E-1214/2009 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile
Karar Dilini Çevir:
E-1214/2009 - Abteilung V - Asile et renvoi - Asile
Cour V
E-1214/2009
{T 0/2}
A r r ê t d u 1 e r d é c e m b r e 2 0 1 0
Jean-Pierre Monnet, juge unique,
avec l'approbation de Blaise Pagan, juge,
Isabelle Fournier, greffière.
A._______, née le (...), Serbie,
pour elle-même et son enfant B._______, née le (...),
représentée par Me Imed Abdelli, avocat,
recourante,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Renvoi ;
décision de l'ODM du 10 février 2006 / N (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
E-1214/2009
Faits :
A.
Le 13 janvier 2006, A._______ a déposé une demande d'asile en
Suisse. Le 18 janvier 2006, elle a été entendue sommairement par
l'ODM, au Centre d'enregistrement pour requérants d'asile (CERA) de
Vallorbe. L'audition sur ses motifs d'asile a eu lieu le 6 février 2006,
également devant l'ODM à Vallorbe.
En substance, la recourante a déclaré être née à C._______, en
Serbie, et être d'ethnie rom et de religion chrétienne. Sa mère et son
père se seraient séparés alors que sa mère était enceinte d'elle.
Jusqu'à l'âge de sept ans environ, elle aurait vécu avec sa mère à
Belgrade, puis aurait demandé à aller habiter chez son père, à
C._______. Alors qu'elle avait treize ou quatorze ans, elle serait
revenue vivre chez sa mère, entre temps remariée, son père ayant des
problèmes à C._______. A Belgrade, ne s'entendant pas avec le mari
de sa mère, elle aurait très vite eu de mauvaises fréquentations. Elle
serait tombée amoureuse d'un Albanais, surnommé D._______ (...),
domicilié à E._______, qui serait bientôt devenu son amant. Elle aurait
été contrainte à se prostituer à Belgrade durant quatre ans, dans le
même quartier que celui où vivait sa mère. Selon une autre version,
après deux ou trois semaines de fréquentation avec son amant, celui-
ci l'aurait emmenée au Montenegro, dans une petite maison proche de
F._______, où se trouvaient déjà trois autres filles. Là, D._______ se
serait montré sous un tout autre jour. Il l'aurait menacée avec un
couteau en lui disant qu'elle devrait désormais travailler pour lui,
comme prostituée. Elle aurait été maltraitée, et menacée à plusieurs
reprises et même violée par cette personne et son complice, un
dénommé G._______, parce qu'elle avait tenté de se révolter. Depuis
lors, elle aurait eu comme seul espoir de s'enfuir et de retrouver son
père. Alors qu'elle était âgée de seize ans (ou de dix-huit ans, selon
les versions), D._______ et G._______ l'auraient emmenée, avec les
autres filles, en Italie, où elle aurait continué à travailler pour eux.
Ayant réussi à leur insu à mettre de l'argent de côté, elle se serait
enfuie le 9 janvier 2006 pour se rendre en France, où elle aurait appris
que son père séjournait. Elle aurait été munie de faux documents
d'identité, qui lui auraient été fournis par D._______ pour son séjour
en Italie. Quelques jours plus tard, elle serait entrée clandestinement
en Suisse, en compagnie de son père, de l'épouse de ce dernier et de
leurs enfants, tous requérants d'asile déboutés en France. Ceux-ci ont
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également déposé une demande d'asile en Suisse, qui a fait l'objet
d'une procédure distincte.
B.
Par décision du 10 février 2006, l'ODM a rejeté la demande d'asile de
l'intéressée, au motif que les faits allégués n'avaient pas été rendus
vraisemblables. Il a retenu qu'elle avait fait des déclarations non
plausibles concernant le fait qu'elle ne disposerait pas de documents
d'identité et que, partant, son identité n'était pas établie et ses
déclarations, d'emblée, sujettes à caution. Il a par ailleurs considéré
que ses allégués concernant son vécu en Italie et les circonstances de
son voyage vers la France étaient contraires à la logique et à
l'expérience générale, contradictoires et inconstantes et qu'en
conséquence les abus sexuels invoqués n'étaient pas vraisemblables,
dans le contexte allégué. Par la même décision, l'ODM a prononcé le
renvoi de Suisse de la recourante et ordonné l'exécution de cette
mesure. Il a retenu que, même vraisemblables, les préjudices
redoutés, émanant de tierces personnes, ne démontraient pas l'illicéité
de cette mesure, dès lors que rien ne permettait d'affirmer que les
autorités ne seraient pas en mesure d'assurer une protection à
l'intéressée et, enfin, que l'exécution du renvoi dans son pays
d'origine, où vivaient sa mère et sa soeur, à même de l'aider dans sa
réinsertion, était raisonnablement exigible.
C.
Par acte du 13 mars 2006, la recourante a interjeté un recours contre
cette décision, en tant qu'elle ordonnait l'exécution de son renvoi,
auprès de la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA).
Elle a fait valoir qu'en tant que Rom, elle ne disposait pas de
documents d'identité et que les contradictions relevées dans ses
propos étaient explicables par la difficulté qu'elle éprouvait à rapporter
des circonstances humiliantes de sa vie personnelle. Elle a soutenu
qu'en tant que femme seule, d'ethnie rom, dépourvue de famille et de
protection, elle serait concrètement en danger en cas de retour dans
son pays d'origine.
D.
Une comparaison d'empreintes dactyloscopiques a révélé que
l'intéressée avait déjà été enregistrée en Allemagne en 1995. Selon
les données transmises par les autorités allemandes, elle serait
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arrivée dans ce pays le (...) 1995 ; sa demande d'asile aurait été
rejetée le (...) 1996 et elle aurait disparu depuis le (...) 1998.
Une autre vérification a permis d'établir que ses empreintes
correspondaient à celles d'une personne enregistrée le (...) 2000 en
Belgique, sous une identité différente [correspondant au nom et
prénom de sa soeur ; la comparaison était également positive pour
son père et les membres de sa famille].
E.
Par arrêt du 18 mai 2007, le Tribunal administratif fédéral (TAF),
compétent depuis janvier 2007 pour traiter les affaires pendantes
auprès de la CRA au 31 décembre 2006, a rejeté le recours introduit
par le père de la recourante, son épouse et leurs enfants mineurs
contre la décision de l'ODM, du 10 février 2006, rejetant leur demande
d'asile du 13 janvier 2005, ordonnant leur renvoi de Suisse et
ordonnant l'exécution de cette mesure. Une demande de
reconsidération de la décision précité de l'ODM a été déposée le
9 juillet 2007, laquelle est encore en suspens.
F.
Le 7 octobre 2008, l'autorité compétente du canton d'attribution de la
recourante a signalé que celle-ci avait disparu depuis le 30 juillet
2008.
Par décision du 13 octobre 2008, le TAF a rayé l'affaire du rôle.
G.
Le 30 octobre 2008, l'autorité compétente a signalé que l'intéressée
avait réapparu.
Par arrêt du 18 février 2009, le TAF a admis la demande déposée le
10 novembre 2008 par la recourante, sollicitant la réouverture de la
procédure de recours classée par décision du 13 octobre 2008.
H.
Le 18 mars 2009, la recourante a donné naissance à une fille,
B._______.
I.
Lors d'une interpellation par la police judiciaire du canton de
H._______, le 22 mai 2009, la recourante a reconnu être l'auteur d'une
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quinzaine de cambriolages ; selon les déclarations faites par
l'intéressée à la police, le coauteur de l'un d'eux serait son "ex-mari". A
cette occasion, elle a déclaré être mère, outre de sa fille née en
Suisse, de trois enfants qui vivraient en Serbie avec leur père.
J.
Par ordonnance du 12 novembre 2009, la recourante a été invitée à se
déterminer sur les contradictions existant entre ses allégations en
cours de procédure et les données ressortant soit des résultats de
comparaisons d'empreintes dactyloscopiques (cf. let. D), soit du
procès-verbal de son interrogatoire par la police (cf. let. I). Elle a
également été avisée du fait que le Tribunal se réservait de faire
application de l'art. 83 al. 7 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur
les étrangers (LEtr, RS 142.20), vu les infractions pour lesquelles elle
avait été dénoncée.
K.
La recourante s'est déterminée par courrier du 14 décembre 2009. Elle
n'a pas contesté avoir vécu en Allemagne et en Belgique, mais a
précisé que c'était "à un moment où [elle] était encore mineure, soit
dépendante dans ses choix d'autres personnes". S'agissant des
infractions reprochées, elle a fait valoir que la procédure pénale n'était
pas close et qu'il ne pouvait en être tenu compte sans connaître l'issue
de celle-ci et, par ailleurs, qu'il y avait lieu de prendre en compte
qu'elle se trouvait, à l'époque, dans une situation personnelle
particulièrement difficile. Elle a confirmé qu'elle avait été contrainte à
la prostitution et qu'elle demeurait une personne particulièrement
fragile en raison des circonstances vécues. S'agissant de son "ex-
mari", elle a précisé qu'elle ne s'était pas officiellement mariée avec
lui, mais qu'il s'agissait d'une union coutumière. Elle a soutenu que le
fait qu'elle soit déjà mère de quatre enfants à son âge, sans pouvoir
les faire reconnaître par leurs pères respectifs ni partager une vie
normale avec eux, démontrait le désarroi dans lequel elle se trouvait.
L.
Le 31 août 2010, l'Office cantonal de l'état civil du canton de domicile
de la recourante a saisi, en application de la loi sur l'asile, plusieurs
documents émanant d'autorités de la commune de C._______, à
savoir un extrait d'acte de naissance ainsi qu'une attestation de
nationalité, délivrés le 24 juin 2009 et une attestation de célibat datée
du 17 juillet 2010.
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M.
Les autres faits ressortant du dossier seront évoqués si nécessaire
dans les considérants qui suivent.
Droit :
1.
1.1 En vertu de l'art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au
sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la
procédure administrative (PA, RS 172.021). En particulier, les
décisions rendues par l'ODM concernant l'asile - lesquelles n'entrent
pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF - peuvent être
contestées devant le Tribunal (cf. art. 33 let. d LTAF et art. 105 LAsi).
Partant, les recours contre de telles décisions, pendants au
31 décembre 2006 devant l'ancienne Commission suisse de recours
en matière d'asile (CRA), sont également traités par le Tribunal (cf. art.
53 al. 2 phr. 1 LTAF). Celui-ci est donc compétent pour connaître du
présent litige. Il statue de manière définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1 de la
loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 La recourante a qualité pour recourir (cf. art. 48 PA, dans sa
version en vigueur au moment du dépôt du recours). Présenté dans la
forme (cf. art. 52 PA) et le délai (cf. art. 50 PA, dans sa version en
vigueur au moment du dépôt du recours) prescrits par la loi, le recours
est recevable.
1.3 Le nouveau droit de procédure s'applique (cf. art. 53 al. 2 phr. 2
LTAF). La procédure devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant
que ni la LTAF ni la LAsi n'en disposent autrement (cf. art. 37 LTAF, art.
6 LAsi).
2.
2.1 La recourante n’a pas recouru contre la décision de l'ODM en tant
qu'elle refusait de lui reconnaître la qualité de réfugiée et rejetait sa
demande d'asile, de sorte que, sur ces points, la décision du 10 février
2006 a acquis force de chose décidée.
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3.
3.1 Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la
procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose
d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait
l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi
conformément à l’art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril
1999 (Cst., RS 101).
3.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
4.
4.1 L’exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite,
raisonnablement exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi). Si ces
conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être
prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 de la loi fédérale sur les
étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20), entrée en vigueur
le 1er janvier 2008. Cette disposition a remplacé l'art. 14a de
l'ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement
des étrangers (LSEE).
4.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son
Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux
engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3
LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière
que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité cor-
porelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à
l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se
rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3
de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101).
4.3 L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement
exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine
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ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas
de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité
médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
4.4 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas
quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un
Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
5.
5.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv.
torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté
fédéral sur la procédure d'asile (APA), du 25 avril 1990, in: FF 1990 II
624).
5.2 En l'occurrence, l'exécution du renvoi ne contrevient pas au
principe de non-refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut,
l'ODM n'a pas reconnu la qualité de réfugiée de la recourante et cette
dernière n'a pas contesté la décision sur ce point.
5.3 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant
du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce.
5.3.1 Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements
inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment de la
reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore
qu'un renvoi ou une extradition serait prohibée par le seul fait que
dans le pays concerné des violations de l'art. 3 CEDH devraient être
constatées ; une simple possibilité de subir des mauvais traitements
ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette
disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un risque réel,
fondé sur des motifs sérieux et avérés, d'être victime de tortures ou
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encore de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans
son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de
troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de
violations des droits de l'homme ne suffit en principe pas (hormis des
cas exceptionnels de violence d'une extrême intensité) à justifier la
mise en oeuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la
personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait
visée personnellement - et non pas simplement du fait d'un hasard
malheureux - par des mesures incompatibles avec la disposition en
question (Jurisprudence et informations de la Commission suisse de
recours en matière d’asile [JICRA] 1996 n° 18 consid. 14b let. ee
p. 186s; cf. également arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme en l'affaire en l'affaire F.H. c/Suède du 20 janvier 2009,
requête n° 32621/06 et en l'affaire Saadi c/Italie du 28 février 2008,
requête n° 37201/06).
5.3.2 En l'occurrence, la recourante a fait valoir en substance, comme
motif de sa demande de protection, qu'elle avait été contrainte à la
prostitution par deux hommes auxquels elle avait réussi à échapper et
qu'elle redoutait leurs représailles.
5.3.3 La maxime d'office, applicable en procédure administrative,
trouve sa limite dans l'obligation qu'a la partie de collaborer à
l'établissement des faits qu'elle est le mieux placée pour connaître
(cf. JICRA 1995 no 18 p. 183 ss et Message APA, FF 1990 II 579 s).
Cette obligation de collaborer est expressément ancrée à l'art. 13 PA
et à l'art. 8 LAsi. Lorsque la partie attend un avantage de la décision
qui doit être prise, il lui incombe, lorsque les preuves font défaut ou si
l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille,
de fournir, en vertu du principe général du droit sur la répartition du
fardeau de la preuve qui trouve notamment son expression à l'art. 8 du
Titre préliminaire du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC,
RS 210), les preuves des faits dont elle entend déduire un droit, à
défaut de quoi elle en supporte les conséquences (cf. ATF 125 V 193
consid. 2, ATF 122 II 385 consid. 4c/cc, ATF 114 Ia 1 consid. 8c ;
JAAC 60.52 consid. 3.2). Lorsque l'autorité, malgré la coopération de
la partie et les mesures compensatoires prises, n'est pas en mesure
d'établir les faits pertinents à satisfaction de droit, elle n'a pas d'autre
choix que de statuer en l'état du dossier. Par conséquent, si la partie
requérante ne parvient pas à prouver un fait à son avantage ou, du
moins, à en rendre l'existence vraisemblable, elle doit en supporter les
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conséquences ; la maxime inquisitoire ne modifie pas la répartition du
fardeau de la preuve (cf. CHRISTOPH AUER, no 16 ad art. 12 PA in :
Auer / Müller / Schindler [Hrsg.], VwVG, Kommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, Zurich / Saint-Gall
2008, p. 197, et doctrine citée ; CLÉMENCE GRISEL, L'obligation de
collaborer des parties en procédure administrative,
Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 288-292).
5.3.4 Dans le présent cas, il est établi que la recourante a fait, au
cours de la procédure, un certain nombre de déclarations
mensongères et qu'elle a notamment caché le fait qu'elle avait
séjourné en tant qu'adolescente dans d'autres pays d'Europe. Par
ailleurs, elle n'a jamais déclaré, dans le cadre de la présente
procédure, qu'elle serait, ainsi qu'il ressort du rapport de police faisant
suite aux brigandages dont elle est accusée (cf. let. I), mère de trois
enfants vivant en Serbie, en sus de sa fille née en Suisse. Au
contraire, elle a déclaré n'avoir jamais été enceinte (cf. pv de l'audition
sur les motifs p. 14). Ces enfants seraient, toujours selon ses
déclarations devant la police, tous de même père et seraient nés au
début des années 2000, soit à une époque où, selon ses allégations
en procédure d'asile, elle aurait vécu avec l'homme dont elle serait
tombée amoureuse et qui l'aurait par la suite forcée à la prostitution,
en Serbie, au Montenegro et en Italie. Cependant, si l'on se réfère aux
résultats des comparaisons d'empreintes dactyloscopiques, elle aurait
séjourné pratiquement à la même époque en Belgique.
Dans ces conditions, force est de constater qu'il est impossible de
distinguer, dans les propos de la recourante, le faux du vrai, si tant est
que certains éléments de son récit correspondent à la vérité. La seule
explication, selon laquelle son addiction à la drogue et son vécu
traumatique excuseraient les contradictions relevées dans ses propos
ou son impossibilité à livrer un récit un tant soit peu cohérent ne suffit
pas à lever les doutes émis par l'ODM quant à la vraisemblance de
son récit. Partant, le Tribunal considère que la recourante n'a pas
établi à satisfaction, comme il lui appartient de le faire, l'existence d'un
risque sérieux et concret qu'elle soit victime de traitements prohibés
en cas de retour dans son pays d'origine.
5.4 Dès lors, l'exécution du renvoi de la recourante sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
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du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et
83 al. 3 LEtr).
6.
6.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en
premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne
remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne
sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations
de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux
personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en
danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins
dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc
dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation
dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après
l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloigne-
ment de Suisse (JICRA 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée ; 1998 n° 22
p. 191).
6.2 Il est notoire que la Serbie ne connaît pas une situation de guerre,
de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d’emblée -
et indépendamment des circonstances du cas d’espèce - de présumer,
à propos de tous les ressortissants du pays, l’existence d’une mise en
danger concrète au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr.
6.3 La recourante fait valoir qu'en cas d'exécution du renvoi, elle
n'aurait nulle part où aller et se trouverait dès lors dans une situation
d'extrême vulnérabilité, contrainte de retomber dans la prostitution.
Cependant, la recourante a indiqué que sa mère habitait en Serbie, et
sur ce point ses déclarations sont constantes. Même si elle a déclaré
n'avoir jamais revu sa mère depuis son départ avec D._______, elle l'a
contactée pour avoir l'adresse de son père et elle ne prétend pas que
celle-ci, ou sa soeur, ne seraient pas disposées à l'aider. Elle ne
saurait ainsi affirmer qu'elle est "sans famille". Au demeurant, vu les
déclarations mensongères faites par la recourante en cours de
procédure, le Tribunal est autorisé à penser qu'elle possède encore
dans son pays d'origine un réseau familial ou social qui pourrait la
soutenir, elle et son enfant. D'ailleurs, l'Office de l'Etat civil a confisqué
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récemment des documents établis dans la commune où elle serait
née, ce qui prouve qu'elle a encore des liens dans cette localité ou
qu'à tout le moins les autorités ne refuseraient pas de lui établir des
documents malgré son origine rom, contrairement à ce qu'elle avait
soutenu dans son recours. Enfin, elle pourrait, cas échéant, obtenir
une aide de son père ou d'autres membres de sa famille, qui selon les
informations du Tribunal se trouvent encore en Suisse, où ils ont
déposé une demande de réexamen.
6.4 Au vu de ce qui précède, l’exécution du renvoi doit être considérée
comme raisonnablement exigible.
7.
Enfin, la recourante est en possession de documents suffisants pour
rentrer dans son pays ou, à tout le moins, en mesure d'entreprendre
toute démarche nécessaire auprès de la représentation de son pays
d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage lui permettant
de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des
obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également
possible (cf. art. 83 al. 2 LEtr).
8.
8.1 Cela étant, l'exécution du renvoi doit être déclarée conforme aux
dispositions légales.
8.2 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Manifestement infondé au
moment du présent prononcé, il peut être rejeté dans une procédure à
juge unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e de la
loi sur l'asile du 26 juin 1998 [LAsi, RS 142.31]).
9.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge de la recourante, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et
3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens
et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
de la recourante. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal
dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé au mandataire de la recourante, à l'ODM
et à l'autorité cantonale compétente.
Le juge unique : La greffière :
Jean-Pierre Monnet Isabelle Fournier
Expédition :
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