Clasens c. Belgique
Karar Dilini Çevir:
Clasens c. Belgique


Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 229
Mai 2019
Clasens c. Belgique - 26564/16
Arrêt 28.5.2019 [Section IV]
Article 3
Traitement dégradant
Absence de service minimum lors d’une grève des agents pénitentiaires, pour pourvoir aux besoins élémentaires des détenus : violation
Article 13
Recours effectif
Carence structurelle ayant privé d’effet une ordonnance de pourvoir aux besoins élémentaires des détenus lors d’une grève dans les prisons : violation
En fait – Au printemps 2016, un mouvement de grève des agents pénitentiaires toucha les prisons de Bruxelles et de Wallonie. En l’absence de service minimum garanti dans les prisons belges, il en résulta une suspension du régime ordinaire de détention, à des degrés divers selon les prisons concernées.
Pendant toute la durée de la grève – près de deux mois –, le requérant n’eut accès à aucune activité extérieure à sa cellule : il fut confiné dans sa cellule 24 heures sur 24, à l’exception d’une sortie d’une heure tous les trois jours dans la cour de promenade, et n’eut accès aux douches qu’une à deux fois par semaine, sans possibilité de s’approvisionner en produits d’hygiène dont la distribution avait été interrompue.
Dès le début de la grève, plusieurs détenus, dont le requérant, avaient saisi le juge des référés et obtenu une ordonnance enjoignant à l’État d’assurer, sous peine d’astreinte, un service minimum afin de pourvoir aux besoins élémentaires des personnes détenues au sein de la prison. Malgré la mobilisation consécutive du directeur de prison et l’intervention de la police, la régularité dans la fourniture des services élémentaires ne put être rétablie : il n’y eut pas d’amélioration substantielle des conditions de détention. En 2017, la cour d’appel réduisit le montant des astreintes mais confirma la condamnation de l’État sur le fondement de l’atteinte à la dignité humaine.
En droit
Article 3 (volet matériel) : La description des conditions matérielles de détention dans la prison concernée pendant la grève (voir ci-dessus) a fait l’objet d’un consensus de la part des observateurs qui se sont rendus sur les lieux. La cour d’appel l’a elle-même reprise pour conclure qu’une telle situation portait atteinte à la dignité humaine.
À ces conditions matérielles de détention se sont ajoutées les conséquences résultant de l’absence d’encadrement de la continuité des missions des agents pénitentiaires en période de grève : les détenus se sont retrouvés tributaires du refus d’un grand nombre d’agents pénitentiaires de travailler, réduits à accepter l’irrégularité et la précarité des services minimums, sans savoir quand la grève prendrait fin et donc sans perspective de voir la situation s’améliorer, privés de quasiment tout contact avec le monde extérieur, qu’il s’agisse de l’usage du téléphone, des visites familiales ou des rencontres avec leurs avocats.
Le personnel pénitentiaire connaissait un manque crucial d’effectifs. Il ne ressort d’aucun des rapports établis à la suite des visites de l’établissement pendant la grève que la présence de la police, principalement affectée à la sécurité et la surveillance, ait permis une amélioration substantielle du quotidien des détenus.
L’effet cumulé de l’absence continue d’activité physique, des manquements répétés aux règles d’hygiène, de l’absence de contact avec le monde extérieur et de l’incertitude de voir ses besoins élémentaires satisfaits, a nécessairement engendré chez le requérant une détresse qui a excédé le niveau inévitable de souffrance inhérent à la mesure privative de liberté. Ces conditions de détention s’analysent en un traitement dégradant.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 13 combiné avec l’article 3 : L’absence d’encadrement de la continuité des missions des agents pénitentiaires en période de grève a compromis l’exécution de la décision favorable rendue par le juge judiciaire sur le recours en référé exercé par le requérant, vu que la fourniture des services minimums aux détenus était de toute façon tributaire des fluctuations du mouvement de grève.
Compte tenu de cette carence structurelle sous-jacente, le requérant ne disposait donc pas d’un recours susceptible de redresser la situation dont il était victime et d’empêcher la continuation des violations alléguées.
Conclusion : violation (unanimité).
Article 41 : 3 480 EUR pour préjudice moral.
 
© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
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