E-3159/2011 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile et renvoi; décision de l'ODM du 5 mai 2011
Bundesve rwa l t ungsge r i ch t
T r i buna l adm in i s t r a t i f f édé ra l
T r i buna l e ammin i s t r a t i vo f ede ra l e
T r i buna l adm in i s t r a t i v f ede ra l
Cour V
E3159/2011
A r r ê t d u 1 3 s e p t emb r e 2 0 1 1
Composition Emilia Antonioni (présidente du collège),
Markus König, Jenny de Coulon Scuntaro, juges,
Céline Longchamp, greffière.
Parties A._______, né le (…),
B._______, née le (…),
C._______, né le (…),
D._______, née le (…),
Bosnie et Herzégovine,
recourants,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet Asile et renvoi;
décision de l'ODM du 5 mai 2011 / N (…).
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Faits :
A.
Le 5 octobre 2010, A._______, son épouse, B._______, et leurs deux
enfants, ont deposé une demande d'asile en Suisse, au Centre
d'enregistrement et de procédure (CEP) de (…).
B.
Entendus au CEP le 7 octobre 2010 puis sur leurs motifs d'asile le 20
janvier 2011, les intéressés ont déclaré être des ressortissants
bosniaque, de confession musulmane, originaires de E._______.
Le requérant, entré dans l'armée en (année), aurait ordonné la détention
de (…) soldats serbes en automne (année). Des documents de l'armée
serbe auraient disparu de la base de F._______ à cette périodelà.
L'intéressé aurait quitté l'armée bosniaque en (année).
En 2006, l'intéressé aurait rencontré un colonel (…) lui demandant de
collaborer à la lutte contre les mouvements terroristes. Le chef du
mouvement wahhabite en Bosnie, l'ayant appris, aurait menacé
l'intéressé au mois d'août (année). Le requérant aurait également été
menacé par des wahhabites en 2008 et au mois d'avril ou mai 2010
lorsque certains d'entre eux se seraient installés aux alentours du
domicile familial.
A partir du mois de mars 2010, l'intéressé aurait commencé à recevoir
des textes de menaces sur son téléphone portable, suite à la diffusion sur
Internet d'un ou de plusieurs films sur l'arrestation de soldats serbes en
(année) et parce qu'une partie des anciens détenus serbes habitaient
dans un rayon de 30 km de son domicile.
Au matin du (date) 2010, la police de la République Srpska se serait
rendue chez l'intéressé et l'aurait emmené à G._______ pour l'interroger.
Un policier aurait orchestré son inculpation pour trafic de drogue. Le
requérant aurait été mis en détention préventive durant deux mois avant
d'être relâché le (date) 2010. Les menaces se seraient ensuite
intensifiées.
Trois semaines ou un mois plus tard, à (mois) 2010, l'intéressé aurait à
nouveau été emmené au poste de E._______ puis à G._______ pour y
être interrogé. Il aurait été relâché le jour suivant. Sa voiture aurait été
incendiée.
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Le (date) ou le (date) 2010, le commandant de la police de E._______
aurait reçu une lettre signée d'un mouvement serbes d'extrêmedroite
(CETNIK), mentionnant le nom d'anciens combattants musulmans
bosniaques durant la guerre. L'intéressé aurait appris d'un ami que son
nom de famille y figurait. Il aurait continué à recevoir des textes sur son
téléphone portable, le menaçant de mort ou de kidnapper ses enfants.
L'intéressé se serait adressé à deux reprises à la police bosniaque sans
succès. L'un ou l'autre des requérants aurait, dès lors, accompagné leur
fils à l'école. A la miseptembre 2010, le fils aurait informé les intéressés
qu'un homme dans une voiture s'était arrêté à sa hauteur alors qu'il
revenait de l'école, lui demandant de saluer son père. Le jour même ou le
3 octobre 2010 (selon les versions), les intéressés auraient quitté leur
pays en bus jusqu'en (…). Ils seraient ensuite montés à bord d'une
voiture, accompagnés d'un passeur, et auraient rejoint deux jours plus
tard la Suisse via la H._______, la I._______ et la J._______.
Les requérants ont produits :
– les passeports de leurs enfants, leurs cartes d'identité et leurs permis
de conduire,
– un contrat d'entrée dans l'armée professionnelle daté du (…), un livret
militaire, une décision d'octroi de vacances du (..) au (…) 2000 et
différents certificats relatifs à aux activités de l'intéressé au sein de
l'armée,
– une circulaire du Ministère de la défense, datée du (…) 2004,
mentionnant le colonel attaché à l'Ambassade (…),
– le procèsverbal d'une audition du (date) 2006 de l'intéressé relative à
l'achat de médicaments à un suspect durant la période du (date) au
(date),
– une information de la Cour du district de K._______, datée du (…)
2010, selon laquelle l'intéressé a fait l'objet d'écoutes téléphoniques
du (date) au (date) dans la cadre de la procédure ouverte à son
encontre (production et commerce non autorisé de stupéfiants),
– un arrêt de la Cour du district de K._______, daté du (…) 2010,
prononçant la remise en liberté de l'intéressé suite au rejet de l'acte
d'accusation de participation à la production et au commerce non
autorisé de stupéfiants, pour manque de preuves,
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– un protocole de privation de liberté, délivré par le Service de police de
E._______, daté du (…) 2010,
– une attestation de libération, délivrée par le Ministère de l'Intérieur,
datée du (…) 2010,
– un courrier du 28 septembre 2010 de l'école convoquant le fils pour
absentéisme,
– des articles tirés d'Internet sur les mouvements CETNIK et
wahhabites.
C.
Par décision du 5 mai 2011, l'ODM a rejeté la demande d'asile des
intéressés, au motif que leurs déclarations contradictoires et illogiques ne
satisfaisaient ni aux exigences de vraisemblance posées à l'art. 7 LAsi ni
à celles de pertinence de l'art. 3 LAsi, les autorités bosniaques étant à
même de protéger leurs ressortissants contre les agissements de tierces
personnes. L'Office fédéral a également prononcé leur renvoi de Suisse
et a ordonné l'exécution de cette mesure qu'il a jugée licite,
raisonnablement exigible et possible.
D.
Dans leur recours interjeté le 31 mai 2011 auprès du Tribunal
administratif fédéral (ciaprès : le Tribunal), les intéressés ont conclu à
l'annulation de la décision attaquée, à la reconnaissance de la qualité de
réfugié et à l'octroi de l'asile, subsidiairement au prononcé d'une
admission provisoire pour illicéité de l'exécution de leur renvoi. Ils ont,
tout d'abord, invoqué une violation du droit d'être entendu, relevant que
l'audition de l'intéressé n'avait pas été menée de manière complète.
L'intéressé n'aurait pas pu s'exprimer sur l'ensemble des faits pertinents,
en particulier sur les conditions très difficiles de sa détention, et
s'attendait à être convoqué pour une nouvelle interview. Ils ont ensuite
soutenu que l'ODM n'avait mis en doute ni les engagements militaires de
l'intéressé ni l'existence de vidéos sur Internet montrant l'arrestation de
soldats serbes en (année) ni l'authenticité des documents produits,
éléments qui constituaient un faisceau d'indices confirmant la
vraisemblance de leurs déclarations. Ils ont argué que les contradictions
retenues par l'ODM étaient de peu d'importance et confirmé qu'ils avaient
accompagnés leurs enfants à l'école et dans leurs activités extrascolaires
après qu'un homme eut interpellé leur fils pour qu'il transmette des
salutations à son père. S'agissant du timbre contenu dans le passeport
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de leurs deux enfants, attestant de leur passage de la frontière (…) en
date du (…) 2010, ils ont expliqué que la famille s'était rendue ce jourlà
dans un centre commercial proche de la L._______ mais qu'ils avaient dû
passer la frontière en raison de travaux sur la route. Ils ont produit la
copie d'une carte géographique sur laquelle figure le trajet qu'ils auraient
effectué ce jourlà, précisant ne pas avoir été contrôlé lors de leur retour
sur territoire bosniaque. Ils ont également déposé la télécopie d'une
attestation scolaire mentionnant que leur fils a quitté l'école le 20
septembre 2010. Ils ont répété que la diffusion de vidéos sur Internet
avait fait resurgir le passé, les plaçant dans une situation de pression
psychique ciblée et croissante. L'élément déclencheur de leur départ
serait la concrétisation des menaces reçues par le fait qu'un homme dans
une voiture aurait demandé à leur fils de saluer son père. Ils ont précisé
ne pas avoir quitté leur pays d'origine pour des motifs économiques,
produisant à l'appui différentes photographies de leur propriété. Ils ont
également joint à leur recours plusieurs "sms" de menaces, datés des 10
et 15 septembre 2010. Se sentant de plus en plus entourés de gens qui
leur voulaient du mal, ils auraient quitté le pays lorsque la pression
psychologique serait devenue intolérable. Les recourants ont enfin argué
que l'exécution de leur renvoi devait être considérée comme illicite, les
risques de vengeance privée étant contraires à l'art. 3 de la Convention
du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (CEDH, RS 0.101) et constituant une mise en danger
concrète de leur vie. Ils ont encore requis la dispense du paiement d'une
avance en garantie présumés de la procédure et l'assistance judiciaire
partielle, produisant une attestation d'indigence.
E.
Par ordonnance du 14 juin 2011, le juge instructeur du Tribunal a accusé
réception du recours, réservant son prononcé sur la demande
d'assistance judiciaire partielle.
F.
Par courrier du 17 juin 2011, les recourants ont fait parvenir au Tribunal la
copie d'une attestation, datée du 6 juin 2011, et sa traduction, confirmant
que leur fille a fréquenté l'école jusqu'au 20 septembre 2010.
G.
Par décision incidente du 27 juillet 2011, le juge instructeur a accordé
l'assistance judicaire partielle aux recourants et invité l'ODM à formuler sa
réponse.
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H.
Par détermination du 5 août 2011, l'ODM a proposé le rejet du recours. Il
a soutenu que les recourants ne s'étaient pas prononcés sur l'origine des
démêlés judiciaires alors que les documents produits démontraient que
l'intéressé avait été soupçonné d'avoir participé à un trafic de drogue de
grande envergure, et non à cause de son appartenance ethnique, de son
engagement militaire ou de ses affinités politiques, ce qui ébranlait
fortement la thèse de représailles subséquentes à la publication d'un film
sur Internet sur ses activités militaires. L'Office fédéral a précisé que
l'affaire dans laquelle l'intéressé avait été inculpé avait fait l'objet d'une
action spéciale ayant permis aux forces de l'ordre du Monténégro et de la
Fédération de Bosnie de démanteler un énorme trafic de drogue au début
de l'année 2011. Il a ensuite contesté le grief de violation du droit d'être
entendu, précisant que l'audition détaillée de l'intéressé avait duré plus de
dix heures. Il a souligné que les déclarations imprécises des intéressés
avaient atteint leur paroxysme lorsqu'ils s'étaient expliqué sur l'élément
déclencheur de leur départ de leur pays d'origine, la production des
attestations scolaires confirmant un départ anticipé à la fin du mois de
septembre 2011. L'ODM a estimé que la production de "sms" au stade du
recours était tardive et non pertinente, l'intéressé ayant utilisé d'autres
termes durant ses auditions que ceux contenus dans les "sms" produits.
L'Office fédéral a confirmé que l'exécution du renvoi des intéressés était
licite et raisonnablement exigible. Il a précisé que les autorités de la
Fédération de Bosnie et Herzégovine avaient la volonté et la capacité de
protéger leurs ressortissants contre les agissements de tiers. Il a ajouté
que les recourants, encore jeunes, en bonne santé et propriétaires d'un
logement, jouissaient d'un réseau social et familial tant dans leur pays
d'origine qu'à l'étranger, sur lequel ils pouvaient s'appuyer à leur retour.
De plus, l'intéressé, pouvant compter sur une rente viagère en raison de
son grade militaire, était actif dans le commerce de voiture d'occasion
alors que l'intéressée avait également précédemment exercé une activité
lucrative dans son pays d'origine.
I.
Par ordonnance du 10 août 2011, le juge instructeur du Tribunal a invité
les recourants à formuler leurs observations sur la réponse de l'ODM et à
fournir une traduction de différents documents déposés.
J.
Dans leur réplique du 23 août 2011, les recourants ont répété que les
véritables raisons pour lesquelles l'intéressé avait été inculpé dans le
cadre d'une enquête pour participation à un trafic de drogue étaient liées
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à des vengeances personnelles. Le fait que son arrestation et sa mise en
détention préventive soient intervenues à l'époque où il recevait de
nombreux messages de menaces suite à la diffusion sur Internet de
vidéos en était la preuve, son avocat ayant confirmé qu'il s'agissait d'une
"vengeance de guerre". Ils ont mis en évidence le fait que les procédures
judicaires à l'encontre de l'intéressé étaient liées, de manière régulière, à
l'inspecteur serbe M._______, dont le frère aurait été tué durant la guerre
à l'endroit où se trouvait l'intéressé. Il a souligné qu'étant connu dans sa
région d'origine et n'y ayant pas que des amis, il était crédible qu'il ait pu
faire l'objet de ressentiments de la part de certains nationalistes serbes
compte tenu de son passé et son parcours. Il a précisé l'adresse Internet
permettant de visionner le troisième volet d'une série de trois vidéos sur
l'arrestation de (année) mentionnée, reconnaissant avoir indiqué, à tort,
lors de son audition fédérale, qu'il s'agissait du deuxième volet de la
série. Il a répété que son arrestation et sa mise en détention pour
suspicion de participation à un trafic de drogue était basée sur un seul
coup de téléphone qu'il avait fait à un ancien ami d'école pour lui
souhaiter un joyeux anniversaire. Il aurait appris que quatre jeunes
auraient été battus par ce même inspecteur pour qu'ils signent un
document précisant qu'ils connaissaient l'intéressé. Bien que toujours
innocenté par manque de preuve, l'intéressé a souligné avoir été très
affecté par ces arrestations et avoir vu dans l'enchaînement accéléré de
mesures prises à son encontre plus qu'une coïncidence mais la
concrétisation des menaces reçues, la tension psychique ayant atteint
son point culminant le jour où son fils aurait été interpellé en rentrant de
l'école. Compte tenu du contexte particulièrement tendu à l'approche des
élections d'octobre 2011 et de sa situation telle que décrite, il a répété
l'existence d'un risque concret de persécution en cas de retour en Bosnie,
les événements allégués constituant une pression psychique croissante
et insupportable pour toute la famille. Les recourants ont ensuite
maintenu que leur droit d'être entendu avait été violé puisque l'intéressé
avait été interrompu, à plusieurs reprises, dans son récit particulièrement
complexe, par manque de temps, et que l'audition des autres membres
de la famille avait duré à peine plus d'une heure, relecture comprise,
l'ODM s'étant pourtant basé sur des contradictions pointilleuses entre les
différents versions présentées par les membres de la famille. Ils ont une
nouvelle fois contesté l'appréciation faite par l'ODM de leurs déclarations
divergentes relatives à l'élément déclencheur de leur départ. Ils ont argué
que les attestations scolaires produites mentionnaient que les enfants
étaient encore à l'école le 20 septembre 2011 alors que l'ODM avait
suggéré, dans sa décision, qu'ils avaient quitté la Bosnie le (date) ou le
(date) 2011 (date du sceau apposé dans leur passeport). Ils ont rappelé
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avoir mentionné la réception de "sms" en audition fédérale et n'avoir
produit certains d'entre eux qu'au stade du recours sur les conseils d'une
personne expérimentée, contestant ainsi l'appréciation incohérente et
généralisée de l'ODM y relative. Ils ont souligné qu'ils n'avaient jamais eu
l'intention de remettre en cause la volonté des autorités de la Fédération
de Bsonie et Herzégovine de protéger leurs ressortissants ; ils y avaient
d'ailleurs fait appel à plusieurs reprises. Ils ont néanmoins mis en exergue
l'absence de résultats concrets, concluant à l'incapacité de la police à leur
fournir une protection adéquate, la pression psychique s'étant intensifiée
et les ayant obligé à fuir. S'agissant de l'exigibilité de leur renvoi, ils ont
mentionné que les éléments retenus par l'ODM dans sa réponse
démontraient que les seuls motifs de leur départ du pays ne pouvaient
qu'être sécuritaires. Ils ont également produit les traductions requises par
l'ordonnance du 10 août 2011.
K.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, si nécessaire,
dans les considérants qui suivent.
Droit :
1.
1.1. Le Tribunal, en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le
Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), connaît des recours
contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre
1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les
autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF. En particulier, les décisions
rendues par l’ODM concernant l’asile peuvent être contestées, par renvoi
de l’art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement,
sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche
à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2. Les intéressés ont qualité pour recourir. Présenté dans la forme et
les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48ss PA).
2.
Avant de se prononcer sur la question de la qualité de réfugié, le Tribunal
doit analyser, à titre liminaire, les griefs de nature formelle soulevés. Les
recourants ont, en effet, reproché à l'ODM d'avoir violé leur droit d'être
entendu, l'intéressé n'ayant pas pu s'exprimer de manière complète lors
de son audition fédérale et s'attendant à être entendu une nouvelle fois.
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2.1. Le droit d'être entendu, inscrit à l'art. 29 al. 2 de la Constitution
fédérale du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), comprend le droit de s'exprimer,
le droit de consulter le dossier, le droit de faire administrer des preuves et
de participer à l'administration de cellesci, le droit d'obtenir une décision
motivée et le droit de se faire représenter ou assister (cf. ANDRÉ GRISEL,
Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. I et II, p. 380ss et
840ss). Il est consacré, en procédure administrative fédérale, par les art.
26 à 28 PA (droit de consulter les pièces), les art. 29 à 33 PA (droit d'être
entendu stricto sensu) et l'art. 35 PA (droit d'obtenir une décision
motivée). L'art. 30 al. 1 PA prévoit en particulier que l'autorité entend les
parties avant de prendre une décision. C'est le droit pour le justiciable de
s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise
touchant sa situation juridique, soit le droit d'exposer ses arguments de
droit, de fait ou d'opportunité, de répondre aux objections de l'autorité et
de se déterminer sur les autres éléments du dossier (cf. Arrêt du Tribunal
fédéral [ATF] 132 II 485 consid. 3; 126 I 7 consid. 2b, 124 II 132 consid.
2b et jurisprudence citée; Jurisprudence des autorités administratives de
la Confédération [JAAC] 63.66 consid. 2, 61.50 consid. 4.2.1; Semaine
Judiciaire, SJ 23/1998 consid. 2 p. 366s., 25/1998 consid. 3a p. 406,
28/1996 consid. 4a p. 483; ANDRÉ GRISEL, op. cit., vol. I, p. 380s.; FRITZ
GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne 1983, p. 69). Par
ailleurs, la procédure en matière d'établissement des faits marie deux
principes opposés. Selon la maxime d'office, l'autorité définit les faits
pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés.
Selon la maxime des débats, ce sont les parties qui apportent faits et
preuves. La procédure administrative fait prévaloir la procédure
inquisitoriale (cf. art. 12 PA). Cependant, les parties, et particulièrement
dans le domaine de l'asile, ont le devoir de collaborer à l'instruction de la
cause (cf. art. 8 LAsi), ce qui les oblige à apporter, dans la mesure où
cela peut raisonnablement être exigé d'elles, les preuves commandées
par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de
devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (cf. ATF 117
V 261). Un complément d'instruction, sous la forme d'une nouvelle
audition, ne s'impose que lorsque, au regard des allégations et des
preuves de la partie, il demeure encore des doutes et des incertitudes qui
ne pourront vraisemblablement être levés que par une administration de
preuves ordonnées d'office (cf. Jurisprudence et informations de la
Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 1995 n° 23 p.
219ss).
2.2. A l'examen du dossier de la cause, le Tribunal constate que l'ODM
n'a aucunement violé le droit d'être entendu des recourants. En effet, tant
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les auditions sommaires que les auditions fédérales doivent être
considérées, sur la base des procèsverbaux, comme suffisamment
détaillées et complètes à l'établissement des faits. Le fait que l'intéressé
ait pu être interrompu ou "recadré" par le collaborateur de l'ODM ne
signifie pas qu'il n'a pas pu présenter ses motifs d'asile de manière
exhaustive, son audition fédérale ayant d'ailleurs durée toute la journée.
Le Tribunal considère donc que c'est à juste titre que l'ODM a estimé, au
moment où il a statué sur la demande d'asile des intéressés, que le
dossier était complet et qu'il n'était, en l'état, nullement nécessaire de
procéder à d'autres mesures d'instruction.
2.3. Sous l'angle de l'obligation de motiver, composante du droit d'être
entendu, le Tribunal constate ensuite que l'ODM n'avait fourni qu'une
motivation très succincte et lacunaire s'agissant du caractère licite et
raisonnablement exigible de l'exécution du renvoi des intéressés. Or, il
faut rappeler, à cet égard, que l'autorité doit mentionner, au moins
brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa
décision, de manière que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée
de celleci et l'attaquer en connaissance de cause (cf. ATF 129 I 232
consid. 3.2 ; AFT 126 I 97 consid. 2b p. 102). L'autorité n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais elle peut, au contraire, se limiter à
ceux qui lui paraissent pertinents (cf. ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540 ;
ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102 s.). L'étendue de l'obligation de motiver se
mesure en fonction de la complexité de l'affaire et de la marge
d'appréciation de l'autorité ; elle doit porter tant sur la question de l'asile
que sur celle de l'exécution du renvoi (cf. ATAF 2010/3 consid. 5 ; JICRA
2006 n°4 consid. 5.1 p. 44ss ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/LORENZ
KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht,
Handbücher für die Anwaltpraxis, Bâle 2008ib., p. 151153 ; ALBERTO
ACHERMANN/CHRISTINA HAUSMANN, Handbuch des Asylrecht,
Bern/Stuttgart 1991, p. 221222 ). Le droit d'obtenir une décision motivée
étant de nature formelle, sa violation entraîne en principe l'annulation de
la décision. La guérison de l'absence de motivation est toutefois admise
dans la mesure où un renvoi de la décision à l'autorité inférieure
représenterait une vaine formalité et conduirait à des retards inutiles
inconciliables avec l'intérêt de la partie concernée à un examen diligent.
En particulier, une telle irrégularité peut être guérie lorsque le vice n'est
pas particulièrement grave, que l'autorité inférieure a pris position sur les
arguments décisifs dans le cadre d'un échange d'écritures, que l'intéressé
a eu la possibilité de s'exprimer à ce sujet en connaissance de cause, et
que l'autorité de recours dispose de la même cognition que l'autorité
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inférieure (cf. ATAF 2010/45 consid. 6.2 [non publié] p. 1011, ATAF
2008/47 consid. 3.3.4 p. 676 et jurisprudence citée ; ATF 133 I 201
consid. 2.2 p. 204, ATF 125 I 209, consid. 9a p. 219 ; Arrêt du TAF D
1951/2008 du 16 mars 2011 consid. 5 ; MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, ib.,
p. 155156). Force est de constater, en l'espèce, l'ODM a fourni une
motivation relativement détaillée dans sa réponse du 5 août 2011. Les
recourants ont, ensuite, eu la possibilité de se déterminer sur les
différents éléments retenus à ce titre dans le cadre de leur réplique du 23
août 2011 (cf. p. 9 et 10). Dans ces conditions, il faut, dès lors, considérer
que la violation de l'obligation de motiver a été guérie.
2.4. Au vu de ce qui précède, le grief de violation du droit d'être entendu,
que ce soit sous l'angle d'une audition incomplète ou de l'obligation de
motiver, doit donc être rejeté, la requête tendant à une nouvelle audition
étant écartée.
3.
3.1. Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de
sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou
de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression
psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite
spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi).
3.2. Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celleci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur
des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7
LAsi).
3.3. Selon la jurisprudence de la Commission, laquelle est toujours
d'actualité, et la doctrine (cf. JICRA 2000 n°9, consid. 5a p.78 ; 1998 n°4
consid. 5d p.27, 1998 n°18 consid. 9 p. 161s. ; 1997 n°10 p.73ss ; 1996
n° 18 p. 170ss ; n° 30 p. 292ss ; 1994 n° 5 p. 47 ; 1993 n° 11 p.67 et n°
21 p.134), l'expression "craindre à juste titre une persécution" comprend
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un aspect subjectif et un aspect objectif. En effet, le seul fait qu'une
personne se sente anxieuse et éprouve quelque crainte à retourner dans
son pays d'origine (aspect subjectif) ne suffit pas. Une crainte subjective
de persécution devient objectivement fondée si, au vu d'une situation
politique déterminée, elle serait ressentie par une personne normalement
douée de sensibilité et si elle repose sur des indices qui démontrent
qu'elle encourt un danger imminent de persécution (aspect objectif). Ces
indices peuvent ressortir, par exemple, du contexte de vie familial du
requérant, de son appartenance à un groupe social, politique ou racial ;
de sa religion ou de sa nationalité, de ses expériences personnelles ou
encore de persécutions déjà subies. Ils peuvent également consister
dans une vulnérabilité particulière tenant à sa personne, voire dans des
préjudices sérieux infligés à des proches (cf. JICRA 1994 n° 5 op. cité ;
n° 7 p. 132ss ; n° 24 p. 177ss ; 1993 n° 39 p. 280ss). La crainte fondée
de persécution n'est en outre déterminante au sens de l'art. 3 LAsi que
lorsque le requérant établit ou rend hautement vraisemblable qu'il pourrait
être victime de persécutions avec une haute probabilité et dans un
proche avenir. Une simple éventualité de persécution ne suffit pas. Des
indices concrets et sérieux doivent faire apparaître ces persécutions
comme imminentes et réalistes. Ainsi, une crainte de persécution n'est
objectivement fondée que si, placée dans les mêmes conditions, une
personne douée d'une sensibilité normale aurait des raisons
objectivement reconnaissables de craindre, selon toute vraisemblance,
d'être victime de persécutions à tel point que l'on ne saurait exiger d'elle
qu'elle rentre dans son pays (cf. également Organisation suisse d'aide
aux réfugiés (éd.), Manuel de la procédure d'asile et de renvoi, Berne
2009, p. 188s ; MINH SON NGUYEN, Droit public des étrangers, Berne
2003, p. 447ss ; MARIO GATTIKER, La procédure d'asile et de renvoi,
Berne 1999, p. 69s ; ALBERTO ACHERMANN / CHRISTINA HAUSAMMANN, Les
notions d'asile et de réfugié en droit suisse, in : Walter Kälin (éd.), Droit
des réfugiés, enseignement de 3e cycle de droit 1990, Fribourg 1991,
p. 44 ; ACHERMANN / HAUSAMMANN, Handbuch des Asylrechts, ib.,
p. 108ss).
4.
4.1. En l'occurrence, les recourants ont invoqué avoir fait l'objet d'une
pression psychique croissante en raison de l'engagement militaire de
l'intéressé durant la guerre et de la diffusion de vidéos sur Internet qui
aurait fait resurgir d'anciennes velléité. Leurs motifs d'asile ne remplissent
cependant ni les exigences de vraisemblance posées à l'art. 7 LAsi ni
celles de pertinences de l'art. 3 LAsi.
E3159/2011
Page 13
4.2. Le Tribunal retient, tout d'abord, que les trois films mentionnés ont
été diffusés sur Internet le 25 avril 2009 alors que l'intéressé date le début
des menaces pour ce motif au mois de mars 2010, soit près d'un an plus
tard. Si la diffusion de ces films avaient effectivement fait resurgir
d'anciennes velléité, il faut admettre que l'intéressé aurait été menacé
plus tôt. Le recourant s'est, en outre, contredit sur l'origine desdites
menaces en indiquant, lors de son audition sommaire, que la police l'avait
informé qu'elles provenaient de la République Srpeska (cf. pv. de son
audition sommaire p. 6), puis, au cours de son audition fédérale, qu'il
pensait qu'elles provenait de CETNIK puis qu'il ne l'avait jamais su (cf. pv.
de son audition fédérale p. 5 et 7). Entendu sur ces divergences,
l'intéressé a donné des explications ni claires ni plausibles (cf. de cette
même audition p. 15). Le recourant a, de plus, tenu des propos vagues et
confus sur le moment à partir duquel il aurait pris lesdites menaces au
sérieux (cf. pv. de son audition fédérale p. 5). La production de "sms", au
stade du recours, ne permet par ailleurs pas de démontrer que l'intéressé
aurait effectivement été menacé dans les circonstances et pour les motifs
allégués. Ces éléments permettent déjà de conclure à l'invraisemblance
des motifs d'asile présentés.
4.3. Les recourants ont soutenu que la fausse inculpation de l'intéressé
dans une affaire de drogue, documents à l'appui, constituaient des
mesures de représailles suite à l'engament de l'intéressé durant la
guerre, y voyant une concrétisation des menaces encourues. Le Tribunal
retient toutefois qu'il ne s'agitlà que de simples affirmations de leur part
que les moyens de preuve déposés ne permettent pas établir, les
documents produits à cet égard ne pouvant que confirmer que l'intéressé
a été lavé de tout soupçon dans une affaire de drogue, faute de preuve.
Quant aux affirmations de l'intéressé selon lesquelles il aurait appris que
quatre personnes auraient été contraintes de signer un document afin
qu'il soit arrêté en tant que suspect dans le cadre de cette enquête
(cf. pv. de son audition fédérale 9, réplique p. 3), cellesci ne sont pas
suffisantes. De pratique constante, le Tribunal considère, en effet, que le
fait d'avoir appris un événement par des tiers ne suffit pas pour établir
l'existence d'une crainte fondée de future persécution (cf. dans ce sens
ALBERTO ACHERMANN / CHRISTINA HAUSAMMANN, Les notions d'asile et de
réfugié en droit suisse, op. cit., p. 44). Ce même raisonnement s'applique
aux indications de l'intéressé selon lesquelles un de ses amis aurait
entendu que son nom figurait sur une liste d'anciens combattants
déposée au mois (…) 2010 par le CETNIK auprès de la police de
E._______. Par conséquent, il faut considérer que les différents éléments
avancés ne constituent pas un faisceau d'indices suffisants permettant de
E3159/2011
Page 14
conclure que l'intéressé a effectivement fait l'objet de pressions ciblées
de la part d'un inspecteur de police, utilisant abusivement ses fonctions
pour se venger. Le fait que le téléphone des intéressés a été mis sur
écoute par les autorités bosniaques, dans le cadre d'une procédure pour
trafic de drogue, n'est pas davantage déterminant, dans la mesure où
cela constitue l'expression du droit légitime de chaque Etat de prendre
des mesures d'intérêt public visant à assurer le maintien de la paix et de
l'ordre public, ainsi que la protection de ses citoyens, de ses institutions et
de leurs biens.
4.4. Le Tribunal rappelle, en outre, que la notion de persécution
ressortant de l'art. 3 LAsi a été élargie avec l'adoption de la théorie de la
protection. Selon cette dernière, il faut, en effet, imputer à l'Etat le
comportement non seulement d'agents étatiques, mais également de
privés qui abusent de leur position et de leur autorité pour commettre des
préjudices déterminants en matière d'asile, lorsque cet Etat n'entreprend
rien pour les en empêcher ou pour les sanctionner (cf. JICRA 2006 n° 18
p. 180 ss). Les conditions mises à la reconnaissance d'une telle
persécution sont cependant strictes, dès lors que la possibilité, pour la
victime, de trouver, dans son Etat national (en priorité auprès des
autorités), une protection adéquate contre les atteintes subies, exclut
pareille reconnaissance, et partant, l'octroi de l'asile. Or, même à
supposer que les intéressés aient effectivement fait l'objet de menaces,
ce qui n'est pas avéré (cf. consid. 4.3 cidessus), il faut retenir, dans le
cas particulier, qu'ils n'ont pas apporté d'éléments concrets établissant ou
rendant hautement probable (cf. art. 7 LAsi), que les autorités policières
et judiciaires de la Fédération de Bosnie et Herzégovine ne pourraient
pas les protéger d'agissements de tiers. Les recourants ont reconnu que
dites autorités en avaient la volonté et s'y seraient d'ailleurs adressés. Le
fait que les intéressés n'aient pu constater aucun résultat jusqu'à leur
départ ne permet cependant pas encore de conclure que ces autorités ne
sont pas à même de les protéger. Le Tribunal note, pour le surplus, qu'il
considère que dans les territoires où ils sont ethniquement majoritaires,
les ressortissants de Bosnie et Herzégovine bénéficient d'une sécurité
suffisante pour qu'une protection internationale contre des persécutions
ethniques ne se justifie pas juridiquement (cf. JICRA 2000 n° 2 consid. 8
et 9c et références citées, arrêt du Tribunal administratif fédéral du 24
septembre 2010 en la cause E4909/2006 consid. 3.2). Enfin, les
prétendus préjudices allégués, pour autant qu'ils soient avérés, seraient
manifestement circonscrits à la région d'origine des intéressés de sorte
qu'ils avaient avant leur départ, et encore aujourd'hui, la possibilité de
s'installer dans un autre lieu de leur choix dans la Fédération croato
E3159/2011
Page 15
musulmane de Bosnie et Herzégovine (sur la notion de refuge interne, cf.
notamment JICRA 2006 n° 18 consid. 10.3 p. 203s., JICRA 2000 n° 15
consid. 10 à 12 p. 119ss, JICRA 1997 n° 12 consid. 6b p. 88,.JICRA 1997
n° 14 consid. 2b p. 106s. et JICRA 1996 n° 1 consid. 5c p. 6s.).
4.5. Le Tribunal retient également que les activités de l'intéressé au sein
de l'armée bosniaque, en particulièrement l'arrestation de soldats serbes
en automne (année), ne peuvent être déterminantes au sens de l'art. 3
LAsi, faute de connexité temporelle. Même à supposer que la diffusion de
films sur Internet en 2009 ait fait resurgir certaines velléité, elle n'est
cependant pas, à elle seule, suffisante à rendre hautement probable un
risque de persécutions en cas de retour.
4.6. De même, la crainte de l'intéressé de subir des préjudices de la part
de wahhabites n'apparaît pas fondée. Il est certes notoire que la Bosnie
et Herzégovine assiste à une montée de l'islam radical. Durant la guerre
de Yougoslavie (19921995) de nombreux combattants islamistes
("mudjahidins") et adhérents au wahhabisme (doctrine islamique prônant
une religion rigoureuse) sont venus se battre aux côtés des forces
musulmanes bosniaques. Si, à la fin de la guerre, la plupart des
"mudjahidins" ont quitté le pays, certains d'entre eux s'y sont établis et ont
créé des organisations islamiques wahhabites ayant pour but la
radicalisation de la population musulmane. Le repli identitaire de la
population bosniaque et sa lassitude à l'égard des élites politiques du
pays ont offert un terreau propice à la réislamisation des musulmans
bosniaques. Après la guerre, de nombreuses organisations ont été
dissoutes sous la pression des EtatsUnis. Selon les dernières
informations, seule une minorité de la population bosniaque musulmane
(13%) adhèrerait à l'islam intégriste. En 2010, les autorités bosniaques
ont dénombré quelque 3'000 membres de la mouvance wahhabite en
Bosnie et Herzégovine et une vingtaine de groupes musulmans
intégristes, exclusivement locaux. Les wahhabites se trouvent
marginalisés politiquement et ne jouissent généralement ni de liens
particuliers avec les autorités ni de complaisance de leur part.
Cependant, même si la plupart des politiciens qui les ont soutenus durant
la guerre ne sont plus actifs, il n'est pas exclu qu'ils bénéficient encore de
relations avec quelques politiciens ou membres d'autorités municipales
(cf. Inter Press Service, Balkans : Arrest of Wahhabis Highlights Extremist
Threat, 11 février 2010, , site internet consulté le 31
janvier 2011 ; Agence France Presse, Inquiétudes en Bosnie autour des
musulmans intégristes, 26 septembre 2010, www.indymedia
, site internet consulté le 31 janvier 2011). Dans ce
E3159/2011
Page 16
contexte, il n'est donc pas exclu que le recourant ait pu avoir un contact
avec un colonel (…), lui ayant demandé de collaborer à la lutte contre le
terrorisme, et qu'il ait pu être menacé par un wahhabite. Le Tribunal
observe néanmoins les déclarations très vagues de l'intéressé à ce sujet.
De plus, dans la mesure où cet événement de 2006 remonterait à près de
cinq ans avant son départ du pays, force est d'admettre que le rapport de
causalité n'existe plus. Enfin, le simple fait que d'anciens soldats serbes
ou des personnes proches du wahhabisme viennent s'installer aux
alentours de la maison des intéressés n'est pas suffisant à fonder une
crainte objective de persécutions futures. Quant à la circulaire du (date)
2004 du Ministère de la défense, elle ne peut avoir de valeur probante
dans la mesure où elle est de portée générale et où le lien entre
l'intéressé et le général mentionné dans cette dernière n'est qu'une
simple affirmation de sa part.
4.7. Quant à la recourante et à leur fils, ils ont déclaré ne pas avoir
rencontré de problèmes personnels, les difficultés ayant motivé leur
départ du pays étant liées à celles de son époux, respectivement père
(cf. pv. de son audition fédérale p. 3). Ils n'ont donc fait valoir aucun motif
d'asile propre.
4.8. Dans ces conditions, le Tribunal conclut à l'inexistence d'une crainte
objectivement fondée de persécutions futures, les intéressés n'ayant pas
rendu hautement probable qu'il encourrait, de manière concrète, un tel
risque. Pour les mêmes motifs, l'existence d'une pression psychique
insupportable atteignant une intensité et un degré rendant impossible ou
difficilement supportable la poursuite de la vie ou d'une existence
conforme à la dignité humaine ne leur peut être reconnue (cf. JICRA
2000 n° 17 consid. 10 et 11 p. 156 ss).
5.
Au vu de ce qui précède, le recours, en tant qu'il conteste la non
reconnaissance de la qualité de réfugié et le refus de l'asile, doit être
rejeté.
6.
6.1. Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière
à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en
ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille
(art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de
l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la procédure (OA 1,
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Page 17
RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose d’une autorisation de
séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait l’objet d’une décision
d’extradition ou d’une décision de renvoi conformément à l’art. 121 al. 2
de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).
6.2. Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette
mesure.
7.
7.1. L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Elle est réglée par l'art. 83 de la loi
fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20),
entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette disposition a remplacé l'art.
14a de l'ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l’établissement des étrangers (LSEE).
7.2. L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que
ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa
liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi,
ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays
(art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH).
7.3. L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée
si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de
guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
7.4. L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter
la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers,
ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
8.
8.1. S'agissant de la licéité du l'exécution du renvoi, les recourants n'ont
pas rendu vraisemblable leur exposition, en cas de retour dans leur pays
d'origine, à de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi (cf. consid. 4 ci
E3159/2011
Page 18
dessus). Aussi ne peuventils se voir appliquer l'art. 5 LAsi qui reprend en
droit interne le principe du nonrefoulement généralement reconnu en
droit international public et énoncé expressément à l'art. 33 de la
Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (Conv. RS
0.142.30).
8.2. En outre, pour cette même raison, le Tribunal ne saurait pas
davantage tenir pour établi un véritable risque concret et sérieux, pour les
recourants, d'être victimes de traitements prohibés par l'art. 3 CEDH ou 3
de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains
ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture, RS 0.105), en cas
de renvoi dans son pays (cf. JICRA 1996 n° 18 consid. 14b spéc. let. ee
p. 182ss).
8.3. Partant l'exécution du renvoi des recourants sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant du
droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et 83 al.
3 LEtr).
9.
9.1. Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être
raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son
pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par
exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou
de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux
« réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les
conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas
personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de
guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour
qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger,
notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles
ont besoin. En revanche, les difficultés socioéconomiques qui sont le lot
habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de
logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à
réaliser une telle mise en danger. L'autorité à qui incombe la décision doit
donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la
situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays
après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son
éloignement de Suisse (cf. ATAF 2009/52 consid. 10.1 p. 756s. ; ATAF
2008/34 consid. 11.1 ; ATAF 2007/10 consid. 5 ; JICRA 2005 n° 24 p.
215 consid. 10.1 ; JICRA 2003 n° 24 p. 157 consid. 5a ; JICRA 2002 n°
E3159/2011
Page 19
11 p. 99 ss consid. 8 ; JICRA 1999 n° 28 p. 170 consid. 5b ; JICRA 1998
n° 22 p. 191 consid. 7a et jurisp. citée ; PETER BOLZLI, in : Marc
Spescha/Hanspeter Thür/Andreas Zünd/Peter Bolzli, Kommentar
Migrationsrecht, Zurich 2008, n. 14 ss ad art. 83; WALTER STÖCKLI, Asyl,
in : Peter Uebersax/Beat Rudin/Thomas Hugi Yar/Thomas Geiser [éd.],
Ausländerrecht, Handbücher für die Anwaltspraxis, vol. VIII, 2ème éd.,
Bâle 2009, n° 11.68 s.).
9.2. Il est notoire que la Bosnie et Herzégovine ne connaît pas une
situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui
permettrait d'emblée et indépendamment des circonstances du cas
d'espèce de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays,
l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
9.3. En l'occurrence, les recourants, qui sont encore jeunes, bénéficient
tous deux d'expériences professionnelles dans leur pays d'origine. Ils
sont, en outre, propriétaires d'une maison individuelle, et disposent dans
leur pays d'origine d'un solide réseau familial, les membres de leur famille
en Suisse pouvant également les aider financièrement le cas échéant
(cf. pv. de l'audition sommaire p.3). S'agissant des difficultés de santé
mentionnés lors des auditions fédérales (probable [indication médicale],
cf. p. 16 de l'audition de l'intéressé ; troubles psychiques cf. p. 6 de
l'audition de l'intéressée), le Tribunal constate que ceuxci n'ont pas été
invoqués au stade du recours, que ce soit dans le mémoire ou la réplique
dans laquelle ils se sont pourtant exprimé tout particulièrement sur le
caractère raisonnablement exigible de l'exécution de leur renvoi. Or, il
appartenait aux intéressés de spontanément faire valoir d'éventuels
motifs médicaux (cf. ATAF 2009/50 consid. 10). Dans ces conditions, il ne
peut être considéré que ceuxci sont d'une gravité telle à constituer un
obstacle à l'exécution de leur renvoi, les intéressés les auraient d'ailleurs
invoqué et documenté, dans la procédure de recours, si tel avait été le
cas. Si d'aventure l'intéressé devait effectivement subir une quelconque
intervention chirurgicale, il appartiendrait à l'ODM d'adapter le délai de
départ de la famille en conséquence.
9.4. Pour ces motifs, l'exécution du renvoi doit être considérée comme
raisonnablement exigible en l'état.
10.
Enfin, les recourants sont en possession de documents suffisants pour
rentrer dans leur pays ou, à tout le moins, sont en mesure d'entreprendre
toute démarche nécessaire auprès de la représentation de leur pays
E3159/2011
Page 20
d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage leur permettant
de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des
obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également
possible (cf. ATAF 2008/34 consid. 12 p. 513515).
11.
Cela étant, l'exécution du renvoi doit être déclarée conforme aux
dispositions légales. Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la
décision de renvoi et son exécution, doit être également rejeté.
12.
Les conclusions du recours n'étant pas d'emblée vouées à l'échec et les
intéressés ayant établi leur indigence, l'assistance judiciaire partielle est
accordée (cf. art. 65 PA). Il est donc renoncé à la perception des frais de
procédure.
(dispositif page suivante)
E3159/2011
Page 21
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire partielle est admise.
3.
Il est renoncé à la perception des frais de procédure.
4.
Le présent arrêt est adressé aux recourants, à l'ODM et à l'autorité
cantonale compétente.
La présidente du collège : La greffière :
Emilia Antonioni Céline Longchamp
Expédition :