Draniceru c. République de Moldova (déc.)
Karar Dilini Çevir:
Draniceru c. République de Moldova (déc.)

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 226
Février 2019
Draniceru c. République de Moldova (déc.) - 31975/15
Décision 12.2.2019 [Section II]
Article 35
Article 35-1
Épuisement des voies de recours internes
Recours interne effectif
Effectivité d’un nouveau recours pour les conditions matérielles de détention : irrecevable
En fait – Par sa requête déposée en 2015, le requérant se plaint de ses conditions de détention.
À la suite de l’arrêt Shishanov c. République de Moldova (11353/06, 15 septembre 2015, Note d’information 188), le parlement moldave a adopté deux lois (no 163 et no 272) instituant, entre autres, une nouvelle voie de recours en matière de conditions de détention. Ces deux lois ont été publiées le 20 octobre 2017 et le 12 décembre 2018 respectivement, et les dispositions relatives au nouveau recours sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.
En droit – Article 35 § 1 : Même si l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie en principe à la date d’introduction de la requête, cette règle connaît des exceptions qui peuvent se justifier par les circonstances d’une affaire donnée, en particulier lorsqu’une voie de recours a été instaurée à la suite d’un arrêt de la Cour, comme c’est le cas dans la cause du requérant.
a) Examen de l’effectivité de la nouvelle voie de recours, sur la base des dispositions légales – Pour les raisons exposées ci-après, la Cour estime que la nouvelle voie de recours présente, en principe, des perspectives de redressement approprié des violations de la Convention résultant des mauvaises conditions de détention. Toutefois, s’agissant d’un recours qui n’est disponible que depuis peu, la présente analyse de la Cour est nécessairement opérée sur la base des dispositions légales. La conclusion qui précède ne préjuge donc en rien, le cas échéant, d’un éventuel réexamen de la question à la lumière des décisions rendues par les juridictions nationales et de leur exécution effective.
La Cour observe d’abord avec satisfaction :
– que la procédure relative au nouveau recours se déroule devant un juge qui présente les garanties d’indépendance et d’impartialité, ainsi que toutes les autres garanties associées à une procédure judiciaire contradictoire, et dont les décisions sont contraignantes pour les autorités administratives compétentes et d’exécution immédiate ;
– que la charge de la preuve pesant sur le détenu n’apparaît pas excessive ;
– que le juge doit, pour évaluer les conditions de détention, tenir compte des principes élaborés par la Cour ;
– que la durée de trois mois accordée au juge pour rendre sa décision n’est pas déraisonnable ; cependant, les juges devront veiller au respect strict de ce délai et, lorsque les circonstances appellent une célérité particulière, ils devront même traiter l’affaire dans un délai plus court (comparer avec Atanasov et Apostolov c. Bulgarie (déc.), 65540/16 et 22368/17, 27 juin 2017, Note d’information 209).
La Cour examine ensuite les mesures préventives ou compensatoires qui peuvent être obtenues par l’exercice de la nouvelle voie de recours.
i. Volet préventif – Il ressort des nouvelles dispositions que le juge peut ordonner à l’établissement pénitentiaire de redresser la situation dans un délai maximal de quinze jours ; à l’issue de ce délai, l’administration pénitentiaire doit informer le juge des mesures concrètes prises. Rien n’indique que le nouveau recours n’offrira pas des chances réelles d’améliorer les conditions inadéquates de détention ou qu’il ne sera pas susceptible de fournir aux détenus une possibilité effective de rendre ces conditions conformes aux exigences de l’article 3 de la Convention.
La Cour invite instamment les autorités moldaves, et plus particulièrement les juridictions internes, à réduire le recours à la détention provisoire et à élargir l’utilisation des mesures alternatives à la détention (comparer avec Ananyev et autres c. Russie, 42525/07 et 60800/08, 10 janvier 2012, Note d'information 148).
ii. Volet compensatoire – Les nouvelles dispositions se présentent comme suit :
– Pour les personnes détenues en exécution d’une peine, les formes de compensation offertes sont : i) une réduction de la peine, à raison de un à trois jours de remise de peine pour dix jours de détention dans des conditions inadéquates ; ii) lorsque la remise de peine n’apporte pas une compensation suffisante ou lorsque la détention dans des conditions inadéquates est inférieure à dix jours, un dédommagement pécuniaire d’un montant maximal de 100 lei moldaves (soit environ 5,10 EUR au 1er janvier 2019) pour chaque jour de détention dans des conditions inadéquates.
– Pour les personnes en détention provisoire, le tribunal qui fixe l’éventuelle peine privative de liberté réduira la peine infligée de deux jours pour chaque jour de détention provisoire dans de mauvaises conditions. En cas d’impossibilité, le détenu pourra rechercher un dédommagement en engageant une action civile.
De plus, il ressort de ces dispositions que l’octroi d’une compensation pour les mauvaises conditions de détention n’est pas assujetti à l’existence d’une conduite illicite de la part des responsables ou des autorités spécifiques.
La Cour n’estime pas déraisonnable le montant maximal prévu de 5,10 EUR par jour de détention dans de mauvaises conditions. Il est vrai que le droit moldave ne prévoit pas de limite inférieure quant au montant de l’indemnisation à allouer. Cela étant, la Cour ne saurait en déduire que les tribunaux moldaves ne parviendront pas à établir une jurisprudence cohérente et uniforme compatible avec sa jurisprudence.
b) Obligation immédiate d’épuiser la nouvelle voie de recours interne – Le recours nouvellement institué est ouvert aux personnes condamnées ou placées en détention provisoire, ainsi que – sous réserve du respect des délais impartis – aux personnes remises en liberté. De plus, les personnes qui ont une requête pendante devant la Cour se voient offrir un délai de quatre mois à partir du 1er janvier 2019 pour l’exercer.
En l’espèce, il incombe donc au requérant d’exercer dès à présent le nouveau recours. Il pourra, le cas échant, présenter ensuite une nouvelle requête à la Cour au vu de la décision qui sera rendue. Il en va de même pour toute personne se trouvant dans la même situation.
Conclusion : irrecevable (non-épuisement des voies de recours internes).
(Voir aussi Stella et autres c. Italie (déc.), 49169/09 et al., 16 septembre 2014, Note d’information 177, et Domján c. Hongrie (déc.), 5433/17, 14 novembre 2017, Note d’information 212)
 
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Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
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