E-2194/2014 - Abteilung V - Déni de justice/retard injustifié - Déni de justice / retard injustifié
Karar Dilini Çevir:
E-2194/2014 - Abteilung V - Déni de justice/retard injustifié - Déni de justice / retard injustifié
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-2194/2014


A r r ê t d u 5 j u i n 2 0 1 4
Composition

Jean-Pierre Monnet (président du collège),
Hans Schürch, François Badoud, juges,
Aurélie Gigon, greffière.



Parties

A._______, née le (…),
Iran,
représentée par (…), Centre Social Protestant (CSP),
(…),
recourante,



contre


Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.


Objet

Déni de justice (retard injustifié) / N (…).


E-2194/2014
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Vu
la première demande d'asile déposée en Suisse le 29 mars 2011 par la
recourante,
l'arrêt E-4823/2011 du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le
Tribunal), du 14 septembre 2011, rejetant le recours contre la décision du
11 août 2011, par laquelle l'ODM a refusé d'entrer en matière sur la
demande d'asile de l'intéressée sur la base de l'art. 34 al. 2 let. d de la loi
du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi, RS 142.31, dans sa teneur au 1er janvier
2008), prononcé son transfert vers l'Italie et ordonné l'exécution de cette
mesure,
le rapport de police du 19 novembre 2011 confirmant le refoulement de la
recourante vers l'Italie, sous escorte, le 16 novembre 2011,
la deuxième demande d'asile déposée en Suisse le 17 novembre 2011,
la décision du 27 décembre 2011, par laquelle l'ODM a refusé d'entrer en
matière sur cette demande sur la base de l'art. 34 al. 2 let. d LAsi, a
prononcé le nouveau transfert de la recourante vers l'Italie et ordonné
l'exécution de cette mesure,
l'ordonnance pénale du 12 juillet 2012, par laquelle le Ministère public de
son canton d'attribution l'a condamnée à une peine pécuniaire avec
sursis ainsi qu'à une amende pour avoir désobéi aux injonctions des
agents de police la sommant de les suivre en vue de son refoulement
vers l'Italie, le 7 juin 2012, et pour séjour illégal en Suisse,
le courrier adressé le 12 juillet 2012 à l'ODM, par lequel la recourante a
sollicité l'annulation de la décision de transfert vers l'Italie en raison de
l'échéance du délai de transfert et l'ouverture d'une procédure nationale
d'asile,
la décision du 17 juillet 2011, par lequel l'ODM a annulé sa décision du
27 décembre 2012 et ouvert une procédure nationale d'asile,
le courrier du 31 octobre 2013, par lequel l'intéressée s'est enquise du
stade d'avancement de la procédure et a demandé à être informée,
jusqu'au 30 novembre 2013 au plus tard, du délai dans lequel une
audition au sens de l'art. 29 LAsi aurait lieu, soulignant l'impact du temps
écoulé sur sa capacité à se remémorer les faits l'ayant amenée à quitter
son pays d'origine et sur son état de santé,
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la réponse du 5 novembre 2013, dans laquelle l'ODM l'a informée qu'elle
serait entendue au cours du premier trimestre 2014,
le courrier du 1er avril 2014, dans lequel la recourante a observé qu'elle
n'avait toujours pas été convoquée à une audition et sollicité de l'ODM la
fixation dans un délai de quinze jours d'une date pour son audition,
le recours interjeté le 24 avril 2014 auprès du Tribunal, par lequel
l'intéressée a conclu à ce que l'ODM soit invité à fixer sans délai une
audition fondée sur l'art. 29 LAsi et a sollicité l'assistance judiciaire
partielle,

et considérant
qu'en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal connaît des recours
contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre
1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les
autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF,
qu'en particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile et le
renvoi peuvent être contestées devant le Tribunal conformément à
l'art. 33 let. d LTAF et à l'art. 105 LAsi,
qu'en l'espèce, la recourante ne conteste pas une décision, mais se plaint
d'un déni de justice formel, en raison d'un retard injustifié de l'ODM à
clore l'instruction et à statuer sur sa demande d'asile,
qu'un tel recours pour déni de justice ou retard injustifié, prévu à l'art. 46a
PA, est de la compétence de l'autorité qui aurait été compétente pour
connaître d'un recours contre la décision attendue (cf. ATAF 2008/15
consid. 3.1.1 ; voir aussi MARKUS MÜLLER, in : Auer/Müller/Schindler [éd.],
Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren [VwVG],
Zurich/St Gall 2008, art. 46a, no 3),
que le Tribunal est donc compétent pour connaître du présent recours,
que le Tribunal statue de manière définitive, le présent arrêt devant être
considéré comme une décision rendue en matière d'asile (cf. art. 83 let. d
ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110] ;
arrêt du Tribunal fédéral 2C_201/2009 du 22 juin 2009),
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qu'aux termes de l'art. 46a PA, intitulé "déni de justice et retard injustifié",
le recours est recevable si, sans en avoir le droit, l'autorité saisie
s'abstient de rendre une décision sujette à recours ou tarde à le faire,
que, selon la jurisprudence, le dépôt d'un recours pour déni de justice ou
retard injustifié suppose que l'intéressé ait non seulement requis de
l'autorité compétente qu'elle rende une décision, mais ait également un
droit à se voir notifier une telle décision,
qu'un tel droit existe lorsqu'une autorité est tenue, de par le droit
applicable, d'agir en rendant une décision, et que l'intéressé qui s'en
prévaut a la qualité de partie, selon l'art. 6 PA en relation avec l'art. 48
al. 1 PA (cf. ATAF 2010/29 consid. 1.2.2 et réf. cit., ATAF 2009/1
consid. 3, ATAF 2008/15 consid. 3.2),
que ces conditions sont remplies dans le cas d'espèce,
que, déposé dans la forme prescrite par la loi (cf. art. 52 al. 1 PA), le
recours est recevable,
que la recourante a fait valoir une violation de l'art. 29 al. 1 de la
Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.,
RS 101),
qu'aux termes de cette disposition, toute personne a droit, dans une
procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée
équitablement et jugée dans un délai raisonnable,
que cette disposition consacre le principe de célérité ou, en d'autres
termes, prohibe le retard injustifié à statuer,
que l'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas
la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou
dans un délai que la nature de l'affaire, ainsi que toutes les autres
circonstances, font apparaître comme raisonnable,
que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie sur la
base d'éléments objectifs, tels que le degré de complexité de l'affaire, le
temps qu'exige l'instruction de la procédure, l'enjeu que revêt le litige pour
l'intéressé, ou encore le comportement de ce dernier et celui des
autorités compétentes (cf. JÉRÔME CANDRIAN, Introduction à la procédure
administrative fédérale, Bâle 2013, p. 74),
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qu'il n'est pas important de savoir si l'autorité a, ou non, commis une
faute,
qu'est déterminant uniquement le fait que l'autorité agit ou non dans les
délais légaux ou, à défaut, dans des délais raisonnables,
qu'il faut examiner si les circonstances concrètes qui ont conduit à la
prolongation de la procédure sont objectivement justifiées,
qu'il appartient à la personne concernée d'entreprendre ce qui est en son
pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à
accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard
injustifié,
qu'en ce qui concerne l'autorité, on ne saurait lui reprocher quelques
"temps morts", qui sont inévitables dans une procédure,
qu'ainsi, pour autant qu'aucun de ces temps morts ne soit d'une durée
vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut,
que des périodes d'intense activité peuvent donc compenser le fait que le
dossier ait été momentanément laissé de coté en raison d'autres affaires,
qu'en revanche, une organisation déficiente, un manque de personnel ou
une surcharge structurelle ne peuvent justifier la lenteur excessive d'une
procédure (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.2 et réf. cit. et ATF 130 IV 54
consid. 3.3.3 et réf. cit.; UHLMANN / WÄLLE-BÄR, in : Praxiskommentar
VwVG, Zurich / Bâle / Genève 2009, art. 46a, no19, p. 930 s. ; MARKUS
MÜLLER, op. cit., no 6 ad. art. 46a),
que les décisions prises en vertu des art. 38 à 40 LAsi (dans leur teneur
avant l'entrée en vigueur, le 1er février 2014, de la modification législative
du 14 décembre 2012) doivent, en règle générale, être rendues dans les
vingt jours ouvrables qui suivent le dépôt de la demande (art. 37 al. 2
LAsi, selon sa teneur antérieure),
que, lorsque d'autres mesures d'instruction s'imposent conformément à
l'art. 41 LAsi (selon sa teneur antérieure), la décision doit, en règle
générale, être prise dans les trois mois qui suivent le dépôt de la
demande (art. 37 al. 3 LAsi, selon sa teneur antérieure),
que le nouvel art. 37 al. 2 LAsi (entré en vigueur le 1er février 2014) réduit
ce délai à dix jours ouvrables après le dépôt de la demande d'asile,
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qu'en l'occurrence, une procédure nationale d'asile a été ouverte le
17 juillet 2012,
que, depuis lors, la recourante s'est adressée à deux reprises à l'ODM
pour lui demander de fixer une date d'audition sur les motifs d'asile,
qu'elle a ainsi manifestement entrepris ce qui était en son pouvoir pour
que l'autorité fasse diligence,
que par courrier du 5 novembre 2013, l'ODM a indiqué à l'intéressée que
le traitement immédiat de sa demande n'était pas possible, compte tenu
des priorités qui étaient les siennes, et que l'audition sur les motifs d'asile
aurait lieu au cours du premier semestre 2014,
qu'à ce jour, aucune date d'audition n'a été communiquée à l'intéressée,
que ne sont méconnus ni la surcharge de l'ODM ni le fait qu'il n'est pas
en mesure de traiter chaque demande d'asile dans les délais de
traitement prévus par la loi, de sorte qu'il est inévitable que ceux-ci ne
puissent être scrupuleusement respectés dans chaque cas,
qu'il n'en demeure pas moins que, dans le cas concret, l'ODM n'a
entrepris aucune mesure d'instruction depuis le mois de juillet 2012, soit
depuis près de 22 mois,
qu'il n'a fourni aucune raison objective, liée au cas particulier de la
recourante et non à des questions d'organisation de l'office, de nature à
justifier une inaction d'une si longue durée et l'absence d'audition durant
le premier trimestre 2014 comme annoncé en novembre 2013,
qu'ainsi, l'affaire n'a connu aucun développement significatif depuis le
17 juillet 2012, ce qui est à l'évidence excessif au regard de l'art. 37 LAsi,
qu'au surplus, en l'absence de réponse au courrier du 1er avril 2014 de
l'intéressée et faute d'avoir, dans l'intervalle, invité celle-ci à se présenter
pour une audition au sens de l'art. 29 LAsi, comme annoncé dans sa
réponse du 5 novembre 2013, l'ODM a encouragé le dépôt d'un recours
pour retard injustifié,
qu'au vu de ce qui précède, force est de reconnaître que la procédure n'a
pas été menée dans un délai raisonnable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst.,
ce d'autant moins qu'elle n'est toujours pas prête à être jugée,
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que, par conséquent, le recours pour retard injustifié doit être admis,
qu'il est enjoint à l'ODM de poursuivre rapidement l'instruction et de
rendre une décision dans les meilleurs délais,
que l'ODM devra donc s'assurer que les mesures d'instruction
interviennent d'autant plus vite qu'il a tardé à les diligenter (cf. arrêt du
Tribunal fédéral 8C_1014/2012 du 3 juillet 2013 consid. 7.1),
que, la recourante ayant eu gain de cause, il n'y a pas lieu de percevoir
de frais de procédure (cf. art. 63 al. 3 PA a contrario),
que la demande d'assistance judiciaire partielle devient donc sans objet,
que la recourante a droit à des dépens pour les frais indispensables
encourus par la présente procédure de recours (cf. art. 64 al. 1 PA et
art. 7 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS
173.320.2]),
que selon le décompte de prestations du 24 avril 2014 (cf. art. 14 al. 1 et
2 FITAF), les frais engagés s'élèvent à un montant de 850 francs,
que, compte tenu des pièces du dossier, du contenu du recours et de
l'absence de complexité de l'affaire, il paraît équitable d'allouer à la
recourante une indemnité de 600 francs à titre de dépens (à raison de
trois heures à 200 francs retenues comme temps indispensable consacré
à la présente procédure par le mandataire), à charge de l'ODM,

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le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis.
2.
Il est enjoint à l'ODM de poursuivre rapidement l'instruction et de rendre
une décision dans les meilleurs délais.
3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
4.
La demande d'assistance judiciaire partielle est sans objet.
5.
L'ODM versera à la recourante le montant de 600 francs à titre de
dépens.
6.
Le présent arrêt est adressé au mandataire de la recourante, à l'ODM et
à l'autorité cantonale concernée.

Le président du collège : La greffière :

Jean-Pierre Monnet Aurélie Gigon


Expédition :