Chaldayev c. Russie
Karar Dilini Çevir:
Chaldayev c. Russie


Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 229
Mai 2019
Chaldayev c. Russie - 33172/16
Arrêt 28.5.2019 [Section III]
Article 14
Discrimination
Différence dans la sévérité du régime des visites aux détenus entre les établissements pénitentiaires et les maisons d’arrêt : violation
Article 8
Article 8-1
Respect de la vie familiale
Restrictions apportées à la durée et aux modalités des visites de la famille d’une personne en détention dans une maison d’arrêt :violation
Article 35
Article 35-1
Délai de six mois
Point de départ du délai de six mois selon que le grief vise le refus d’une visite familiale en prison ou ses modalités
En fait – En mars 2013, le requérant fut placé en détention provisoire, dans une maison d’arrêt. En mai 2015, il fut condamné en première instance à treize ans d’emprisonnement mais fit appel. En octobre 2015, sa condamnation devint définitive ; il fut alors transféré dans une colonie pénitentiaire.
Le requérant se plaint du refus d’accorder à ses parents des visites longues, ainsi que de la durée restreinte et des modalités des visites courtes, pendant sa détention dans une maison d’arrêt.
Selon les textes applicables aux catégories respectives de détenus, le régime des visites présente les différences suivantes :
i. Personnes détenues en exécution d’une peine d’emprisonnement, dans un établissement pénitentiaire : 
a) visites courtes : durée pouvant aller jusqu’à quatre heures.
b) visites longues : au moins deux fois par an
ii. Personne (même de la catégorie i. ci-dessus) ayant un statut de suspect ou d’accusé, détenue ou transférée dans une maison d’arrêt :
a) visites courtes : limitées à trois heures.
b) visites longues : aucune.
En droit –
Article 35 (délai de six mois) : La Cour apporte les précisions suivantes :
i. Refus d’accorder certaines visites : ils doivent être appréhendés comme des actes instantanés. La requête apparaît tardive pour le plus ancien des refus litigieux : les parents ayant présenté cette demande de visite dans l’intérêt de leur fils, le délai de six mois a couru dès que les parents ont eu connaissance du refus.
ii. Modalités des visites accordées : en l’absence de recours effectif contre les dispositions du droit interne qui prévoient l’utilisation de parois et de dispositifs de communication dans les parloirs, d’une part, et de variations notables dans les conditions des visites reçues, d’autre part, le grief doit être regardé comme visant une situation continue, qui n’a pris fin qu’avec le transfert du requérant vers une colonie pénitentiaire après sa condamnation.
Conclusion : irrecevable pour la première des visites en cause, recevable pour les autres.
Article 8 : La Cour ne voit pas de raison de s’écarter des constats de violation auxquels elle est parvenue notamment dans l’arrêt Andrey Smirnov c. Russie (43149/10, 13 février 2018), eu égard à l’absence de circonstances justificatives particulières à l’appui tant du refus d’accorder certaines visites, que des modalités des visites accordées (paroi séparatrice et présence proche d’un gardien).
Conclusion : violation (unanimité)
Article 14 combiné avec l’article 8 : Les restrictions au droit de visite du requérant étaient liées à son statut de prévenu placé dans une maison d’arrêt, ce qui relève de la notion d’« autre situation » au sens de l’article 14.
La comparaison entreprise par le requérant porte sur deux groupes de personnes privées de leur liberté à différents stades d’une procédure pénale : d’un côté, celles dont la condamnation n’est pas définitive et, de l’autre, celles dont la condamnation a acquis force de chose jugée. Bien que les buts respectifs de leur détention soient différents, ces deux catégories de détenus restent néanmoins comparables en ce qui concerne le droit au respect de leur vie privée et familiale.
Dans ce contexte, il convient de tenir compte des Règles pénitentiaires européennes (Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe), en notant que :
– la règle 10.1 définit leur champ d’application comme couvrant tous les détenus, sans distinction entre la détention à titre provisoire et la détention en exécution d’une peine.
– selon la règle no 99, à moins qu’une autorité judiciaire n’ait, dans un cas individuel, prononcé une interdiction spécifique pour une période donnée, les prévenus doivent pouvoir recevoir des visites dans les mêmes conditions que les détenus condamnés.
Il convient également de tenir compte de l’avis exprimé par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), selon lequel le régime de détention des prévenus dans les maisons d’arrêt en Russie était basé sur un concept erroné d’« isolation », à revoir en profondeur.
Les restrictions aux droits des prévenus en matière de visites découlent automatiquement des textes applicables, indépendamment des raisons du placement des intéressés en détention provisoire, du stade de la procédure pénale à leur encontre ou d’éventuelles considérations de sécurité.
En ce qui concerne plus spécifiquement l’impossibilité pour le requérant d’obtenir une visite longue de ses parents, le régime appliqué dans les maisons d’arrêt apparaît équivalent, dans une large mesure, à celui de détenus condamnés à la réclusion à perpétuité et soumis au régime strict au sein d’une colonie pénitentiaire spéciale. Pour la Cour, si une certaine corrélation entre la gravité d’une peine et un certain type de régime pénitentiaire peut se concevoir, il n’y a en revanche aucune justification objective et raisonnable à appliquer à des prévenus dont l’éventuelle condamnation n’est pas définitive, et qui doivent bénéficier du principe de la présomption d’innocence, le même niveau de restrictions qu’à des personnes condamnées pour des actes extrêmement répréhensibles et dangereux, que la détention vise essentiellement à isoler.
En l’absence d’arguments pertinents formulés par le Gouvernement, la Cour ne voit aucune justification objective à une telle différence de traitement en ce qui concerne tant la durée de visites courtes que l’accès au bénéfice de visites longues. Or toutes les restrictions au droit de visite des détenus doivent être justifiées dans chaque cas particulier par des motifs liés notamment au maintien de l’ordre, de la sécurité et de la sûreté ou par la nécessité de protéger les intérêts légitimes d’une enquête
Conclusion : violation (unanimité)
Article 41 : 10 000 EUR pour préjudice moral.
 
© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.
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