D-6744/2006 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 9 mai 2003 ...
Karar Dilini Çevir:
D-6744/2006 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 9 mai 2003 ...
Cour IV
D-6744/2006 et D-6745/2006
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 4 n o v e m b r e 2 0 0 8
Gérald Bovier (président du collège),
Robert Galliker, Thomas Wespi, juges,
Alain Romy, greffier.
A._______,
B._______, et leur fils
C._______,
Bosnie et Herzégovine,
représentés par D._______,
recourants,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile et renvoi ; décisions de l'ODM du 9 mai 2003 / (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
D-6744/2006 et D-6745/2006
Faits :
A.
L'intéressée et son fils sont entrés illégalement en Suisse le
4 janvier 2003 et ont déposé, le même jour, une demande d'asile.
B.
Entendue sur ses motifs d'asile les 9 janvier et 17 février 2003,
l'intéressée, ressortissante bosniaque d'ethnie rom originaire de la
commune de E._______, sise actuellement dans la Fédération croato-
musulmane de Bosnie (la Fédération), a déclaré qu'elle avait fui en
(...) son pays en raison de la situation de guerre pour se rendre avec
sa famille en F._______ afin d'y requérir protection. En (...), elle aurait
quitté volontairement F._______ pour regagner sa commune d'origine
en compagnie de sa famille. Ils y auraient été l'objet de
discriminations, son fils n'ayant pas un accès libre à l'école ou s'y
faisant régulièrement molester. De plus, ils auraient été victimes de
racket de la part des habitants musulmans du village voisin qui leur
auraient reproché, ainsi qu'aux Roms en général, d'avoir fui la guerre
alors qu'eux étaient restés pour se battre. Ceux-ci, la plupart étant
cagoulés ou masqués, se seraient rendus à plusieurs reprises au
domicile familial de l'intéressée afin de lui réclamer de l'argent. Ils en
auraient profité pour lui voler divers biens et de la nourriture. A fin (...),
ils auraient menacé de la violer devant son fils si elle ne leur remettait
pas de l'argent. La requérante et sa famille auraient tenté plusieurs
fois d'obtenir la protection des policiers de E._______, mais ceux-ci
auraient refusé de leur venir aide, les dénigrant en raison de leur
origine ethnique et leur crachant dessus. Par ailleurs, l'intéressée,
atteinte dans sa santé, n'aurait pas eu accès aux soins, toujours en
raison de son origine ethnique. Craignant pour la vie de son fils, elle
aurait quitté son pays en compagnie de ce dernier le (...) au moyen
des services d'un passeur qui les aurait déposés en Suisse le (...). Les
places disponibles étant limitées, son mari n'aurait pas pu les
accompagner.
A l'appui de sa demande, elle a déposé un extrait de presse daté du
(...) relatant la situation des Roms à E._______ et dans lequel
apparaît le nom de (...). Elle a par ailleurs produit deux rapports
médicaux établis les 25 mars et 15 avril 2003 dont il ressort qu'elle
souffre d'un état dépressif chronique, d'un état de stress post-
traumatique (PTSD) et de divers troubles somatiques, son état de
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santé nécessitant un suivi psychiatrique et un traitement
médicamenteux.
C.
Le fils de l'intéressée, entendu sur ses motifs d'asile aux même dates,
a pour l'essentiel repris et confirmés les dires de sa mère. Il a ajouté
qu'il n'avait pas pu se rendre à l'école à E._______, étant chaque fois
pris à partie par les autres enfants. De même, lorsqu'il se rendait en
ville, il était injurié et molesté par des habitants musulmans. Il a
précisé qu'il n'avait exercé aucune activité politique et qu'il n'avait pas
connu de problèmes avec les autorités de son pays.
D.
L'intéressé est entré en Suisse illégalement le 17 février 2003 et a
déposé, le même jour, une demande d'asile.
E.
Entendu sur ses motifs d'asile les 21 février et 28 mars 2003,
l'intéressé, également ressortissant bosniaque d'ethnie rom originaire
de la commune de E._______, a déclaré qu'à son retour F._______,
sa famille avait été l'objet de menaces, d'injures et de mauvais
traitements de la part de leurs voisins musulmans, qui leur auraient
également volé de l'argent. Il aurait été battu à plusieurs reprises chez
lui ou au domicile de son fils jusqu'à ce qu'il donne de l'argent à ses
agresseurs. Comme ceux-ci n'étaient pas identifiables, la police
n'aurait pu entreprendre aucune poursuite. De plus, la police locale
n'aurait pas donné suite aux plaintes déposées. Enfin, bien que
souffrant de problèmes de santé, il n'aurait pas pu obtenir des soins
en raison de son origine ethnique.
A l'appui de sa demande, il a produit un rapport médical établi le
23 avril 2003 dont il ressort qu'il souffre (...). Son (...) ainsi que (...)
nécessitent un traitement régulier et une surveillance médicale assez
complexe.
F.
Par décisions du 9 mai 2003, l'Office fédéral des réfugiés (ODR,
actuellement l'Office fédéral des migrations, ci-après ODM) a rejeté les
demandes d'asile des intéressés aux motifs que leurs déclarations ne
satisfaisaient pas aux exigences légales requises pour la recon-
naissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 de la loi sur l'asile
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du 26 juin 1998 (LAsi, RS 142.31). Il a par ailleurs prononcé leur
renvoi de Suisse et ordonné l'exécution de cette mesure.
Cet office a relevé que les préjudices invoqués étaient le fait de tiers et
qu'elles devaient être replacées dans le contexte difficile de l'après-
guerre. S'agissant des personnes qui ont refusé à la requérante de lui
procurer des soins, l'ODM observe qu'elle a la possibilité de déposer
plainte contre elles. Quant à l'attitude de la police locale, il admet que
les personnes appartenant à la minorité rom font parfois l'objet de
discriminations de la part des autorités bosniaques, mais il retient que
les préjudices allégués n'atteignent pas un degré d'intensité suffisant
pour être déterminants au sens de la disposition précitée. Il a d'autre
part retenu que l'exécution du renvoi des intéressés était licite,
raisonnablement exigible et possible. En ce qui concerne l'état de
santé des intéressés, l'ODM considère que ceux-ci pourront bénéficier
dans leur pays des traitements adéquats, quitte à requérir une aide au
retour.
G.
Par acte du 12 juin 2003, les intéressés ont recouru contre les
décisions précitées auprès de la Commission suisse de recours en
matière d'asile (la Commission), autorité de recours de dernière
instance compétente en la matière jusqu'au 31 décembre 2006. Ils ont
conclu à leur annulation et à l'octroi de l'asile, subsidiairement à leur
admission provisoire. Ils ont en outre requis la jonction des causes
ainsi que l'assistance judiciaire partielle. Ils se réfèrent à leurs
déclarations et affirment qu'elles sont fondées et qu'ils encourent de
sérieux préjudices en cas de renvoi. Ils soutiennent que les préjudices
subis dans leur pays impliquent la responsabilité de l'État et ils
affirment qu'ils étaient dans l'impossibilité de trouver quelqu'un pour
prendre leur défense au vu de la discrimination des Roms en Bosnie.
Dans ces conditions, ils estiment qu'ils n'avaient plus d'autre
possibilité que la fuite à l'étranger. Ils font en outre valoir qu'ils
souffrent de graves problèmes de santé et soutiennent qu'ils ne
pourront pas obtenir dans leur pays le suivi médical et les traitements
médicamenteux dont ils ont besoin.
H.
Par décision incidente du 8 juillet 2003, le juge de la Commission
chargé de l'instruction a prononcé la jonction des causes, rejeté la
demande d'assistance judiciaire partielle et imparti aux recourants un
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délai de quinze jours pour verser un montant de 800 francs à titre
d'avance de frais.
Les recourants ont versé la somme requise le 22 juillet 2003.
I.
Le 24 juillet 2003, les recourants ont déposé un certificat médical du
21 juillet 2003 dont il ressort que l'état de santé physique de
l'intéressée s'est détérioré, en ce sens qu'un examen (...) a démontré
la nécessité d'une opération chirurgicale en raison (...).
J.
Dans sa détermination du 30 juillet 2003, communiquée aux
recourants le lendemain sans droit de réplique, l'ODM a proposé le
rejet du recours. Il considère que celui-ci ne contient aucun élément ou
moyen de preuve nouveau susceptible de modifier son point de vue.
K.
Le 31 août 2006, les recourants ont déposé six rapports médicaux,
datés des 18 et 25 août 2006 relatifs à leurs états de santé respectifs.
L'intéressée présente principalement un PTSD ayant évolué vers un
état dépressif récurrent. Elle souffre également de (...), ayant dû subir
(...) opérations en (...). Elle suit une psychothérapie et divers
traitements médicamenteux. Quant à l'intéressé, il souffre (...) et d'un
état dépressif sévère sans symptômes psychotiques. Il suit également
une psychothérapie et divers traitements médicamenteux. Un retour
dans son pays constituerait un facteur de stress extrême, conduisant à
la décompensation des maladies dont il souffre. Le risque d'un
passage à l'acte auto-agressif suicidaire, sur le mode impulsif,
deviendrait très élevé.
L.
Dans une nouvelle détermination du 13 octobre 2006, l'ODM a relevé
que, même si les personnes d'ethnie rom peuvent faire l'objet de
discriminations de la part de la population et des autorités bosniaques,
en particulier lors de leur retour au pays, il ne saurait toutefois être
question d'une absence générale de volonté et de capacité de
protection des autorités à l'égard des membres des minorités
ethniques en Bosnie. Il rappelle à cet égard que le Conseil fédéral
considère la Bosnie et Herzégovine comme un pays sûr (safe country)
depuis le 1er août 2003 et que depuis cette date aucune évolution
négative n'a été constatée, alors que ce pays a réalisé des progrès
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sensibles en matière de protection des minorités ethniques. L'ODM
observe par ailleurs que ce pays dispose des instruments de
protection efficaces (police, système légal et judiciaire) qui permettent
de mener une réelle poursuite pénale. Il relève enfin les moyens d'agir
dont dispose chaque citoyen – indépendamment de son appartenance
ethnique – qui se sent lésé par le comportement de la police ou d'un
médecin. Dans ces conditions, il estime que, même s'il y a encore des
atteintes aux droits des minorités en Bosnie, une forme de protection,
même si elle est imparfaite, est disponible et il ajoute que l'on peut
raisonnablement attendre des recourants qu'ils entreprennent les
démarches requises pour obtenir cette protection, le cas échéant en
dénonçant les manquements de certains policiers.
S'agissant des problèmes de santé des recourants, il considère qu'ils
ne constituent pas un obstacle à l'exécution du renvoi, dans la mesure
où ces affections sont traitables dans leur pays d'origine. Il relève en
outre que les intéressés disposent de documents d'identité et
possèdent une maison à E._______, soit autant d'atouts pour une
réinstallation dans leur pays.
M.
Invités à se prononcer sur la détermination de l'ODM, les recourants
ont, par courrier du 1er novembre 2003, maintenu leurs conclusions. Ils
exposent qu'il n'est pas exclu que les personnes cagoulées qui les ont
persécutés, pris en premier lieu pour des voisins, aient été en fait des
fonctionnaires. Dès lors, ils soutiennent que les préjudices subis
engagent clairement la responsabilité des autorités. Ils font en outre
valoir que compte tenu de leur manque de formation, de l'hostilité
affichée par les policiers et de la discrimination des Roms en Bosnie,
ils n'avaient pas la possibilité de trouver de l'aide auprès d'un avocat
ou d'une institution proposant un soutien juridique pour soumettre leur
cas à une autorité de médiation. En ce qui concerne leur état de
santé, ils se réfèrent à la situation sanitaire dans leur pays telle qu'elle
est exposée dans la jurisprudence de la Commission, et font valoir
qu'au vu de la complexité et de la gravité de leurs problèmes
médicaux et compte tenu de leur origine ethnique, ils ne pourront pas
obtenir dans leur pays les traitements et suivis médicaux dont ils ont
besoin sur le long terme.
N.
Le 30 juillet 2008, les recourants ont déposé des rapports médicaux
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actualisés, datés des 9, 11, 24 et 25 juillet 2008. D'une manière
générale, il en ressort que l'état de santé des intéressés ne s'est pas
amélioré, voire s'est détérioré. Ils ont toujours besoin d'une
psychothérapie, d'un suivi médical et de traitements médicamenteux.
O.
Les autres faits et arguments de la cause seront évoqués, si néces-
saire, dans les considérants en droit ci-dessous.
Droit :
1.
1.1 En vertu de l'art. 53 al. 2 de la loi sur le Tribunal administratif fédé-
ral du 17 juin 2005 (LTAF, RS 173.32), les recours encore pendants au
31 décembre 2006 devant les commissions fédérales de recours en
particulier sont traités par le Tribunal administratif fédéral (le Tribunal)
dans la mesure où celui-ci est compétent et sont jugés sur la base du
nouveau droit de procédure.
1.2 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal
connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi
fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA,
RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 et à
l'art. 34 LTAF (art. 31 LTAF).
1.3 Il statue de manière définitive sur les recours formés contre les
décisions rendues par l'ODM en matière d'asile et de renvoi de Suisse
(art. 105 en relation avec l'art. 6a al. 1 LAsi, art. 33 let. d LTAF et
art. 83 let. d ch. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF,
RS 173.110] ; ATAF 2007/7 consid. 1.1 p. 57).
1.4 Il examine librement en la matière le droit public fédéral, la consta-
tation des faits et l'opportunité, sans être lié par les arguments invo-
qués à l'appui du recours (art. 106 al. 1 LAsi et art. 62 al. 4 PA par ren-
voi de l'art. 6 LAsi et de l'art. 37 LTAF) ni par la motivation retenue par
l'autorité de première instance (cf. dans le même sens Jurisprudence
et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile
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[JICRA] 2002 n° 1 consid. 1a p. 5, JICRA 1994 n° 29 consid. 3
p. 206s.). Il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que
ceux invoqués devant lui ou rejeter un recours en adoptant une argu-
mentation différente de l'autorité intimée.
1.5 Il tient compte par ailleurs de la situation dans l'État concerné et
des éléments tels qu'ils se présentent au moment où il se prononce
(cf. notamment arrêts du Tribunal administratif fédéral D-3659/2006 du
20 mars 2008, D-4462/2006 du 12 mars 2008, D-7239/2007 du
28 janvier 2008 et D-8736/2007 du 11 janvier 2008 ; cf. également
dans ce sens JICRA 2000 n° 2 consid. 8 p. 20ss, JICRA 1997 n° 27
consid. 4f p. 211, JICRA 1995 n° 5 consid. 6a p. 43, JICRA 1994 n° 6
consid. 5 p. 52). Il prend ainsi en considération l'évolution de la situa-
tion intervenue depuis le dépôt de la demande d'asile.
2.
Les intéressés ont qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA) et leur re-
cours, respectant les exigences légales en la matière (art. 50 aPA
dans sa version introduite le 1er juin 1973, en vigueur jusqu'au
31 décembre 2006, et art. 52 PA), est recevable.
3.
3.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur État d'origine ou
dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux
préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de
leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe so-
cial déterminé ou de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont
notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en dan-
ger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les
mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a
lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3
al. 2 LAsi).
3.2 Selon l'art. 7 LAsi relatif à la preuve de la qualité de réfugié, qui-
conque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre
vraisemblable qu'il est un réfugié (al. 1). La qualité de réfugié est vrai-
semblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement pro-
bable (al. 2). Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations
qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui
sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui repo-
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sent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsi-
fiés (al. 3).
4.
4.1 En l'espèce, les intéressés n'ont pas démontré que les exigences
légales et jurisprudentielles requises pour la reconnaissance de la
qualité de réfugié et l'octroi de l'asile étaient remplies. Leur recours ne
contient, sur ces points, ni arguments ni moyens de preuve suscep-
tibles de remettre en cause le bien-fondé de la décision querellée.
4.2 En effet, les persécutions invoquées auraient été commises par
des tiers, à savoir principalement des habitants musulmans du village
voisin. Or, de tels actes ne revêtent un caractère déterminant pour la
reconnaissance de la qualité de réfugié et l'octroi de l'asile que si l'État
n'accorde pas la protection nécessaire, comme il en la capacité et
l'obligation. A cet égard, les intéressés allèguent qu'ils ont vainement
cherché à s'adresser aux policiers de E._______, lesquels auraient
non seulement refusé de donner suite à leurs plaintes, mais en plus
les auraient dénigrés en raison de leur origine ethnique et leur
auraient craché dessus. Outre le fait qu'il ne s'agit-là que d'une simple
affirmation de leur part, étayée par aucun élément concret, il convient
de relever, à l'instar de l'ODM dans son préavis du 13 octobre 2006,
que les recourants avaient la possibilité de se plaindre de l'attitude des
policiers locaux auprès d'autres autorités, qu'elles soient
administratives, politiques, policières ou judiciaires. En outre, comme
également relevé par l'ODM, ils auraient également pu s'adresser à
l'une des nombreuses organisations non gouvernementales (ONG)
présentes en Bosnie. L'explication des recourants, selon laquelle, en
raison de leur manque de formation, ils n'auraient pas eu la possibilité
de déposer valablement plainte auprès des autorités (cf. observations
du 1er novembre 2006) n'est pas convaincante. En effet, malgré leur
manque de formation, les intéressés ont notamment été capables
d'organiser leurs voyages à destination de F._______ en (...) et de la
Suisse en (...). De même, l'intéressé a collaboré à l'entreprise (...) de
son fils. Dans ces conditions, on peut admettre qu'ils étaient en
mesure de se renseigner et de contacter d'autres autorités, locales ou
régionales, voire nationales. Or, même en considérant la situation
parfois difficile dans laquelle se trouve la minorité rom en Bosnie, rien
n'indique que dites autorités auraient refusé d'intervenir ou qu'elles ne
pourraient et voudraient le faire. Dès lors, il leur incombe de s'adresser
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en premier lieu aux autorités de leur pays, hormis les forces de l'ordre
locales. La protection internationale ne revêt qu'un caractère
subsidiaire par rapport à la protection nationale lorsque celle-ci existe
et qu'elle peut être requise sans restriction particulière. Ainsi, on peut
en principe attendre d'un requérant d'asile qu'il épuise dans son
propre pays les possibilités de trouver une protection adéquate avant
de solliciter celle d'un État tiers. Or, comme on l'a vu, tel n'est pas le
cas en l'espèce. A relever encore à ce sujet que la protection légale
des minorités en Bosnie, y compris les Roms, si elle laisse encore à
désirer, s'est améliorée depuis l'adoption en 2003 de la loi sur la
protection des droits des personnes appartenant aux minorités
nationales (cf. Council of Europe, Report by the Commissioner for
Human Rights Mr Thomas Hammarberg on his visit to Bosnia and
Herzegovina, 4-11 June 2007). Enfin, la Bosnie a ratifié plusieurs
traités internationaux contenant des dispositions relatives à la non-
discrimination, tel le Protocole n° 12 de la convention du
4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (CEDH, RS 0.101).
4.3 Dans leur recours et observations ultérieures, les intéressés ont
contesté que les préjudices subis aient été le fait de tiers, exposant
qu'il ne pouvait être exclu que les personnes cagoulées qui les
auraient persécutés soient en fait des fonctionnaires (cf. mémoire de
recours, p. 4, et observations du 1er novembre 2006, p. 1). Cette
nouvelle affirmation, qui ne repose sur aucun élément quelque peu
sérieux et concret, ne correspond manifestement pas aux déclarations
des recourants et de leur fils qui ont clairement désigné les habitants
musulmans du village voisin. Il y a donc tout lieu de penser qu'il s'agit
d'un argument circonstanciel, qui n'a pour seul but que d'impliquer les
autorités bosniaques pour les besoins de la cause. En tant que tel, il
ne saurait être retenu.
4.4 Cela étant, indépendamment de ce qui précède et nonobstant le
fait que les motifs invoqués par les intéressés se limitent à de simples
affirmations, les faits allégués ne satisfont de toute manière pas aux
exigences posées par l'art. 3 LAsi. En effet, les désagréments subis ne
sont pas d'une intensité telle qu'ils constitueraient une pression
psychique insupportable rendant impossible la continuation du séjour
dans le pays d'origine. Ils ne peuvent dès lors pas être qualifiés de
mesures de persécution au sens de la loi sur l'asile. Il convient
également de tenir compte qu'en Bosnie, pays reconnu comme étant
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exempt de persécutions au sens de l'art. 34 al. 1 LAsi (safe country)
par le Conseil fédéral, les membres de la minorité rom ne sont pas
l'objet d'une persécution ciblée et systématique, même si ceux-ci sont
parfois encore en butte à certaines discriminations, dues cependant
plutôt à leur situation socio-économique défavorisée.
4.5 Enfin, il convient de relever que les préjudices allégués et craints
seraient pour l'essentiel limités à la région de E._______. En effet, les
voisins musulmans qui les auraient persécutés leur auraient reproché
principalement la fuite du pays pendant la guerre, plutôt que leur
origine ethnique. En conséquence, les intéressés avaient avant leur
départ et ont encore aujourd'hui la possibilité d'échapper aux menaces
alléguées en s'établissant dans une autre partie de leur pays, en
particulier dans une grande ville comme Tuzla, où leur passé
d'expatriés ne sera pas connu (sur la notion de refuge interne,
cf. notamment JICRA 1997 n° 14 consid. 2b p. 106s. et JICRA 1996
n° 1 consid. 5c p. 6s. ; cf. également JICRA 2006 n° 18 consid. 10.3
p. 203s., JICRA 2000 n° 15 consid. 10 à 12 p. 119ss et JICRA 1997
n° 12 consid. 6b p. 88).
4.6 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance
de la qualité de réfugié et sur l'octroi de l'asile, doit être rejeté et les
dispositifs des décisions entreprises confirmés sur ces points.
5.
5.1 Lorsqu'il rejette une demande d'asile, l'ODM prononce en règle
générale le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte
du principe de l'unité de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi de
Suisse ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 sur
l'asile du 11 août 1999 (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d'asi-
le est titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable,
ou lorsqu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de
renvoi conformément à l'art. 121 de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).
5.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occur-
rence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette
mesure (cf. dans ce sens JICRA 2001 n° 21 p. 168ss).
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6.
6.1 L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est possible, licite et rai-
sonnablement exigible. En cas contraire, l'ODM règle les conditions de
résidence conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les
étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20) concernant l'admis-
sion provisoire (art. 44 al. 2 LAsi). Les notions de possibilité, de licéité
et d'exigibilité sont explicitées à l'art. 83 LEtr.
6.2 Les conditions posées par l'art. 83 al. 2 à 4 LEtr, empêchant l'exé-
cution du renvoi (illicéité, inexigibilité ou impossibilité) sont de nature
alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi
soit inexécutable (cf. dans ce sens JICRA 2006 n° 6 consid. 4.2.
p. 54s., JICRA 2001 n° 1 consid. 6a p. 2).
6.3 Les intéressés n'ayant pas établi l'existence de sérieux préjudices
au sens de l'art. 3 LAsi, ils ne peuvent se prévaloir de l'art. 5 al. 1 LAsi
(principe de non-refoulement). Ils n'ont pas non plus établi qu'ils ris-
quaient d'être soumis, en cas d'exécution du renvoi, à un traitement
prohibé par l'art. 3 CEDH ou par l'art. 3 de la Convention contre la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture, RS 0.105), imputable
à l'homme (cf. dans ce sens JICRA 1996 n° 18 consid. 14b/ee
p. 186s.). Il faut préciser à cet égard qu'une simple possibilité de mau-
vais traitements ne suffit pas et que la personne concernée doit rendre
hautement probable qu'elle serait visée directement par des mesures
incompatibles avec ces dispositions conventionnelles, ce qui, pour les
mêmes raisons que celles exposées ci-avant, n'est pas le cas en l'es-
pèce. L'exécution du renvoi ne transgresse ainsi aucun engagement
de la Suisse relevant du droit international, de sorte qu'elle s'avère
licite (art. 44 al. 2 LAsi et art. 83 al. 3 LEtr).
6.4 Selon l'art. 44 al. 2 LAsi en relation avec l'art. 83 al. 4 LEtr,
l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si
le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de
guerre, de guerre civile ou de violence généralisée ou de nécessité
médicale (cf. dans ce sens la jurisprudence rendue en relation avec
l'art. 14a al. 4 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers du 26 mars 1931 [aLSEE de 1931, RS 1 113], toujours
valable pour l'essentiel : JICRA 2006 n° 11 consid. 6 p. 118,
JICRA 2006 n° 10 consid. 5.1. p. 106, JICRA 2005 n° 24 consid. 10.1.
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D-6744/2006 et D-6745/2006
p. 215, JICRA 2005 n° 13 consid. 7.2. p. 121, JICRA 2005 n° 4
consid. 7.1. p. 43, JICRA 2003 n° 24 consid. 5a p. 157, JICRA 2003
n° 18 consid. 8c p. 119, JICRA 2003 n° 17 consid. 6a p. 107).
6.5 La Bosnie et Herzégovine ne connaît pas une situation de guerre,
de guerre civile ou de violence généralisée sur l'ensemble de son
territoire qui permettrait d'emblée de présumer, à propos de tous les
requérants provenant de cet Etat, et quelles que soient les circons-
tances de chaque cause, l'existence d'une mise en danger concrète au
sens des dispositions légales précitées (cf. dans ce sens Arrêt du
Tribunal administratif fédéral D-7122/2006 du 3 juin 2008 consid. 8.2
et jurisp. cit.). Le Conseil fédéral a d'ailleurs, par décision du
25 juin 2003 avec effet au 1er août 2003, désigné cet Etat comme un
pays exempt de persécutions au sens de l'art. 34 al. 1 LAsi.
6.6 Il reste dès lors à déterminer si le retour des recourants dans leur
pays équivaudrait à les mettre concrètement en danger en raison de
leur situation personnelle.
6.6.1 En l'occurrence, A._______ et B._______ sont suivis depuis leur
arrivée en Suisse en raison de troubles tant psychiques que
physiques. L'intéressé souffre ainsi (...). Une prise en charge
psychothérapeutique à raison d'une à deux séances par mois et des
traitements médicamenteux ont été instaurés. L'intéressé a en outre
besoin d'un suivi médical régulier, ses traitements devant être
régulièrement adaptés. Un arrêt de ceux-ci, voire des traitements
inadéquats, pourraient entraîner de nombreuses complications, dont
certaines pourraient avoir une issue fatale. Le psychiatre consulté a
relevé que son traitement (à base de psychothérapie et de
psychopharmacologie) devait être poursuivi pour une période
indéterminée, mais prévisible sur plusieurs années, sans alternative
envisageable. Un retour dans son pays constituerait un facteur de
stress extrême, conduisant à la décompensation des maladies dont il
souffre. Le risque d'un passage à l'acte auto-agressif suicidaire, sur le
mode impulsif, deviendrait très élevé. D'une manière générale, son
état de santé tant psychique que physique, malgré les traitements
entrepris dès 2003, n'a pas évolué favorablement, voire s'est aggravé.
Quant à l'intéressée, elle présente principalement un PTSD ayant
évolué vers un état dépressif récurrent (F.43.1 et F.33.1). Elle souffre
également de (...). Elle suit également une psychothérapie à raison
d'une séance par mois et des traitements médicamenteux. Malgré
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cela, son état de santé psychique demeure stationnaire. Selon son
psychiatre, il n'y a pour le moment pas d'alternative à son traitement.
De plus, un renvoi dans son pays d'origine est contre-indiqué et
pourrait mettre sa vie en danger.
6.6.2 S'agissant des personnes en traitement médical en Suisse,
l'exécution du renvoi ne devient inexigible qu'à partir du moment où,
en raison de l'impossibilité d'obtenir des soins essentiels dans leur
pays d'origine, leur état de santé se dégraderait très rapidement, au
point de conduire, d'une manière certaine, à la mise en danger
concrète de leur intégrité physique ou psychique. En revanche, l'art. 83
al. 4 LEtr ne saurait faire échec à une décision de renvoi au simple
motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical
prévalant en Suisse correspondent à un standard élevé non accessible
dans le pays d'origine (cf. JICRA 2003 n° 24 consid. 5b p. 157 s.,
JICRA 2003 n° 18 consid. 8c p. 119, et jurisp. cit.).
6.6.3 En ce qui concerne les possibilités de traitement en Bosnie, le
Tribunal, a récemment procédé à une analyse détaillée de la situation
médicale dans ce pays (cf. Arrêt du Tribunal administratif fédéral
D-7122/2006 du 3 juin 2008 consid. 8.3.3 à 8.3.5), mettant ainsi à jour
une précédente analyse effectuée par la Commission (cf. JICRA 2002
n°12 p. 102ss).
6.6.3.1 D'abord, s'il est exact que le système de santé est
théoriquement garanti pour tous les citoyens bosniaques et que la
grande majorité des traitements est couverte par l'assurance maladie,
la réalité est toutefois bien différente : le pays manque de spécialistes
formés et le système d'assurance maladie doit faire face à des
problèmes insurmontables liés à une situation socio-économique
mauvaise, un financement insuffisant et des besoins énormes de la
population en matière de soins. Le système de santé bosniaque,
censé être garanti pour tous, se heurte en outre toujours au fait qu'il
est fragmenté et décentralisé. Ainsi, la situation est particulièrement
complexe pour les personnes qui retournent dans la Fédération où
chacun des dix cantons définit les catégories de personnes qui
peuvent contracter une assurance maladie, et les conditions pour ce
faire. Les rapatriés doivent en particulier faire face à une quantité de
démarches administratives pour pouvoir obtenir une telle assurance,
en devant notamment s'inscrire au préalable, et dans un délai défini,
auprès du Bureau de l'emploi. Faute de temps ou d'information, bien
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des personnes rapatriées manqueraient ainsi l'enregistrement auprès
de ce Bureau.
6.6.3.2 Les difficultés pratiques liées à l'accès à l'assurance maladie
ayant été précisées, se pose ensuite la question des prestations
qu'elle offre, tant du point de vue des traitements médicamenteux que
des soins prodigués. Et là encore, les systèmes diffèrent d'un canton à
l'autre, dans la mesure où chacun des dix cantons de la Fédération
possède sa propre liste officielle des médicaments remboursés
(totalement ou en partie) par le fonds d'assurance. Quant aux soins
donnés dans le cadre du système public, ils ne sont plus gratuits, le
patient devant payer une participation, y compris pour son
hospitalisation, à l'exception toutefois de certaines catégories, comme
par exemple les enfants, les femmes enceintes ou encore les
bénéficiaires de prestations sociales. De surcroît, la couverture des
soins n'est possible que dans le canton où les cotisations ont été
payées.
Partant, le Tribunal constate que les difficultés liées à l'intégration au
système de santé bosniaque – et plus particulièrement dans la
Fédération – ainsi que la question des prestations offertes ne se sont
pas modifiées depuis la dernière analyse effectuée par la Commission
en 2002. Ainsi, le constat selon lequel une personne malade qui ne
peut se faire inscrire auprès des autorités communales sera forcée de
financer elle-même les soins qui lui sont nécessaires est toujours
d'actualité (cf. JICRA 2002 n° 12 consid. 10 let. d p. 106). Il en va de
même s'agissant de la constatation selon laquelle l'inscription officielle
auprès des autorités de sa commune - et donc l'accès à l'assurance
maladie - ne signifie pas pour autant que la personne malade ne devra
pas supporter les frais occasionnés par des traitements médicaux
importants. En outre, et malgré plusieurs tentatives des autorités
bosniaques pour modifier cet état de fait, la couverture des soins par
l'assurance maladie est toujours limitée à la région (soit l'entité ou le
canton) où la personne est enregistrée. Cet inconvénient a donc pour
conséquence que, si un traitement n'est pas disponible dans le canton
où la personne concernée est enregistrée, et qu'elle doit se rendre
dans un autre canton, voire à l'étranger, pour se faire soigner, la
totalité des frais y afférents seront à sa charge.
6.6.3.3 En ce qui concerne l'accès aux soins, en particulier pour les
personnes souffrant de troubles psychiques graves, la situation n'est
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actuellement toujours pas satisfaisante. Les structures adéquates sont
rares alors que les besoins sont continuellement en augmentation. Les
cliniques psychiatriques sont plutôt orientées vers le traitement des
maladies psychiatriques classiques et fondées sur les traitements
psychopharmacologiques. Il arrive ainsi fréquemment que des
personnes atteintes de PTSD se voient prescrire uniquement un
traitement médicamenteux, alors qu'une psychothérapie eût été
nécessaire. En résumé, s'agissant des possibilités de traitement des
personnes traumatisées en Bosnie et Herzégovine, s'il existe certes
des institutions et du personnel spécialisés ainsi que des
médicaments, voire des thérapies, il n'en demeure pas moins que le
système existant est surchargé et l'offre à l'évidence trop faible par
rapport aux besoins réels. En outre, les patients doivent fréquemment
prendre en charge une partie des coûts et un traitement
médicamenteux est régulièrement préféré à un traitement
psychothérapeutique plus durable.
En conclusion, pour les personnes atteintes de troubles psychiques
d'ordre traumatique d'une telle intensité qu'elles ont impérativement
besoin d'un suivi médical spécifique important et de longue durée, les
possibilités de traitement sont actuellement toujours et encore
aléatoires et les frais en découlant sont en partie à leur charge. La
situation, sur ce point également, n'a pas non plus évolué de manière
significative depuis l'analyse effectuée par la Commission en 2002.
6.6.4 En l'espèce, les certificats médicaux établis font clairement état
des affections tant psychiques que physiques dont souffrent
A._______ et B._______ depuis des années. Si le Tribunal n'entend
pas minimiser lesdites affections, il ne considère toutefois pas que,
prises individuellement, elles soient d'une gravité telle à constituer un
obstacle médical à l'exécution de leur renvoi. Cependant, il ne met pas
en doute la gravité des troubles en question pris dans leur ensemble.
Par conséquent, il retient qu'il est indispensable que les traitements
prescrits puissent, en cas de retour, être prodigués. Un arrêt de ceux-
ci, voire des traitements inadéquats, pourraient entraîner selon les
médecins traitants, de nombreuses complications, dont certaines
pourraient avoir une issue fatale. Il est en outre fait part de risques de
passage à l'acte auto-agressif suicidaire. Partant, même s'il y a lieu de
partir du principe que les recourants, qui sont retournés en Fédération
en (...) et y ont vécu durant plus de (...) ans avant de venir en Suisse,
pourront s'inscrire auprès de l'assurance sociale et ainsi bénéficier à
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tout le moins d'une prise en charge partielle des soins médicaux, le
Tribunal constate néanmoins que la situation médicale qui prévaut
actuellement en Bosnie et Herzégovine, et en particulier dans la
Fédération, ne permet pas d'admettre et de manière certaine qu'ils
pouront accéder, de manière raisonnable, aux soins dont ils ont
impérativement besoin. A cela s'ajoute que les personnes d'origine
rom se trouvent souvent dans une situation de précarité particulière
dont il faut également tenir compte (cf. rapport du Conseil de l'Europe
précité). A cet égard, le fait que les intéressé aient possédé une
maison avant leur départ n'est pas déterminant, dès lors que celle-ci,
en admettant qu'ils puissent reprendre possession de leur propriété,
ne leur garantit pas un accès aux soins spécifiques dont ils ont besoin.
Enfin, dans la mesure où les époux G._______ sont tous deux
sérieusement atteints dans leur santé tant psychique que physique, ils
ne seront pas en mesure, en cas de renvoi, de se soutenir
mutuellement. On ne saurait non plus accorder un poids décisif au fait
que le fils des intéressés est renvoyé au pays par le présent arrêt (cf.
consid. 8 ci-après) et qu'ils pourraient encore compter sur une
importante parenté à l'étranger, dès lors que ces facteurs ne sont pas
de nature à améliorer de manière significative dans leur cas l'accès
aux traitements médicaux dont ils ont besoin.
6.6.5 En conséquence, le Tribunal estime que, dans le cadre d'une
pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de
l'exécution du renvoi des époux G._______ en Bosnie et Herzégovine
(cf. dans ce sens JICRA 2003 n° 24 consid. 5b i. f. p. 158), l'exécution
de la mesure de renvoi les exposerait à une mise en danger concrète
au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr et ne s'avère donc pas raisonnablement
exigible en l'état.
7.
Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il concerne A._______ et
B._______, est admis en tant qu'il porte sur l'exécution de la mesure
de renvoi et que les chiffres quatre et cinq des dispositifs des
décisions querellées sont annulés. L'ODM est invité à régler les
conditions de séjour en Suisse des époux G._______ conformément
aux dispositions régissant l'admission provisoire. Au demeurant, il ne
ressort du dossier aucun élément dont on pourrait déduire que les
conditions d'application de l'art. 83 al. 7 LEtr sont remplies.
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8.
8.1 Cela étant, s'agissant du fils des recourants, le Tribunal constate
que celui-ci est maintenant majeur. Il convient donc d'examiner s'il
peut également bénéficier de l'admission provisoire prononcée en
faveur de ses parents.
Conformément à l'art. 44 al. 1 LAsi, l'admission provisoire d'un
requérant conduit, sauf exception, à l'extension de cette mesure aux
autres membres de sa famille (cf. JICRA 1995 n° 24 consid. 10 et 11
p. 230 ss, jurisprudence notamment confirmée in JICRA 1996 n° 18
consid. 14e p. 189 s. et JICRA 2004 n° 12 p. 77). La notion de famille
dont il est question dans ce contexte n'est pas différente de celle
développée par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence relative au
respect de la vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH. Il s'agit
donc, principalement, des relations existant au sein de la famille au
sens étroit (famille nucléaire), soit celles entre conjoints et entre
parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. A titre
exceptionnel, cette notion de famille peut aussi regrouper d'autres
liens familiaux ou de parenté, à la condition que puisse être mise en
évidence l'existence d'un rapport de dépendance particulier entre les
intéressés (cf. JICRA 1995 n° 24 consid. 7 p. 227 s. et jurisp. cit.). Tel
n'est cependant pas le cas en l'espèce. Ainsi, C._______ ne peut se
prévaloir de l'unité de la famille en relation avec ses parents admis
provisoirement en Suisse, dès lors que les conditions d'application de
l'art. 44 al. 1 LAsi ne sont pas réalisées in casu.
8.2 Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner si les autres conditions
mises à l'exécution du renvoi (art. 83 LEtr) sont réalisées en ce qui le
concerne.
8.2.1 Il ne ressort pas du dossier que C._______ pourrait être mis
sérieusement en danger pour des motifs qui lui seraient propres. Il est
jeune, célibataire, sans charge de famille et il dispose d'une certaine
formation acquise notamment en F._______. Il n'a par ailleurs pas
allégué ni établi qu'il souffrait de problèmes de santé particuliers pour
lesquels il ne pourrait être soigné dans son pays et qui seraient
susceptibles de rendre son renvoi inexécutable. L'ensemble de ces
facteurs devrait ainsi lui permettre de se réinstaller dans son pays
sans y rencontrer d'excessives difficultés.
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Le Tribunal constate par ailleurs qu'il est arrivé en Suisse à l'âge de
(...), de sorte qu'il n'y a pas vécu toute son enfance. Il est actuellement
majeur et sera à même d'affronter sur place les difficultés de la vie
quotidienne rencontrées par tout un chacun et d'entreprendre des
recherches pour trouver un emploi lui permettant de subvenir à ses
besoins. Il pourra cas échéant requérir le soutien financier de sa
nombreuse parenté établie à l'étranger. Dans ces conditions, il y a tout
lieu de penser qu'il pourra mener une existence conforme à la dignité
humaine en cas de réinstallation, malgré les difficultés de réintégration
qu'il pourra rencontrer dans un premier temps.
8.2.2 Au demeurant, il faut rappeler que les autorités d'asile peuvent
exiger en la matière un certain effort de la part de personnes dont
l'âge et l'état de santé doivent leur permettre, en cas de retour, de
surmonter les difficultés initiales pour se trouver un logement et un
travail qui leur assure un minimum vital (cf. dans ce sens JICRA 1994
n° 18 consid. 4e p. 143).
8.2.3 Au surplus, les motifs résultant de difficultés consécutives à une
crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires,
difficultés à trouver un emploi et un logement, revenus insuffisants,
absence de toute perspective d'avenir) ou à la désorganisation, à la
destruction des infrastructures ou à des problèmes analogues
auxquels, dans le pays concerné, chacun peut être confronté, ne sont
pas, en tant que tels, déterminants en la matière (cf. dans ce sens
JICRA 2005 n° 24 consid. 10.1 p. 215, JICRA 2003 n° 24 consid. 5e
p. 159).
8.2.4 Compte tenu de ce qui précède, et après pesée de tous les
éléments du cas d'espèce, l'exécution du renvoi de s'avère raisonna-
blement exigible.
8.2.5 Dite exécution s'avère aussi possible (art. 44 al. 2 LAsi et art. 83
al. 2 LEtr). Il dispose d'une carte d'identité (versée au dossier) et il lui
incombe, cas échéant, d'entreprendre toutes les démarches
nécessaires pour obtenir tout autre document lui permettant de
retourner dans son pays d'origine (art. 8 al. 4 LAsi).
8.3 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du ren-
voi de C._______, doit être rejeté et le dispositif de la décision
entreprise également confirmé sur ce point.
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9.
9.1 Les recourants ayant été déboutés pour l'essentiel, il y a lieu de
mettre des frais de procédure réduits en proportion à Fr. 600.- à leur
charge (art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. b du règlement du
21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le
Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).
9.2 Les recourants ayant obtenu gain de cause uniquement en ce qui
concerne l’exécution du renvoi de A._______ et B._______, ils ont
droit à des dépens réduits en proportion également (cf. art. 64 al. 1 et
art. 7 al. 2 FITAF). En l'absence d'un décompte de prestations
émanant du mandataire des intéressés (cf. art. 14 al. 2 FITAF), il se
justifie, ex aequo et bono, de leur octroyer un montant de Fr. 300.- à
titre de dépens, pour l'activité indispensable déployée par ledit
mandataire dans le cadre de la présente procédure de recours portant
sur la question de l'exigibilité de l'exécution de leur renvoi de Suisse
(art. 10 al. 1 et 2 FITAF).
(dispositif page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours, en tant qu'il porte sur le refus d'asile et le renvoi est rejeté
pour l'ensemble de la famille.
2.
Le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi de C._______,
est rejeté.
3.
Le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi de A._______
et B._______, est admis, de sorte que les chiffres 4 et 5 des
dispositifs des décisions de l'ODM sont annulés en ce qui les
concerne.
4.
L'ODM est invité à régler les conditions de séjour en Suisse de
A._______ et B._______, conformément aux dispositions régissant
l'admission provisoire.
5.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.-, sont mis à la charge
des recourants. Ils sont compensés par l'avance de Fr. 800.- versée le
22 juillet 2003, dont le solde de Fr. 200.- leur sera restitué par le
Service des finances du Tribunal.
6.
L'ODM est invité à verser aux recourants le montant de Fr. 300.- à titre
de dépens.
7.
Le présent arrêt est adressé :
- au mandataire des recourants (par lettre recommandée ; annexes :
un formulaire "Adresse de paiement" et une enveloppe-réponse)
- à l'ODM, Division séjour et aide au retour, avec dossier (...) (par
courrier interne ; en copie)
- à la Police des étrangers du canton H._______ (en copie)
Le président du collège : Le greffier :
Gérald Bovier Alain Romy
Expédition :
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