E-4359/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile;Renvoi;Exécution du renvoi
Karar Dilini Çevir:
E-4359/2006 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile;Renvoi;Exécution du renvoi
Cour V
E-4359/2006/mau
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 6 m a i 2 0 0 9
Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Nina Spälti Giannakitsas, François Badoud, juges,
Isabelle Fournier, greffière.
A._______, née le (...), de nationalité non établie, se
disant somalienne, alias B._______, née le (...), Ethiopie,
représentée par Martin Ilg, conseils juridiques,
recourante,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Renvoi ; décision de l'ODM du 15 juin 2005 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-4359/2006
Faits :
A.
La recourante a déposé, le 24 octobre 2003, une demande d'asile en
Suisse. Elle a été entendue sommairement par l'ODM, au centre
d'enregistrement pour requérants d'asile (CERA) de Vallorbe, en date
du 4 novembre 2003.
Lors de l'enregistrement de sa demande, elle n'était pas en
possession de documents d'identité. En outre, il est alors apparu que
le recourante avait été interpellée, le 7 septembre 2003, à la frontière
suisse, en provenance de France, qu'elle avait été interrogée en
anglais et enregistrée sous une autre identité, éthiopienne. Elle a été
entendue à ce sujet par l'ODM, également en date du 4 novembre
2003.
L'audition sur ses motifs d'asile a eu lieu le 18 décembre 2003 devant
l'autorité cantonale compétente.
En substance, la recourante a déclaré être née et avoir vécu jusqu'au
début de la guerre, en 1991, au sud de la Somalie, à C._______,
"dans la région de Kismayo", être d'ethnie bajuni, de langue
maternelle swahili et de religion musulmane. En 1991, elle aurait fui
avec ses parents au Kenya. Son père serait mort dans ce pays en
1996 et elle aurait vécu avec sa mère dans un petit village proche de
Nairobi, dans des conditions matérielles difficiles ; elle aurait
également été souvent battue ou brutalisée par des policiers, hostiles
à la population des déplacés. En 2001, un homme qui plaçait des gens
en Arabie Saoudite aurait proposé pour elle, à sa mère, une place
dans une famille vivant à D._______. Vu les difficultés qu'elles
connaissaient, sa mère aurait accepté et la recourante serait partie
seule. Elle aurait pris l'avion le 19 septembre 2001 à Nairobi, à
destination de Djeddah, en compagnie de cet homme. A leur arrivée,
celui-ci l'aurait confiée à une autre personne qui l'aurait accompagnée
chez son employeur. Il s'agissait d'une femme divorcée, (...). Elle ne
serait plus retournée au Kenya, mais aurait appris durant son séjour
en Arabie Saoudite que sa mère était décédée en 2002. A partir de ce
moment-là, les personnes chez qui elle travaillait se seraient montrées
particulièrement dures avec elle. Elle n'aurait pas été payée et elle
aurait été maltraitée, battue et même violée à plusieurs reprises par
les fils de sa patronne. En août 2003, elle aurait accompagné la
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famille, qu'elle suivait dans ses déplacements, pour un séjour en
Suisse, où elle serait arrivée le 16 août 2003. Toujours battue et
maltraitée, elle aurait profité d'un moment d'inattention pour
s'échapper.
La recourante n'a pas présenté de documents d'identité. Elle a déclaré
n'en avoir jamais possédé et avoir voyagé du Kenya jusqu'en Arabie
Saoudite avec les documents fournis par la personne qui
l'accompagnait et de là jusqu'en Suisse avec les documents dont
s'était occupé le père de son employeur.
B.
La recourante a fait parvenir à l'ODM un rapport médical daté du
16 janvier 2004 ; le médecin a relevé que la patiente était très triste,
déprimée et avait de la peine à parler de son histoire vu la gravité des
violences subies. Il a diagnostiqué un état dépressif et une infection
tuberculeuse ; il a prescrit un traitement (anti-tuberculeux et anti-
dépressif) ainsi qu'un suivi psychiatrique.
C.
Par décision du 15 juin 2005, l'ODM a rejeté la demande d'asile de la
recourante, au motif que ses déclarations ne satisfaisaient pas aux
exigences de vraisemblance énoncées par la loi. L'autorité inférieure a
notamment retenu que l'intéressée ne parlait pas le somali et qu'elle
avait fait des déclarations erronées concernant sa prétendue région
d'origine. Elle en a conclu qu'elle avait trompé les autorités sur son
identité. En outre, l'autorité inférieure a considéré que les préjudices
prétendument subis par l'intéressée dans la famille qui l'employait en
Arabie Saoudite, provenant de particuliers qui n'agissaient pas pour
des motifs énumérés par la loi, n'étaient pas déterminants en matière
d'asile et que les brutalités des policiers au Kenya ne constituaient pas
de sérieux préjudices au sens de la loi. Elle a, en conséquence, refusé
de reconnaître la qualité de réfugiée de la recourante et rejeté sa
demande d'asile.
Par la même décision, l'ODM a prononcé le renvoi de l'intéressée et
ordonné l'exécution de cette mesure, considérée comme possible,
licite, l'examen du dossier ne faisant pas ressortir un risque de
traitements prohibés en cas de retour au Kenya, et raisonnablement
exigible, eu égard au fait que les maladies dont elle souffrait n'étaient
pas de nature à la mettre concrètement en danger.
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D.
Par acte daté du 15 juillet 2005 et mis à la poste le 18 juillet 2005, la
recourante a interjeté recours contre cette décision, en tant qu'elle
ordonnait l'exécution de son renvoi et a conclu à l'annulation des
chiffres 3 et 4 du dispositif et à l'octroi d'une admission provisoire. Elle
a contesté l'appréciation faite par l'ODM quant à l'absence de
vraisemblance de son récit et de sa provenance et a fait valoir qu'un
retour dans son pays d'origine la mettrait concrètement en danger,
compte tenu de la situation régnant au sud de la Somalie, de son
appartenance à un clan inférieur et de sa condition de femme seule,
dépourvue de tout soutien et souffrant de problèmes psychiques à la
suite des préjudices vécus dans la famille qui l'employait. Elle a
également argué qu'un retour en Arabie saoudite, où elle avait été
traitée en esclave ou encore au Kenya, où elle devrait séjourner de
manière clandestine, sans travail et sans logement, à la merci des
brutalités policières, ne serait pas non plus raisonnablement exigible.
E.
Par décision incidente du 27 juillet 2005, la recourante a été invitée à
verser une avance de Fr. 600.- en garantie des frais de procédure. Elle
s'en est acquittée en date du 11 août 2005.
F.
Invitée à se prononcer sur le recours, l'autorité inférieure a proposé le
rejet du recours, dans une réponse datée du 5 septembre 2005.
G.
Dans sa réplique datée du 4 octobre 2005, la recourante a indiqué
vouloir modifier ses conclusions, dans le sens qu'elle entendait
également demander l'annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif de la
décision entreprise et conclure à la reconnaissance de sa qualité de
réfugiée et à l'octroi de l'asile, en raison d'une modification de l'état de
faits, permettant, selon son argumentation, d'attendre une modification
de l'appréciation juridique de la situation en Somalie. Elle a enfin fait
valoir qu'au Kenya comme en Arabie Saoudite elle serait dépourvue
de protection et remplirait dès lors les conditions pour la
reconnaissance de la qualité de réfugiée.
A l'appui de ses conclusions, la recourante a encore déposé un
rapport médical daté du 15 août 2005.
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H.
Les autres faits ressortant du dossier seront évoqués si nécessaire
dans les considérants qui suivent.
Droit :
1.
1.1 En vertu de l'art. 31 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal
administratif fédéral connaît des recours contre les décisions au sens
de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA, RS 172.021). En particulier, les décisions rendues
par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées devant le
Tribunal administratif fédéral conformément à l'art. 33 let. d LTAF ;
elles n'entrent pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF. Les
recours contre de telles décisions, pendants au 31 décembre 2006
devant l'ancienne Commission suisse de recours en matière d'asile,
sont également traités par le Tribunal administratif fédéral (art. 53 al. 2
phr. 1 LTAF). Celui-ci est donc compétent pour connaître de la
présente cause ; il statue de manière définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1
de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, LTF, RS 173.10).
1.2 Le nouveau droit de procédure s’applique (art. 53 al. 2 phr. 2
LTAF) ; la procédure devant le Tribunal administratif fédéral est régie
par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas autrement (art. 37
LTAF).
1.3 Le recourant a qualité pour recourir (art. 48 PA). Présenté dans la
forme (art. 52 PA) et le délai (ancien art. 50 PA dans sa version en
vigueur du 1er juin 1973 au 31 décembre 2006) prescrits par la loi, le
recours est recevable.
2.
La recourante n’a pas recouru, dans le délai légal, contre la décision
de l'ODM en tant qu'elle rejetait sa demande d'asile, de sorte que,
sous cet angle, cette dernière a acquis force de chose décidée. Le
délai légal de recours ne peut pas être prolongé (cf. art. 22 al. 1 PA).
Après l'échéance de celui-ci, le recourant ne peut plus étendre ou
compléter ses conclusions ; tout au plus peut-il les préciser (cf. FRANK
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SEETHALER / FABIA BOCHSLER, commentaire ad art. 52 PA, in :
Praxiskommentar VwVG , Waldmann/Weissenberger éd., Zurich/Bâle/
Genève 2009, p. 1028s ; ANDRÉ MOSER, commentaire ad art. 52 PA, in:
Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren
[VwVG], Auer/Müller/Schindler éd., Zurich/St-Gall 2008, ch. 3, 4 et 6 p.
689s). Cela étant, les conclusions tendant à la reconnaissance de la
qualité de réfugiée et à l'octroi de l'asile, présentées dans la réplique
du 4 octobre 2005, sont irrecevables.
3.
3.1 Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la
procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose
d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait
l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi
conformément à l’art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du
18 décembre 1998 (Cst., RS 101).
3.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
4.
4.1 L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Elle est réglée
par l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005
(LEtr, RS 142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette
disposition a remplacé l'art. 14a de l'ancienne loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE).
4.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière
que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité cor-
porelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à
l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se
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rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3
de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101).
4.3 L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement
exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine
ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas
de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
4.4 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas
quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un
Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
5.
5.1 La recourante soutient que l'exécution de son renvoi n'est pas
raisonnablement exigible parce qu'elle provient du sud de la Somalie,
région soumise à une violence généralisée, qu'elle appartient au clan
des Bajuni, dont les membres sont traités en esclaves par les autres
clans et qu'elle ne dispose plus d'aucun réseau familial dans son pays
d'origine.
5.1.1 L'autorité inférieure a considéré que l'intéressée l'avait trompée
sur son identité. Elle a relevé que la recourante ne parlait pas le
somali, alors que tous les Somaliens, y compris les membres de la
communauté Bajuni, parlent cette langue, qu'invitée à citer le nom des
grandes villes à proximité immédiate de C._______, elle avait nommé
Kismayo alors qu'il y avait d'autres grandes villes ou îles plus proches
et qu'enfin elle n'avait pas été capable d'indiquer le nom de sa région,
disant qu'il s'agissait de Kismayo, ce qui ne correspondait pas à la
réalité. Elle en a déduit que la recourante ne provenait pas de Somalie.
5.1.2 De l'avis du Tribunal, cette constatation est insuffisamment
fondée. Contrairement à ce que soutient l'ODM, plusieurs sources
mentionnent que nombre de Bajunis, notamment les plus jeunes
d'entre eux et les déplacés, ne parlent pas le somali, voire ne parlent
plus le kibajuni, dialecte swahili propre à ce groupe de population,
mais le swahili commun de la côte océanique (cf. notamment Joint
Danish, Finnish, Norwegian and British Fact-Finding Mission to
Nairobi, Kenya, 17-24 septembre 2000 ; BRIAN ALLEN, The Bajuni people
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of Southern Somalia and the Asylum Process, consulté à l'adresse
internet ). Par ailleurs, le fait qu'à une question
aussi vague que celle de savoir "où se situe "la prochaine grande ville"
(cf. pv de l'audition au CERA p. 2), elle réponde Kismayo, soit la plus
grande ville de la région, ou encore qu'à la question "comment
s'appelle votre région" (cf. pv de l'audition du 18 décembre 2003 p. 5)
elle réponde "la région de Kismayo" plutôt que de citer le nom de la
région administrative de Jubbada Hoose, dont Kismayo est d'ailleurs le
chef-lieu, n'est en tout cas pas déterminant au point de permettre de
conclure que l'intéressée a trompé l'autorité sur ses véritables origine
et nationalité.
5.1.3 Cela dit, force est de reconnaître que les éléments permettant
d'établir la provenance somalienne de la recourante sont
particulièrement succincts. A part le fait qu'elle parle le swahili - ce qui
n'exclut pas une autre provenance - et qu'elle cite les noms de
C._______, Kismayo ou le clan bajuni, et que son père aurait été
pêcheur, rien ne complète ni n'étaye ses déclarations. Dans son
recours, cette dernière rétorque qu'elle a été capable de nommer
correctement tous les clans du sud de la Somalie. Cela ne démontre
toutefois pas, sur la base de sources vérifiables, que les clans cités
(cf. pv de l'audition du 18 décembre 2003 p. 5) existent et sont
présents dans la région ; il n'a d'ailleurs pas été possible d'en vérifier
l'existence. En revanche, elle n'a pas été à même d'indiquer des sous-
clans des Bajuni, cités dans certaines sources (cf. BRIAN ALLEN, The
Bajuni people of Southern Somalia and the Asylum Process, précité).
Il en va de même pour des villages environnants dont elle cite le nom
(cf. pv de l'audition du 18 décembre 2003 p. 6 ).
5.2 Il ressort de ce qui précède que les déclarations de la recourante,
si elles ne permettent pas d'affirmer qu'elle a trompé les autorités sur
son origine, ne contiennent pas d'élément significatif permettant de
confirmer sa prétendue origine somalienne. Partant, le Tribunal ne
saurait, considérer que la recourante a établi que l'exécution de son
renvoi serait illicite ou non raisonnablement exigible par rapport à la
Somalie.
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6.
6.1 Par ailleurs et surtout, force est de constater que le comportement
de la recourante permet de mettre en doute sa volonté de collaborer et
sa bonne foi.
6.1.1 En effet, en 2001, elle aurait pris l'avion du Kenya à destination
de l'Arabie Saoudite. Plus tard, elle aurait également voyagé de ce
dernier pays jusqu'en Suisse en avion. Ses déclarations concernant
les documents avec lesquels elle aurait voyagé sont indigentes. Elle se
retranche derrière l'affirmation selon laquelle les personnes qui
l'accompagnaient se seraient occupées de tout. Ses déclarations
stéréotypées sur ces questions autorisent à penser qu'elle n'entend
pas donner aux autorités des informations sur les circonstances
réelles de ses voyages.
6.1.2 En outre, il est apparu, à l'occasion de l'audition sommaire du
4 novembre 2003, que la recourante a été dactyloscopiée en date du
7 septembre 2003 à un poste-frontière suisse, venant de France et
qu'elle a été enregistrée sous une autre identité, à savoir celle de
B._______, née le (...), de nationalité éthiopienne.
Entendue le 4 novembre 2003 expressément à ce sujet, la recourante
a fait des déclarations évasives, sinon contradictoires. Elle a d'abord
contesté être allée en France. Puis, confrontée aux résultats de la
comparaison dactyloscopique, elle a allégué que ce jour-là elle avait
accompagné (...) la famille chez qui elle habitait, lesquels étaient allés
faire des achats, qu'elle ignorait qu'elle était en France, qu'ils lui
avaient dit de rentrer seule à la maison, qu'elle ignorait le chemin
qu'elle devait emprunter pour rentrer et qu'elle ne se rappelait plus du
nom donné à la police, parce qu'elle était choquée (cf. pv de l'audition
du 4 novembre 2003 intitulé "droit d'être entendu" Q. 13 p. 2-3). Au
cours de la même audition, elle a ensuite affirmé qu'elle n'avait donné
aucune identité à la police et qu'elle ne savait rien de l'identité figurant
sur le rapport d'arrestation. Cependant, à la question de savoir qui
était B._______, née le (...) en Ethiopie, identité dont elle était censée
ne rien savoir selon ses précédentes déclarations, elle a répondu
qu'elle était accompagnée d'une vieille femme et qu'elle pensait que
les policiers avaient relevé cette identité dans des documents se
trouvant dans le sac de cette personne (ibid. q. 25-26 p. 3 et 4).
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Lors de son audition du 18 décembre 2003, elle a encore fait d'autres
déclarations. Elle a d'abord indiqué que les policiers lui avaient
demandé si elle avait des papiers, qu'elle avait répondu par la
négative et qu'elle avait écrit "son nom, sa date de naissance et rien
de plus". A la relecture du procès-verbal, elle a précisé qu'elle avait
écrit un faux nom, car elle avait peur de la police (pv de l'audition, p.
11). Confrontée à ses déclarations antérieures, lors desquelles elle
avait affirmé ignorer d'où venait ce nom, elle a objecté qu'elle ne se
rappelait plus très bien, mais qu'il était possible qu'elle ait, elle-même,
écrit ce nom avant que les policiers ne fouillent dans le sac de la vieille
dame éthiopienne (ibid. p. 17).
Ces déclarations évasives et contradictoires permettent d'affirmer que
la recourante n'entend pas donner un récit véridique concernant
l'identité enregistrée par la police-frontière et les circonstances dans
lesquelles elle a été interpellée. Aux éléments déjà relevés s'ajoute
qu'il paraît peu plausible que son employeur et les membres de la
famille concernée, qui ne la laissaient ordinairement pas sortir (pv de
l'audition cdu 18 décembre 2003 p. 10), la prennent avec eux pour
aller faire des courses et l'abandonnent ensuite en pleine rue. Enfin,
interrogée sur les raisons pour lesquelles elle n'avait pas déposé ce
jour-là une demande de protection, la recourante a, sur ce point
également, fait des déclarations évasives et contradictoires. Elle a
déclaré qu'après le contrôle policier, les fils de son employeur étaient
revenus, qu'ils l'avaient reconduite à la maison, qu'ils l'avaient battue
et que c'était là qu'elle s'était enfuie et avait demandé l'asile. Elle a
également dit qu'elle n'avait plus revu la famille depuis que les
garçons l'avaient emmenée et qu'elle ignorait si la famille était restée à
Genève, précisant à la relecture que la famille devait rentrer en Arabie
Saoudite le jour où elle avait pu s'enfuir (ibid. p. 11).
Les allégations de la recourante concernant son séjour à Genève sont,
elle aussi, évasives. Elle ne connaît que le prénom de la femme qui
l'employait. Elle désigne par ce même prénom le nom du père de cette
femme, soit le chef de la famille. Elle ignore dans quel quartier et à
quel endroit elle logeait.
6.1.3 Au vu de ce qui précède, le Tribunal arrive à la conclusion que,
comme l'a relevé l'ODM, la recourante n'entend pas dire la vérité
concernant les circonstances de son séjour à Genève. Son attitude
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empêche l'autorité de procéder à des mesures d'instruction qui
pourraient, le cas échéant, permettre d'établir son identité.
6.2 S'agissant de l'examen d'éventuels obstacles à l'exécution du
renvoi, au sens précité et bien que le caractère licite, possible et
raisonnablement exigible de l'exécution du renvoi doive en principe
être examiné d'office, la maxime d'office, applicable en procédure
administrative, trouve sa limite dans l'obligation qu'a la partie de
collaborer à l'établissement des faits qu'elle est le mieux placée pour
connaître (JICRA 1995 no 18 p. 183 ss et Message APA, FF 1990 II
579s). Cette obligation de collaborer est expressément ancrée à l'art.
13 PA, à l'art. 8 LAsi et à l'art. 90 LEtr. Lorsque la partie attend un
avantage de la décision qui doit être prise, il lui incombe, lorsque les
preuves font défaut ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de
l'autorité qu'elle les recueille, de fournir, en vertu de la règle sur le
fardeau de la preuve inscrite à l'art. 8 du Titre préliminaire du code civil
suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210), les preuves des faits dont
elle entend déduire un droit, à défaut de quoi elle en supporte les
conséquences (cf. ATF 125 V 193 consid. 2, 122 II 385 consid. 4c/cc,
114 Ia 1 consid. 8c; JAAC 60.52 consid. 3.2).
En conformité avec les règles précitées, il n'appartient pas à l'autorité
d'apprécier l'existence d'éventuels obstacles à l'exécution du renvoi
lorsque l'intéressé n'a pas fourni les précisions qu'il lui incombait de
présenter à cet égard et l'a ainsi empêchée de procéder à cet examen.
Lorsque l'autorité n'est pas en mesure d'établir les faits sans la
coopération de la partie, elle n'a pas d'autre choix que de statuer en
l'état du dossier ; l'intéressé, qui supporte le fardeau de la preuve,
risque ainsi de devoir supporter les conséquences de l'absence de
preuve et ne saurait en aucun cas tirer avantage du fait qu'il n'a pas
collaboré à satisfaction (CLÉMENCE GRISEL, L'obligation de collaborer des
parties en procédure administrative, Zurich/Bâle/Genève 2008, p.
288-292).
6.3 En application de ces règles, le Tribunal estime qu'en l'occurrence
il ne lui appartient pas d'apprécier l'existence d'éventuels obstacles à
l'exécution du renvoi en fonction d'hypothèses relatives à la
provenance de la recourante, dès lors que le comportement de cette
dernière démontre que, quelles qu'en soient les raisons et même si
celles-ci pouvaient s'avérer compréhensibles, elle n'entend pas
collaborer de manière à permettre à l'autorité de statuer en toute
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connaissance de cause. Il sied toutefois de relever que l'autorité
inférieure n'était pas fondée à déclarer l'exécution du renvoi exigible
en raison de la situation régnant au Kenya, dès lors qu'il n'est pas non
plus établi que la recourante provienne de ce pays.
7.
Il convient au surplus de relever que le dossier ne fait pas apparaître
que l'exécution du renvoi de la recourante pourrait s'avérer illicite, ou
inexigible quelque soit le pays dont elle provient et ce en raison de son
état de santé. La recourante a produit des rapports médicaux dont il
ressort qu'elle souffre d'un état dépressif. Le Tribunal n'entend pas nier
que cet état puisse, par hypothèse, être consécutif aux mauvais
traitements infligés à la recourante par la famille qui l'aurait employée
et avoir été l'objet de viols répétés de la part des fils de cette famille.
Cependant, la recourante n’a pas établi souffrir de problèmes de santé
d'une telle gravité qu'ils rendraient son départ de Suisse impossible ou
qu'ils seraient de nature à rendre l'exécution du renvoi illicite, ou à la
mettre concrètement en danger, quelles que soient son pays d’origine
et sa réelle situation personnelle.
8.
8.1 Partant, l'exécution du renvoi doit être considérée comme
possible, licite et exigible au sens de l'art. 83 LEtr et la décision de
l'ODM confirmée.
8.2 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la décision de
renvoi et son exécution, doit être rejeté.
9.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge de la recourante, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et
3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens
et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
de la recourante. Ce montant doit être compensé avec l'avance de
frais déjà versée de Fr. 600.-.
3.
Le présent arrêt est adressé au mandataire de la recourante, à l'ODM
et à l'autorité cantonale compétente.
Le président du collège : La greffière :
Jean-Pierre Monnet Isabelle Fournier
Expédition :
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