E-1684/2015 - Abteilung V - Asile (sans exécution du renvoi) - Asile (sans renvoi); décision du SEM du 10 février...
Karar Dilini Çevir:
E-1684/2015 - Abteilung V - Asile (sans exécution du renvoi) - Asile (sans renvoi); décision du SEM du 10 février...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour V
E-1684/2015




Ar r ê t d u 2 4 o c t ob r e 2 0 1 6
Composition
Sylvie Cossy (présidente du collège),
François Badoud, Daniel Willisegger, juges,
Annick Mbia, greffière.

Parties
A._______, née le (…),
B._______, née le (…),
C._______, né le (…),
D._______, né le (…),
Togo,
tous représentés par Madame Marianne Burger,
Caritas Neuchâtel,
recourants,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet
Asile (sans renvoi) ;
décision du SEM du 10 février 2015 / N (…).


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Faits :
A.
Le 25 janvier 2012, A._______ a déposé une demande d’asile pour elle-
même et pour ses trois enfants à l’Ambassade de Suisse à Accra, au
Ghana. Au bénéfice d’une autorisation d’entrée en Suisse du 1er mars
2012 ainsi que de la prise en charge de ses frais de voyages octroyée, le
29 mars 2012, par le Secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après : SEM,
anciennement l’Office fédéral des migrations), elle est arrivée légalement
en Suisse, le 18 avril 2012, et a enregistré sa demande, le 22 avril 2012,
au Centre d’enregistrement et de procédure (ci-après : le CEP) de Vallorbe.
B.
Entendue sommairement, le 7 mai 2012, et sur ses motifs d’asile, le
26 septembre 2013, la recourante a indiqué être togolaise d’ethnie Mina,
avoir vécu à Lomé et travaillé en qualité de vendeuse de riz avant son
départ du pays. Elle se serait mariée, le (...) 2011, à un ancien membre de
l’Union des forces de changement (UFC), avec qui elle aurait quitté le pays
en 2005 pour se réfugier au Benin. Constatant que la situation s’était
calmée, ils seraient rentrés au Togo en 2007. Son époux aurait travaillé
dans le domaine du transport maritime en qualité de directeur de la société
« E._______ ». Il aurait informé la recourante des menaces qu’il aurait
reçues depuis leur mariage, en raison de ses activités politiques,
notamment la création d’un parti d’opposition nommé « F._______ ».
L’intéressée a déclaré avoir été témoin, avec sa sœur et ses trois enfants,
de l’assassinat de son mari dans la nuit du (…) 2011. Deux assaillants
auraient violemment forcé la porte de leur domicile et dit qu’ils avaient reçu
l’ordre de le tuer. Elle et sa sœur auraient été violées durant cette attaque.
En janvier 2012, la recourante aurait reçu deux visites des assaillants et
décidé dès lors de quitter le Togo.
C.
A l'appui de ses allégations, elle a déposé différents moyens de preuves,
notamment sa carte nationale d’identité et celle de son époux, leur acte de
mariage, son acte de naissance et ceux de ses enfants. Elle a aussi produit
des pièces relatives au décès de son mari et à l’activité professionnelle de
celui-ci, divers documents concernant les meurtres d’opposants politiques
au Togo, des photographies et un rapport médical du 10 décembre 2014,
établi par la Dresse G._______, médecin-assistante en psychiatrie au
H._______ (ci-après : H._______).
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D.
Le SEM a adressé, le 9 décembre 2013, une demande de renseignements
à l’Ambassade suisse à Accra (ci-après : l’Ambassade). Le 20 juin 2014,
celle-ci a rendu son rapport et la recourante a été invitée à se déterminer
sur son contenu, le 27 juin 2014. Le 3 juillet 2014, elle a transmis ses
observations à ce sujet. Le 10 octobre 2014, le SEM a demandé des
renseignements complémentaires à l’Ambassade. Invitée à se déterminer,
le 19 décembre 2014, sur les informations du 8 décembre 2014, reçues de
l’Ambassade, l’intéressée a pris position, le 9 janvier 2015.
E.
Par décision du 10 février 2015, notifiée le lendemain, le SEM n’a pas
reconnu la qualité de réfugié à la recourante et à ses enfants. Il a rejeté sa
demande d'asile, considérant que ses déclarations ne remplissaient ni les
exigences de vraisemblance énoncées à l'art. 7 LAsi ni les conditions
requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié selon l'art. 3 LAsi.
Dite autorité a prononcé son renvoi de Suisse, renonçant toutefois à
l'exécution de cette mesure, qu'il n'a pas estimée raisonnablement exigible
en raison de la situation médicale déficiente de la recourante et de sa
qualité de femme seule avec trois enfants en bas âge. Il l’a ainsi mise au
bénéfice d'une admission provisoire.
F.
Le 13 mars 2015, l’intéressée a recouru contre cette décision auprès du
Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal). Elle a conclu,
principalement, à l'annulation de celle-ci, à la reconnaissance de la qualité
de réfugié et à l'octroi de l'asile, subsidiairement, au renvoi de la cause à
l’autorité inférieure. Sur le plan procédural, elle a demandé à être
dispensée du paiement d'une avance de frais et l’octroi de l’assistance
judiciaire totale.
G.
Par décision incidente du 26 mars 2015, le Tribunal a octroyé l’assistance
judiciaire totale à la recourante et nommé Madame Marianne Burger,
agissant pour CARITAS, comme mandataire d’office. Il a invité le SEM à
se déterminer sur le recours par ordonnance du même jour.
H.
Le 7 avril 2015, la recourante a complété son recours et transmis une lettre
du 15 mars 2015 de sa belle-sœur qui se serait réfugiée au Ghana.
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I.
Invité à se déterminer sur le recours, le SEM en a proposé le rejet, dans sa
réponse du 8 avril 2015.
J.
Invitée à déposer une réplique, l’intéressée a maintenu ses conclusions, le
24 avril 2015. Par lettre du 5 mai 2015, elle a produit un rapport médical du
28 avril 2015 du H._______, établi par le Docteur I._______, chef de
clinique, et la Dresse J._______, médecin assistante. Le 28 septembre
2016, elle a transmis un rapport du 27 septembre 2016 du H._______,
établi par la Dresse K._______, cheffe de clinique et la Dresse J._______.
K.
Les autres faits seront analysés, si nécessaire, dans les considérants en
droit qui suivent.

Droit :
1.
1.1 Le Tribunal connaît, en vertu de l'art. 31 LTAF, des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent
être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel
statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat
dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception
non réalisée en l’espèce.
1.2 La recourante a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans
la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par la loi,
le recours est recevable.
1.3 En matière d'asile, le Tribunal examine en vertu de l'art. 106 al. 1 LAsi,
les motifs de recours tirés d'une violation du droit fédéral, notamment pour
abus ou excès dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (let. a), et d'un
établissement inexact ou incomplet de l'état de fait pertinent (let. b).

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2.
2.1 Au préalable, la recourante allègue la violation des règles de procédure
en cas de persécution de nature sexuelle (art. 6 OA1) ainsi que de son
droit d’être entendue (art. 6 ch.1 CEDH et 29 al. 2 Cst.). Elle prétend que
l’audition du 26 septembre 2013 était brève, compte tenu de la complexité
du cas, que l’auditrice posait des questions précises et répétées, ce qui l’a
stressée et bloquée, et qu’elle a été auditionnée en présence d’une
personne de sexe masculin sur des questions relatives à l’agression
sexuelle qu’elle aurait subie. En outre, elle souligne n’avoir pas eu accès à
l’ensemble des échanges entre le SEM et l’Ambassade suisse.
2.2 Le droit d'être entendu, inscrit à l'art. 29 al. 2 Cst., est l'un des aspects
de la notion générale de procès équitable consacré à l'art. 29 al. 1 Cst., qui
correspond à la garantie de l'art. 6 ch. 1 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral
9C_394/2008 du 12 février 2009 consid. 2.2). Il comprend notamment le
droit de consulter les pièces décisives du dossier, consacré, en procédure
administrative fédérale, par les art. 26 à 28 PA, et concrétisé par le droit,
pour l'intéressée, de s'exprimer sur les éléments pertinents (entre autres
sur les questionnaires adressés aux ambassades et les réponses fournies,
Jurisprudence et informations de l'ancienne Commission suisse de recours
en matière d'asile [JICRA] 2003 no 14 ; 1999 no 20 ; 1998 no 34 ; 1994
nos 1 et 29) avant qu'une décision ne soit prise touchant à sa situation
juridique, le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, et le droit d'obtenir une décision motivée (art. 35 PA).
2.3 Le droit de consulter le dossier n'est pas absolu ; son étendue doit être
définie de cas en cas, en tenant compte des intérêts en présence et de
toutes les circonstances du cas d'espèce. Selon la jurisprudence publiée
sous JICRA 1997 no 5, il n'est pas admissible de refuser de manière
générale la consultation de tout ou partie d'analyses internes de
documents ; une pondération des intérêts en présence doit être effectuée
et les raisons d'un éventuel refus doivent être indiquées. Une pièce dont la
consultation a été refusée à la partie ne peut être utilisée à son
désavantage que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou par écrit,
le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné l'occasion de
s'exprimer et de fournir des contre-preuves (art. 28 PA et ATF 126 I 7
consid. 2b p. 10 ; 122 I 153 consid. 6a p. 161). En définitive, le droit de
consulter le dossier trouve sa limite dans l'intérêt public prépondérant de
l'Etat ou lorsqu'il existe un intérêt fondé d'une tierce personne. Dans ce
cas, il convient de faire une pesée attentive des intérêts en jeu, soit d'une
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part l'intérêt à la consultation du dossier et d'autre part celui au refus d'une
telle consultation (ATF 129 I 249 c. 3 p. 253s, JdT 2006 c. 3 p. 586 s).
2.4 S’agissant de l’argument lié aux personnes présentes lors de l’audition
du 26 septembre 2013, le Tribunal constate, à l’instar du SEM, que la
recourante a été entendue par des personnes de même sexe lorsque des
questions relatives à l’abus sexuel dont elle aurait été victime lui ont été
posées. En effet, le rédacteur du procès-verbal est sorti de la salle (audition
du 26 septembre 2013 : questions 59 à 76). L’intéressée pouvait donc
s’exprimer librement en présence de personnes de sexe féminin. Dès lors,
elle ne peut arguer que les règles en la matière n’ont pas été respectées,
qu’elle ne se sentait pas à l’aise et qu’elle avait peur de parler devant
l’auteur du procès-verbal, d’où la brièveté de ses réponses.
2.5 La recourante allègue que l’auditrice posait des questions précises et
répétées. Le Tribunal constate que la collaboratrice du SEM a demandé à
l’intéressée de relater tous les évènements vécus. À la suite de son récit,
elle a répondu à des questions complémentaires, afin que l'ensemble des
faits pertinents de la cause puissent être réunis (audition du 26 septembre
2013 : questions 24, 25, 42 et 43).
A l’appui de son grief, l’intéressée cite le commentaire de la représentante
d’une œuvre d’entraide, présente lors de l’audition du 26 septembre 2013,
dont il ressort que la collaboratrice du SEM aurait posé des questions
précises et répétées sur le déroulement des funérailles du mari de la
recourante ce qui l’aurait, « à un moment donné » stressée.
Or l’auditrice est tenue de clarifier l’état de fait pour qu’une décision puisse
être prise et on ne peut pas conclure que le droit d’être entendue de la
recourante a été violé de ce fait. En outre, les événements liés aux
funérailles du conjoint de la recourante, moment où elle aurait été stressée,
n’ont pas été utilisés par le SEM pour motiver sa décision.
2.6 Finalement, le SEM n’a pas transmis les pièces A23/3, A25/7, A28/2,
A29/5 qui comportaient l’identité des informateurs ayant rédigé les rapports
d’ambassade, mais une retranscription quasi à l'identique des
renseignements reçus, sur lesquels la recourante a été invitée à se
déterminer, ce qu’elle a fait le 3 juillet 2014 et le 9 janvier 2015.
2.7 Partant, le grief relatif à la violation de son droit d’être entendue et des
règles de procédure s’appliquant en cas de persécution de nature sexuelle
doit être rejeté.
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3.
3.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de
leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de
leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment considérées
comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité
corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une
pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de
fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 2 LAsi ; ATAF 2007/31
consid. 5.2-5.6).
3.2 Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de
réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est
hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Ne sont pas vraisemblables
notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas
suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas
aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de
preuve faux ou falsifiés (art. 7 al. 3 LAsi).
Des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels,
elles sont suffisamment fondées (ou consistantes), concluantes (ou
constantes et cohérentes) et plausibles et que le requérant est
personnellement crédible (ATAF 2012/5 consid. 2.2).
4.
4.1 Il convient de vérifier si c'est à bon droit que le SEM a retenu que les
motifs d'asile allégués par la recourante ne satisfaisaient pas aux
exigences de vraisemblance de l'art. 7 LAsi, ainsi qu’à celles de pertinence
de l’art. 3 LAsi pour la reconnaissance de la qualité de réfugié.
4.2 Selon le SEM, l’intéressée s’est contredite sur le déroulement de
l’agression subie dans la nuit du (…) 2011. Selon l’écrit du 25 janvier 2012,
les assaillants auraient violé sa sœur et elle-même serait ensuite sortie de
sa chambre avec son mari. Celui-ci aurait questionné les agresseurs qui
lui auraient répondu qu’ils le cherchaient pour le tuer. Ils auraient tiré deux
fois et, en voulant le défendre, la recourante aurait été violée. Lors de
l’audition du 26 septembre 2013, elle a affirmé que son époux aurait
sursauté et couru à l’entrée de leur appartement parce que deux personnes
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auraient violemment forcé la porte. Il aurait été blessé par balle, d’abord à
la jambe, puis à la poitrine. Elle et sa sœur auraient été violées en même
temps, alors que son mari, blessé, gisait au sol.
Concernant la description d’une tentative d’agression, survenue (...), le
SEM relève qu’elle a déclaré avoir entendu les agresseurs forcer sa porte.
Les amis de son mari auraient ensuite sifflé et repoussé les assaillants
(déclarations du 25 janvier 2013). Selon sa deuxième version, les amis de
son mari auraient entendu des personnes escalader le mur. Ils auraient
crié et ainsi détourné l’attaque des agresseurs (audition du 26 septembre
2013 : questions 85 à 87).
4.3 La recourante estime que son récit n’est pas contradictoire compte tenu
des évènements traumatiques qu’elle aurait subis. Elle souligne qu’aucune
question n’a été posée sur les motifs d’asile lors de l’audition sommaire du
7 mai 2012 et que le récit du 25 janvier 2012 aurait été rédigé par la sœur
du défunt. Elle souffrirait d’un syndrome dépressif majeur dû aux
évènements traumatiques vécus au Togo, attestés par certificats
médicaux. Elle relève que le viol a été fréquemment utilisé dans son pays,
ce qui ressort du dossier de sa belle-sœur qui a obtenu l’asile en Suisse.
Son bulletin d’analyse du 11 janvier ainsi que son certificat médical du
29 février 2012, produits dans le cadre du recours, confirment qu’elle aurait
subi une agression.
4.4 Le Tribunal est d’avis que la recourante s’est contredite à plusieurs
reprises dans son récit. L’argument selon lequel les déclarations écrites ont
été rédigées par sa belle-sœur ne permet pas d’expliquer ces différences
car celle-ci n’a pu l’écrire que sur la base de son témoignage. La recourante
a également confirmé ses déclarations, sans aucune modification, lors de
sa première audition.
Au stade du recours, elle a présenté une nouvelle version des faits.
L’intéressée a ainsi indiqué que les agresseurs avaient d’abord violement
repoussé son fils sur le canapé, qu’ils auraient blessé son mari une
deuxième fois, qu’ils l’auraient giflée car elle cherchait une machette sous
le lit et qu’ils auraient volé des affaires dans la maison après l’avoir violée,
ainsi que sa sœur (recours du 13 mars 2015 : page 2), éléments qui ne
correspondent pas à ses déclarations lors de son audition du 26 septembre
2013 (questions 24, 28, 36, 37 et 64).
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Les contradictions ne portent pas uniquement sur les circonstances du
décès de son mari et de son viol, mais également sur les faits relatifs à la
tentative d’agression qui serait survenue en (…), avant son départ du Togo.
Compte tenu de ce qui précède, les déclarations de la recourante ne sont
pas concluantes sur des points essentiels.
4.5 L’intéressée n’a de surcroît pas rendu vraisemblable l’implication
politique de son mari.
Leur départ du pays en 2005 n’est pas déterminant car le couple est
retourné au Togo en 2007 et a pu y vivre sans rencontrer de problèmes
jusqu’en 2011. Le lien de causalité temporel entre les activités politiques
de son mari en 2005 et la fuite du pays de la recourante en 2011 est ainsi
rompu. Le fait que sa belle-sœur ait obtenu l’asile en Suisse n’est pas
pertinent car elle a bénéficié de cette protection en raison des événements
qui seraient survenus en 2005, alors que la recourante et son époux
s’étaient réfugiés au Bénin.
L’intéressée affirme que son mari l’a informée, après leur mariage, qu’il
recevait des menaces en raison de ses activités politiques, mais qu’il ne lui
aurait pas donné plus de détails, car il savait qu’elle s’y opposait (audition
du 26 septembre 2013 : questions 89 et 94). Cet argument ne convainc
pas. La recourant n’a pas pu donner la moindre information sur le parti créé
par son mari, ni sur son implication, ce qui est d’autant plus surprenant
qu’ils avaient déjà dû se réfugier à l’étranger du fait de l’implication politique
de son conjoint. En outre, pour que ses adversaires politiques estiment
qu’il devait être assassiné, son conjoint devait avoir une certaine notoriété.
Or la recourante n’a amené aucun élément qui permettrait de conclure que
tel était le cas. Sa sœur, à qui il aurait dit, lors d’une conversation
téléphonique, être menacé, n’a d’ailleurs pas mentionné que ces menaces
étaient dues à son implication politique.
4.6 Il résulte en outre des rapports de l’Ambassade que le mari de la
recourante n’était pas connu pour ses activités politiques et que son décès
serait lié à un règlement de compte.
L’intéressée reproche au SEM d’avoir accordé une grande importance à
ces renseignements, qui sont faux et choquants.
Le Tribunal constate que ces rapports, qui confirment le décès du recourant
et sa non-implication politiques, constituent un indice supplémentaire qui
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Page 10
viennent étayer le fait que la recourante n’a pas rendu vraisemblable que
son mari avait été assassiné en raison de son engagement politique.
4.7 Le Tribunal ne remet pas en cause le fait que l’intéressée soit
traumatisée, ainsi que l’attestent ses certificats médicaux des 10 décembre
2014, 28 avril 2015 et 27 septembre 2016, ni que la mort de son époux est
établie. Ce décès suffirait déjà à expliquer l’état de santé de la recourante
et la question de savoir si l’intéressée a été violée, dans d’autres
circonstances, peut rester ouverte. Ces événements ne sont cependant
pas pertinents en matière d’asile car ils ne reposent sur aucun motif
déterminant au sens de l’art. 3 LAsi.
4.8 Les moyens de preuve produits ne permettent pas de démontrer
l’existence des faits allégués. Les photographies prises peu avant le départ
du pays n’établissent ni le motif du décès du mari, ni le fait que l’affiche de
mise en garde aurait été laissée par des agresseurs. Les articles relatifs
aux meurtres d’opposants au Togo sont de nature générale et ne
concernent pas son mari, dont l’implication politique n’a pas été rendue
vraisemblable. Les lettres des membres de sa belle-famille reprennent ses
déclarations et sont, partant, dénuées de force probante.
4.9 La recourante allègue encore craindre une persécution réfléchie.
Néanmoins, n’ayant pas réussi à rendre vraisemblable l’implication
politique de son conjoint et n’ayant elle-même jamais milité, la recourante
ne peut pas prétendre à la qualité de réfugié.
5.
Il s’ensuit que le recours, en ce qu’il conteste le refus de la reconnaissance
de la qualité de réfugié de la recourante et le rejet de sa demande d’asile
doit être rejeté.
6.
6.1 Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière
à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en
ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille
(art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de
l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1),
lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou
d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou
d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 Cst.
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Page 11
6.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence
réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
7.
7.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission
provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par les articles 83 et 84
de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), applicable
par renvoi de l'art. 44 LAsi.
7.2 En l'espèce, par décision du 10 février 2015, le SEM a prononcé
l'admission provisoire de la recourante et de ses trois enfants en raison de
l'inexigibilité de l'exécution de leur renvoi, de sorte que cette question de
l'exécution du renvoi n'a pas à être examinée.
8.
L'assistance judiciaire totale ayant été accordée par décision incidente du
26 mars 2015, il n'y a pas lieu de percevoir des frais de procédure,
nonobstant l'issue de la cause (art. 65 al. 1 PA).
9.
La mandataire de la recourante a fourni une note d’honoraire du 13 mars
2015 d’un montant de 2’950 francs comprenant 14,25 heures à 200 francs.
Seuls les frais nécessaires étant indemnisés, le montant est réduit à 1'800
francs (art. 8 al. 2 FITAF).

(dispositif : page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
3.
Le Tribunal versera une indemnité de 1'800 francs à la recourante.
4.
Le présent arrêt est adressé à la recourante, au SEM et à l'autorité
cantonale.

La présidente du collège : La greffière :

Sylvie Cossy Annick Mbia