E-4041/2016 - Abteilung V - Levée de l'admission provisoire (asile) - Levée de l'admission provisoire (asile); décision ...
Karar Dilini Çevir:
E-4041/2016 - Abteilung V - Levée de l'admission provisoire (asile) - Levée de l'admission provisoire (asile); décision ...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-4041/2016




Ar r ê t d u 8 s ep t emb r e 2 0 1 6
Composition
Emilia Antonioni Luftensteiner (présidente du collège),
Walter Lang, Sylvie Cossy, juges,
Sophie Berset, greffière.

Parties
A._______, né le (…),
Serbie,
représenté par Sandra Lachal,
Centre Social Protestant (CSP),
recourant,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet
Levée de l'admission provisoire (asile);
décision du SEM du 26 mai 2016 / N (…).



E-4041/2016
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Faits :
A.
A.a Par décision du 20 mars 2007, l’ODM (actuellement et ci-après : le
SEM) a rejeté la demande d’asile déposée par le recourant, le 27 sep-
tembre 2006, a prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l’exécution de
cette mesure. En substance, le SEM a considéré que les déclarations de
l’intéressé relatives aux recherches menées par les autorités serbes à son
encontre pour les motifs évoqués et dans les circonstances décrites étaient
invraisemblables. Il en a conclu que les troubles psychiques liés à ces évé-
nements ne s’opposaient pas à l’exécution du renvoi du recourant.
A.b Par arrêt du 25 juin 2008 (réf. E-6101/2007), le Tribunal administratif
fédéral (ci-après : le Tribunal) a annulé la décision du SEM du 11 sep-
tembre 2007 rejetant la demande de réexamen du recourant du 23 juillet
2007 en matière d’exécution du renvoi pour motifs médicaux. Il a constaté
que la compétence relative à la question du prononcé du renvoi et des
obstacles à l’exécution de cette mesure était passée à l’autorité cantonale
de police des étrangers, suite au mariage du recourant, le 13 mai 2008,
avec une ressortissante portugaise domiciliée en Suisse et aux démarches
engagées par celui-ci en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour.
A.c Le recourant s’est vu délivrer, le 20 novembre 2008, une autorisation
de séjour dans le cadre du regroupement familial auprès de son épouse.
A.d Par jugement du Tribunal de première instance de B._______ du 4 mai
2010, le couple a été autorisé à vivre séparé et l’épouse a déposé une
demande en divorce, le 27 juin 2012. Par décision du 30 juillet 2012, l’auto-
rité cantonale a refusé au recourant le renouvellement de son autorisation
de séjour et lui a imparti un délai au 30 octobre 2012 pour quitter la Suisse.
Le recours du 14 septembre 2012 interjeté devant le Tribunal administratif
de première instance du canton de B._______ a été rejeté, par décision du
26 février 2013. Dans l’intervalle, le (…) 2013, le divorce des époux a été
prononcé.
A.e Par acte du 30 juillet 2013, le recourant a demandé le réexamen de la
décision du 30 juillet 2012 précitée, au motif que l’exécution du renvoi
n’était pas raisonnablement exigible en raison de ses problèmes de santé.
Par décision sur recours du 6 novembre 2013, l’Office cantonal de la po-
pulation de B._______ a confirmé son refus de renouveler l’autorisation de
séjour ainsi que le prononcé du renvoi. Cependant, en raison de l’aggrava-
tion de l’état de santé psychique du recourant et du risque suicidaire élevé
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constaté par son médecin traitant, dit office a proposé au SEM de pronon-
cer une admission provisoire en faveur de l’intéressé.
B.
B.a Sur invitation du SEM, le recourant a produit une lettre de sa psychiatre
et psychothérapeute des 12 septembre et 10 décembre 2007, du 1er mai
2014, ainsi qu’un rapport médical du 10 novembre 2014.
B.b Dans son courrier du 16 décembre 2014, le SEM a demandé au re-
courant des explications au sujet des deux visas de retour demandés pour
se rendre en Serbie, l’un au mois de mai 2011 pour des raisons familiales
et l’autre au mois de décembre 2011 pour des vacances du (…) 2011 au
(…) 2012. Il lui a aussi demandé de prendre position suite à sa demande
de visa pour se rendre à Pristina du (…) au (…) octobre 2011.
Le recourant a indiqué, dans sa lettre du 19 janvier 2015, qu’il n’était pas
retourné en Serbie et que les demandes de visa concernaient des voyages
au Portugal avec son ex-épouse.
B.c Le 12 février 2015, le SEM a demandé au recourant de s’exprimer pré-
cisément sur le fait que son passeport en cours de validité avait été émis
en Serbie, le (…) 2011, et que ce document comportait au moins un timbre
des autorités serbes daté du (…) 2012.
Dans son courrier du 26 février 2015, le recourant a réitéré ne pas être
retourné dans son pays d’origine et ignorer la provenance du timbre du (…)
2012 dans son passeport. Il a expliqué avoir fait renouveler son passeport
serbe par un intermédiaire, qui le lui avait remis à Pristina.
C.
Par décision du 24 juillet 2015, le SEM a remplacé la mesure d’exécution
du renvoi par une admission provisoire en raison de l’inexigibilité de l’exé-
cution de cette mesure, compte tenu des troubles psychiques et du risque
suicidaire élevé en cas de retour que présentait le recourant. Il a considéré,
sur la base du timbre du (…) 2012, que le voyage de l’intéressé en Serbie,
bien qu’incompatible avec ses allégations relatives à son état de santé,
était un événement unique. Il a avisé le recourant qu’il était tenu de déposer
ses documents de voyage et d’identité.
D.
Le 31 octobre 2015, le recourant a été appréhendé par les gardes-fron-
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tières à l’aéroport de B._______, alors qu’il voulait prendre un vol à desti-
nation du Kosovo. Il ressort du rapport de contrôle à la frontière, daté du
(…) 2015, que le passeport du recourant comportait de nombreux timbres
d’entrée et de sortie de l’espace Schengen, ainsi que des timbres apposés
à la frontière serbe.
E.
Suite au courrier du SEM du 25 novembre 2015 enjoignant une fois de plus
le recourant à déposer ses documents de voyage et d’identité, celui-ci a
répondu, le 30 novembre suivant, qu’il avait « récemment égaré son pas-
seport » et qu’il ne possédait pas d’autre pièce d’identité ou document de
voyage.
F.
Par courrier du 30 novembre 2015, le SEM a averti le recourant qu’il envi-
sageait de lever son admission provisoire et lui a imparti un délai pour exer-
cer son droit d’être entendu. Il a estimé que l’intéressé n’avait pas respecté
son obligation de collaborer en ne lui remettant pas son passeport et qu’il
était régulièrement retourné en Serbie entre 2012 et 2015.
G.
Dans ses observations du 29 décembre 2015, l'intéressé a d'abord précisé
ne pas avoir compris qu’il devait remettre son passeport serbe au SEM
avant le courrier de celui-ci du 25 novembre 2015 et qu’à cette date il ne le
possédait plus, pensant l’avoir perdu lors du contrôle douanier du 31 oc-
tobre 2015. A ce sujet, le recourant a précisé avoir très récemment récu-
péré son passeport, restitué par un inconnu dans la rue. Il a expliqué que,
suite à un cancer du côlon diagnostiqué en août 2015 et à la péjoration de
sa santé psychique, il avait voulu passer quelques jours à Pristina. Il a dé-
posé un rapport médical daté du 21 décembre 2015 et a maintenu n’être
jamais retourné en Serbie.
H.
Le 14 janvier 2016, le SEM a imparti au recourant un ultime délai au 25 jan-
vier suivant pour déposer son passeport serbe original, à défaut de quoi ce
refus serait considéré comme une « violation crasse » de son obligation de
collaborer.
I.
Dans son courrier du 25 janvier 2016, le recourant a réitéré ne plus être en
possession de son passeport. Il a précisé qu’il s’était fait voler sa veste
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dans un café aux C._______, le 31 octobre 2015, avec son passeport à
l’intérieur et a porté plainte auprès de la police en date du 18 janvier 2016.
J.
Par décision du 26 mai 2016, le SEM a levé l'admission provisoire de l'inté-
ressé, considérant que les raisons qui avaient motivé cette mesure
n'étaient plus réalisées. Sur la base du rapport du corps des gardes-fron-
tières du (…) 2015, il a estimé que le recourant s’était rendu à maintes
reprises en Serbie entre 2012 et 2015, qu’il avait sciemment trompé les
autorités suisses par des allégations mensongères, et que son état de
santé ne l’avait donc pas empêché de voyager et de séjourner régulière-
ment dans son pays d’origine. Il a considéré que le recourant pouvait être
suivi médicalement en Serbie et a retenu qu’il avait gravement violé son
obligation de collaborer en ne remettant pas l’original de son passeport
serbe.
K.
Par acte du 28 juin 2016, l’intéressé a interjeté recours contre la décision
précitée et a conclu à son annulation, au prononcé d’une admission provi-
soire pour cause d’inexigibilité de l’exécution du renvoi pour motifs médi-
caux et a demandé la dispense du versement d’une avance de frais. Il a
fait valoir que les soins et la médication que nécessitait sa maladie psy-
chique n’étaient ni disponibles ni financièrement accessibles en Serbie et
qu’un contrôle approfondi de récents symptômes consécutifs à son cancer
du côlon étaient planifiés pour août 2016. Le recourant a produit des rap-
ports médicaux des 12 septembre 2007, 10 décembre 2007 et 2 juillet
2013, ainsi qu’une lettre de sa psychiatre du 21 mai 2015, des copies
d’actes, décisions et échange d’écritures relatifs à la procédure cantonale
(cf. let. A.e ci-dessus) ainsi que de première instance devant le SEM (cf.
let. B et C ci-avant). Il a redéposé une copie incomplète du rapport médical
du 21 décembre 2015 (cf. let. G supra) ainsi qu’un rapport du 27 juin 2016
(non signé par le médecin).
L.
Par décision incidente du 7 juillet 2016, le juge instructeur du Tribunal a
imparti au recourant un délai au 22 juillet suivant pour verser un montant
de 600 francs à titre d'avance de frais. Le 19 juillet 2016, le recourant s'est
acquitté de l'avance de frais requise.
M.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, si nécessaire,
dans les considérants en droit qui suivent.
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Droit :
1.
1.1 En vertu de l’art. 31 LTAF (RS 173.32), le Tribunal connaît des recours
contre les décisions au sens de l’art. 5 PA (RS 172.021) prises par les auto-
rités mentionnées à l’art. 33 LTAF.
1.2 En particulier, il statue de manière définitive sur les recours formés
contre les décisions rendues par le SEM en matière de levée d'admission
provisoire (cf. art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. c ch. 3 LTF [RS 173.110]).
1.3 La procédure devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que la
LTAF (cf. art. 37 LTAF) n'en dispose autrement.
1.4 Le recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans
la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 50 al. 1 PA) prescrits par la
loi, le recours est recevable.
1.5 Le Tribunal dispose d'un plein pouvoir de cognition pour ce qui a trait à
l'application de la loi sur les étrangers, conformément à l'art. 49 PA en lien
avec l'art. 112 LEtr (RS 142.31), même lorsque celle-ci intervient dans le
cadre ou à la suite d'une procédure d'asile (cf. ATAF 2014/26 consid. 5).
2.
En vertu de l'art. 84 al. 1 LEtr, le SEM vérifie périodiquement si l'étranger
au bénéfice de l'admission provisoire en remplit toujours les conditions. Il
lui appartient de lever celle-ci et d'ordonner l'exécution du renvoi ou de
l'expulsion si tel n'est plus le cas (cf. art. 84 al. 2 LEtr). Ces conditions sont
fixées à l'art. 83 LEtr, selon lequel l'admission provisoire est ordonnée si
l’exécution du renvoi n'est pas licite, raisonnablement exigible ou possible.
Les conditions de l'admission provisoire sont de nature alternative ; il suffit
que l'une d'entre elles soit remplie pour que le renvoi ne soit pas exécuté.
En conséquence, en cas de levée de l'admission provisoire, l'autorité
d'asile examine d'office si toutes les conditions cumulatives de l'exécution
du renvoi sont remplies, en se basant sur la situation prévalant au moment
où elle prend sa décision (ATAF 2009/51 consid. 5.4 p. 748 ; également
Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en ma-
tière d'asile [JICRA] 2006 n° 23 consid. 6.3. p. 239, consid. 7.3. p. 241 et
consid. 7.7.3. p. 247 ; 2005 n° 3 consid. 3.5. 3e p. 35 ; 2001 n° 17 con-
sid. 4d p. 131 s.).
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3.
3.1 L’exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de
droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans
un pays donné ou qu’aucun autre Etat, respectant le principe du non-re-
foulement, ne se déclare prêt à l’accueillir. Il s’agit d’abord de l’étranger
reconnu réfugié, mais soumis à une clause d’exclusion de l’asile, et ensuite
de l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé
par l’art. 3 CEDH ou encore l’art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dé-
gradants (Conv. torture, RS 0.105).
3.2 En l'occurrence, le recourant n'ayant pas la qualité de réfugié, il ne peut
valablement se prévaloir du principe de non-refoulement de l’art. 33 de la
Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30,
Conv. réfugiés), principe repris à l'art. 5 LAsi (RS 142.31).
3.3 Il n'a par ailleurs pas établi qu'il risquait d'être soumis, en cas d'exécu-
tion du renvoi, à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou par l'art. 3 de
la Conv. torture. Il faut préciser qu'une simple possibilité de mauvais traite-
ments ne suffit pas et que la personne concernée doit rendre hautement
probable ("real risk") qu'elle serait directement visée par des mesures in-
compatibles avec les dispositions conventionnelles précitées (cf. ATAF
2014/28 consid. 11.4).
3.4 Le recourant souffre d’un syndrome anxio-dépressif sévère et d’un
PTSD, d’hypertension artérielle (stade 1), de lombalgies chroniques et pré-
sente un nodule pulmonaire. Le cancer du côlon diagnostiqué en août 2015
a été traité et le recourant ne bénéficie que d’un suivi de contrôle afin d’évi-
ter toute récidive. Il est sous traitement médicamenteux pour ses troubles
psychiques, celui-ci étant composé principalement d’un neuroleptique et
d’un anxiolytique. Au surplus, le risque suicidaire doit être relativisé, ainsi
que cela sera exposé en détail dans les considérants qui suivent. Par con-
séquent, l'exécution du renvoi n'a pas pour conséquence d’exposer le re-
courant à un risque sérieux de mort rapide en cas de retour en Serbie.
Ainsi, faute de circonstances tout à fait extraordinaires commandant impé-
rativement la poursuite de son séjour sur le territoire helvétique pour des
motifs médicaux, une éventuelle illicéité de l'exécution de son renvoi ne
peut être retenue (cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
[CourEDH] D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997, requête n° 30240/96,
par. 49ss ; cf. également décision incidente du 7 juillet 2016, p. 3).
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3.5 Dès lors, l'exécution du renvoi du recourant sous forme de refoulement
ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant du droit interna-
tional, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 LAsi et art. 83 al. 3 LEtr).
4.
4.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être rai-
sonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays
d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple
en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la
violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la
qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés,
mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence
généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les
mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient
plus recevoir les soins dont elles ont besoin.
4.2 S'agissant particulièrement de personnes en traitement médical en
Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible au sens de l'art. 83 al. 4
LEtr, que dans la mesure où elles ne pourraient plus recevoir les soins
essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins es-
sentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence ab-
solument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4
LEtr, disposition exceptionnelle tenant en échec une décision d'exécution
du renvoi, ne saurait en revanche être interprété comme une norme qui
comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'ac-
cès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à
la maintenir, au simple motif que les structures hospitalières et le savoir-
faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'attei-
gnent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2009/2 con-
sid. 9.3.2).
La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels,
d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure rai-
sonnablement exigible si les troubles ne peuvent être qualifiés de graves,
à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement
adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au
point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de
sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de
son intégrité physique.
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L'exécution du renvoi est raisonnablement exigible si l'accès à des soins
essentiels, au sens défini ci-dessus, est assuré dans le pays d'origine ou
de provenance. Il pourra s'agir, cas échéant, de soins alternatifs à ceux
prodigués en Suisse, qui – tout en correspondant aux standards du pays
d'origine – sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un
niveau de qualité, d'une efficacité de terrain (ou clinique) et d'une utilité
(pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse ; en par-
ticulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de géné-
riques) d'une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon
les circonstances, être considérés comme adéquats.
4.3 Il est notoire que la Serbie ne connaît pas une situation de guerre, de
guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d’emblée – et indé-
pendamment des circonstances du cas d’espèce – de présumer, à propos
de tous les ressortissants du pays, l’existence d’une mise en danger con-
crète au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr. Au demeurant, ce pays a été désigné
comme exempt de persécutions (safe country) par ordonnance du Conseil
fédéral du 6 mars 2009, avec effet au 1er avril 2009.
4.4 Il faut encore déterminer si la situation personnelle du recourant est à
même de le mettre concrètement en danger en cas de retour en Serbie.
4.4.1 Il ressort du dossier que le recourant est suivi depuis 2006 pour ses
troubles psychiques, sans amélioration significative, son état semblant être
demeuré inchangé. En outre, les troubles invoqués ne l’ont pas empêché
d’exercer une activité lucrative, à 50 % puis à 100 %, au moins entre 2010
et 2011. A cela s’ajoute que le suivi psychiatrique a été interrompu sur ini-
tiative du recourant, à compter d’août 2010. En octobre 2012, suite au re-
cours interjeté devant le Tribunal administratif de première instance du can-
ton de B._______ (cf. let. A.d ci-dessus), l’intéressé a repris contact avec
son médecin afin d’obtenir le renouvellement de son ordonnance, sans de-
mander la reprise d’une thérapie. En outre, les rapports médicaux produits
établissent que les problèmes de santé psychique de l’intéressé ont pour
origine, d’une part, les événements traumatiques vécus dans son pays
d’origine et, d’autre part, la séparation d’avec ses deux filles, qui étaient
alors mineures. Celles-ci ont été abandonnées par son ex-compagne,
avant de se retrouver seules au décès de leur grand-mère (la mère du re-
courant) qui les avait prises en charge. La psychiatre a identifié chez le
recourant un risque suicidaire très élevé en cas de renvoi. Or il faut rappe-
ler que les événements allégués par l’intéressé à l’appui de sa demande
d’asile ont été jugés invraisemblables (cf. let. A.a ci-dessus). Cela implique
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que les troubles diagnostiqués, prétendument en lien avec des événe-
ments traumatiques vécus au pays doivent être relativisés. De même, il
n’apparaît pas vraisemblable que le recourant n’ait plus eu de contact avec
ses filles, alors qu’elles étaient à la charge de sa mère, en particulier en
raison de plusieurs allers et retours en Serbie (cf. paragraphe suivant).
Ensuite, il ressort du rapport du corps des gardes-frontières du (…) 2015
que le passeport serbe du recourant présentait pas moins de treize timbres
d’entrée et de sortie à la frontière serbe de D._______ entre 2012 et 2015,
le dernier datant du (…) 2015. Invité à se déterminer sur ces éléments, le
recourant a persisté à de multiples reprises à nier être retourné en Serbie,
sans toutefois apporter d’indices concrets et convaincants de ses allégués.
De plus, il n’a pas remis son passeport original au SEM, ainsi que cela lui
a été demandé à plusieurs reprises. A cet égard, le Tribunal considère que
l’intéressé a tenu des propos divergents et dénués de tout fondement, pré-
tendant ne pas avoir compris qu’il devait remettre son passeport, puis a
déclaré l’avoir égaré, ensuite se l’être fait voler en même temps que sa
veste, ou alors en avoir repris possession dans des circonstances fantai-
sistes (un inconnu l’aurait abordé à B._______ et lui aurait remis son pas-
seport camouflé dans un journal) ou encore ne l’avoir jamais retrouvé. A
défaut de déclarations concordantes et plausibles, le Tribunal considère
que le recourant n’a vraisemblablement pas été dépossédé de son passe-
port serbe, mais qu’il refuse de le remettre aux autorités suisses, violant
ainsi gravement son obligation de collaborer. Dès lors, sur la base des co-
pies de son passeport figurant au dossier, le Tribunal estime, à l’instar du
SEM, que le recourant est retourné à plusieurs reprises en Serbie. Cela
tend à confirmer qu’il dispose encore dans son pays d’un réseau social et
d’étroites relations avec des membres de sa famille, avec qui il a pu main-
tenir des liens depuis plusieurs années en retournant régulièrement en Ser-
bie.
Par conséquent, le risque suicidaire diagnostiqué chez le recourant en lien
direct avec un renvoi dans son pays d’origine doit également être relativisé,
puisqu’il y est retourné volontairement à maintes reprises, malgré les af-
fections alléguées.
Au demeurant, il y a lieu de rappeler que les troubles de nature suicidaire
sont couramment observés chez les personnes confrontées à l'imminence
d'un renvoi ou devant faire face à l'incertitude de leur statut en Suisse
(cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5384/2009 du 8 juillet 2010,
consid. 5.6 et réf. cit.). Cela dit, selon la jurisprudence du Tribunal, ni une
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tentative de suicide ni des tendances suicidaires ("suicidalité") ne s'oppo-
sent en soi à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité,
seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être
prises en considération, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans l'hypo-
thèse où les tendances suicidaires s'accentueraient dans le cadre de l'exé-
cution forcée, les autorités devraient y remédier au moyen de mesures
adéquates, de façon à exclure un danger concret de dommages à la santé
(cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016
consid. 4.3 p. 8 et réf. cit.). Dans ce cadre, il peut être rappelé que l'inté-
ressé pourrait solliciter du SEM, en cas de besoin, une aide au retour pour
motifs médicaux (cf. art. 93 LAsi et 73 ss de l'ordonnance 2 du 11 août
1999 sur l'asile relativement au financement [OA 2, 142.312]). Ainsi, con-
formément à une jurisprudence constante, les menaces de suicide n'astrei-
gnent pas la Suisse à s'abstenir d'exécuter le renvoi, mais à prendre des
mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (cf. arrêt du Tribunal ad-
ministratif fédéral E-2488/2016 du 1er juin 2016, consid. 3.3.4 et notamment
Cour européenne des droits de l'homme [Cour EDH], arrêt affaire A.S.
c. Suisse, no 39350/13, 30 juin 2015, par. 34 ; décision Ludmila Kochieva
et autres c. Suède, no 75203/12, 30 avril 2013, par. 34).
Enfin, le cancer du côlon diagnostiqué en août 2015 a pu être traité et le
médecin a préconisé un dépistage régulier à vie auprès d’un oncologue. Il
ressort du dernier rapport médical du 27 juin 2016 qu’un examen (scanner
et colonoscopie) est prévu durant le mois d’août 2016, en raison de la pé-
joration des douleurs abdominales chroniques du recourant et d’une perte
de poids. Toutefois, ainsi qu’indiqué dans le dit rapport, il ne s’agit que d’un
examen de contrôle. Dès lors, le seul risque d'une hypothétique récidive
du cancer dont a souffert l'intéressé ne saurait, en soi, suffire à rendre
inexigible l'exécution du renvoi. De plus, la Serbie dispose, en particulier à
l’Institut d’oncologie de Belgrade (cf. ), d’infrastruc-
tures médicales et du personnel soignant compétent qui pourra faire pas-
ser au recourant les contrôles nécessaires au dépistage d’une éventuelle
récidive du cancer du côlon et, le cas échéant, traiter de manière appro-
priée cette maladie en cas de rechute. Au demeurant, il appartiendra au
SEM, au besoin, d’adapter le délai de départ du recourant pour tenir
compte d’un éventuel examen médical en cours.
4.4.2 Par conséquent, les problèmes de santé du recourant n'apparaissent
pas, en l’état, d'une gravité telle à mettre sa vie en danger dans un avenir
proche en cas de renvoi en Serbie.
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4.5 En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait inférer
que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger concrète du
recourant. A cet égard, le Tribunal relève que l'intéressé a acquis une ex-
périence professionnelle, comme coiffeur dans son pays, puis en tant que
paysagiste en Suisse. Il est rappelé, comme relevé ci-avant, que les allé-
gués du recourant selon lesquels il n’aurait plus de réseau social et familial
en Serbie sont invraisemblables. Il lui appartiendra donc de fournir les ef-
forts nécessaires et qui peuvent être attendus de lui pour se réinstaller
dans son pays d’origine.
4.6 Pour ces motifs, l'exécution du renvoi doit être considérée comme rai-
sonnablement exigible.
5.
Enfin, le recourant est vraisemblablement en possession d’un passeport
serbe valable ou, à tout le moins, est en mesure d'entreprendre toute dé-
marche nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en
vue de l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la
Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insur-
montables d'ordre technique et s'avère également possible (cf. ATAF
2008/34 consid. 12).
6.
6.1 Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le SEM a levé l'admission
provisoire du recourant et a ordonné l'exécution de son renvoi.
6.2 Il s’ensuit que le recours du 28 juin 2016 doit être rejeté.
7.
Vu l’issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure, d’un
montant de 600 francs, à la charge du recourant, conformément à l'art. 63
al. 1 PA et aux art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant
les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
(FITAF, RS 173.320.2). Ce montant est intégralement compensé avec
l’avance de frais déjà versée, le 19 juillet 2016, de 600 francs.

(dispositif : page suivante)

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 600 francs, sont mis à la charge
du recourant. Ils sont couverts par l'avance de frais de même montant ver-
sée le 19 juillet 2016.
3.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.

La présidente du collège : La greffière :

Emilia Antonioni Luftensteiner Sophie Berset