E-3234/2009 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 16 avril 200...
D i s p o s i t i f B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a mm i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Cour V
E3234/2009
A r r ê t d u 1 8 o c t o b r e 2 0 1 1
Composition Emilia Antonioni (présidente du collège),
Gérard Scherrer, Christa Luterbacher, juges,
Céline Longchamp, greffière.
Parties A._______, née le (…),
Ethiopie,
représentée par Daniel Habte,
Badenerstrasse 16, Postfach 3114, 8021 Zürich,
recourante,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet Asile et renvoi;
décision de l'ODM du 16 avril 2009 / N (…).
E3234/2009
Page 2
Faits :
A.
A._______ a déposé une demande d'asile en Suisse le 2 décembre
2008.
B.
Entendue sommairement le 8 décembre 2008, puis sur ses motifs d'asile
le 29 janvier 2009, la requérante a déclaré être une ressortissante
éthiopienne, originaire d'Addis Abeba et d'ethnie B._______. Mariée à
l'âge de (…) ans, elle se serait enfuie du domicile conjugal deux ans plus
tard. Durant son mariage, elle se serait régulièrement réfugiée chez une
amie avec laquelle elle aurait par la suite entretenu une relation
amoureuse. Suite au décès de son frère, en (année), elle serait retournée
vivre chez ses parents, puis aurait loué un appartement depuis 2007. Elle
aurait poursuivi sa relation amoureuse avec son amie.
Commerçante, elle aurait travaillé dans un magasin de (…). Le (date)
2008, elle aurait été surprise par une employée alors qu'elle embrassait
sa partenaire homosexuelle dans l'arrièreboutique. Cette employée
aurait crié, ameutant plusieurs hommes du quartier. La requérante et son
amie auraient été battues, son amie emmenée. L'intéressée aurait pu
s'enfuir en soudoyant une des deux personnes qui la retenait. Elle serait
allée chercher de l'argent à son domicile avant de se rendre à
C._______, où elle aurait passé la nuit chez un ami. Celuici, lui ayant
conseillé de quitter le pays, aurait organisé et financé son départ. Après
avoir franchi la frontière avec le D._______ le lendemain, elle aurait
rejoint E._______ trois jours plus tard. Elle y aurait séjourné durant dix
jours, puis aurait pris l'avion jusqu'en Europe, munie d'un passeport
d'emprunt.
C.
Par décision du 16 avril 2009, l'ODM a rejeté la demande d'asile déposée
par l'intéressée, au motif que ses déclarations ne satisfaisaient pas aux
conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au
sens de l'art. 7 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31). Il a
également prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l'exécution de
cette mesure, qu'il a considérée comme licite, raisonnablement exigible et
possible.
D.
Le 19 mai 2009, l'intéressée a interjeté recours contre la décision précitée
auprès du Tribunal administratif fédéral (ciaprès : le Tribunal). Elle a
E3234/2009
Page 3
conclu à la reconnaissance de la qualité de réfugié et à l'octroi de l'asile,
subsidiairement au prononcé d'une admission provisoire. Elle a invoqué
la constatation incomplète des faits, arguant avoir présenté un récit
vraisemblable et répondu à toutes les questions posées. Invoquant être
traumatisée et ne pas avoir l'habitude de s'exprimer au sujet de sa vie
intime, elle a reproché à l'ODM de ne pas avoir suffisamment tenu
compte du contexte culturel éthiopien. Elle a, de plus, ajouté que les
homosexuels, interdits en Ethiopie, y sont poursuivis pénalement.
S'appuyant sur un jugement pénal produit à l'appui de son recours, elle a
allégué avoir été condamnée à une peine de (…) ans d'emprisonnement
et risquer des mesures de représailles de la part des médias, de la police
ou d'autres individus. Elle a répété ne pouvoir se procurer aucun
document d'identité parce qu'elle a été rejetée par sa famille et qu'elle ne
peut compter sur un quelconque réseau social. Elle a ensuite affirmé que
son renvoi devait être considéré comme illicite et inexigible puisqu'elle
risquait d'être emprisonnée ou, à tout le moins, de subir une pression
psychique insupportable, et a répété qu'elle ne pouvait pas compter sur le
soutien d'un réseau familial ou social. Elle a également demandé à être
mise au bénéfice de l'assistance judiciaire partielle et a produit une
attestation d'indigence.
E.
Par courrier du 4 juin 2009, le juge instructeur du Tribunal a accusé
réception du recours, confirmé que la recourante pouvait attendre en
Suisse l'issue de la procédure, renoncé à la perception d'une avance des
frais présumés de la procédure et invité la recourante à produire l'original
du jugement déposé ainsi qu'une traduction.
F.
Par courrier du 9 juillet 2009, la recourante a produit la traduction du
jugement pénal duquel il ressort qu'elle a été condamnée le 20 novembre
2008 à une peine de (…) ans d'emprisonnement pour relations
homosexuelles.
G.
Invité à se prononcer, l'ODM a proposé le rejet du recours, par
détermination du 17 juillet 2009, maintenant entièrement ses conclusions.
Il n'a toutefois rien dit de la copie du jugement pénal déposé, relevant que
l'autorité de recours ne pouvait confier l'instruction du recours à l'autorité
inférieure. Cette détermination a été transmise à la recourante pour
information.
E3234/2009
Page 4
H.
L'intéressée a donné naissance à un enfant le 24 septembre 2010.
I.
Par ordonnance du 30 juin 2011, le juge instructeur du Tribunal a invité la
recourante à l'informer sur une éventuelle procédure de reconnaissance
de l'enfant, sur l'identité complète de son père, sur l'éventuelle
contribution de celuici à l'entretien de l'enfant et sur les contacts qu'il
entretient avec lui ainsi que sur la situation personnelle et financière de la
famille de l'intéressée à Addis Abeba.
J.
Par courrier du 14 juillet 2011, la recourante a communiqué au Tribunal
les données personnelles complètes du père de l'enfant et indiqué que
celuici, au bénéfice du statut de réfugié en Suisse, était titulaire d'un
permis B (N ...). Elle a précisé qu'une procédure de reconnaissance de
l'enfant avait été introduite auprès de l'état civil compétent, que le père
contribuait financièrement à l'entretien de son enfant et qu'il le voyait
presque tous les jours. S'agissant de sa famille à Addis Abeba, elle a
déclaré que ses parents et ses frères et sœurs avaient déménagé, qu'ils
ne disposaient d'aucun revenu et qu'ils dépendaient complètement de
son soutien et de celui du père de son enfant.
K.
La reconnaissance de l'enfant par son père est intervenue le 25 août
2011.
L.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, en cas de
besoin, dans les considérants qui suivent.
Droit :
1.
1.1. Le Tribunal, en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le
Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), connaît des recours
contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre
1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les
autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF.
E3234/2009
Page 5
En particulier, les décisions rendues par l’ODM concernant l’asile peuvent
être contestées, par renvoi de l’art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel
statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat
dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17
juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2. La recourante a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et les
délais prescrits par la loi, le recours est recevable (48ss PA et
108 al. 1 LAsi).
2.
Il convient, tout d'abord, d'observer que l'ODM a statué sur la question de
la reconnaissance de la qualité de réfugié et de l'octroi de l'asile au sens
des art. 3 et 7 LAsi de la recourante seule. Le Tribunal se limitera donc,
dans la cadre de la présente procédure, à examiner si c'est à juste titre
que cette qualité lui a été déniée et que l'asile lui a été refusé. Il ne se
prononcera pas sur la question du statut de l'enfant de la recourante, né
en cours de procédure, dont le père a obtenu l'asile.
3.
3.1. Avant de se prononcer sur l'éventuelle qualité de réfugié de la
recourante, le Tribunal doit analyser, à titre préliminaire, les griefs de
nature formelle soulevés par l'intéressée. Celleci a, en effet, reproché à
l'autorité de première instance de ne pas avoir respecté la maxime
inquisitoire prévalant en procédure d'asile, en ne procédant à aucune
mesure d'instruction complémentaire, se basant ainsi sur un état de fait
incomplet.
3.2. Il faut, à cet égard, de rappeler que la procédure en matière
d'établissement des faits marie deux principes opposés. Selon la maxime
inquisitoriale, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants
que ceux qui sont dûment prouvés. Selon la maxime des débats, ce sont
les parties qui apportent faits et preuves. La procédure administrative fait
prévaloir la procédure inquisitoriale (art. 12 PA). Cependant, les parties,
et particulièrement dans le domaine de l'asile, ont le devoir de collaborer
à l'instruction de la cause (cf art. 8 LAsi), ce qui les oblige à apporter,
dans la mesure où cela peut raisonnablement être exigé d'elles, les
preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute
de quoi elles risqueraient de devoir supporter les conséquences de
l'absence de preuves (cf. Arrêts du Tribunal fédéral [ATF] 117 V 261).
L'application de la loi doit se fonder sur la réalité, dans la mesure où
E3234/2009
Page 6
celleci peut être le plus objectivement établie. L'intérêt public ne saurait
se contenter de fictions. L'autorité dirige la procédure; elle définit les faits
qu'elle considère comme pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle
ordonne et apprécie d'office (cf. ATF 110 V 48 consid. 4, ATF 110 V 199
consid. 2b, ATF 105 Ib 117 consid. 1a). Pour établir les faits pertinents,
l'autorité ne peut se contenter d'attendre que l'administré lui demande
d'instruire ou lui fournisse de luimême les preuves adéquates. Il
appartient à l'autorité d'établir ellemême les faits pertinents, dans la
mesure où l'exige la correcte application de la loi (cf. ATF 116 V 26
consid. 3c et 3d), et de prendre toutes les mesures propres à établir ces
faits avec le concours de l'intéressé, qui a par conséquent l'obligation
d'apporter toute preuve utile ou, à tout le moins, tout élément de preuve
permettant de fonder ses allégations (cf. PIERRE MOOR, Droit
administratif, vol. II, 2e éd., Berne 2002, p. 258 et 259).
3.3. A l'examen du dossier de la cause, le Tribunal constate que tant
l'audition sommaire que l'audition fédérale doivent être considérées, sur
la base des procèsverbaux, comme détaillées et complètes. L'audition
fédérale est intervenue un mois et demi après l'audition sommaire et la
procédure ordinaire a duré plus de quatre mois, de sorte que l'intéressée
avait le temps d'entreprendre des démarches en vue de se procurer des
documents d'identité ou de faire parvenir d'éventuels moyens de preuve
susceptibles de démontrer la véracité des motifs d'asile invoqués. Or,
force est d'observer que, durant ce laps de temps, elle n'a entrepris
aucune démarche pour le faire (cf. pv. de l'audition fédérale p. 23
notamment). Si la maxime inquisitoire, laquelle régit la procédure en
matière d'asile, veut que les faits pertinents de la cause soient constatés
d'office par l'autorité, sa portée est néanmoins restreinte par le devoir des
parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (cf. ATF 125 V 193
consid. 2; Jurisprudence et informations de la Commission suisse de
recours en matière d'asile [JICRA] 1993 n° 7 consid. 3d). En effet, le droit
d'être entendu ne correspond pas à un droit du requérant à ce que
l'autorité fasse ellemême les démarches pour obtenir des moyens de
preuve. Ces démarches tombent, bien au contraire, dans la notion de
devoir de collaboration de la partie, tel qu'il est exprimé à l'art. 8 LAsi. Le
requérant d'asile ne saurait, dès lors, se contenter d'inviter l'autorité à
entreprendre des démarches en vue de l'obtention de pièces dans son
pays d'origine. En l'espèce, le Tribunal relève qu'il pouvait être
raisonnablement exigé de l'intéressée qu'elle se procure un document
d'identité, de voyage ou tout autre document utile à prouver ses
allégations. Dans ces conditions, le Tribunal estime que l'intéressée a eu
tout loisir d'étayer ses motifs d'asile par des documents. Elle a, d'ailleurs,
E3234/2009
Page 7
pu déposer, au stade du recours, la copie d'un jugement pénal. Partant, il
ne saurait être reproché à l'ODM de n'avoir pas entrepris de mesures
d'instruction complémentaires.
3.4. Au vu de ce qui précède, le grief de constatation incomplète des faits
doit être rejeté. La décision attaquée peut, dès lors, être examinée sous
l'angle de la reconnaissance de la qualité de réfugié.
4.
4.1. Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de
sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou
de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression
psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite
spécifiques aux femmes (cf. art. 3 al. 1 et 2 LAsi).
4.2. Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celleci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur
des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés
(cf. art. 7 LAsi).
4.3. Si l'autorité doit être convaincue que les faits allégués ont pu se
produire, elle ne doit pas être absolument persuadée de leur véracité,
une certitude totale excluant tout doute n'étant logiquement pas possible ;
il faut que le requérant d'asile parvienne à «convaincre le juge que les
choses se sont vraisemblablement passées comme prétendu, sans avoir
à démontrer qu'elles doivent vraiment s'être passées ainsi parce que
toute hypothèse contraire est raisonnablement à exclure» (cf. MARIO
GATTIKER, Das Asyl und Wegweisungsverfahren, Berne 1999, p. 60 et
référence citée ; MAX KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd.,
Berne 1984, p. 135, cité in : WALTER KÄLIN, Grundriss des Asylverfahrens,
Bâle/FrancfortsurleMain 1990, p. 302). Quand bien même la
vraisemblance autorise l'objection et le doute, ceuxci doivent toutefois
paraître d'un point de vue objectif moins importants que les éléments
E3234/2009
Page 8
parlant en faveur de la probabilité des allégations (cf. WALTER KÄLIN,
op. cit., p. 303). C'est ainsi que lors de l'examen de la vraisemblance des
allégations de fait d'un requérant d'asile, il s'agit pour l'autorité de
pondérer les signes d'invraisemblance en dégageant une impression
d'ensemble et en déterminant, parmi les éléments portant sur des points
essentiels et militant en faveur ou en défaveur de cette vraisemblance,
ceux qui l'emportent (cf. JICRA 1993 n° 11 p. 67ss ; WALTER KÄLIN,
op. cit., pp. 307 et 312).
4.4. La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à
l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée
dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément
subjectif. Sera reconnu comme réfugié celui qui a de bonnes raisons,
c'estàdire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers
(élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon
toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution
(cf. JICRA 2000 n° 9 consid. 5a p. 78 et JICRA 1997 n ° 10 consid. 6
p. 73 ainsi que les références de jurisprudence et de doctrine citées). Sur
le plan subjectif, il doit être tenu compte des antécédents de l'intéressé,
notamment de l'existence de persécutions antérieures, et de son
appartenance à un groupe ethnique, religieux, social ou politique
l'exposant plus particulièrement à de telles mesures; en particulier, celui
qui a déjà été victime de mesures de persécution a des raisons objectives
d'avoir une crainte (subjective) plus prononcée que celui qui en est l'objet
pour la première fois (cf. JICRA 1994 n° 24 p. 171ss et JICRA 1993 n° 11
p. 67ss). Sur le plan objectif, cette crainte doit être fondée sur des indices
concrets qui peuvent laisser présager l'avènement, dans un avenir peu
éloigné et selon une haute probabilité, de mesures déterminantes selon
l'art. 3 LAsi. Il ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à des
menaces hypothétiques, qui pourraient se produire dans un avenir plus
ou moins lointain (cf. JICRA 1994 n° 1 consid. 6a p. 9, JICRA 1993 n°21
p. 134ss et JICRA 1993 n° 11 p. 67ss ; MINH SON NGUYEN, Droit public
des étrangers, Berne 2003, p. 447ss ; MARIO GATTIKER, La procédure
d'asile et de renvoi, Berne 1999, p. 69s ; ALBERTO ACHERMANN /
CHRISTINA HAUSAMMANN, Les notions d'asile et de réfugié en droit suisse,
in : WALTER KÄLIN (éd.), Droit des réfugiés, enseignement de 3e cycle de
droit 1990, Fribourg 1991, p. 44).
E3234/2009
Page 9
5.
5.1. En l'occurrence, le Tribunal considère, à l'instar de l'ODM, que les
motifs d'asile invoqués ne sont pas vraisemblables.
5.1.1. Il convient, tout d'abord, de relever les propos peu circonstanciés
de la recourante sur la réaction de ses parents suite à sa séparation
d'avec son époux et à son retour au domicile familial (cf. pv. de l'audition
fédérale p. 4). Il n'est, de plus, pas plausible qu'elle ait ensuite quitté ce
domicile pour vivre sa vie en toute tranquillité, comme elle l'a indiqué, au
vu de l'importance du soutien qu'elle a déclaré représenter pour ses
parents en tant que fille aînée de la famille suite au décès de son frère
(cf. pv. de l'audition fédérale p. 5).
5.1.2. Il sied, ensuite, de retenir les incohérences et le manque de détails
fournis par la recourante quant à sa prétendue relation homosexuelle
avec son amie et à la discrétion requise par cette situation. Ainsi, ses
indications selon lesquelles elle embrassait son amie dans des parcs
publics où elles se rencontraient ne correspondent pas à la prudence
commandée par une telle orientation sexuelle dans la société
éthiopienne, ce qu'elle ne pouvait ignorer (cf. pv. de l'audition fédérale
p. 67). De même, ses explications sur les précautions qu'elles auraient
prises pour éviter de se faire remarquer sont très peu étayées et peu
convaincantes, son amie se rendant, selon ses dires, régulièrement sur
son lieu de travail et saluant les gens qu'elle rencontrait sur son passage
(cf. pv. de l'audition fédérale p. 78). L'affirmation selon laquelle elles
auraient continué à s'embrasser dans l'arrièreboutique malgré les
soupçons de la population, sans même y réagir en tentant de modifier
leurs habitudes, n'est pas davantage plausible (cf. ibidem). Il convient
encore de relever les manquements de la recourante à expliquer
comment elle n'aurait pu entendre entrer dans l'arrièreboutique
l'employée qu'elle croyait partie (cf. pv. de l'audition fédérale p. 9). Quant
à sa description de sa prétendue fuite, en soudoyant un des hommes qui
la maintenait, celleci n'est pas davantage crédible (cf. pv. de l'audition
sommaire p. 6), que le fait qu'elle soit sortie du magasin par la porte
principale ou qu'elle soit ensuite retournée à son domicile y chercher de
l'argent avant de s'enfuir, ces comportements n'étant assurément pas
ceux d'une personne qui se sait démasquée et menacée (cf. pv. de
l'audition sommaire p. 6, pv. de l'audition fédérale p. 9).
5.1.3. En outre, il y a lieu de constater que la recourante n'a fourni aucun
document d'identité ni de voyage et que ses explications relatives à son
E3234/2009
Page 10
impossibilité à s'en procurer ne sauraient être considérées comme
suffisantes (cf. pv. de l'audition sommaire p. 35, pv. de l'audition fédérale
p. 23, consid. 2.2. et 2.3. supra). De plus, ses allégations sur son
voyage, d'ailleurs prétendument organisé en une journée, depuis
C._______ jusqu'en Suisse se sont révélées fort peu détaillées et
stéréotypées. Il n'est, de plus, pas crédible que la recourante ne puisse
indiquer la ville dans laquelle elle a atterri à son arrivée en Europe, pas
plus que le fait qu'elle n'ait rien payé pour un tel périple (cf. pv. de
l'audition sommaire p. 78). S'agissant de l'ami qui aurait financé l'entier
de son voyage, il faut observer que la recourante n'a pas étayé ni
comment elle aurait pu faire sa connaissance ni les circonstances dans
lesquelles elle l'aurait ellemême rencontré (cf. pv. de l'audition fédérale
p. 1011). Ces éléments permettent, dès lors, pour le moins, de conclure
que l'intéressée n'a pas quitté son pays d'origine dans les circonstances
invoquées.
5.1.4. S'agissant enfin du jugement pénal condamnant l'intéressée et son
amie à (…) ans d'emprisonnement, force est de constater qu'il n'a été
produit au stade du recours que sous la forme d'une copie de mauvaise
qualité, procédé ouvrant la porte à toutes sortes de manipulations. La
recourante est d'ailleurs restée très vague sur l'obtention de ce document
ainsi que sur les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas pu obtenir
l'original du document requis (cf. mémoire de recours p. 4 et courrier du 9
juillet 2009). Il n'est, en outre, pas vraisemblable qu'un tel jugement, daté
du 20 novembre 2008, ait pu être rendu seulement trois jours après la
prétendue arrestation de son amie (située le 17 novembre 2008). De
plus, le contenu même de ce document est peu détaillé. Ainsi, l'entête en
haut à droite n'est pas remplie et ni les données personnelles des
condamnées ni les faits reprochés ne sont précisés. Compte tenu de
l'ensemble de ces éléments, le Tribunal ne saurait accorder de valeur
probante à un tel document, dont l'authenticité ne peut que sérieusement
être mise en doute.
5.1.5. Pour le reste, le mémoire de recours ne contient aucun argument ni
moyen de preuve susceptible de modifier l'analyse développée cidessus
et dans la décision querellée.
5.2. Au vu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il conteste la non
reconnaissance de la qualité de réfugié à titre originaire et le refus de
l'asile de la recourante, doit être rejeté.
E3234/2009
Page 11
5.3. Il appartiendra pour le surplus à l'ODM de se prononcer sur la
question de la qualité de réfugié à titre dérivé (cf. art. 51 al. 3 LAsi) de
l'enfant de la recourante puisque celuici a été reconnu par son père,
réfugié reconnu, ayant obtenu l'asile en Suisse (N 518 717).
6.
6.1. Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière
à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en
ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille
(art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de
l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la procédure (OA 1,
RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose d’une autorisation de
séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait l’objet d’une décision
d’extradition ou d’une décision de renvoi conformément à l’art. 121 al. 2
de la Constitution fédérale du 19 avril 1999 (Cst., RS 101).
6.2. Dans la mesure où la recourante n'est pas mariée avec le père de
son enfant et qu'elle ne vit pas non plus en concubinage avec lui, elle ne
peut se prévaloir d'aucune exception à la règle générale du renvoi que le
Tribunal est, dès lors, tenu de confirmer.
6.3. Quant à l'éventuel octroi d'une autorisation de séjour à l'enfant de
l'intéressée eu égard à sa reconnaissance par une personne titulaire d'un
permis B et fondée sur l'art. l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
(CEDH, RS 0.101), cette question relève de la compétence des autorités
cantonales de police des étrangers.
7.
7.1. L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible (cf. art. 44 al. 2 LAsi). Si ces conditions ne sont pas
réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celleci est réglée par
l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr,
RS 142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008.
7.2. L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (cf. art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que
ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa
E3234/2009
Page 12
liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi,
ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays
(art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (cf. art. 3 CEDH).
7.3. L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée
si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de
guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (cf. art. 83 al. 4 LEtr).
7.4. L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter
la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers,
ni être renvoyé dans un de ces Etats (cf. art. 83 al. 2 LEtr).
8.
8.1. Il convient de noter que les trois conditions posées par l'art. 83 al. 2 à
4 LEtr, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité et
impossibilité) sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit
réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. ATAF 2009/51
consid. 5.4). En l'espèce, c'est sur les questions de l'exigibilité de
l'exécution du renvoi que le Tribunal entend porter son examen. Cette
question doit être résolue en considération de la situation que
connaissent les femmes seules en Ethiopie, ainsi que de celle de la
recourante personnellement.
8.2. Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être
raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son
pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par
exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou
de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux
"réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les
conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas
personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de
guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour
qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger,
notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles
ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque
cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle
se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du
E3234/2009
Page 13
renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse
(cf. JICRA 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22 p. 191).
8.3. De jurisprudence constante, l'exécution du renvoi vers l'Ethiopie est
en principe considérée comme raisonnablement exigible (cf. Arrêts du
Tribunal administratif fédéral en les causes E113/2008 et D4609/2008,
JICRA 1998 no 22). Malgré le retrait des troupes de maintien de la paix
de l'Erythrée au mois de mars 2008 et de l'Ethiopie au mois d'août 2008,
il n'existe pas à l'heure actuelle de conflit ouvert dans la zone frontalière
de ces deux pays. Ainsi, même si des tensions persistent entre ces deux
pays, il n'existe pas actuellement en Ethiopie de situation de guerre, de
guerre civile ou de violence généralisée sur l'ensemble de son territoire
qui permettrait d'emblée et indépendamment des circonstances du cas
d'espèce de présumer, à propos de tous les ressortissants de ce pays
l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr,
les dernières élections législatives du 23 mai 2010 n'ayant pas provoqué
d'incidents majeurs, bien que leurs résultats aient suscité quelques
protestations et critiques de la part des observateurs internationaux.
8.4. S'agissant des femmes plus spécifiquement, le Tribunal constate que
leurs chances de réinsertion professionnelle et sociale dépendent de
plusieurs facteurs, dont l'existence d'une formation professionnelle, une
bonne santé, la possibilité d'accéder à des ressources suffisantes et,
avant tout, la présence d'un soutien familial et social , faute duquel il sera
très difficile à la femme regagnant l'Ethiopie de trouver un logement et
d'assurer sa survie quotidienne. Pour des raisons culturelles, et sauf
combinaison exceptionnelle de facteurs favorables, il est difficile aux
femmes seules, sans réseau familial solide, de mener une vie autonome
et de trouver accès au marché du travail, même à Addis Abeba. Une
femme dans cette situation se trouve exposée à des difficultés
importantes, et sa seule chance de survie risque, à brève échéance, de
se trouver dans la prostitution, ou dans le meilleur des cas, dans un
travail domestique (cf. Arrêt du Tribunal administratif fédéral E2097/2008
du 7 juillet 2011 ; UN Habitat, Ethiopia : Addis Ababa Urban Profile, 2008
; Ethiopian Society of Population Studies and United Nations Population
Fund [UNFPA], Gender Inequality and Women's Empowerment, octobre
2008 ; Emebet Mulugeta [Institue of Gender Studies, Addis Abeba
University], Crossing the Hurdle : Survival Strategies of Poor Women in
Addis Abeba, in : Eastern Social Science Research Review – Volume 24,
Number 1, Januar 2008, pp.4179 ; Österreichisches Rotes Kreuz [ÖRK]
/Accord, Reisebericht Äthiopien, décembre 2004).
E3234/2009
Page 14
8.5. En l'occurrence, le Tribunal considère que la situation de la
recourante fait apparaître plusieurs circonstances défavorables, de nature
à amoindrir sérieusement ses chances de réinsertion professionnelle et
sociale. Partie d'Ethiopie il y a près de trois ans, l'intéressée n'a été
scolarisée que durant quelques années et ne dispose d'aucune formation
professionnelle. Bien qu'elle ait exercé une activité de commerçante,
l'existence d'un réseau social encore actuel qui pourrait lui permettre de
reprendre une telle activité est des plus incertains. En outre, elle n'a
certes pas rendu vraisemblable ses motifs d'asile, et donc d'être en
mauvais termes avec les siens ; il n'est toutefois pas attesté qu'elle
dispose en Ethiopie d'un réseau familial assuré, sa famille, d'un faible
niveau socioéconomique et qu'elle soutient financièrement depuis la
Suisse, n'étant pas forcément en mesure de la prendre en charge à son
retour. A cela s'ajoute le fait que l'intéressée a maintenant un fils d'un an
dont le père ayant obtenu l'asile, se trouve en Suisse et bénéficie d'une
autorisation de séjour.
8.6. Dès lors, dans la pesée d'intérêts en présence, il apparaît que
l'intérêt de l'intéressée à séjourner en Suisse l'emporte sur l'intérêt public
à son éloignement. Etant donné la conjugaison de facteurs spécialement
défavorables à son renvoi à Addis Abeba, il y a lieu de prononcer une
admission provisoire à l'égard de la recourante.
9.
En conséquence, le recours doit être admis et la décision attaquée
annulée en tant qu'elle prononce l'exécution du renvoi de la recourante.
L'ODM est donc invitée à prononcer l'admission provisoire de celleci.
10.
10.1.
Les conclusions du recours n'étant pas d'emblée vouées à l'échec et
l'indigence de l'intéressée ayant été établie, la demande d'assistance
judiciaire partielle est admise (cf. art. 65 al. 1 PA). Il est donc renoncé à la
perception des frais de procédure.
10.2. Conformément à l'art. 7 al. 1 et 2 du règlement du 21 février 2008
concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal
administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), le recourant, qui a eu
partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits pour les frais
nécessaires causés par le litige. Dans le cas d'espèce et en l'absence
E3234/2009
Page 15
d'un décompte de prestations, le Tribunal estime équitable d'allouer à la
recourante des dépens réduits d'un montant de Fr. 500. (TVA comprise).
E3234/2009
Page 16
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance de la qualité de
réfugié, l'octroi de l'asile et le principe du renvoi de A._______, est rejeté.
2.
L'ODM est invité à se prononcer sur la question de la reconnaissance de
la qualité de réfugié à titre dérivé de l'enfant de A._______, F._______.
3.
Le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi de A._______, est
admis. L'ODM est invité à la mettre au bénéfice d'une admission
provisoire.
4.
La demande d'assistance judiciaire partielle est admise.
5.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
6.
Des dépens d'un montant de Fr. 500. seront versés à A._______.
7.
Le présent arrêt est adressé à A._______, à l'ODM et à l'autorité
cantonale compétente.
La présidente du collège : La greffière :
Emilia Antonioni Céline Longchamp
Expédition :