D-5269/2010 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Asile
Karar Dilini Çevir:
D-5269/2010 - Abteilung IV - Asile et renvoi - Asile
Cour IV
D-5269/2010
{T 0/2}
A r r ê t d u 3 s e p t e m b r e 2 0 1 0
Claudia Cotting-Schalch, juge unique,
avec l'approbation de Gérard Scherrer, juge;
Joanna Allimann, greffière.
A._______, né le [...], Erythrée,
[...],
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Asile; décision de l'ODM du 28 juin 2010 / N [...].
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
D-5269/2010
Faits :
A.
Le 28 octobre 2008, A._______ a déposé une demande d'asile au
Centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe.
Entendu les 31 octobre 2008 (ci-après : audition CEP) et
23 septembre 2009 (ci-après : audition fédérale), le requérant a
déclaré être originaire de B._______, en Erythrée, et y avoir vécu
jusqu'au début 1989. En raison de l'insécurité régnant dans son pays
et suivant le conseil de ses parents, il se serait alors rendu à
C._______, au Soudan, où il se serait installé. En 1995, il serait
devenu membre du Front de Libération de l'Erythrée (ELF) et, dans ce
cadre, aurait participé à des réunions et distribué des tracts. A la fin
2001, à la suite du décès de son père, il serait rentré illégalement en
Erythrée afin de soutenir sa mère malade. Alors qu'il avait prévu de
rester seulement deux semaines, il aurait été contraint de rester plus
longtemps, le passeur avec qui il avait arrangé son voyage de retour
ayant été emprisonné. En août 2002, ayant décidé de quitter à
nouveau l'Erythrée mais ne pouvant se rendre au Soudan, le voyage
étant trop difficile, il se serait rendu en Ethiopie. Il y aurait obtenu le
statut de réfugié auprès de la Croix-Rouge et continué son
engagement pour l'ELF, avant de repartir pour le Soudan au début
2003. Au mois de mars de la même année, il aurait été arrêté et
emprisonné par la police soudanaise, qui lui reprochait d'être rentré en
Erythrée et le soupçonnait d'espionnage. Il serait parvenu à s'enfuir
trois mois plus tard, alors qu'il avait été transporté à l'hôpital en raison
de blessures dues aux mauvais traitements qu'il avait subis. Il aurait
ensuite vécu caché et aurait travaillé dans la construction. En 2004, à
la suite de l'amélioration des relations entre l'Erythrée et le Soudan, le
bureau de l'ELF situé à C._______ aurait été définitivement fermé.
Dès lors, comme les réunions ne pouvaient plus se tenir dans ledit
bureau, l'intéressé aurait parfois rencontré un ou deux membres de
l'ELF pour discuter. En 2006, ne supportant plus de vivre caché et
craignant d'être tué ou livré aux autorités érythréennes, il aurait quitté
illégalement le Soudan, accompagné de sa compagne. En octobre
2008, après avoir vécu durant presque deux ans en Lybie, tous deux
auraient rejoint la Suisse, via l'Italie.
A l'appui de sa demande, l'intéressé a produit sa carte de membre de
l'ELF, établie en Ethiopie en décembre 2002 et valable jusqu'en 2003,
ainsi que son permis de conduire, établi à C._______ en 1990.
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B.
Par décision du 28 juin 2010, l'ODM a rejeté la demande d'asile
présentée par l'intéressé, considérant que ses déclarations n'étaient
pas pertinentes au sens de l'art. 3 de la loi fédérale du 26 juin 1998
sur l'asile (LAsi, RS 142.31). Dit office a toutefois prononcé son
admission provisoire, dans la mesure où l'exécution de son renvoi en
Erythrée n'était pas raisonnablement exigible.
Par décision du 7 juillet 2010, l'ODM a également rejeté la demande
d'asile présentée par la compagne du requérant, tout en mettant celle-
ci, ainsi que leur fille, au bénéfice de l'admission provisoire. Aucun
recours n'a, à ce jour, été déposé contre cette décision.
C.
Dans le recours qu'il a interjeté le 21 juillet 2010, A._______ a conclu
à la reconnaissance de la qualité de réfugié et à l'octroi de l'asile pour
des motifs postérieurs à sa fuite d'Erythrée, faisant valoir qu'il avait été
membre actif de l'ELF durant de nombreuses années et qu'il risquait
dès lors de subir des persécutions futures en cas de retour dans son
pays. Par ailleurs, il a sollicité la dispense de l'avance des frais de
procédure.
D.
Par ordonnance du 26 juillet 2010, le Tribunal a accusé réception du
recours.
E.
Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, si
nécessaire, dans les considérants juridiques qui suivent.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi fédérale
du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32),
le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968
sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), prises par les
autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, le Tribunal statue
de manière définitive sur les recours formés contre les décisions
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rendues par l'ODM en matière d'asile et de renvoi de Suisse (art. 105
en relation avec l'art. 6a al. 1 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998
[LAsi, RS 142.31], art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. d ch. 1 de la loi sur
le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF, RS 173.110]; ATAF 2007/7
consid. 1.1 p. 57).
1.2 L'intéressé a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et le
délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 PA et
108 al. 1 LAsi).
2.
2.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou
dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux
préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de
leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe
social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment
considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie,
de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui
entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir
compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2
LAsi).
La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3
LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée
dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément
subjectif. Sera ainsi reconnu comme réfugié celui qui a de bonnes
raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour
un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à
subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une
persécution (JICRA 2000 n° 9 consid. 5a p. 78 et réf. cit.).
En d'autres termes, pour apprécier l'existence d'une crainte fondée,
l'autorité se posera la question de savoir si une personne raisonnable
et sensée redouterait elle aussi, dans les mêmes circonstances, d'être
persécutée en cas de retour dans sa patrie. Sur le plan objectif, cette
crainte doit être fondée sur des indices concrets qui peuvent laisser
présager l'avènement, dans un avenir peu éloigné et selon une haute
probabilité, de mesures étatiques ou non-étatiques déterminantes
selon l'art. 3 LAsi. Il ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à
des menaces hypothétiques, qui pourraient se produire dans un avenir
plus ou moins lointain. Sur le plan subjectif, il doit être tenu compte
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des antécédents de l'intéressé, notamment de l'existence de
persécutions antérieures, et de son appartenance à un groupe
ethnique, religieux, social ou politique l'exposant plus particulièrement
à de telles mesures; en particulier, celui qui a déjà été victime de
persécutions antérieures a des raisons d'avoir une crainte subjective
plus prononcée que celui qui est en contact pour la première fois avec
les services de sécurité de l'Etat (cf. JICRA 2004 n° 1 consid. 6a et
jurisp. cit.; Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) [édit.],
Manuel de la procédure d'asile et de renvoi, Berne 2009, p. 188 s.;
ASTRID EPINEY / BERNHARD WALDMANN / ANDREA EGBUNA-JOSS / MAGNUS
OESCHGER, Die Anerkennung als Flüchtling im europäischen und
schweizerischen Recht, in : Jusletter 26 mai 2008, p. 33; MINH SON
NGUYEN, op. cit., p. 447 ss).
2.2 Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins
rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est
vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement
probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui,
sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont
contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de
manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés
(art. 7 LAsi).
3.
3.1 En l'espèce, A._______ a allégué avoir fui illégalement l'Erythrée
en 1989, avoir ensuite vécu au Soudan et y être devenu membre de
l'ELF en 1995, être rentré illégalement en Erythrée en 2001, être
reparti en août 2002 pour l'Ethiopie, avant de se rendre à nouveau au
Soudan au début 2003, y avoir été emprisonné durant trois mois entre
mars et juin 2003, puis avoir quitté ce pays en 2006, par crainte
notamment d'être tué ou renvoyé en Erythrée.
3.2 En premier lieu, il convient de relever que le recourant n'a pas
allégué avoir subi, en Erythrée, de sérieux préjudices au sens de
l'art. 3 LAsi.
S'agissant du fait qu'il n'a pas effectué son service militaire obligatoire
dans ce pays, il n'a toutefois pas à craindre d'y être exposé, en cas de
retour, à une punition pour refus de servir. D'une part, il a quitté ce
pays avant son indépendance en 1993, n'a pas démontré que les
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autorités érythréennes auraient eu connaissance de son séjour en
Erythrée entre 2001 et 2002, et n'a pas allégué être entré en contact
avec celles-ci (cf. à ce propos Jurisprudence et informations de la
Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2006 n° 3
consid. 4.8 et 4.10 p. 36 ss). D'autre part, les allégations de l'intéressé
se limitent sur ce point à de simples affirmations, lesquelles ne
s'appuient sur aucun élément concret.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'admettre que l'intéressé ait à
craindre d'être exposé, en cas de retour en Erythrée, à de sérieux
préjudices pour des motifs antérieurs à son départ de ce pays.
3.3 S'agissant des raisons qui auraient poussé le recourant à fuir le
Soudan en 2006, à savoir qu'il avait été arrêté et emprisonné par les
autorités soudanaises - lesquelles avaient appris qu'il était rentré en
Erythrée et le soupçonnaient d'espionnage - en mars 2003, qu'il s'était
évadé en juin 2003, qu'il était membre de l'ELF et qu'il craignait d'être
tué ou renvoyé en Erythrée, le Tribunal constate que ceux-ci ne sont
pas déterminants pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au
sens de l'art. 3 LAsi, dans la mesure où ils ne se sont pas déroulés
dans son pays d'origine, à savoir l'Erythrée, mais dans un pays tiers.
3.4 Il y a encore lieu de déterminer si, ainsi qu'il le fait valoir, le
recourant peut se prévaloir de motifs subjectifs postérieurs à sa fuite
d'Erythrée au sens de l'art. 54 LAsi et ainsi se voir reconnaître la
qualité de réfugié, dès lors qu'il serait devenu membre de l'ELF en
1995, alors qu'il se trouvait au Soudan.
En vertu de cette disposition légale, l'asile n'est pas accordé à la
personne qui n'est devenue un réfugié au sens de l'art. 3 LAsi qu'en
quittant son État d'origine ou de provenance ou en raison de son
comportement ultérieur.
En premier lieu, le Tribunal tient à rappeler que même si on ne peut
exclure un certain intérêt de l'Etat érythréen pour les activités
politiques exercées par ses ressortissants à l'étranger, le simple fait
d'être affilié à un parti d'opposition ne saurait suffire pour admettre une
crainte fondée de persécutions futures (cf. dans ce sens arrêt du
Tribunal administratif fédéral E-6288/2007 du 29 octobre 2007).
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En l'occurrence, les activités politiques de l'intéressé, qui a affirmé
être un "simple membre" de l'ELF, se sont limitées à la participation à
des réunions ainsi qu'à la distribution de tracts (cf. pv audition CEP
p. 5 et pv audition fédérale p. 5). De plus, ces activités ont cessé en
2006, lorsqu'il a quitté le Soudan pour la Lybie (cf. pv audition fédérale
p. 6, où il a déclaré ne plus avoir de contact avec ce parti depuis lors).
Par conséquent, le recourant, qui n'a pas exercé un rôle dirigeant ni
assumé de responsabilités au sein de l'ELF, n'est pas particulièrement
exposé ou engagé au point d'apparaître, aux yeux des autorités
érythréennes, comme une menace concrète et sérieuse pour la
sécurité du pays.
Ainsi, la crainte qu'il a exprimée d'être exposé à de sérieux préjudices
en cas de retour en Erythrée, en raison de son appartenance à l'ELF,
ne peut être considérée comme fondée.
3.5 Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur la reconnaissance
de la qualité de réfugié et l'octroi de l'asile, doit être rejeté et la
décision entreprise confirmée sur ces points.
4.
4.1 Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en
matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de
Suisse et en ordonne l'exécution; il tient compte du principe de l'unité
de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé,
selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à
la procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d'asile dispose
d'une autorisation de séjour ou d'établissement, ou qu'il fait
l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi
conformément à l'art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril
1999 (Cst., RS 101).
4.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en
l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer
cette mesure.
5.
Dès lors que le recourant a été mis au bénéfice de l'admission
provisoire, la question de l'exécution du renvoi n'a pas à être
examinée.
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6.
S'avérant manifestement infondé, le recours peut être rejeté par voie
de procédure à juge unique avec l'approbation d'un second juge
(art. 111 let. e LAsi), sans échange d'écritures (art. 111a al. 1 LAsi), et
l'arrêt sommairement motivé (art. 111a al. 2 LAsi).
7.
Dans la mesure où il est immédiatement statué sur le fond, la
demande de dispense de l'avance de frais devient sans objet.
8.
Vu le sort de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure, d'un
montant de Fr. 600.--, à la charge du recourant (art. 63 al. 1 PA et
art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais,
dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF,
RS 173.320.2]).
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande de dispense de l'avance de frais est sans objet.
3.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 600.--, sont mis à la
charge du recourant. Ce montant doit être versé sur le compte du
Tribunal dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.
4.
Le présent arrêt est adressé :
- au recourant (par lettre recommandée; annexe : un bulletin de
versement);
- à l'autorité inférieure, avec le dossier N [...] (par courrier interne; en
copie);
- au canton D._______ (en copie).
Le juge unique : La greffière :
Claudia Cotting-Schalch Joanna Allimann
Expédition :
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