D-4241/2015 - Abteilung IV - Demande d'asile présentée à l'étranger et autorisation d'entrée - Demande d'asile présentée à l'étranger et autorisa...
Karar Dilini Çevir:
D-4241/2015 - Abteilung IV - Demande d'asile présentée à l'étranger et autorisation d'entrée - Demande d'asile présentée à l'étranger et autorisa...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour IV
D-4241/2015 et D-4244/2015




Ar r ê t d u 1 6 d é c emb r e 2 0 1 5
Composition
Gérard Scherrer, président du collège,
Emilia Antonioni Luftensteiner et Thomas Wespi, juges;
Michel Jaccottet, greffier.

Parties
A._______, née le (…), et
B._______, né le (…),
Somalie,
représentés par (…),
recourants,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM; anciennement
Office fédéral des migrations, ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.

Objet
Demandes d'asile présentées à l'étranger et autorisations
d'entrée; décision du SEM du 5 juin 2015 / N _______.



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Vu
l'acte du 18 janvier 2012, par lequel C ._______ (ressortissant somalien
séjournant en Suisse au bénéfice du statut de réfugié), par l'intermédiaire
de son mandataire, a déposé une demande d'asile et sollicité une
autorisation d'entrée en Suisse au nom de sa mère, A._______, de ses
deux sœurs, D._______ et E._______, et de son frère, B._______,
les motifs exposés à l'appui de cette demande, à savoir, en substance, que
la famille aurait fui en 2008 son domicile de F._______, en raison des
affrontements armés, et se serait rendue dans le camp de G._______;
qu'en septembre 2009, C._______ avait rejoint la Suisse; qu'au mois
d'octobre 2011, le mari, respectivement le père des intéressés serait
décédé suite à des violences à l'intérieur du camp; que la famille ferait
désormais face à des conditions de vie précaires affectant tant leur sécurité
que leur santé en raison de l'absence d'un membre masculin,
le courrier du 12 juin 2013, par lequel C._______ a informé le SEM que
A._______ avait quitté la Somalie au début de l'année 2013 et se trouvait
dans un camp de réfugiés à H._______ en Ethiopie,
le courrier du 27 novembre 2013, par lequel le SEM a indiqué que les
intéressés devaient se rendre auprès d'une représentation suisse en vue
d'y être auditionnés sur leurs motifs d'asile,
le procès-verbal de l'audition de A._______ faite à l'Ambassade de Suisse
à Addis Abeba, le 29 janvier 2014, lors de laquelle elle a déclaré qu'elle
n'avait plus de nouvelles de D._______ et E._______ et que deux autres
enfants habitaient en Suisse; qu'elle avait quitté la Somalie en raison de la
guerre et des conditions de vie précaires qui y régnaient; que depuis sa
fuite, elle vivait à Addis Abeba avec son fils B._______; que bien que sa
fille en Suisse l'aidait financièrement, elle ne pouvait pas rester en Ethiopie,
sa situation y étant trop pénible; qu'elle souffrait de maux de tête, d'un
problème cardiaque et d'un état psychologique déficient,
le procès-verbal de l'audition de B._______ faite à l'Ambassade de Suisse
à Addis Abeba, le 29 janvier 2014, lors de laquelle il a déclaré avoir fui la
Somalie en raison des exactions commises par les membres d'Al-
Shebaab, qui avaient tué son père et blessé son frère; qu'issue d'un clan
minoritaire, la famille ne pouvait compter sur aucun soutien, si ce n'est son
frère qui envoyait de l'argent depuis la Suisse; qu'il n'avait pas accès au
soin et à l'éducation en Ethiopie,
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la décision du 20 août 2014, par laquelle le SEM, après avoir constaté que
D._______ était inatteignable, a classé sa demande d'asile,
le courrier du 17 novembre 2014, par lequel le mandataire a informé l'ODM
que les deux filles D._______ et E._______ étaient portées disparues et
que l'état de santé de A._______, qui ne pouvait compter que sur son fils
B._______, s'était aggravé,
les procurations signées par A._______ et B._______ et transmises au
SEM le 12 mai 2015,
les décisions du 5 juin 2015, notifiées cinq jours plus tard, par lesquelles le
SEM, estimant que les intéressés n'avaient pas rendu vraisemblable, ni
même mentionné un danger au sens de l'art. 3 LAsi (RS 142.31), leur a
refusé l'entrée en Suisse et rejeté leurs demandes d'asile,
les recours du 8 juillet 2015, par lesquels les intéressés, requérant
l'assistance judiciaire totale, ont conclu à l'annulation desdites décisions et
à la délivrance d'une autorisation d'entrée,
la décision incidente du 15 juillet 2015, par laquelle le Tribunal administratif
fédéral (le Tribunal) a joint les causes de A._______ et de B._______,
rejeté leur demande d'assistance judiciaire totale et renoncé à percevoir
une avance de frais,
la détermination du 28 juillet 2015, par laquelle le SEM, estimant que les
recours ne contenaient aucun élément ou moyen de preuve nouveau
susceptibles de modifier son point de vue, en a proposé les rejets,
la réplique du 17 août 2015, par laquelle les intéressés ont maintenu les
conclusions de leur recours,

et considérant
que le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF (RS 173.32), connaît des recours
contre les décisions au sens de l'art. 5 PA (RS 172.021), prises par les
autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF,
qu'en particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile
peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal,
lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par
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l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF
[RS 173.110]), condition non réalisée en l'espèce,
que le Tribunal est donc compétent pour connaître des présents recours,
que les procédures sont régies par la PA, par la LTAF et par la LTF, à moins
que la LAsi n'en dispose autrement (art. 6 LAsi),
que les intéressés ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA),
que, présentés dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 108
al. 1 LAsi) prescrits par la loi, les recours sont recevables,
que sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans
le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices
ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion,
de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou
de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi),
qu'il convient d'examiner si c'est à bon droit que le SEM a rejeté la
demande d'asile présentée à l'étranger par les intéressés en application
des art. 20 al. 2 LAsi et 52 al. 2 LAsi encore applicables aux demandes
déposées antérieurement au 29 septembre 2012, conformément à la
disposition transitoire de la modification du 28 septembre précédent de la
LAsi (cf. ch. III),
que les présentes causes seront donc traitées selon l'ancien droit,
qu'en vertu de l'ancien art. 20 al. 1 LAsi, après le dépôt de la demande, la
représentation suisse transmet celle-ci à l'ODM, en l'accompagnant d'un
rapport,
que, pour établir les faits, l'ODM autorise le requérant à entrer en Suisse si
celui-ci ne peut raisonnablement être astreint à rester dans son Etat de
domicile ou de séjour ni à se rendre dans un autre Etat (cf. ancien
art. 20 al. 2 LAsi),
que le Département fédéral de justice et police peut habiliter les
représentations suisses à accorder l'autorisation d'entrer en Suisse aux
requérants qui rendent vraisemblable que leur vie, leur intégrité corporelle
ou leur liberté sont exposées à une menace imminente pour l'un des motifs
mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi (cf. ancien art. 20 al. 3 LAsi),
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que les conditions permettant l'octroi d'une autorisation d'entrée doivent
être définies de manière restrictive (voir à ce propos : ATAF 2011/10 consid
5.1 ; JICRA 2005 n°19 consid. 3 et 4 p. 173 ss, JICRA 2004 n°21 consid. 2
p. 136 s., JICRA 2004 n° 20 consid. 3 p. 130 s., JICRA 1997 n°15 consid.
2 p. 129 ss),
que l'autorité dispose dans ce cadre d'une marge d'appréciation étendue,
qu'outre l'existence d'une mise en danger au sens de l'art. 3 LAsi, elle
prend en considération d'autres éléments (dont la liste n'est pas
exhaustive), notamment l'existence de relations étroites avec la Suisse ou
avec un pays tiers, l'assurance d'une protection dans un autre Etat, la
possibilité effective et l'exigence objective de rechercher une protection
ailleurs qu'en Suisse ainsi que les possibilités d'intégration,
que, ce qui est décisif pour l'octroi d'une autorisation d'entrée, c'est le
besoin de protection des personnes concernées, et donc les réponses aux
questions de savoir s'il existe des indices concrets d'un danger au sens de
l'art. 3 LAsi et si l'on peut raisonnablement exiger des intéressés que,
durant l'examen de leur demande, ils poursuivent leur séjour dans leur
pays d'origine ou se rendent dans un pays d'accueil qui leur serait plus
proche que la Suisse (cf. ATAF 2011/10 consid. 3.3),
que le fait, pour un requérant d'asile, de séjourner dans un Etat tiers ne
signifie pas pour autant qu'on puisse exiger qu'il se fasse admettre dans
cet Etat,
qu'en pareil cas, il s'agit non seulement d'examiner les éléments qui font
apparaître comme exigible son admission dans cet Etat (ou dans un autre
pays), mais encore de les mettre en balance avec les éventuelles relations
qu'il entretient avec la Suisse,
que les relations particulières avec la Suisse que suppose l’ancien art. 52
al. 2 LAsi ne correspondent pas aux conditions prévues par l’art. 51 LAsi
pour l’octroi de l’asile familial (cf. JICRA 2004 n° 21 précitée, consid. 4b.aa
p. 139 s.),
qu'en l'occurrence, les intéressés n'ont fourni aucun indice concret et
sérieux permettant d'admettre que leur vie, leur intégrité corporelle ou leur
liberté seraient aujourd'hui menacées pour l'un des motifs mentionnés à
l'art. 3 al. 1 LAsi dans leur pays d'origine,
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qu'en effet, leurs allégations en relation avec la crainte de persécution de
la part des milices d'Al-Shebaab sont très vagues et formulées en termes
généraux,
qu'il est nullement démontré que le mari, respectivement le père des
recourants ait été lui-même victime de sérieux préjudices au sens de
l'art. 3 LAsi, les intéressés déclarant qu'il avait été tué à l'intérieur du camp
sans autre précision,
qu'aucun élément du dossier ne permet d'admettre que l'épouse ait été
elle-même l'objet de mesures de persécution ciblées déterminantes au
sens de la disposition précitée, ayant uniquement invoqué la situation de
précarité et de vulnérabilité qui aurait été la sienne en qualité de femme
seule ayant la charge de plusieurs enfants et le contexte de conflit
prévalant alors dans la région concernée,
que par ailleurs, elle n'a pas allégué avoir subi personnellement des
préjudices entre la mort de son mari, en octobre 2011, et le départ de la
famille au camp de H._______ en Ethiopie, au début de l'année 2013,
que le fait que le village dans lequel elle vivait auparavant soit impliqué
dans des combats entre les forces du gouvernement et les milices d'Al-
Shebaab n'est pas pertinent, la famille ayant vécu à J._______ depuis
1989 jusqu'en 2008, où elle peut à nouveau s'établir,
qu'en effet, après le départ officiel de ces milices de J._______ en août
2011, les troupes gouvernementales somaliennes ont gardé le contrôle de
la ville, ce qui a entrainé le retour de nombreux Somaliens réfugiés à
d'autres endroits dans le pays,
que les préjudices liées à des violences généralisées et causées par des
membres d'un autre clan ne constituent pas une persécution déterminante
au sens de la loi sur l'asile, dans la mesure où ils ne sont pas dictés par
une volonté de persécuter une personne en particulier pour l'un des motifs
énoncés à l'art. 3 LAsi,
qu'en outre, le fils B._______, âgé de (…) ans, est en mesure de combler
l'absence de son père au sein de la famille, lui qui a déjà dû assumer en
quelque sorte ce rôle d'octobre 2011 à janvier 2013,
que par ailleurs, sa crainte d'être enrôlé dans l'armée somalienne ou d'être
contraint de servir au sein des milices d'Al-Shebaab au cas où il
retournerait en Somalie n'est pas objectivement fondée,
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qu'elle ne s'appuie sur aucun indice concret d'un risque de recrutement
forcé ou de sanctions déterminantes en matière d'asile, au sens de
l'art. 3 LAsi,
qu'en définitive, comme l'ODM l'a relevé à juste titre, les recourants n'ont
pas démontré qu'ils seraient exposés à des mesures déterminantes au
sens de cette disposition dans leur pays d'origine,
qu'au demeurant, les intéressés ont la possibilité de rester en Ethiopie, où
ils séjournent depuis bientôt trois ans, et de se faire enregistrer comme
réfugiés dans un camp du HCR,
qu'en outre, en Ethiopie, il existe une large diaspora somalienne, connue
pour offrir aide et soutien à leurs compatriotes, à laquelle les recourants
peuvent s'adresser,
qu'il reste à vérifier si des liens étroits existent avec la Suisse,
qu'il est incontesté que les recourants ont par les fille et fils majeurs,
respectivement, sœur et frère, résidant en Suisse, un point de
rattachement avec ce pays,
que toutefois, ils n'ont nullement soutenu qu'ils étaient dépendants d'eux,
au-delà du soutien financier que ceux-ci leur auraient apporté,
que A._______ a allégué lors de son audition avoir des maux de tête et
des problèmes cardiaux et physiologiques,
que, comme ceux-ci n'ont jamais été attestés par pièces, elle n'a pas
démontré que ses affections étaient tellement graves qu'elles requéraient
une présence, une surveillance, des soins et une attention tels qu'ils
l'empêcheraient de vivre de manière autonome, sans la présence de ses
enfants à ses côtés,
que, par conséquent, des liens supplémentaires de dépendance avec sa
fille et son fils - dont elle ne partage plus le quotidien depuis plusieurs
années - autres que des liens affectifs importants n'ont pas été établis,
qu'il en va de même du recourant B._______,
que, dans ces circonstances, le lien de rattachement avec la Suisse n'est
pas suffisamment important pour envisager d'accorder une autorisation
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d'entrée aux intéressés au titre de l'asile, quand bien même ceux-ci
entretiendraient des contacts avec les membres de leur famille,
qu'en définitive, c'est à bon droit que l'ODM a rejeté les demandes d'asile
présentées à l'étranger par les intéressés et les demandes d'autorisation
d'entrée en Suisse à ce titre, en application de l'art. 20 al. 2 dans son
ancienne teneur,
que, partant, les recours doivent être rejetés,
que, vu l'issue des causes, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure
à la charge des recourants, conformément à l'art. 63 al. 1 PA et aux art. 2
et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2),
que, compte tenu des particularités des cas, il est exceptionnellement
renoncé à la perception des frais de procédure (cf. art. 63 al. 1 in fine PA
et art. 6 let. b FITAF),
que la demande d'assistance judiciaire partielle est dès lors sans objet,

(dispositif page suivante)

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le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Les recours sont rejetés.
2.
Il est statué sans frais.
3.
Le présent arrêt est adressé aux recourants et au SEM.

Le président du collège : Le greffier :

Gérard Scherrer Michel Jaccottet


Expédition :