E-2756/2011 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi - Asile (non-entrée en matière) et renvoi; décision ...
Karar Dilini Çevir:
E-2756/2011 - Abteilung V - Asile (non-entrée en matière / procédure Dublin) et renvoi - Asile (non-entrée en matière) et renvoi; décision ...
Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal
Cour V
E-2756/2011
Arrêt du 6 juin 2011
Composition Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Hans Schürch, François Badoud, juges,
Anne-Laure Sautaux, greffière.
Parties A._______, (…),
sa compagne, B._______, (…),
et leurs enfants,
C._______, (…),
et D._______, (…),
Afghanistan,
représentés par le Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s
(SAJE), (…),
recourants,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Objet Asile (non-entrée en matière) et renvoi (Dublin) ;
décision de l'ODM du 6 mai 2011 / N_______.
E-2756/2011
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Faits :
A.
Le 4 février 2011, A._______ et sa compagne ont déposé une demande
d'asile pour eux-mêmes et leur fils cadet, leur fils aîné en ayant déposé
une en son propre nom, le même jour.
Les résultats des comparaisons des données dactyloscopiques des
concubins et de leur fils aîné ont été transmis, le 7 février 2011, par l'unité
centrale d'Eurodac à l'ODM. Il en ressort qu'ils ont été appréhendés, le
22 janvier 2011, à Crotone, en Italie, à l'occasion du franchissement
irrégulier de la frontière de ce pays.
A._______ a été entendu le 16 février 2011 au Centre d'enregistrement et
de procédure (CEP) de Chiasso ; sa compagne et leur fils aîné l'ont été le
lendemain. Ils ont déclaré, en substance, avoir vécu à E._______ du
commerce du chef de famille. Neuf ou dix jours avant leur départ du pays,
leur fils D._______ aurait été enlevé par des inconnus ; il aurait été libéré
en état de choc cinq jours plus tard, après paiement d'une forte rançon.
Le 24 août 2010, avec D._______, ils auraient quitté leur pays de crainte
qu'un membre de leur famille soit exposé à un nouvel enlèvement, avec
pour but de gagner la Suisse. Ils auraient transité par l'Iran, la Turquie et
l'Italie. Ils auraient été rejoints en Turquie par leur fille majeure
(respectivement sœur aînée) et sa famille, lesquels auraient également
déposé une demande d'asile au CEP de Chiasso. Ils ont été
appréhendés, le 22 janvier 2011, à Crotone par les autorités italiennes en
raison du franchissement irrégulier de la frontière. Leurs empreintes ont
alors été relevées. Ils auraient été placés dans un centre d'accueil ; à leur
arrivée au centre, B._______ aurait bénéficié d'un contrôle médical dans
un hôpital. Une dizaine de jours plus tard, compte tenu de leur situation
irrégulière et à leur refus de déposer une demande d'asile, ils se seraient
vus notifier audit centre un ordre d'expulsion d'Italie, puis auraient été
conduits en ville. Ils auraient fait appel à des passeurs, auraient gagné la
campagne milanaise où ils auraient passé deux à trois nuits dans une
maison abandonnée, puis auraient rejoint Chiasso. Ils seraient opposés à
leur transfert en Italie, parce qu'ils y auraient été mal accueillis ;
A._______ aurait été giflé en raison de leur refus d'y déposer une
demande d'asile. Ils seraient également opposés à leur transfert dans ce
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pays en raison des conditions de vie très difficiles auxquelles y seraient
exposés les requérants d'asile.
B.
Le 21 mars 2011, l'ODM a adressé à l'Italie des requêtes aux fins de
prise en charge des recourants fondées sur l'art. 10 par. 1 du règlement
(CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et
mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen
d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un
ressortissant d'un pays tiers (JO L 50/1 du 25.2.2003, ci-après :
règlement Dublin II).
Par lettre du 15 avril 2011, les autorités italiennes ont fait savoir à l'ODM,
via le réseau "Dublinet", qu'elles acceptaient leur responsabilité sur la
base de cette disposition réglementaire, l'ont invité à les informer
préalablement de toute situation, notamment médicale, qui pourrait
occasionner des problèmes lors de l'exécution du transfert, et à avertir les
intéressés qu'ils étaient tenus de s'adresser au Bureau de la police des
frontières ("Ufficio di Polizia di Frontiera") immédiatement à leur arrivée à
l'aéroport de Venise.
C.
Par décision du 6 mai 2011, notifiée le 9 mai 2011, se fondant sur l'art. 34
al. 2 let. d de la loi du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi, RS 142.31), l'ODM
n'est pas entré en matière sur les demandes d'asile des intéressés, a
prononcé leur renvoi (ou transfert) en Italie et a ordonné l'exécution de
cette mesure.
D.
Par acte du 13 mai 2011, les intéressés ont interjeté recours contre cette
décision. Ils ont conclu à son annulation et au renvoi de leur cause à
l'ODM pour qu'il examine leurs demandes d'asile, sous suite de dépens.
Ils ont sollicité l'octroi de l'effet suspensif et l'assistance judiciaire partielle.
Ils ont soutenu que l'exécution de leur renvoi en Italie était "illicite" et
subsidiairement "inexigible", de sorte que l'ODM devait, en application de
la clause de souveraineté, examiner leurs demandes d'asile. Ils ont fourni
une attestation du médecin traitant de B._______ datée du 11 mai 2011
dont il ressort qu'elle est suivie depuis le 15 mars 2011 pour "état
dépressif marqué, nervosité, grande fatigue et insomnie suite aux
événements subis en Afghanistan par son fils", que son état de santé
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psychique s'était amélioré grâce à l'introduction d'un traitement
médicamenteux antidépresseur, mais s'est à nouveau dégradé depuis
qu'elle a appris qu'elle devait quitter la Suisse deux jours plus tôt, avec
présentation d'angoisses et de crises de panique marquées, et qu'un
risque de "décompensation complète" est à craindre en cas de renvoi
sous la contrainte.
E.
Par décision incidente du 16 mai 2011, le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le Tribunal) a octroyé l'effet suspensif au recours.
F.
Les autres faits ressortant du dossier seront évoqués si nécessaire dans
les considérants qui suivent.
Droit :
1.
1.1.
En vertu de l'art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif
fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la
procédure administrative (PA, RS 172.021). En particulier, les décisions
rendues par l'ODM concernant l'asile et le renvoi - lesquelles n'entrent
pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF - peuvent être
contestées devant le Tribunal conformément à l'art. 33 let. d LTAF et à
l'art. 105 LAsi. Le Tribunal est donc compétent pour connaître du présent
litige. Il statue de manière définitive, en l'absence d'une demande
d’extradition déposée par l’Etat dont les recourants cherchent à se
protéger (cf. art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2. Les recourants ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA).
Présenté dans la forme (cf. art. 52 PA) et le délai (cf. art. 108 al. 1 LAsi)
prescrits par la loi, le recours est recevable.
2. Aux termes de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi, en règle générale, l'ODM
n'entre pas en matière sur une demande d'asile lorsque le requérant peut
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se rendre dans un Etat tiers compétent, en vertu d'un accord
international, pour mener la procédure d'asile et de renvoi. En application
de l'art. 1 ch. 1 de l'accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération
suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux
mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen
d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse
(AAD, RS 0.142.392.68), l'ODM examine la compétence relative au
traitement d'une demande d'asile selon les critères fixés dans le
règlement Dublin II (cf. également art. 1 et art. 29a al. 1 de l'ordonnance 1
sur l'asile du 11 août 1999 [OA 1, RS 142.311]). S'il ressort de cet
examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande
d'asile, l'ODM rend une décision de non-entrée en matière après que
l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du requérant
d'asile (cf. art. 1 et art. 29a al. 2 OA 1). L'ODM peut, pour des raisons
humanitaires, également traiter la demande lorsqu'il ressort de l'examen
qu'un autre Etat est compétent (art. 29a al. 3 OA 1).
En vertu de l'art. 3 par. 1 2ème phr. du règlement Dublin II, la demande
d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les
critères énoncés au chap. III désignent comme responsable. Toutefois,
aux termes de l'art. 3 par. 2 1ère phr. du règlement Dublin II ("clause de
souveraineté"), par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre
peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un
ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en
vertu des critères fixés dans le présent règlement. Ainsi, un Etat a la
faculté de renoncer à un transfert vers l'Etat responsable, notamment
lorsque ce transfert serait contraire aux obligations de son droit interne ou
du droit international public auquel il est lié. Conformément à la
jurisprudence, il y a lieu de renoncer au transfert au cas où celui-ci ne
serait pas conforme aux engagements de la Suisse relevant du droit
international ou encore pour des raisons humanitaires en application de
l'art. 29a al. 3 OA 1 (cf. arrêt du TAF E-5644/2009 du 31 août 2010
consid. 5, destiné à publication dans ATAF 2010/45).
3. L'Italie est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut
des réfugiés (RS 0.142.30, ci-après : Conv. réfugiés), à la Convention du
4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (CEDH, RS 0.101), à la Convention du 10 décembre 1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (RS 0.105 ; ci-après : Conv. torture), de même qu'à la
Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant
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(RS 0.107 ; ci-après : CDE). En l'absence d'une pratique avérée, en Italie,
de violation systématique des normes communautaires minimales
(directive no 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des
normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats
membres [JO L 31/18 du 6.2.2003, ci-après : directive "Accueil"] et
directive no 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des
normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut
de réfugié dans les Etats membres [JO L 326/13 du 13.12.2005, ci-
après : directive "Procédure"]), cet Etat est présumé respecter ses
obligations tirées du droit international public, en particulier le principe du
non-refoulement énoncé expressément à l'art. 33 Conv. réfugiés, ainsi
que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'art. 3 CEDH et à
l'art. 3 Conv. torture (cf. Cour européenne des Droits de l'Homme [ci-
après : Cour eur. DH], arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce, requête
no 30696/09, 21 janvier 2011, § 341 ss et juris. cit.). Cette présomption
peut être renversée par des indices sérieux que, dans le cas concret, les
autorités de cet Etat ne respecteraient pas le droit international (cf. arrêt
du TAF E-5644/2009 précité consid. 7.4, 7.5 et 7.6.4).
4. En l'occurrence, dans la décision attaquée, l'ODM a faussement
constaté qu'il ressortait des données visées à l'art. 5 par. 1 du règlement
(CE) no 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la
création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes
digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin (JO
L 316/1 du 15.12.2000 ; ci-après : règlement "Eurodac") qui lui ont été
transmises par l'unité centrale d'Eurodac avec le résultat positif de la
comparaison des données dactyloscopiques que les intéressés avaient
déposé une demande d'asile en Italie. En effet, le numéro de référence
attribué aux intéressés par l'Italie, l'Etat membre qui a transmis leurs
données à l'unité centrale, est "IT2" (cf. art. 5 par. 1 let. d du règlement
"Eurodac"). Or, conformément à l'art. 2 par. 3 du règlement (CE)
no 407/2002 du Conseil du 28 février 2002 fixant certaines modalités
d'application du règlement "Eurodac" (JO L62/1 du 5.3.2002, ci-après :
"règlement modalités d'application d'Eurodac"), le code "2" concerne les
personnes visées à l'art. 8 du règlement "Eurodac", à savoir chaque
étranger, âgé de 14 ans au moins, qui, à l'occasion du franchissement
irrégulier de la frontière terrestre, maritime ou aérienne d'un Etat membre
en provenance d'un pays tiers, a été appréhendé par les autorités de
contrôle compétentes et qui n'a pas été refoulé. Les données transmises
sont du reste compatibles avec les déclarations des intéressés lors de
leurs auditions, selon lesquelles ils n'ont pas déposé de demande d'asile
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en Italie. Cette erreur d'appréciation de l'ODM n'est toutefois pas de
nature à modifier le sort du litige. En effet, comme l'a à juste titre relevé
l'ODM, l'Italie a reconnu sa responsabilité sur la base de l'art. 10 par. 1 du
règlement Dublin II (entrée illégale sur le territoire par une frontière
extérieure). Par conséquent, l'Italie est l'Etat membre désigné comme
responsable par les critères énoncés au chap. III du règlement Dublin II.
Les recourants n'ont d'ailleurs pas contesté ce point. En revanche, ils ont
fait valoir que la Suisse devait, à titre dérogatoire, examiner les
demandes qu'ils lui ont présentées, le 4 février 2011, en application de
l'art. 3 par. 2 1ère phr. du règlement Dublin II.
5. A ce titre, ils ont d'abord soutenu que l'exécution de leur renvoi en Italie
les exposerait, en raison des conditions d'existence auxquelles ils y
avaient préalablement été exposés, à des traitements prohibés par l'art. 3
CEDH et serait par conséquent "illicite". Ils ont affirmé que lors de leur
séjour antérieur en Italie, ils s'étaient "retrouvés esseulés, sans aide
sociale, sans logement" et sans accès à un conseil social ou juridique.
5.1. Force est d'abord de constater que ces déclarations au stade de leur
recours ne correspondent pas à celles tenues lors de leurs auditions. En
effet, il ressort des pièces au dossier qu'ils ont été appréhendés à
Crotone, le 22 janvier 2011, et qu'ils ont déposé une demande d'asile en
Suisse, le 4 février 2011. Ils ont donc séjourné au maximum 13 jours en
Italie, dont, conformément à leurs déclarations lors de leurs auditions
sommaires, dix jours dans un centre d'accueil à Crotone et, suite à la
notification d'un ordre d'expulsion, trois nuits dans une maison
abandonnée dans la campagne milanaise, sur recommandations d'un
passeur. Ils n'ont donc pas établi qu'ils s'étaient retrouvés en Italie dans
une situation de dénuement matériel.
5.2. En outre, en tant qu'ils se sont plaints que la précarité de leur
situation passée en Italie due à leur statut irrégulier dans ce pays
constituait une violation de l'art. 3 CEDH, ils perdent de vue que, selon la
jurisprudence de la Cour eur. DH, la CEDH ne garantissant pas le droit à
un certain niveau de vie, les restrictions et les inconvénients inhérents à
un séjour irrégulier dans un Etat dont on n’est pas ressortissant ne
suffisent pas, à eux seuls, pour enfreindre l'art. 3 CEDH (cf. Cour eur.
DH, décision sur la recevabilité Tatyana Mikheyeva c. Lettonie,
n° 50029/99, 12 septembre 2002 et juris. cit.). La Cour eur. DH a certes
estimé, que compte tenu des obligations reposant sur les Etats membres
de l'Union européenne en vertu de la directive "Accueil", dont l'obligation
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de fournir un logement et des conditions matérielles décentes aux
demandeurs d'asile démunis, l'impossibilité pour un requérant d'asile, de
par l'action ou l'omission délibérée des autorités de l'Etat membre de
l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile, de
jouir en pratique de ces droits afin de pourvoir à ses besoins essentiels
pouvait soulever un problème sous l'angle de l'art. 3 CEDH
(cf. Cour eur. DH, arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce, no 30696/09,
21 janvier 2011, § 249 à 251). Toutefois, en l'occurrence, conformément
aux données transmises par l'unité centrale d'Eurodac et à leurs
déclarations lors de leurs auditions sommaires, les recourants n'ont pas
déposé de demande d'asile en Italie (voir également consid. 4 ci-avant),
de sorte que, lors de leur séjour passé dans ce pays, l'Italie n'était pas
liée à leur égard par les obligations prévues par la directive "Accueil". Ils
sont donc manifestement malvenus de reprocher aux autorités italiennes
de les avoir empêchés de faire valoir les prétentions auxquelles cette
directive leur donnait accès. Leur argument selon lequel, leur transfert en
Italie les exposerait à devoir y vivre, comme par le passé, sans aucune
forme d'assistance est mal fondé, ne serait-ce que parce qu'ils y seront
alors non plus des étrangers en situation irrégulière, mais des requérants
d'asile présumés pouvoir bénéficier des obligations reposant sur l'Italie en
vertu de la directive "Accueil". Conformément à l'art. 16 par. 1 points a et
b du règlement Dublin II, l'Italie est en effet tenue de les prendre en
charge et de mener à terme l'examen de leurs demandes d'asile. Selon
les réquisitions du 15 avril 2011 des autorités italiennes, les recourants
seront tenus de s'annoncer au Bureau de la police des frontières ("Ufficio
di Polizia di Frontiera") immédiatement à leur arrivée à l'aéroport de
Venise. Ils devront faire enregistrer leurs demandes d'asile auprès des
autorités italiennes compétentes. Ils n'ont apporté aucun indice sérieux
que, dans leur cas concret, les autorités italiennes ne respecteraient pas
la directive "Accueil" et n'ont donc pas renversé la présomption de
respect par l'Italie de cette directive. Il y a lieu d'ajouter que le règlement
Dublin II ne leur confère pas le droit de choisir l'Etat membre offrant, à
leur avis, les meilleures conditions d'accueil comme Etat responsable de
l'examen de leurs demandes d'asile (cf. arrêt du TAF E-5644/2009 précité
consid. 8.3).
5.3. Au vu de ce qui précède, les recourants n'ont apporté aucun indice
concret et sérieux que leurs conditions d'existence en Italie atteindraient,
en cas de transfert dans ce pays, un tel degré de pénibilité et de gravité
qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'art. 3 CEDH.
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6. Les recourants ont ensuite soutenu que l'exécution de leur renvoi en
Italie les priverait d'accès à une procédure d'asile équitable et par là-
même à la protection due aux réfugiés en application de la
Conv. réfugiés. Ils ont allégué que lors de leur séjour au centre de
Crotone, aucun acte de procédure n'avait eu lieu et qu'ils n'avaient pas
été assistés d'un mandataire ni été informés au sujet du déroulement de
la procédure. Cette critique tombe à faux dès lors que, conformément aux
données Eurodac les concernant et à leurs déclarations lors de leurs
auditions par l'ODM, ils n'ont pas déposé de demande d'asile dans ce
pays (voir également consid. 4 ci-avant). Ils ne peuvent dès lors pas
reprocher à l'Italie de n'avoir pas respecté à leur égard la directive
"Procédure" lors de leur séjour antérieur, puisque celle-ci ne leur était pas
applicable à défaut d'introduction d'une procédure d'asile. Ils n'ont donc
apporté aucun indice sérieux que, dans leur cas concret, les autorités
italiennes ne respecteraient pas cette directive et n'ont par conséquent
pas non plus renversé la présomption de respect par l'Italie de cette
directive.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucun autre élément du dossier ou des
arguments des recourants que leur transfert en Italie serait contraire au
droit international.
7. Les recourants ont enfin allégué, en substance, que l'exécution de leur
renvoi en Italie était "inexigible" compte tenu des conditions d'existence
particulièrement pénibles auxquelles ils y avaient préalablement été
exposés et des troubles psychiques de la lignée dépressive dont souffrait
B._______. Il s'agit ici de vérifier s'il existe un empêchement à leur
transfert au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1.
7.1. Pour les motifs exposés au consid. 5 ci-dessus, leurs conditions
d'existence en Italie en raison de leur séjour irrégulier, n'est pas
constitutive de raisons humanitaires au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1.
7.2. Comme mentionné au consid. 4 et 5.2 ci-dessus, l'Italie est
présumée respecter la directive "Accueil", laquelle prévoit à son art. 15
par. 1 que les Etats membres font en sorte que les demandeurs reçoivent
les soins médicaux nécessaires qui comportent, au minimum, les soins
urgents et le traitement essentiel des maladies. Par conséquent,
B._______ est présumée pouvoir accéder en Italie aux soins médicaux
nécessaires pour les troubles psychiques dont elle souffre. Compte tenu
du risque de "décompensation complète" de la recourante en cas de
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renvoi sous la contrainte mentionné dans l'attestation médicale du 11 mai
2011, il appartiendra aux autorités chargées de l'exécution du transfert de
cette famille de prévoir un accompagnement par une personne dotée de
compétences médicales ou par toute autre personne susceptible de leur
apporter un soutien adéquat, s'il résulte d'un examen médical avant le
départ qu'un tel accompagnement est nécessaire (cf. art. 93 al. 1 let. d
LAsi et art. 58 al. 3 de l'ordonnance 2 sur l'asile du 11 août 1999 [OA 2,
RS 142.312]). Dans ce cas, l'ODM avertira à temps les autorités
italiennes (cf. état de faits, let. B) afin que celles-ci puissent d'emblée
prévoir une prise en charge adaptée à l'arrivée des intéressés sur leur
territoire. Aussi, l'état de santé psychique de la recourante n'est pas
constitutif de raisons humanitaires au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1, mais
doit être pris en considération dans le cadre des modalités de la mise en
œuvre du transfert de cette famille. Il en est de même des séquelles de
l'état de choc de l'enfant D._______ telles qu'elles ressortent de
l'attestation établie le 25 mai 2011 par un responsable de l'établissement
primaire de F._______.
8. En définitive, il n'y a pas lieu de faire application de la clause de
souveraineté.
A défaut d'application de la clause de souveraineté par la Suisse, l'Italie
demeure l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile
des recourants et est tenue, en vertu de l'art. 16 par. 1 point a du
règlement Dublin II, de les prendre en charge dans les conditions prévues
aux art. 17 à 19 et de mener à terme l'examen de leurs demandes d'asile.
C'est donc manifestement à bon droit que l'ODM a refusé d'entrer en
matière sur leurs demandes d'asile en vertu de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi et
qu'il a prononcé leur renvoi (ou transfert) en Italie, en application de
l'art. 44 al. 1 LAsi, en l'absence d'un droit à une autorisation de séjour (cf.
art. 32 let. a OA 1). Lorsqu'une décision de non-entrée en matière Dublin
doit être prononcée parce qu'un autre Etat membre de l'espace Dublin est
responsable de l'examen de la demande d'asile et que la clause de
souveraineté ne s'applique pas, il n'y a en effet pas de place pour un
examen séparé d'un éventuel empêchement à l'exécution du
renvoi (cf. arrêt du TAF E-5644/2009 précité, consid. 8.2.3 et 10).
9. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté. L'ODM ainsi que les
autorités chargées de l'exécution du transfert prendront en considération
l'état de santé psychique de la recourante et, s'il y a lieu, celui de l'enfant
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D._______, dans le cadre des modalités de la mise en œuvre du transfert
de cette famille.
10. L'effet suspensif ayant été octroyé au recours, le point de départ du
délai de transfert prévu à l'art. 19 par. 3 du règlement Dublin II est reporté
au lendemain du prononcé du présent arrêt (cf. ATAF 2009/27
consid. 7.2.1).
11. Compte tenu de l'objectif de célérité dans le traitement des demandes
d'asile Dublin et au vu des particularités de l'espèce, il est renoncé à un
échange d'écritures (cf. art. 111a al. 1 LAsi).
12. Au vu de l’issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de
procédure à la charge des recourants, conformément à l'art. 63 al. 1 PA
et aux art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les
frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral
(FITAF, RS 173.320.2). Compte tenu des particularités de l'espèce, il est
toutefois renoncé à la perception de frais de procédure (cf. art. 6 let. b
FITAF). La demande d'assistance judiciaire partielle devient ainsi sans
objet.
13. Au vu de l'issue de la cause, il n'y a pas lieu d'allouer des dépens
(cf. art. 64 al. 1 PA).
(dispositif : page suivante)
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F.a.
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, au sens des considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais de procédure. La demande d'assistance
judiciaire partielle est sans objet.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est adressé au mandataire des recourants, à l’ODM et à
l’autorité cantonale compétente.
Le président du collège : La greffière :
Jean-Pierre Monnet Anne-Laure Sautaux
Expédition :