E-3187/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 24 mai 2013
Karar Dilini Çevir:
E-3187/2013 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 24 mai 2013
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-3187/2013


A r r ê t d u 2 6 a o û t 2 0 1 3
Composition
Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Daniel Willisegger, François Badoud, juges,
Isabelle Fournier, greffière.


Parties
A._______, née le (…),
et ses enfants
B._______, née le (…),
C._______, né le (…),
Bosnie et Herzégovine,
(…),
recourants,


contre

Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.


Objet
Asile et renvoi ;
décision de l'ODM du 24 mai 2013 / N (…).


E-3187/2013
Page 2

Faits :
A.
A._______ (ci-après : la recourante) et ses deux enfants ont déposé, le
19 juin 2011, une demande d'asile en Suisse.
Le 28 juin 2011, la recourante a été sommairement entendue sur ses
données personnelles au Centre d'enregistrement et de procédure (CEP)
de Vallorbe. L'ODM l'a ensuite convoquée, ainsi que l'aînée de ses
enfants, le 12 septembre 2012, afin de les entendre sur leurs motifs
d'asile.
Selon ses déclarations, la recourante est d'ethnie bosniaque et originaire
de D._______ (République serbe de Bosnie). En 1992, sa famille s'est
déplacée à E._______ (canton de F._______, Fédération
croato-musulmane). La recourante s'y est mariée en 1997. Au cours de
l'année (…), elle a créé, avec son époux, une entreprise de (…). Au cours
de l'année (…[indication de l'année]), son époux aurait souhaité obtenir
du ministère compétent une licence de (…), mais il aurait eu, à cette fin,
besoin d'un diplôme de scolarité qu'il ne possédait pas. Un policier du
nom de X. (…) lui aurait proposé de lui obtenir un tel document, en
l'échange d'une somme d'argent. L'époux de la recourante aurait accepté
ce marché, parce que X. lui aurait dit que le document serait émis de
manière tout à fait légale. Cependant, le ministère aurait constaté que le
diplôme présenté était un faux et une procédure pénale aurait été ouverte
contre l'époux de la recourante. X., informé de la procédure, aurait
instamment demandé à celui-ci de ne pas citer son nom, en lui
promettant, s'il ne le dénonçait pas, de lui restituer la somme qu'il avait
reçue, et de lui rembourser tous les frais. L'époux de la recourante aurait
été condamné à un mois d'emprisonnement, peine ultérieurement
convertie en amende de trois mille KM. Il se serait alors retourné vers X.
pour lui réclamer son dû, ce qui représentait au total dix mille KM.
X. n'aurait cependant jamais respecté sa promesse. Durant les années
suivantes, l'époux de la recourante, trop occupé par ses affaires, n'aurait
pas poursuivi X. En 2009 toutefois, ayant besoin d'argent et lassé des
vaines promesses du policier, il aurait déposé une plainte contre lui. Vu la
position de X (…), la police de E._______ n'aurait pas fait son travail et
cherché à étouffer l'affaire. L'époux de la recourante aurait alors déposé
plainte auprès de la "police des polices" ("police fédérale"). Cette
E-3187/2013
Page 3
démarche ne se serait pas avérée plus efficace. Au contraire, X. aurait,
peu après, été nommé à une fonction supérieure (…).
Pensant que c'était le seul moyen d'obtenir réparation, l'époux de la
recourante se serait alors résolu à révéler l'affaire aux médias, dans le
courant de (…[indication du mois]) 2010. Dès que les journalistes
auraient commencé à enquêter sur l'affaire, le procureur aurait convoqué
l'époux de la recourante pour le (…[jour et mois]) 2011. Trois jours avant
cette audience, soit le (…[jour et mois]) 2011, une chaîne de télévision
aurait passé un sujet sur l'affaire au cours du journal télévisé, comprenant
une interview du mari de la recourante. Depuis lors, l'époux de la
recourante aurait reçu par téléphone des menaces de mort de la part de
X., sur son portable ou à son domicile. Il aurait également été menacé
dans la rue quand il rencontrait X. ou l'un de ses proches. Il aurait
dénoncé les faits à la police, mais les menaces se seraient poursuivies.
La recourante et son époux auraient vécu dans l'angoisse. Ils n'auraient
plus laissé sortir leurs enfants dans la rue, sinon pour se rendre à l'école,
où ils les auraient toujours accompagnés.
Le (…[jour et mois]) 2011, la recourante se serait trouvée seule avec ses
enfants chez elle, quand une voiture se serait arrêtée devant leur maison.
Les deux occupants du véhicule l'auraient hélée, lui auraient demandé si
son époux était là, puis lui auraient demandé de venir jusqu'à leur voiture.
Ils lui auraient alors dit de transmettre à son époux que s'il ne retirait pas
sa plainte contre X. jusqu'au vendredi suivant, ils feraient sauter la
maison avec ceux qui s'y trouvaient. Après leur départ, la recourante,
terrorisée, aurait appelé la police pour signaler les faits. Au retour de son
époux, elle l'en aurait informé. Le lendemain, elle aurait quitté leur
maison, avec ses enfants, pour se réfugier chez un ami (ou cousin) de
son époux à E._______. Son époux serait parti de son côté,
probablement pour la Croatie. L'ami chez qui elle logeait lui aurait
rapidement fait comprendre qu'elle ne pouvait demeurer chez lui, car il ne
voulait pas avoir de problème. Sur le conseil de son conjoint, elle aurait
quitté le pays avec ses enfants, le 18 juin 2011. Ils seraient partis à
destination de la Croatie, où elle espérait retrouver son époux. A son
arrivée à Zagreb, désemparée, elle serait tombée sur une personne
partant pour la Suisse qui aurait eu pitié d'elle et qui lui aurait proposé de
l'y emmener avec ses enfants, sans lui demander de l'argent.
La recourante a dit être entrée clandestinement en Suisse le 19 juin 2011.
Elle s'est légitimée par le dépôt de sa carte d'identité et a déclaré que son
E-3187/2013
Page 4
passeport et ceux de ses enfants étaient demeurés dans la voiture de la
personne qui l'avait conduite en Suisse, dont elle ne connaissait pas
l'identité. Elle a également déposé un certificat de mariage, établi le
(…[jour et mois]) 2011, et les certificats de naissance de ses enfants.
Interrogée en fin d'audition sur ce qu'elle aurait encore à ajouter à ses
motifs d'asile, elle a déclaré qu'elle était suivie par un psychiatre et
qu'après les épreuves subies durant sa vie, elle ne savait pas si elle
aurait la force de recommencer si elle devait retourner dans son pays
d'origine.
A l'appui de ses dires, elle a fourni plusieurs documents en serbo-croate
(dossier de l'ODM, enveloppe A8), à savoir selon les descriptions
succinctes effectuées par l'ODM :
– une "dénonciation", du (…[jour et mois]) 2009, du mari de la
recourante auprès du Ministère des Affaires intérieures du canton de
F._______ (pièces nos 1 et 2 selon numérotation ODM)
– une réponse du Ministère public, du (…[jour et mois]) 2009,
accompagnée d'une traduction (pièce non numérotée) ;
– une "dénonciation" du (…[jour et mois]) 2010 à la police fédérale
"suite à des menaces" avec accusé de réception du (…[jour et mois])
2010 (pièce n°3);
– un CD de l'enregistrement de l'interview du mari de la recourante
passée à la "Télévision (…) à F._______" et diffusée "dans toute la
Fédération" (pièce n° 4) ;
– une convocation du mari de la recourante pour le (…[jour et mois])
2011, par le Ministère public, datée du (…) 2010 (pièce n°5);
– une déposition du mari de la recourante à la police du canton de
F._______ à E._______, du (…[jour et mois]) 2011 (pièce n°6) ;
– une déposition de la recourante à la police du canton de F._______ à
E._______, du (…[jour et mois]) 2011(pièce n° 7).
La fille de la recourante a, lors de son audition du 12 septembre 2012,
déclaré que ses parents avaient constamment peur qu'elle et son frère ne
se fassent enlever. Elle a dit ne rien savoir des problèmes rencontrés par
ses parents.
E-3187/2013
Page 5
B.
Par décision du 24 mai 2013, l'ODM a refusé de reconnaître aux
recourants la qualité de réfugié et a rejeté leur demande d'asile. Il a
estimé que le policier qui avait menacé l'époux de la recourante avait agi
pour des raisons purement crapuleuses et pécuniaires, que l'Etat
bosniaque était doté d'autorités policières et judiciaires fonctionnant de
manière satisfaisante et qui n'avaient, en l'occurrence, pas refusé leur
concours, de sorte que les faits n'étaient pas pertinents pour la
reconnaissance de la qualité de réfugié. Il a par ailleurs relevé que la
recourante n'aurait pas attendu le mois de juin 2011 pour quitter le pays si
elle s'était sentie réellement menacée, que le policier serait intervenu de
manière plus "drastique", avant que l'affaire ne prenne cette ampleur, s'il
avait eu réellement l'intention de s'en prendre à la famille et qu'enfin
l'époux de la recourante retournait dans son pays d'origine, de sorte qu'il
n'y avait pas lieu de retenir l'existence d'une crainte fondée de
persécution.
Par la même décision, l'ODM a prononcé le renvoi de Suisse des
intéressés et ordonné l'exécution de cette mesure. Il a en particulier
considéré que celle-ci était raisonnablement exigible dès lors que la
recourante avait de la famille en Bosnie et Herzégovine, où elle possédait
une maison et une entreprise, et qu'elle pourrait y avoir accès aux soins
indispensables. Il a relevé sur ce point que la clinique de F._______
dispensait des thérapies et que la recourante pourrait, le cas échéant,
s'adresser aux services d'aide sociale afin de pouvoir bénéficier du
remboursement des frais médicaux, en s'appuyant si nécessaire sur
l'aide au retour médicale octroyée par la Suisse en attendant que les
démarches administratives en vue de l'octroi de ces prestations soient
accomplies.
C.
Par acte du 4 juin 2013, la recourante a déposé un recours contre cette
décision en son nom et celui de ses enfants.
Sur le plan formel, elle a fait grief à l'ODM d'avoir gravement violé son
devoir d'instruction d'office en ne prenant pas les renseignements
nécessaires sur son état de santé et conclu à l'annulation de la décision
pour cette raison.
Sur le fond, elle a soutenu qu'elle-même et ses enfants remplissaient les
conditions pour la reconnaissance de la qualité de réfugié. Elle a fait
E-3187/2013
Page 6
valoir qu'obtenir des documents en payant des dessous-de-table faisait
partie du fonctionnement "normal" de l'administration dans son pays
d'origine. Etant victime d'abus de pouvoir et de délits et les ayant
dénoncés, son époux ferait, en tant que tel, partie d'un groupe social
déterminé nécessitant une protection internationale. A tout le moins les
motifs de persécution invoqués devraient-ils être considérés comme
d'ordre politique, dès lors que les autorités supérieures n'auraient pas la
volonté d'intervenir de manière efficace. L'ODM aurait affirmé à tort que
les instances policières et judiciaires en Bosnie et Herzégovine
fonctionnaient à de manière satisfaisante. La recourante a souligné que
les menaces de mort avaient commencé à partir du moment où son
conjoint avait alerté les médias, que son époux, ses enfants et elle-même
avaient, dès lors, vécu dans la peur et l'insécurité jusqu'au jour où des
hommes de main de X. étaient venus les menacer à leur domicile et
qu'on ne pouvait ainsi soutenir, comme l'avait fait l'ODM, que les
menaces de X. n'étaient pas sérieuses. Enfin, elle a fait valoir que
l'exécution de son renvoi n'était pas raisonnablement exigible puisqu'elle
ne pourrait vivre dans son pays avec ses enfants qu'en se cachant par
peur des agissements de X. ; une réinstallation serait d'autant plus
difficile qu'elle se trouverait sans moyens d'existence, vu que son
entreprise n'avait pu fonctionner en raison du comportement du policier et
croulait désormais sous les dettes. En tant que directrice, elle risquerait
une procédure judiciaire ; leur maison serait sous peu saisie par la
banque créancière et ils ne pourraient obtenir un soutien des membres
de leur famille qui avaient pris leurs distances en raison de la situation.
Elle a précisé qu'elle nécessitait, en raison de son état psychique, une
prise en charge à long terme ainsi qu'une situation stable. En Bosnie et
Herzégovine, elle ne pourrait obtenir d'aide sociale puisqu'elle n'avait pas
payé ses primes d'assurance-maladie durant les deux dernières années
et était dans l'incapacité de les rembourser.
Elle a produit la copie d'un document officiel, destinée à démontrer qu'elle
était directrice de la société créée avec son conjoint, ainsi qu'un rapport
médical établi le 30 mai 2013, précisant qu'elle était suivie depuis le mois
d'août 2011, pour un état de stress post-traumatique (CIM-10, F43.1) et
un trouble dépressif récurrent, actuel épisode moyen sans symptômes
psychotiques (F32.1). Le médecin relevait chez la patiente un état
psychique fragile avec des idées suicidaires récurrentes, des angoisses
et de la difficulté d'instaurer un lien de confiance.
E-3187/2013
Page 7
La recourante a demandé à être dispensée des frais de procédure en
raison de son indigence.
D.
Invité à se déterminer sur le recours, l'ODM a, dans sa réponse du 25 juin
2013, maintenu sa décision et proposé le rejet du recours. Il a contesté
avoir violé une règle de procédure en n'exigeant pas la production d'un
rapport médical, et souligné qu'il n'avait pas remis en cause les
problèmes psychologiques de l'intéressée, mais considéré qu'il y avait en
Bosnie et Herzégovine, en particulier à F._______, l'infrastructure
médicale et les traitements psychiatriques adéquats, et que l'accès aux
soins ne posait pas de problème. Il a au demeurant estimé que le rapport
produit ne faisait pas apparaître un risque concret et sérieux de mise en
danger à brève échéance de l'intéressée en cas de retour dans le pays
d'origine.
E.
Par acte du 16 juillet 2013, la recourante a déposé sa réplique. Elle a
produit un courrier du 20 juin 2013 du centre d'assurance-maladie du
canton de F._______ l'informant que l'entreprise pour laquelle elle
travaillait n'avait pas payé les contributions depuis le 30 juin 2008 et que,
par conséquent, elle ne pourrait utiliser les services de santé, sauf cas
d'urgence, tant qu'elle n'aurait pas payé les sommes dues. Elle a
également produit un courrier daté du 4 juillet 2013 émanant du Ministère
de l'Intérieur du canton de F._______, confirmant que son époux s'était
adressé à la police le (…) juin 2013, au motif qu'il avait reçu le (…) juin
2013 une lettre que son employé avait ouverte pour lui et qui contenait un
message menaçant ainsi que quatre balles. Les agents de police disaient
être sur l'affaire, avoir informé le procureur du canton de F._______ et
pris les mesures nécessaires pour "documenter cet événement". Elle a
enfin produit une "décision exceptionnelle" du (…) juin 2013, émanant de
l'administration fiscale, direction des impôts de E._______. Selon la
traduction fournie, dite autorité refuse de lui délivrer l'attestation fiscale
sur les obligations remplies, requise aux fins d'obtention de visa, au motif
qu'elle est directrice de la société G._______, que celle-ci a des impôts
impayés et n'a pas rempli ses obligations en ce qui concerne le dépôt des
déclarations et de la comptabilité statutaire. Elle précise que la
recourante est, en tant que personne physique, responsable des impôts,
pénalités et intérêts dus par la personne morale qu'elle représente.
E-3187/2013
Page 8
Sur la base de ces pièces, la recourante a fait valoir que les menaces
persistaient, que pour des raisons économiques elle n'aurait pas accès
aux soins et qu'il n'était pas raisonnablement exigible d'elle qu'elle
retourne sur les lieux de son traumatisme. Elle a soutenu que les idées
suicidaires présentes chez elle n'étaient pas assimilables, comme l'avait
affirmé l'ODM, à celles développées généralement en réaction à un refus
de l'asile, qu'elles étaient plus profondes et dues à la peur à laquelle elle
avait été confrontée dans son pays d'origine. Elle a produit un nouveau
rapport médical, daté du 12 juillet 2013, dont il ressort que la lettre reçue
par son époux en juin 2013 a accentué ses angoisses de mort, et a
développé des idées suicidaires scénarisées, de sorte que le suivi
psychiatrique a dû être intensifié et un traitement médicamenteux
antidépresseur et anxiolytique mis en place.
F.
Les autres faits ressortant du dossier seront évoqués si nécessaire dans
les considérants qui suivent.

Droit :
1.
1.1 En vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au sens
de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA, RS 172.021), prises par les autorités mentionnées à
l’art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par l’ODM concernant l’asile peuvent
être contestées devant le Tribunal (cf. art. 105 de la loi du 26 juin 1998
sur l’asile [LAsi, RS 142.31]), lequel statue alors définitivement, sauf
demande d’extradition déposée par l’Etat dont le requérant cherche à se
protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 Les recourants ont qualité pour recourir. Présenté dans la forme et
dans les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (cf. art. 48 et
52 PA et art. 108 al. 2 LAsi, appliqué en l'occurrence par l'ODM).
E-3187/2013
Page 9
2.
2.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de
sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou
de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression
psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite
spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi).
2.2 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu’il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l’autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur
des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7
LAsi).
3.
3.1 En l’occurrence, la recourante a fait valoir que l'ODM avait manqué à
son obligation d'établir d'office les faits déterminants en ne sollicitant pas
la production d'un rapport médical lui permettant d'apprécier, en
connaissance de cause, les aspects liés à l'exécution du renvoi.
3.1.1 Il appartient en premier lieu au requérant d'asile, en vertu de son
devoir de collaborer (cf. art. 8 LAsi), d'informer l'autorité de tous les
éléments ayant trait à sa situation personnelle, en particulier de ceux qui
pourraient faire obstacle à l'exécution de son renvoi. Dès lors, il doit
décrire de manière concrète les éventuels troubles de santé dont il
souffre et qui nécessitent des soins essentiels. Lorsque de tels
empêchements sont avancés de manière substantielle par l'intéressé,
l'ODM est tenu, conformément à son devoir d'instruction d'office, d'exiger
la production d'un rapport médical (cf. ATAF 2009/50 consid.10.2.2). En
l'occurrence, la recourante a uniquement déclaré, à l'issue de l'audition
sur ses motifs, qu'en Suisse elle était suivie par un psychiatre, qu'elle
prenait des médicaments et arrivait ainsi à "s'en sortir", mais qu'elle ne
savait pas si elle était capable d'affronter un retour dans son pays (cf. pv
E-3187/2013
Page 10
de l'audition du 12 septembre 2012 Q. 85 p. 11). On peut laisser indécise
la question de savoir si elle avait, ainsi, allégué de manière suffisamment
concrète l'existence de problèmes de santé susceptibles d'être
déterminants pour l'exécution de son renvoi. En effet, vu le rapport
médical déposé avec le recours, une instruction complémentaire ne se
justifie de toute façon plus pour déterminer la gravité de l'état de santé de
la recourante et la nature des soins qu'elle requiert.
3.1.2 Cela dit, une instruction complémentaire s'impose pour d'autres
motifs. L'ODM a relevé dans sa réplique qu'indépendamment de la
gravité de l'état psychique de la recourante, il existait en Bosnie et
Herzégovine, et en particulier à F._______, les structures de soins
adéquates pour les traitements psychiatriques. Une telle argumentation
ne saurait être soutenue. D'une part, on ne peut affirmer, de manière
aussi catégorique que l'ODM, sans se pencher sur les circonstances
concrètes du cas, que l'accès aux soins ne pose pas de problème dans le
pays d'origine de la recourante (sur la situation concernant notamment
l'accès aux traitements pour des maladies psychiques, cf. par ex. arrêt du
Tribunal D-6590/2012 du 25 mai 2013). D'autre part, à partir du moment
où il ne remettait pas en cause les allégués de fait de l'intéressée, ce qui
impliquait également qu'il ne contestait pas l'angoisse dans laquelle celle-
ci affirmait avoir vécu, il ne pouvait raisonnablement exiger de la
recourante qu'elle retourne précisément dans sa région d'origine et se
rende à l'hôpital de F._______ pour y être suivie.
3.2 En l'état du dossier, le Tribunal ne saurait partager l'appréciation de
l'ODM quant au risque de mise à exécution des menaces de X. D'autres
mesures d'instruction complémentaires s'imposent afin de pouvoir
apprécier en toute connaissance de cause les risques allégués par la
recourante.
3.3 Comme relevé plus haut, l'ODM n'a pas mis en doute la
vraisemblance des faits allégués par la recourante.
3.3.1 Celle-ci a fourni, à l'appui de ses dires, un certain nombre de
moyens de preuve (cf. ci-dessus let. A). Le Tribunal observe tout d'abord
que seul un document était accompagné d'une traduction et que l'ODM
n'a pas exigé de traduction des autres documents. Il les a joints au
dossier, dans l'enveloppe intitulée "moyens de preuve" dans l'index (pièce
A8), se bornant à mentionner de manière succincte de quoi il s'agissait,
sur la base semble-t-il des explications données par la recourante et
E-3187/2013
Page 11
l'interprète le jour de l'audition. Seule la traduction réalisée avec
l'interprète du document n° 6 a été entièrement consignée dans le
procès-verbal (cf. Q. 75 et 76 du pv de l'audition du 12 septembre 2012).
Les explications et traductions relatives aux autres documents ne sont
que partiellement rapportées (cf. Q. 43 pour le document n° 3 ; Q. 47
pour le n° 5 et Q. 80 pour le document n° 7). En outre, le CD comprenant,
selon la description, l'enregistrement de l'interview du conjoint de la
recourante à la télévision, a simplement été versé au dossier, sans
qu'une transcription de son contenu, en particulier des déclarations faites
par l'intéressé à cette occasion ni une traduction de celles-ci, n'aient été
exécutées. Une telle manière de procéder n'est pas conforme à
l'obligation d'une tenue adéquate du dossier, qui doit permettre à toutes
les parties, y compris au mandataire de la partie recourante et à l'autorité
de recours, de consulter les pièces déterminantes et de se prononcer à
leur égard (cf. ATAF E-5688/2012 du 18 mars 2013 consid. 6.4.1 et 6.4.2
destiné à publication).
3.3.2 Le Tribunal n'entend pas, à ce stade, discuter de la question de
savoir si les menaces alléguées étaient déterminantes au regard de l'art.
3 LAsi, comme le soutient la recourante ou si les actes de X. et des siens
doivent être considérés comme ayant un caractère purement crapuleux.
Quoi qu'il en soit, une instruction plus poussée s'impose, en sus de la
traduction des documents présentés, pour apprécier le risque concret
d'un retour à E._______ pour les recourants. L'ODM a en effet admis de
manière trop générale la vraisemblance des allégués de la recourante
pour pouvoir exclure tout risque concret, pour celle-ci et les siens, en cas
de retour dans leur région d'origine. La décision entreprise présente à
l'évidence une contradiction à cet égard. En effet, si les faits allégués sont
vrais, alors l'ODM ne pouvait, vu la position de X. et de son frère, ignorer
les allégués de l'intéressée selon lesquels aucune suite n'avait été
donnée à leurs plaintes. Il ne pouvait non plus exclure un risque réel de
mise à exécution des menaces à partir du moment ou X. sentait que
l'affaire pouvait, parce que les médias s'intéressaient à elle, prendre de
l'ampleur et sortir du cadre local sur lequel il avait l'influence nécessaire.
On ne saurait sérieusement prétendre par une simple déduction que,
parce qu'il ne les avait pas encore mises à exécution, ces menaces
n'étaient pas sérieuses. Ce serait en particulier faire fi des indices
objectifs et concrets allégués par la recourante, lesquels ont également
contribué à la situation d'angoisse dans laquelle celle-ci dit avoir vécu et
dont ses enfants, en particulier sa fille, qui a été personnellement
interrogée par l'ODM, a témoigné. Dans ce cadre, il importe en particulier
E-3187/2013
Page 12
d'avoir plus d'informations sur le contenu de l'interview télévisée et sur
l'audience de la chaîne qui l'aurait diffusée.
3.3.3 L'instruction telle que menée par l'ODM ne permet pas d'avoir une
vision de l'ensemble des faits déterminants, la recourante ayant pour sa
part déposé des documents qui ne livrent pas, non plus, une image
complète des tenants et aboutissants de l'affaire.
L'ODM devra tout d'abord réunir davantage de précisions concernant les
rapports entre X. et l'époux de la recourante, permettant de comprendre
pourquoi celui-ci s'était adressé à un policier pour obtenir un diplôme de
scolarité. La recourante n'a pas été suffisamment interrogée sur ce point
(cf. pv de l'audition du 12 septembre 2012 Q. 34-35 p. 5). Sous réserve
de leur traduction complète et, notamment, de la transcription de
l'interview télévisée, les documents fournis par la recourante ne
permettent pas de comprendre la nature du conflit entre X. et son mari. Il
conviendra en conséquence, de lui demander la production d'autres
pièces, notamment le jugement de condamnation de son époux.
La recourante, qui a produit avec sa réplique de nouveaux documents à
l'appui de ses conclusions, devrait disposer d'une adresse à laquelle
joindre son conjoint. Elle n'a pas été interrogée sur les raisons pour
lesquelles son époux résiderait en Croatie, ni sous quel statut, ni sur les
motifs pour lesquels elle n'est pas restée avec lui dans ce pays, ni sur les
démarches que celui-ci continue d'entreprendre en Bosnie et
Herzégovine pour la défense de ses droits. Le cas échéant, ce dernier
pourrait être interrogé, par l'intermédiaire d'une représentation suisse en
Croatie, voire en Bosnie et Herzégovine, s'il devait s'y être réinstallé.
En procédure de recours, la recourante a produit, au stade de la réplique,
des documents dont il y a lieu de conclure que la société créée avec son
mari aurait encore un employé, lequel aurait reçu et ouvert, selon les
instructions du mari de la recourante, un courrier de menaces contenant
quatre balles ; par ailleurs, l'époux de la recourante aurait déposé plainte
personnellement auprès de la police de F._______. Ces nouveaux
documents ne sont, a priori, pas compatibles avec l'affirmation de la
recourante, selon laquelle son époux ne peut que retourner "en cachette"
chez lui, de peur des agissements de X. (cf. pv de l'audition du 12
septembre 2012 Q. 12 p. 2). Il n'est en effet pas crédible, dans ces
conditions, qu'il dépose plainte en se rendant dans les bureaux faisant
partie du fief de X. et de ses acolytes. Par ailleurs, il ressort des
E-3187/2013
Page 13
documents que l'entreprise continue à bénéficier des services d'un
employé, qui ouvre le courrier, alors que la recourante a affirmé qu'elle
était "en veilleuse" (cf. ibid. Q. 24 p. 4). Des explications devront être
exigées à ce sujet de la recourante ou de son conjoint, non seulement sur
le lieu de séjour actuel de ce dernier, mais aussi sur ses activités
actuelles et celles de la société.
4.
4.1 Les recours contre les décisions de l'ODM en matière d'asile et de
renvoi sont en principe des recours en réforme, exceptionnellement des
recours en cassation (cf. art. 61 al. 1 PA). Une instruction insuffisante ne
conduit donc pas, par principe, à la cassation de la décision attaquée.
4.2 Toutefois, la réforme présuppose un dossier suffisamment mûr pour
qu'une décision puisse être prononcée, étant précisé qu'il n'appartient
pas à l'autorité de recours de procéder à des investigations
complémentaires d'ampleur excessive (cf. MADELEINE CAMPRUBI,
commentaire ad art. 61 PA in : VwVG, Kommentar zum Bundesgesetz
über das Verwaltungsverfahren, Auer/Müller/Schindler [éd.],
Zurich/St. Gall 2008, p. 774 ; PHILIPPE WEISSENBERGER, commentaire ad
art. 61 PA, in : Praxiskommentar VwVG, Waldmann/Weissenberger [éd.],
Zurich/Bâle/Genève 2009, p. 1210 ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL
BEUSCH/LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundes-
verwaltungsgericht, Bâle 2008, p. 49).
4.3 En l'occurrence, il convient, comme indiqué plus haut, de procéder à
des mesures d'instruction supplémentaires. L'ODM devra d'abord
remédier à l'absence de traduction de certains moyens de preuve
déposés par la recourante et procéder, en particulier, à une transcription
et à une traduction des déclarations faites par son époux lors de
l'interview télévisée qui serait enregistrée sur le CD produit.
Il lui appartiendra ensuite de requérir d'autres documents de la
recourante permettant d'établir les tenants et aboutissants du conflit entre
le mari de la recourante et X. En particulier, devront être demandées à la
une copie du jugement condamnant son conjoint ainsi que la preuve de la
procédure judiciaire (motif de la persécution alléguée) ouverte contre le
dénommé X. Enfin, celle-ci devra être invitée à s'exprimer de manière
exhaustive sur les pièces récemment produites et sur la situation actuelle
de son mari, de leur société et des démarches policières et judiciaires
E-3187/2013
Page 14
actuellement en cours en Bosnie et Herzégovine, y compris sur le plan
civil.
Suivant les informations obtenues, une enquête sur place pourra s'avérer
nécessaire, éventuellement une audition de l'époux de la recourante par
l'intermédiaire d'une représentation suisse à l'étranger. Ces mesures
d'instruction devraient également servir, au cas où des menaces locales
devaient être considérées comme vraisemblables, à établir les éléments
nécessaires pour vérifier s'il existerait, pour la recourante et ses enfants,
la possibilité de s'installer dans une autre région du pays.
5.
Les mesures d'instruction à entreprendre dépassent l'ampleur de celles
qui incombent au Tribunal. Partant, il y a lieu d'annuler la décision
attaquée pour établissement inexact ou incomplet de l'état de fait
pertinent (cf. art. 106 al. 1 let. b LAsi), et de renvoyer la cause à l'ODM
pour complément d'instruction au sens des considérants et nouvelle
décision (cf. art. 61 al. 1 PA).
6.
6.1 Vu l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu de percevoir de frais
(art. 63 al. 1 et 2 PA).
6.2 La demande d'assistance judiciaire des recourant est, en
conséquence, sans objet.
6.3 Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux recourants. En effet, ceux-ci
n'étaient pas représentés et ils ne sont pas réputés avoir supporté du fait
de la procédure des frais relativement élevés au sens de l'art. 64 al. 1 PA.

(dispositif page suivante)

E-3187/2013
Page 15
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, dans le sens des considérants.
2.
La décision de l'ODM, du 24 mai 2013, est annulée et le dossier renvoyé
à l'ODM pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
3.
Il n'est pas perçu de frais.
4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
5.
Il n'est pas alloué de dépens.
6.
Le présent arrêt est adressé aux recourants, à l’ODM et à l’autorité
cantonale compétente


Le président du collège : La greffière :

Jean-Pierre Monnet Isabelle Fournier


Expédition :