmane chiite, d'ethnie
hazara, qu'il ne savait ni lire ni écrire et qu'il provenait du village de
S._______ (ou T._______ selon l'audition du 16 février 2005), dans le
district de Jaghuri, province de Ghazni. Il a expliqué que son village
était situé dans une région que les Pachtouns et les Hazaras se
disputaient continuellement. Son père aurait fait partie du Hizb-e-
Islami de Gulbuddin Hekmatyar et son frère aurait été envoyé au front
combattre pour ce mouvement. Dès l'arrivée au pouvoir des Talibans,
le père du requérant, qui aurait maîtrisé les langues pachtou et
hazara, aurait été contraint d'effectuer des traductions pour leur
compte et de trouver les possesseurs d'armes. Dans ce contexte, le
requérant aurait été arrêté à deux reprises à son domicile par les
Talibans à la recherche de son père, puis aurait été relâché dès la
découverte de celui-ci. Il aurait également été forcé de combattre à
leurs côtés durant six mois. Sa mère serait décédée suite à l'explosion
d'une roquette tirée intentionnellement par les Talibans sur leur
maison. A la chute du régime des Talibans renversé par les Américains
et leurs alliés, les partisans du "Wadat" auraient recherché le
requérant, mais également le père et le frère de celui-ci. Par crainte
pour sa vie, le requérant se serait enfui avec son père au Pakistan
alors que son frère aurait rejoint l'Iran. Deux à trois ans plus tard, il
aurait rejoint son frère en Iran et aurait travaillé avec lui dans un
abattoir. Deux ans plus tard, il aurait été refoulé en Afghanistan par les
autorités iraniennes, au motif qu'il n'aurait pas eu de papiers de séjour
valables. Il se serait installé durant quinze à vingt jours chez sa soeur
et le mari de celle-ci domiciliés à U._______. Là, il aurait appris que
les membres du "Wadat" étaient toujours à sa recherche. Un soir, il
aurait été averti par sa soeur que deux voitures, avec à l'intérieur 7 ou
8 soldats munis de fusils, approchaient de la maison. Par crainte d'être
arrêté et tué, il se serait enfui par la fenêtre de sa chambre. Il serait
retourné en Iran puis se serait rendu en Turquie, où il aurait séjourné
durant une année, puis en Grèce. Dans ce pays, un passeur aurait eu
pitié de lui et l'aurait emmené en camion jusqu'en Suisse, sans qu'il
n'ait bourse délier.
Page 2
E-4438/2006
Le requérant n'a déposé aucun document d'identité. Il a déclaré qu'il
n'en avait jamais possédé ou, selon les versions, qu'il avait laissé sa
carte d'identité en Afghanistan.
B.
Le 12 mars 2004, A._______ a été soumis à un examen linguistique et
de provenance, dit analyse Lingua. Selon les conclusions de l'expert,
consignées dans un rapport du 13 mars 2004, la région de
socialisation qui l'a le plus marqué, au vu de ses connaissances
géographiques, historiques, culturelles et linguistiques, est sans
équivoque le Hazara d'Afghanistan.
Ni le rapport d'analyse, ni un résumé de celui n'a été transmis au
requérant.
C.
Par décision du 10 mars 2005, l'ODM a rejeté la demande d'asile du
requérant, en raison de l'invraisemblance, au titre de l'asile, des faits
allégués. S'agissant des préjudices émanant du Hizb-e-Islami et des
Talibans, il a considéré que les déclarations du requérant étaient
indigentes, précisant encore que les ennuis rencontrés avec le Hizb-e-
Islami avaient été mentionnés tardivement au cours de l'audition
fédérale complémentaire. Quant aux agissements du "Wadat", il a
relevé que les propos du requérant à ce sujet étaient illogiques,
contradictoires, mais également confuses sur le plan chronologique.
Dans la même décision, l'ODM a prononcé le renvoi de Suisse du
requérant et ordonné l'exécution de cette mesure, jugée licite,
raisonnablement exigible et possible.
D.
Dans le recours qu'il a interjeté le 11 avril 2005 auprès de l'ancienne
Commission suisse de recours en matière d'asile (ci-après : la CRA),
A._______ a brièvement répété les motifs de sa demande d'asile et a
tenté d'expliquer certaines incohérences retenues par l'ODM. Il a
demandé la tenue d'une nouvelle audition pour avoir la possibilité de
s'exprimer sur les contradictions relevées. Il a également reproché à
l'ODM de ne pas avoir porté à sa connaissance les conclusions de
l'expertise Lingua et que, partant, son droit d'être entendu avait été
violé. Il a conclu à l'annulation de la décision de l'ODM.
Page 3
E-4438/2006
E.
Par décision incidente du 26 avril 2005, le juge instructeur a imparti au
recourant un délai échéant le 13 mai suivant pour qu'il s'acquitte du
montant de Fr. 600.- en garantie des frais présumés de la procédure,
sous peine d'irrecevabilité du recours. En outre, il a rejeté sa demande
tendant à la tenue d'une nouvelle audition. Enfin, il lui a communiqué
les éléments essentiels du rapport d'analyse Lingua, lequel ne pouvait
lui être transmis dans son intégralité en raison d'intérêts publics
importants et prépondérants.
Le recourant a payé l'avance requise le 11 mai 2005.
F.
Invité à se prononcer sur le recours, l'ODM en a préconisé le rejet
dans sa détermination du 26 mai 2005, laquelle a été transmise au
recourant pour information.
G.
Dans une seconde détermination du 25 juillet 2006, l'ODM a de
nouveau proposé le rejet du recours. Il a estimé, d'une part, que le
Hazarajat comptait parmi les régions les plus sûres du pays, aucune
activité terroriste ou militaire importante, à l'exception d'incidents
isolés, n'y ayant été signalée et, d'autre part, que A._______ était
jeune et en bonne santé et qu'il disposait dans cette région
d'Afghanistan d'un réseau social et familial. L'ODM en a conclu que
l'exécution du renvoi du prénommé au Hazarajat était raisonnablement
exigible.
H.
Dans sa réponse du 23 août 2006, A._______ a contesté
l'appréciation de l'ODM s'agissant de la situation géopolitique de son
pays d'origine. Sur ce point, il a affirmé que certains de ses
compatriotes avaient obtenu un permis F en raison justement de la
situation en Afghanistan. Il a aussi reproché à l'ODM de n'avoir décrit
que succinctement les motifs liés à sa personne, de ne pas s'être
prononcé sur son illettrisme et d'avoir fait fi des circonstances du
décès de sa mère. Enfin, il a rappelé qu'il n'avait toujours pas pu se
déterminer sur les conclusions du rapport d'analyse Lingua.
Page 4
E-4438/2006
Droit :
1.
1.1 Le Tribunal administratif fédéral statue de manière définitive sur
les recours contre les décisions, au sens de l'art. 5 PA, rendues par
l'ODM en matière d'asile et de renvoi (art. 105 de la loi sur l'asile du
26 juin 1998 [LAsi, RS 142.31] en relation avec les art. 31 à 34 de la
loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS
173.32] ; art. 83 let. d ch. 1 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 Les recours qui étaient pendants devant la CRA au 31 décembre
2006 sont traités par le Tribunal administratif fédéral, entré en fonction
le 1er janvier 2007, dans la mesure où il est compétent (art. 53 al. 2
phr. 1 LTAF). Tel est le cas en l'espèce.
1.3 Le nouveau droit de procédure s’applique (art. 53 al. 2 phr. 2
LTAF).
1.4 Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et les
délais prescrits par la loi, le recours est recevable (48 et 50 ss PA).
2.
2.1 A titre préliminaire, le recourant reproche à l'ODM d'avoir violé son
droit d'être entendu au motif que les conclusions du rapport d'analyse
Lingua ne lui ont pas été soumises.
2.2 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la
Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), comprend le
droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de
s'exprimer sur les éléments pertinents (en particulier sur les analyses
Lingua, sur les analyses de documents effectuées par l'ODM, ainsi
que les questionnaires adressés aux ambassades et les réponses de
celles-ci ; cf. Jurisprudence et informations de la Commission suisse
de recours en matière d’asile [JICRA] 2003 no 14, JICRA 1999 no 20,
JICRA 1998 no 34, JICRA 1994 nos 1 et 29) avant qu'une décision ne
soit prise touchant à sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
Page 5
E-4438/2006
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles
sous réserve de l'art. 11 LAsi ou à tout le moins de s'exprimer sur son
résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(cf. ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16, ATF 124 II 132 consid. 2b p. 137 et
la jurisprudence citée). Le droit de consulter le dossier n'est pas
absolu ; son étendue doit être définie de cas en cas, en tenant compte
des intérêts en présence et de toutes les circonstances du cas
d'espèce. Il peut être restreint, voire supprimé, lorsque l'intérêt public
ou l'intérêt prépondérant de tiers exige que des documents soient
tenus secrets, du moins partiellement (cf. art. 27 PA). En particulier, la
jurisprudence publiée sous JICRA 1997 no 5 rappelle qu'il n'est pas
admissible de refuser de manière générale les consultations de tout ou
partie d'analyses internes de documents ; dans chaque cas, une
pondération des intérêts en présence doit être effectuée et les raisons
d'un éventuel refus doivent être indiquées. Une pièce dont la
consultation a été refusée à la partie ne peut être utilisée à son
désavantage que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou par
écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné
l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves (cf. art. 28
PA ; ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10, ATF 122 I 153 consid. 6a p. 161). Au
surplus, la jurisprudence admet que le droit d'être entendu n'empêche
pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves
administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant
d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves
qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient
l'amener à modifier son opinion (cf. ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211).
2.3 En l'espèce, l'ODM n'a pas utilisé au détriment du recourant les
informations contenues dans le rapport d'analyse Lingua. Il ne l'aurait
de toute façon pas pu dès lors que l'expert, dans ce rapport, n'a fait
que confirmé l'allégation du recourant selon laquelle il provient du
Hazarajat. Cela étant, à supposer que le droit d'être entendu ait été
violé par l'ODM, une telle violation devrait être considérée comme
réparée, dès lors qu'elle ne saurait être qualifiée de grave, que les
passages principaux du rapport ont été portés à la connaissance du
recourant (cf. décision incidente du 26 avril 2005 citée sous let. E
supra) et que la cognition du Tribunal est aussi étendue que celle de
l'autorité inférieure (cf. JICRA 1999 no 20, JICRA 1994 no 1 consid. 6
p. 15 ss ; BLAISE KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle 1991, no 665
p. 142).
Page 6
E-4438/2006
2.4 Partant, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est
dénué de fondement et doit être rejeté.
3.
3.1 Le recourant demande également à être entendu par le Tribunal
sur ses motifs d'asile.
3.2 Sur ce point, il suffit de rappeler que le droit d'être entendu
n'implique pas le droit de s'exprimer oralement ou d'être reçu (ANDRÉ
GRISEL, Traité de droit administratif, vol. II, Neuchâtel 1984, p. 840). Il
exige uniquement la possibilité de présenter son point de vue. En
l'espèce, force est de constater que le recourant a eu l'occasion de
compléter, en particulier dans son recours du 11 avril 2005 et son écrit
du 23 août 2006, les déclarations faites lors de ses auditions. Il n'a par
ailleurs pas indiqué précisément en quoi une audition supplémentaire
pouvait apporter des faits pertinents qui ne pourraient être révélés
dans un écrit.
4.
4.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou
dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux
préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de
leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe
social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment
considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie,
de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui
entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir
compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2
LAsi).
4.2 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui,
sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés
(art. 7 LAsi).
Page 7
E-4438/2006
5.
5.1 Le recourant n'a, à juste titre, jamais prétendu avoir subi des
persécutions déterminantes en matière d'asile de la part du Hizb-e-
Islami de Gulbuddin Hekmatyar ou de la part des Talibans, ni avoir à
craindre d'en subir de la part de ces organisations en cas de retour en
Afghanistan. Ainsi, l'ODM n'avait pas à se prononcer à ce sujet et
l'autorité de céans n'a donc pas à trancher la question de savoir si les
allégations du recourant relatives au Hizb-e-Islami et aux Talibans sont
ou non crédibles (cf. décision de l'ODM consid. I ch. 1 p. 2 s. citée sous
let. C supra). Le Tribunal rappelle toutefois que les préjudices endurés
par l'ensemble de la population en temps de guerre (sur la distinction
entre préjudices de guerre et préjudices conformes à l'art. 3 LAsi : cf.
JICRA 1998 no 17 consid. 4c/bb p. 153, JICRA 1997 no 26 consid. 3
p. 200, JICRA 1997 no 14 consid. 4d/dd p. 114 s.) ne sont pas
pertinents en matière d'asile.
5.2 En fait, le recourant a invoqué une crainte de persécutions futures,
arguant du fait qu'il serait arrêté ou tué par les partisans du "Wadat",
qui lui reprocheraient d'avoir collaboré personnellement avec les
Talibans (pv de l'audition du 26 avril 2004 p. 7s.) ou, suivant les
versions, qui voudraient se venger sur lui de l'aide apportée par son
père à ceux-ci, aide qui à leurs yeux aurait permis de tuer des
Hazaras (pv de l'audition du 16 février 2005 p. 7 ss).
En l'espèce, il apparaît que la version du recourant est contradictoire
s'agissant des motifs qui pousseraient le "Wadat" à s'en prendre à lui.
En outre, le père du recourant aurait été arrêté par le "Wadat" à deux
ou trois reprises, interrogé sur les activités qu'il aurait exercées avec
les Talibans, puis relâché. Le recourant, selon ses déclarations faites
lors de l'audition fédérale complémentaire, aurait également été
interpellé à une reprise par les membres de cette organisation, puis
laissé libre de ses mouvements (pv de l'audition du 26 avril 2004 p. 7 :
"[...] Lorsque les Talibans ont terminé leur règne, c'est le parti Wadat
qui a pris mon père. Il a été questionné pour savoir ce qu'il faisait avec
les Talibans. Ensuite, le parti Wadat a relâché mon père et il lui a
demandé d'aller retrouver ses deux fils et mon père m'a donc
recommandé de quitter l'Afghanistan." ; pv de l'audition du 16 février
2005 p. 3 : "[...] Une fois que les Talibans ont quitté la région, le parti
Wahdad a pris le pouvoir. Et ce parti recherchait mon père, mon frère
et moi-même. [...] Ils ont arrêté mon père à deux, trois reprises. Ils
Page 8
E-4438/2006
m'ont également arrêté, mais j'ai été relâché. [...]" ; cf. aussi le pv de
l'audition du 16 février 2005 p. 10). Or il est patent que le recourant et
son père n'auraient pas été libérés si le "Wadat" avait eu des
reproches importants à leur encontre. Enfin, il n'est pas crédible que le
"Wadat" ait l'intention de se venger de personnes, d'une part, qui
l'auraient soutenu dans sa lutte contre les Talibans, en
l'approvisionnant en nourriture (pv de l'audition du 16 février 2005 p. 6)
et, d'autre part, qui auraient travaillé contre leur gré avec ceux-ci alors
qu'ils étaient au pouvoir, étant encore précisé que le recourant était
mineur à ce moment-là.
5.3 Le récit du recourant n'atteint donc pas les exigences de haute
probabilité exigées à l'art. 7 LAsi. Partant, celui-ci ne saurait se
prévaloir d'une crainte fondée, au sens de l'art. 3 LAsi, de subir de
sérieux préjudices en cas de retour dans son pays.
5.4 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus de la
qualité de réfugié et de l'asile, doit être rejeté.
6.
6.1 Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la
procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose
d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait
l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi
conformément à l’art. 121 al. 2 Cst.
6.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
7.
7.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Elle est réglée
par l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005
(LEtr, RS 142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette
disposition a remplacé l'art. 14a de l'ancienne loi fédérale du 26 mars
Page 9
E-4438/2006
1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (aLSEE de 1931,
RS 1 113).
7.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine, dans son Etat de provenance ou dans un Etat tiers est
contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international
(art. 83 al. 3 LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de
quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son
intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs
mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être
astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants (art. 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(CEDH, RS 0.101).
L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si
le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de
guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la
Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat
tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
8.
8.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv.
torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté
fédéral sur la procédure d'asile [APA], du 25 avril 1990, in : FF 1990 II
624).
Page 10
E-4438/2006
8.2 L'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-
refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut, le recourant n'a
pas rendu vraisemblable qu'en cas de retour dans son pays d'origine,
il serait exposé à de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi.
8.3 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant
du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce. Si l'interdiction de la
torture, des peines et traitements inhumains ou dégradants s'applique
indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela
ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une extradition serait prohibée
par le seul fait que dans le pays concerné des violations de l'art. 3
CEDH devraient être constatées ; une simple possibilité de subir des
mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne
qui invoque cette disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour
elle un véritable risque concret et sérieux, au-delà de tout doute
raisonnable, d'être victime de tortures, ou de traitements inhumains ou
dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une
situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou
de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne
suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la protection issue de l'art. 3
CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement
probable qu'elle serait visée personnellement - et non pas simplement
du fait d'un hasard malheureux - par des mesures incompatibles avec
la disposition en question (JICRA 1996 no 18 consid. 14b let. ee
p. 186 s.).
8.3.1 En l'occurrence, le recourant n'a pas établi qu'un retour en
Afghanistan l'exposerait à un tel risque (cf. consid. 5 supra).
8.4 Dès lors, l'exécution du renvoi du recourant sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi
et 83 al. 3 LEtr).
9.
9.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
Page 11
E-4438/2006
généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en
premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne
remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne
sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations
de guerre, de guerre civile ou de violences généralisées, et ensuite
aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre
concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus
recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la
décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects
humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger
concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public
militant en faveur de son éloignement de Suisse (JICRA 2005 no 24
consid. 10.1 p. 215, JICRA 2003 no 24 consid. 5b p. 157 s., JICRA
2002 no 11 p. 99 ss, JICRA 1999 no 28 p. 170, JICRA 1998 no 22
p. 191).
Selon une jurisprudence topique (cf. JICRA 2006 no 9), l'exécution du
renvoi est considérée comme raisonnablement exigible dans toutes
les régions d'Afghanistan qui ne connaissent plus d'activités militaires
significatives depuis 2004 ou qui ne sont pas exposées à une
instabilité permanente, à savoir les provinces de Kaboul, de celles
situées au nord de la capitale (Parwan, Baghlan, Takhar, Badakhshan,
Kunduz, Balkh, Sari pul ainsi que les régions de Samangan qui ne
font pas partie du Hazarajat), ainsi que de celle d'Herat. L'exécution
du renvoi ne sera cependant raisonnablement exigible pour les
personnes provenant de ces régions que pour autant qu'elles soient
jeunes, célibataires ou vivent en couple sans enfant, ne souffrent
d'aucun problème de santé grave et y disposent d'un réseau familial
ou social solide à même de leur assurer un encadrement convenable
en cas de retour, à savoir un logement et le minimum vital.
9.2 En l'espèce, le recourant, d'ethnie hazara, provient du village de
S._______, où il a vécu avec sa famille jusqu'à son départ pour le
Pakistan, dans le district de Jaghuri. Ce district, situé à l'ouest de la
province de Ghazni, fait partie du Hazajarat, région d'implantation
traditionnelle des Hazaras, où l'exécution du renvoi est considérée
comme inexigible. L'ODM ne partage pas cette appréciation. A son
avis, le Hazarajat compte, aujourd'hui, parmi les régions les plus sûres
du pays, "selon l'appréciation unanime d'un cercle d'experts". L'ODM
estime donc que l'exécution du renvoi de A._______ au Hazarajat est
Page 12
E-4438/2006
raisonnablement exigible, aucun motif lié à la situation personnelle du
prénommé ne s'opposant, par ailleurs, à cette mesure.
Contrairement à l'ODM, le Tribunal administratif fédéral ne voit pas de
raison de remettre en question la jurisprudence de la CRA, selon
laquelle le renvoi en Hazarajat est inexigible, quelle que soit la
situation personnelle du requérant. En effet, l'ODM ne cite ni ses
sources, ni le nom des experts qui l'ont amené à la conclusion que le
Hazarajat comptait parmi les régions les plus sûres d'Afghanistan. En
revanche, la CRA, dans sa dernière analyse de la situation en
Afghanistan, se référait à de nombreuses sources oficielles, telles que
des rapports de situation sur le pays émanant d'organisations
internationales et nationales ou encore des articles de presse (cf.
JICRA 2006 no 9 consid. 7.3 p. 98). La lecture de rapports plus récents
ne laisse pas apparaître d'amélioration significative (cf. en particulier,
Home Office, Border & Immigration Agency, Country of Origin
Information Report, Afghanistan, 7 septembre 2007 ; The Senlis
Council, Security and Development Policy Group, Stumbling into
chaos : Afghanistan on the brink, le 21 novembre 2007). En
conséquence, l'exécution du renvoi du recourant en Hazarajat doit
être considérée comme inexigible et la jurisprudence (JICRA 2003 no
30 et JICRA 2006 précitée) confirmée.
9.3 Cela étant, il reste à examiner si l'on peut raisonnablement exiger
du recourant qu'il s'installe à Kaboul ou dans une autre région du pays
où l'exécution du renvoi est exigible, étant rappelé qu'une alternative
de fuite interne présuppose pour le moins l'existence, au lieu de
refuge, d'un solide réseau relationnel ou familial, la possibilité de s'y
loger, ainsi que l'absence de graves problèmes de santé (JICRA 2006
no 9 consid. 7.8 p. 102).
En l'espèce, le recourant, avant son départ d'Afghanistan, a toujours
vécu avec sa famille à S._______. Selon ses déclarations (pv de
l'audition du 5 mars 2004 qustion 12 p. 3, pv de l'audition du 26 avril
2004 question 2 p. 4), il ne dispose ni à Kaboul, ni dans une autre
région d'Afghanistan considérée comme sûre, d'un réseau familial ou
social solide susceptible de l'accueillir à son retour et de lui assurer
une existence conforme à la dignité humaine. Dans ces conditions,
l'exécution du renvoi du recourant est inexigible.
Page 13
E-4438/2006
9.4 En conclusion, le recours de l'intéressé, en tant qu'il porte sur
l'exécution du renvoi, est admis. L'ODM est invité à lui accorder
l'admission provisoire.
10.
10.1 Ayant succombé sur les questions de la reconnaissance de la
qualité de réfugié et de l'asile ainsi que sur le principe du renvoi, il y a
lieu de mettre les frais de la procédure relatifs à ces objets, fixés à
Fr. 300.-, à la charge du recourant (art. 63 al. 1 PA).
10.2 Conformément à l'art. 7 al. 1 et 2 du règlement du 21 février
2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal
administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), le recourant, qui a eu
partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits de moitié
pour les frais nécessaires causés par le litige. Vu le décompte de
prestations du 17 avril 2008, l'indemnité due à ce titre est fixé à
Fr. 894.-, TVA comprise.
(dispositif page suivante)
Page 14
E-4438/2006
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance de la qualité de
réfugié, l'asile et le principe du renvoi, est rejeté.
2.
Le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi, est admis.
L'ODM est invité à régler les conditions de séjour du recourant
conformément aux dispositions sur l'admission provisoire des
étrangers.
3.
Les frais réduits de la procédure, d'un montant de Fr. 300.-, sont mis à
la charge du recourant. Il sont intégralement compensés par l'avance
de Fr. 600.- versée le 11 mai 2005. Le service financier du Tribunal
restituera le solde de Fr. 300.- au recourant.
4.
L'ODM versera au recourant la somme de Fr. 894.- à titre de dépens,
TVA comprise.
5.
Le présent arrêt est adressé :
- au mandataire du recourant (annexe : un formulaire "adresse de
paiement" à retourner au Tribunal, dûment rempli, au moyen de
l'enveloppe ci-jointe ; par courrier recommandé)
- à l'ODM, Division séjour et aide au retour, avec le dossier
N_______ (en copie ; par courrier interne)
- au canton [...] (en copie ; par courrier simple)
La présidente du collège : Le greffier :
Emilia Antonioni Yves Beck
Expédition :
Page 15