D-5579/2006 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Karar Dilini Çevir:
D-5579/2006 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Qualité de réfugie;Asile;Renvoi;Exécution du renvo...
Cour IV
D-5579/2006/
{T 0/2}
A r r ê t d u 1 e r a v r i l 2 0 1 0
Claudia Cotting-Schalch (présidente du collège),
Blaise Pagan, Fulvio Haefeli, juges,
Chantal Jaquet Cinquegrana, greffière.
A._______,
B._______, Togo,
représentées par C._______,
recourantes,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile et renvoi ; décision de l'ODM du
1er novembre 2006 / (...).
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
D-5579/2006
Faits :
A.
A._______ est entrée clandestinement en Suisse, le 12 avril 2005, et a
déposé, le même jour, une demande d'asile au Centre
d'enregistrement des requérants d'asile de Vallorbe, avant d'être
transférée au Centre de transit d'Altstätten.
B.
Entendue sur ses motifs d'asile au centre de transit précité, le 29 avril
2005, et lors d'une audition cantonale, le 25 mai 2005, l'intéressée a
déclaré être d'ethnie ewe, être née à Lomé et y avoir toujours vécu
jusqu'à son départ du pays. Elle aurait exercé la profession de
commerçante en denrées alimentaires. Elle n'aurait jamais eu la
moindre activité politique ni rencontré de problèmes avec les autorités
de son pays d'origine. Le 27 ou le 29 février 2005, selon les versions,
une manifestation de protestations de femmes aurait dégénéré en
émeute suite à l'intervention des forces de l'ordre. Plusieurs personnes
auraient trouvé refuge au domicile de l'intéressée. Des soldats se
seraient à leur tour introduits chez elle et auraient battu les personnes
présentes. Comme ils auraient soustrait une somme d'argent
appartenant à la requérante, déposée sur une table, celle-ci aurait
tenté de s'interposer afin de la récupérer. Un soldat l'aurait alors
menacée de mort avec son arme. Rouée de coups, elle aurait été
blessée au nez ainsi qu'à la mâchoire et quelques-unes de ses dents
auraient été endommagées. Les soldats auraient finalement emmené
toutes les personnes présentes, y compris la requérante, et les
auraient emprisonnées dans une caserne militaire à Lomé.
L'intéressée y aurait été détenue jusqu'au 20 mars 2005. Le 11 ou le
20 mars 2005, selon les versions, elle aurait fait la connaissance d'un
soldat dont l'épouse était l'une de ses clientes. Celui-ci l'aurait aidée à
prendre la fuite, moyennant une forte somme d'argent, et l'aurait
conduite jusqu'à la frontière avec le Ghana. Elle serait restée dans ce
pays jusqu'au 11 avril 2005, date à laquelle elle aurait pris un avion
pour Genève.
C.
Le 2 mai 2006, l'intéressée a donné naissance à B._______.
D.
Par décision du 1er novembre 2006, l'ODM a rejeté la demande d'asile
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présentée par l'intéressée, au motif que ses déclarations n'étaient pas
vraisemblables.
Cet office a tout d'abord estimé que les déclarations de la requérante
relatives à sa détention manquaient de substance permettant
d'admettre la réalité des faits allégués. En outre, il a considéré que
l'intéressée avait tenu des propos divergents, s'agissant en particulier
de la date de la manifestation des femmes à Lomé et de celle ayant
trait à la rencontre de l'intéressée avec le soldat qui l'aurait aidée à
prendre la fuite.
Enfin, cet office a également prononcé le renvoi de Suisse de
l'intéressée et ordonné l'exécution de cette mesure.
E.
Dans le recours daté du 24 novembre 2006 et posté le 29 suivant
auprès de l'ancienne Commission suisse de recours en matière d'asile
(ci-après : Commission) contre cette décision, l'intéressée a conclu à
l'annulation de la décision incriminée, à l'octroi de l'asile,
subsidiairement à être mise au bénéfice l'admission provisoire,
l'exécution de son renvoi devant être considérée comme illicite. A titre
préalable, elle a requis l'octroi d'un délai supplémentaire afin de
produire des moyens de preuve et de déposer un mémoire
complémentaire. Elle a également demandé que la décision attaquée
ainsi que les auditions lui soient traduites dans une langue qu'elle
maîtrise, cas échéant à ses frais.
A l'appui de son recours, l'intéressée a notamment reproché à l'ODM
d'avoir rendu une décision en langue allemande, alors que ni elle ni
son mandataire ne maîtrisaient cette langue, et que les auditions
intervenues en cours de procédure avaient été effecutées en langue
française.
F.
Par décision incidente du 7 décembre 2006, le juge instructeur de la
Commission alors en charge du dossier a rejeté la demande de la
recourante tendant à la traduction de la décision querellée et aux
procès-verbaux de ses auditions. En outre, estimant que celle-ci
n'avait pas démontré que l'affaire présentait une étendue
exceptionnelle ou une difficulté particulière, il a également rejeté la
requête tendant à fixer un délai pour déposer un mémoire
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complémentaire, sous réserve de l'application de l'art. 32 al. 2 de la loi
fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS
172.021), s'agissant d'allégués ou de moyens de preuve décisifs qui
seraient produits ultérieurement.
G.
Par courrier du 16 février 2007, l'intéressée a fait valoir que, suite à un
contact fortuit avec certains membres de sa famille restés au Togo,
elle aurait été informée qu'elle était toujours recherchée par les
autorités togolaises, ces dernières se rendant régulièrement aux
alentours de son ancien domicile. En outre, en date du 26 septembre
2006, sa soeur D._______, qui aurait pris en charge sa fille aînée
E._______ après son départ pour la Suisse et résiderait au Ghana,
aurait été violemment agressée à la frontière avec le Togo, au moment
elle la franchissait en vue de se rendre à Lomé pour assister à des
réunions de famille. Elle aurait été prise pour cible par des agents du
gouvernement en raison de sa ressemblance avec l'intéressée.
Laissée pour morte, elle aurait été conduite dans un centre médical de
la capitale togolaise pour y être soignée. Depuis lors, elle ne pourrait
sortir de chez elle sans être accompagnée, étant continuellement sous
surveillance. Afin de démontrer ses allégations, la recourante a produit
un certificat médical établi, le 23 novembre 2006, par un médecin
togolais ainsi que plusieurs ordonnances médicales datées des 26, 27,
28 et 29 septembre 2006, la copie de la carte d'identité togolaise
établie au nom de D._______, une photographie la représentant et une
enveloppe ayant contenu ces documents et postée, le 5 décembre
2006, depuis le Ghana.
H.
Par ordonnance du 3 juin 2009, le Tribunal administratif fédéral a
imparti à la recourante un délai au 16 juin 2009 pour lui faire parvenir
des renseignements sur sa situation familiale actuelle et pour lui
indiquer quels étaient les obstacles qui s'opposeraient encore à un
renvoi à destination du Togo et quels étaient les membres de sa
parenté résidant encore dans ce pays.
La recourante n'a pas donné suite à cet écrit.
Droit :
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1.
1.1 En vertu de l'art. 31 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le
Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal
administratif fédéral (ci-après : Tribunal) connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968
sur la procédure administrative (PA, RS 172.021). En particulier, les
décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être
contestées devant le Tribunal administratif fédéral conformément à
l'art. 33 let. d LTAF ; elles n'entrent pas dans le champ d'exclusion de
l'art. 32 LTAF.
1.2 Les recours contre de telles décisions, lesquels étaient pendants
au 31 décembre 2006 devant la Commission, sont traités par le
Tribunal dans la mesure où il est compétent (art. 53 al. 2 phr. 1 LTAF).
1.3 Il examine librement en la matière le droit public fédéral, la consta-
tation des faits et l'opportunité, sans être lié par les arguments invo-
qués à l'appui du recours (art. 106 al. 1 LAsi et art. 62 al. 4 PA par ren-
voi de l'art. 6 LAsi et de l'art. 37 LTAF) ni par la motivation retenue par
l'autorité de première instance (cf. dans le même sens Jurisprudence
et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile
[JICRA] 2002 n° 1 consid. 1a p. 5, JICRA 1994 n° 29 consid. 3
p. 206s.). Il peut ainsi admettre un recours pour un autre motif que
ceux invoqués devant lui ou rejeter un recours en adoptant une argu-
mentation différente de l'autorité intimée.
1.4 Il tient compte par ailleurs de la situation dans l'État concerné et
des éléments tels qu'ils se présentent au moment où il se prononce
(cf. notamment arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5837/2006 du
30 octobre 2009, D-3659/2006 du 20 mars 2008, D-4462/2006 du
12 mars 2008, D-7239/2007 du 28 janvier 2008 et D-8736/2007 du
11 janvier 2008 ; cf. également dans ce sens JICRA 2000 n° 2 consid.
8 p. 20ss, JICRA 1997 n° 27 consid. 4f p. 211, JICRA 1995 n° 5
consid. 6a p. 43, JICRA 1994 n° 6 consid. 5 p. 52). Il prend ainsi en
considération l'évolution de la situation intervenue depuis le dépôt de
la demande d'asile (cf. également consid. 5.2 ci-dessous).
2.
La recourante a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et le
délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 al. 1 et 2 PA
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par renvoi de l'art. 6 LAsi, et art. 108 al. 1 LAsi, identique à l'art. 50 al.
1 PA).
3.
3.1 A titre préalable, la recourante a reproché à l'autorité de première
instance d'avoir rendu une décision rédigée en allemand, langue
qu'elle ne maîtrisait ni ne comprenait, alors que toutes ses auditions
s'étaient déroulées en langue française, et de ne pas l'avoir traduite.
3.2 Conformément à l'art. 16 al. 2 LAsi, la procédure engagée devant
l’ODM est en règle générale conduite dans la langue officielle dans
laquelle l’audition cantonale a eu lieu ou dans la langue officielle du
lieu de résidence du requérant. Si les conditions posées par la
disposition précitée sont remplies, l'ODM n'est pas tenu de procéder à
une traduction de la décision concernée (cf. Jurisprudence et
informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile
[JICRA] 2004 n° 29 p. 189ss).
En l'occurrence, l'intéressée a été attribuée au canton F._______, un
canton alémanique, raison pour laquelle toutes les auditions, en
particulier l'audition cantonale, ont eu lieu dans cette langue,
contrairement à ce qu'a prétendu la recourante. Partant, l'ODM a agi
de manière correcte en rédigeant sa décision en allemand et la
recourante ne saurait dès lors exiger que l'on procède à sa traduction,
ce d'autant moins qu'elle est représentée. Il appartenait dès lors à son
mandataire d'entreprendre les mesures utiles pour lui traduire la
décision attaquée.
3.3 Il ressort de ce qui précède que le grief de violation des
dispositions relatives à la langue de la procédure (art. 16 al. 2 LAsi et
art. 4 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la
procédure [OA1, RS 142.311]) est sans fondement.
4.
4.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou
dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux
préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de
leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe
social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment
considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie,
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de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui
entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir
compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et al. 2
LAsi).
4.2 Quiconque demande l’asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui,
sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés
(art. 7 LAsi).
4.3 La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à
l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation
ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un
élément subjectif. Sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes
raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour
un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à
subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une
persécution (cf. JICRA 2000 n° 9 consid. 5a p. 78 et JICRA 1997 n° 10
consid. 6 p. 73 ainsi que les jurisprudences et références de doctrine
citées et dont il n'y a pas lieu de s'écarter). Sur le plan subjectif, il doit
être tenu compte des antécédents de l'intéressé, notamment de
l'existence de persécutions antérieures, et de son appartenance à un
groupe ethnique, religieux, social ou politique l'exposant plus
particulièrement à de telles mesures; en particulier, celui qui a déjà été
victime de persécutions antérieures a des raisons d'avoir une crainte
subjective plus prononcée que celui qui est en contact pour la
première fois avec les services de sécurité de l'Etat (cf. JICRA 1994 n°
24 p. 171ss et JICRA 1993 n° 11 p. 67ss). Sur le plan objectif, cette
crainte doit être fondée sur des indices concrets qui peuvent laisser
présager l'avènement, dans un avenir peu éloigné et selon une haute
probabilité, de mesures étatiques déterminantes selon l'art. 3 LAsi. Il
ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à des menaces
hypothétiques, qui pourraient se produire dans un avenir plus ou
moins lointain (cf. JICRA 2004 n° 1 consid. 6a p. 9, JICRA 1993 n° 21
p. 134ss et JICRA 1993 n° 11 p. 67ss ; MINH SON NGUYEN, Droit public
des étrangers, Berne 2003, p. 447ss ; MARIO GATTIKER, La procédure
d'asile et de renvoi, Berne 1999, p. 69s).
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5.
5.1 En l'espèce, l'intéressée fait valoir, à l'appui de son recours, être
toujours recherchée par les autorités togolaises, ces dernières se
rendant régulièrement aux alentours de son ancien domicile à Lomé.
Elle en tient pour preuve la mésaventure qui serait arrivée à sa soeur
D._______, en date du 26 septembre 2006, alors qu'elle franchissait la
frontière entre le Ghana et le Togo, dans le but de participer à des
réunions familiales à Lomé. Selon la recourante, des hommes de main
du gouvernement togolais auraient tenté d'assassiner sa soeur,
pensant qu'ils s'en prenaient à l'intéressée elle-même. Afin de
démontrer la réalité de ses dires, la recourante a produit divers
moyens de preuve, à savoir un certificat médical établi, le 23
novembre 2006, par un médecin togolais ainsi que plusieurs
ordonnances médicales datées des 26, 27, 28 et 29 septembre 2006,
la copie de la carte d'identité togolaise établie au nom de D._______,
et une photographie représentant cette dernière. Ces documents n'ont
toutefois aucune valeur probante, dans la mesure où ils ne sont pas à
même de démontrer que la recourante serait dans le collimateur des
autorités de son pays d'origine. En effet, s'ils attestent tout au plus
qu'une certaine D._______ a été soignée, le 26 septembre 2006, dans
un centre médical de Lomé, pour un « polytraumatisme du corps à
coup de gourdin et de cordelette » et que des traitements médicaux lui
ont été prodigués jusqu'au 29 septembre 2006, ils ne précisent ni ses
liens de famille avec la recourante, ni dans quelles circonstances a eu
lieu cette agression, ni le moment exact ni l'endroit où elle s'est
déroulée, encore moins le nom de ses auteurs. De surcroît, ces
moyens de preuve ne démontrent nullement que l'agression dont a fait
l'objet une certaine D._______ était destinée à la recourante, laquelle
serait recherchée par les autorités togolaises. Les arguments du
recours se limitent dès lors à de simples affirmations nullement
étayées.
C'est donc à juste titre que l'ODM a retenu que les motifs d’asile
allégués par la recourante ne remplissaient pas les conditions de l’art.
7 LAsi. Les propos tenus par l'intéressée relatifs aux circonstances
tant de son arrestation et de son incarcération que de sa relaxation
manquent singulièrement de substance et de précision, de sorte qu'il
ne saurait être admis qu'elle a réellement vécu les faits allégués. Par
ailleurs, il est pour le moins douteux qu'un soldat ait pris le risque de
la faire évader au seul motif que son épouse était l'une de ses clientes.
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Le Tribunal relèvera encore que, même en tenant compte des
incidents survenus au Togo au début de l'année 2005, à savoir les
graves troubles politiques et sociaux qui ont suivi le coup d'Etat des
forces armées togolaises qui a mis au pouvoir Faure Gnassingbé
Eyadéma, fils du président Gnassingbé Eyadéma, à la suite du décès
de ce dernier, le 5 février 2005, après 38 ans de règne sur le pays, il
n'est pas crédible que la recourante ait pu faire l'objet de recherches
de la part des autorités togolaises, pour les faits allégués, celle-ci
ayant déclaré de manière constante n'avoir jamais exercé la moindre
activité politique et n'avoir jamais rencontré auparavant le moindre
problème avec lesdites autorités.
5.2 Cela dit, au vu des changements importants survenus au Togo au
cours de ces dernières années, la crainte de futures persécutions de
la recourante n'est de toute façon plus fondée.
En effet, le 20 août 2006, sous le haut patronage du président
burkinabé, un "accord politique global" (APG) a été conclu par la
totalité des parties prenantes au dialogue national réunissant les
principaux partis politiques togolais, dont le CAR et l'UFC (Union des
Forces de Changement), accord qui a mis en place un gouvernement
d'union nationale, rassemblant quasiment toutes les sensibilités du
pays, avec une exception de poids, l'UFC, qui a opté pour la tactique
de la chaise vide après avoir revendiqué, sans succès, le poste de
premier ministre. Il a ainsi résulté de cette évolution favorable le
rapatriement par le UNHCR, le 31 août 2006, de trois mille réfugiés
togolais, les demandes de rapatriement de mille autres Togolais et le
retour au pays de quinze mille autres individus qui avaient fui le Togo
après les violences consécutives aux élections présidentielles d'avril
2005 sans compter celui d'opposants notoires comme Gilchrist
Olympio (président de l'UFC) ou l'avocat Alonko Robert Dovi après
huit ans, respectivement quatorze ans d'exil, ou encore comme
Dossouvi Hilaire Logo, revenu au Togo quinze ans après en être parti.
Faure Gnassingbé lui-même paraît ainsi avoir réellement rompu avec
les méthodes précédemment adoptées par son père en désignant
comme premier ministre, le 16 septembre 2006, Yawowi Agboyibo,
avocat des droits de l'Homme, fondateur du CAR, l'un des leaders
incontestés de l'ancienne opposition dite radicale (cf. PHILIPPE PERDRIX,
Togo - Les nouvelles règles du jeu in: Jeune Afrique n° 2420 du 27 mai
au 2 juin 2007). Le 20 septembre 2006, Yawovi Agboyibo a formé un
gouvernement d'unité nationale composé de 35 ministres dont
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plusieurs ténors de l'opposition. Ce gouvernement a eu pour tâche
principale l'organisation d'élections législatives libres et équitables,
annoncées dans un premier temps pour juin 2007 avant d'être
repoussées à plusieurs reprises. Celles-ci ont finalement eu lieu le
14 octobre 2007. A l'issue de ce scrutin auquel ont pris part 32 partis
politiques et indépendants, le Rassemblement du peuple togolais
(RPT) a obtenu 50 sièges, l'UFC – dont c'était la première
participation depuis 1990 – 27 sièges, et le CAR 4 sièges. Il a par
ailleurs été qualifié à l'unanimité des missions d'observation
internationales de libre, juste et transparent malgré les protestations
de membres de l'opposition parfois violemment réprimées (FARIDA
TRAORÉ, Organisation suisse d'aide aux réfugiés [OSAR], La situation
au Togo, 9 avril 2008; US Department of State, Country reports on
human rights practices 2007, 11 mars 2008; Freedom House, Togo,
Country report 2007). Le 13 novembre 2007, Yawovi Agboyibo a donné
sa démission et le président Faure Gnassingbé Eyadéma a entamé de
larges consultations pour lui nommer un successeur en la personne de
Komlan Mally, issu du RPT. Le 6 septembre 2008, ce dernier a
toutefois donné sa démission et a été remplacé par Gilbert Fossoun
Houngbo qui occupait jusque-là les fonctions de Secrétaire général
adjoint des Nations unies et de directeur du Programme des Nations
unies pour le Développement (Pnud) pour la région Afrique. Le 15
septembre 2008, celui-ci a formé un nouveau gouvernement, dans la
continuité du précédent. Ainsi, bien que le premier Ministre ait engagé
des discussions avec des responsables de l'UFC, aucun membre des
deux plus grands partis d'opposition n'a pris place dans le dernier
gouvernement. En revanche, le président de la Ligue togolaise des
droits de l'homme (LTDH), Amadou Yacoubou, est devenu ministre des
Droits de l'homme. De surcroît, lors du Conseil des ministres du 27
mai 2009, ces derniers ont adopté le décret portant sur la nomination
des membres de la commission « Vérité, Justice et Réconciliation ».
Cette commission, prévue par l'APG du 20 août 2006, ne compte
aucun représentant des partis politiques mais est composée de onze
religieux, chefs traditionnels et professeurs d'université, et présidée
par Mgr Nicodème Barrigah, évêque du diocèse d'Atakpamé. Son
objectif est de faire la lumière sur les actes de violences à caractère
politique commis au Togo entre 1958 et 2005 et de parvenir à une
réconciliation complète entre tous les Togolais. Le Parlement togolais
a élu, en août 2009, les 17 membres de la Commission électorale
nationale indépendante (Céni), chargée d'organiser et de superviser
l'élection présidentielle. Le 2 février 2010, la Cour constitutionnelle a
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rendu publique une liste de sept candidats au scrutin présidentiel, dont
le président sortant, Faure Gnassingbé. Le 4 mars 2010, celui-ci a
remporté l'élection présidentielle, sa victoire ayant par ailleurs été
enterinée, le 18 mars 2010, par la Cour constitutionnelle.
5.3 Au vu de ce qui précède, rien ne permet d'admettre l'actualité
d'une crainte fondée de futures persécutions de la recourante, laquelle
n'a jamais eu, faut-il le rappeler, la moindre activité politique.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté pour ce qui a trait
tant à la reconnaissance de la qualité de réfugié qu'à l'octroi de l'asile.
7.
7.1 Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon
l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la
procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose
d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait
l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi
conformément à l’art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du
18 décembre 1998 (Cst., RS 101).
7.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
8.
L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement
exigible et possible (art. 44 al. 2 LAsi, a contrario). Elle est régie par
l'art. 83 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr,
RS 142.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2008, et applicable à
toutes les procédures d'asile alors pendantes (al. 1 des dispositions
transitoires relatives à la modification de la loi sur l'asile du 16
décembre 2005).
9.
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9.1 L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des
raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à
se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le
principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit
d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause
d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il
serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore
l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv.
torture, RS 0.105) (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté
fédéral sur la procédure d'asile [APA] du 25 avril 1990,
in : FF 1990 II 624).
9.2 L'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-
refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme exposé plus haut, les craintes de
la recourante d'être exposée à de sérieux préjudices au sens de
l'art. 3 LAsi, en cas de renvoi au Togo, ne sont pas fondées.
9.3 En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant
du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3
CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains,
trouve application dans le présent cas d'espèce.
9.4 Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains
(ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de
la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une
extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné
des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple
possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au
contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à
satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux,
au-delà de tout doute raisonnable, d'être victime de tortures, ou de
traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays.
Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles
intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des
droits de l'Homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la
protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne
peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement
- et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des
mesures incompatibles avec la disposition en question (JICRA 1996
no 18 consid. 14b let. ee p. 186 s.).
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9.5 En l'occurrence, la recourante n'a pas démontré à satisfaction qu'il
existait pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime
de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de
retour au Togo.
9.6 Dès lors, l'exécution du renvoi de la recourante sous forme de
refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant
du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 al. 2 LAsi et
art. 83 al. 3 LEtr).
10.
10.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas
être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en
danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence
généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en
premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne
remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne
sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations
de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux
personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en
danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins
dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc
dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation
dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après
l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son
éloignement de Suisse (cf. JICRA 1999 n° 28 p. 170 et jurisp. citée,
JICRA 1998 n° 22 p. 191).
10.2 Il est notoire que le Togo ne connaît pas, sur l'ensemble de son
territoire, une situation de guerre, de guerre civile ou de violence
généralisée qui permettrait d’emblée - et indépendamment des
circonstances du cas d’espèce - de présumer, à propos de tous les
ressortissants du pays, l’existence d’une mise en danger concrète au
sens de l’art. 83 al. 4 LEtr (cf. également ch. 5.2 ci-dessus).
10.3 En outre, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait
inférer que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger
concrète de la recourante et de son enfant B._______. Celle-ci est
jeune, au bénéfice d'une formation professionnelle de coiffeuse et a
exercé durant plusieurs années avant son départ du Togo la profession
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de commerçante, laquelle lui a permis, selon ses propres dires, d'avoir
une vie aisée (cf. aud. cantonale p. 12). En outre, elle n'a pas allégué
ni établi qu'elle ou sa fille souffrait de problèmes de santé particuliers
pour lesquels elles ne pourraient pas être soignées dans leur pays et
qui seraient susceptibles de rendre leur renvoi inexécutable. Par
ailleurs, la recourante a encore une nombreuse parenté sur place, soit
autant de facteurs qui devraient lui permettre ainsi qu'à son enfant de
se réinstaller sans rencontrer d'excessives difficultés.
10.4 Dans ces conditions, l'exécution du renvoi de la recourante et de
son enfant B._______ s'avère raisonnablement exigible.
11.
Sous l'angle de l'art. 83 al. 2 LEtr, la recourante est tenue
d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation
de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage
permettant à elle et à son enfant de quitter la Suisse. L'exécution du
renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre
technique et s'avère également possible au sens de cette disposition.
12.
12.1 Cela étant, l'exécution du renvoi doit être déclarée conforme aux
dispositions légales.
12.2 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste la décision de
renvoi et son exécution, doit être également rejeté.
13.
Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure
à la charge de la recourante, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et
3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens
et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF,
RS 173.320.2).
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600, sont mis à la charge
de la recourante. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal
dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
3.
Le présent arrêt est adressé :
- au mandataire des recourantes (par courrier recommandé ;
annexe : un bulletin de versement)
- à l'autorité inférieure, avec le dossier (...) (en copie)
- au canton F._______ (en copie)
La présidente du collège : La greffière :
Claudia Cotting-Schalch Chantal Jaquet Cinquegrana
Expédition :
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