CARREFOUR HYPERMARCHÉS SAS c. FRANCE
Karar Dilini Çevir:
CARREFOUR HYPERMARCHÉS SAS c. FRANCE

 
Communiquée le 22 janvier 2019
 
CINQUIÈME SECTION
Requête no 21488/14
CARREFOUR HYPERMARCHÉS SAS
contre la France
introduite le 6 mars 2014
EXPOSÉ DES FAITS
La requérante est la société de droit français Carrefour Hypermarchés S.A.S., dont le siège social est situé à Evry. Elle est représentée devant la Cour par Me D. de Lammerville, avocat à Paris.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
La requérante est une des sociétés du groupe de grande distribution Carrefour.
1. L’assignation du 13 mai 2008
Le 13 mai 2008, le président du Conseil de la concurrence, représenté par Mme I.L., chef du service juridique, magistrat détaché, ou Mme J.T-S, rapporteure, assigna la société Carrefour, une des sociétés du groupe de grande distribution Carrefour (ci-après « le groupe Carrefour »), devant le tribunal de commerce de Caen. Le président du Conseil de la concurrence demandait au tribunal, notamment, de juger que la société Carrefour avait obtenu de ses fournisseurs de jouets, de 2001 à 2004, une rémunération injustifiée au titre des contrats de coopération commerciale passés avec eux, que les prestations ne correspondaient à aucun service commercial effectif ou, à tout le moins, étaient rémunérés de façon disproportionnée, que la société Carrefour avait exploité abusivement la situation de dépendance économique de ses fournisseurs de jouets, de 2001 à 2004, en leur imposant annuellement l’adhésion au contrat de coopération commerciale, de constater que les contrats en cause avaient été conclus en violation des dispositions de l’article L 442-6 I 2o a) et b) du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001 (voir ci-dessous, 3. Le code de commerce) et d’en tirer les conséquences de droit.
La Cour n’a pas d’informations sur l’issue de cette procédure.
2. L’assignation du 22 mai 2008
En décembre 2005 et courant 2006, le groupe Carrefour conclut par l’intermédiaire de ses sociétés, Carrefour Hypermarchés France et Interdis, des « accords de partenariat » avec seize de ses fournisseurs. Chacun de ces accords prévoyait un accord commercial définissant les conditions de l’achat des produits du fournisseur et un « accord de partenariat » relatif aux « services distincts ».
Le 22 mai 2008, le ministre de l’économie, des finances et de l’emploi assigna la requérante devant le tribunal de commerce d’Evry, sur le fondement de l’article L 442-6 I 2o a) du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 (voir ci-dessous 3. Le code de commerce).
Le ministre considérait que la requérante, société du groupe Carrefour, pour le compte de laquelle les contrats avaient été conclus, n’avait pas fourni de contrepartie réelle et sérieuse aux sommes qu’elle avait reçues de la part de ses fournisseurs pour des prestations de service distincts prévues dans leurs accords de partenariats. Il s’agissait de trois types de prestations : la fourniture d’études marketing et de données statistiques comprenant notamment les prestations intitulées « plan d’action par famille de produits » et « plan de développement des performances fournisseurs », la fourniture d’une présentation de la disposition des produits dans le linéaire, ainsi que la fourniture d’un listing des concurrents présents sur le rayon intitulée « communication d’un plan d’implantation des produits par type de magasin ». Le ministre demandait au tribunal, notamment, de prononcer la nullité de la clause relative à la rémunération des contrats de services distincts, d’en tirer toute conséquence quant à la restitution des sommes trop perçues par la requérante, le montant de l’indu étant fixé à 16 959 742,76 euros, ainsi que de la condamner à lui payer la somme de 2 000 000 d’euros au titre de l’amende civile, en raison du trouble à l’ordre public.
Par un jugement du 14 octobre 2009, le tribunal de commerce jugea, notamment, que le groupe Carrefour avait obtenu de ses fournisseurs un avantage manifestement disproportionné s’agissant du « plan d’action par famille de produits » et du « plan de développement des performances fournisseurs », ainsi qu’un avantage sans contrepartie s’agissant du « plan de développement des performances fournisseurs ». Il condamna la requérante à payer au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi la somme de 2 000 000 d’euros au titre de l’amende civile. Il débouta celui-ci de ses autres demandes.
Le 3 novembre 2009, la requérante interjeta appel.
3. L’audience devant la cour d’appel de Paris
L’affaire fut plaidée le 8 décembre 2011 en audience publique. L’audience se tint devant deux magistrats au lieu de trois, Mme C.P., présidente, et Mme P.P., conseillère chargée d’instruire l’affaire, conformément aux articles 786 et 907 du code de procédure civile et sans opposition de la part des avocats. Elles rendirent compte des plaidoiries lors du délibéré de la cour dont la formation fut complétée par un troisième magistrat, Mme I.L., conseillère siégeant habituellement dans une autre chambre du même pôle, désignée par une ordonnance du premier président de la cour d’appel en application de l’article R312-3 du code de l’organisation judiciaire, en raison de l’empêchement du troisième magistrat siégeant habituellement au sein de cette formation (voir ci-dessous, 2. Le code de l’organisation judiciaire).
Par un arrêt du 2 février 2012, la cour d’appel de Paris confirma, pour partie, le jugement notamment en ce qu’il avait jugé que la requérante avait obtenu des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus ou ne correspondant à aucun service commercial effectivement réalisé, et en ce qu’il l’avait condamnée à une amende civile de 2 000 000 d’euros. Elle l’infirma sur les autres demandes du ministre, prononça la nullité des clauses fixant la rémunération des services litigieux pour les seize fournisseurs et ordonna la répétition de l’indu par le paiement par la requérante au Trésor Public des sommes indûment perçues au titre des contrats en cause.
4. Le pourvoi en cassation
La requérante forma un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel du 2 février 2012. Elle sollicitait, notamment, l’annulation de l’arrêt au motif que la participation de Mme I.L. au délibéré de l’arrêt faisait peser un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction en violation des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle soutenait en effet que Mme I.L. avait déjà eu à prendre parti sur la licéité des accords de partenariat en cause lorsqu’elle était détachée au Conseil de la concurrence. Elle précisait que Mme I.L. s’était prononcée en faveur de l’illicéité de ces conventions en rédigeant une assignation devant le tribunal de commerce de Caen, délivrée le 13 mai 2008 à l’encontre de la société Carrefour (voir ci-dessus, 1. L’assignation du 13 mai 2008). Elle ajoutait que son moyen d’annulation était recevable, puisqu’elle n’avait été en mesure de connaître la modification de la composition habituelle de la formation de la cour d’appel qu’une fois la décision rendue et n’avait donc pas pu solliciter la récusation de ce magistrat avant la clôture des débats.
5. L’arrêt de la Cour de cassation
Dans son avis, l’avocat général près la Cour de cassation formula deux observations sur le moyen d’annulation concernant la composition de la juridiction :
« 1ère observation :
Il ne peut être opposé, comme le fait le mémoire en défense, que le moyen serait irrecevable parce que les débats auraient eu lieu devant une formation collégiale dont la composition pouvait être connue de la [requérante], représentée devant la cour d’appel par un avoué et qu’il lui aurait appartenu d’obtenir le respect du principe conventionnel d’impartialité en récusant le magistrat, avant la clôture des débats, en application de l’article [341 5o] du code de procédure civile.
En effet, cette règle, issue d’une jurisprudence effectivement constante, n’est valable qu’autant que le justiciable est en mesure, avant la clôture des débats, de connaître la composition de la formation de jugement, ce qui concerne en réalité, la seule situation où la formation collégiale est complète à l’audience des débats.
Tel n’a pas été le cas en l’espèce et [la requérante] soutient à juste titre qu’elle ne pouvait soupçonner, avant la clôture des débats, qu’en raison de la défaillance d’un magistrat composant habituellement la formation de jugement, [Mme I.L.] serait nécessairement désignée pour compléter celle-ci lors du délibéré. »
« 2nde observation :
En tout état de cause, le moyen n’apparaît pas fondé :
(...)
Il ressort de ces données,
* en premier lieu, que l’indication alternative figurant dans l’assignation litigieuse [du 13 mai 2008] laisse planer une incertitude quant à une intervention personnelle de [Mme I.L.] pour décider d’engager des poursuites,
* en deuxième lieu, que la société assignée le 13 mai 2008 devant le tribunal de commerce de Caen n’était pas la [requérante], dont le siège social est à Évry mais la société Carrefour, personne morale distincte ainsi qu’il ressort des mentions de l’assignation ci-dessus rappelées,
* en troisième lieu, que les fournisseurs, opérant sur le marché de la distribution des jouets, n’étaient pas les mêmes que dans la présente affaire,
* enfin, qu’il ne s’agissait pas des mêmes contrats de services, fussent-ils rédigés en termes similaires.
Dès lors que tant la Cour européenne des droits de l’homme que la Cour de cassation considèrent que la participation à une décision juridictionnelle antérieure ne crée un préjugé au fond que si le juge est amené à apprécier les mêmes faits, l’ensemble des éléments qui précèdent permet de retenir que la suspicion de partialité imputée à la formation de jugement n’est pas fondée. »
Par un arrêt du 10 septembre 2013, la Cour de cassation cassa partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 2012, en ce qu’il avait ordonné la répétition de la totalité des sommes indûment perçues au titre des accords de partenariat et renvoya l’affaire sur ce point devant la cour d’appel de Paris autrement composée. Elle jugea par ailleurs le moyen d’annulation pris de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention irrecevable, au motif suivant :
« (...) attendu qu’aux termes de l’article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition d’une juridiction, dont les parties avaient la possibilité d’avoir connaissance, doivent être présentées, à peine d’irrecevabilité, dès l’ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d’office, et qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des productions, qu’une telle contestation ait été soulevée devant les juges du fond ; d’où il suit que le moyen est irrecevable (...) »
Par un arrêt du 1er juillet 2015, sur renvoi de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris évalua les services rendus par la requérante au titre des accords de partenariat et ordonna la restitution du surplus par la requérante entre les mains du Trésor Public, à charge pour lui de les reverser aux fournisseurs concernés.
Par un arrêt du 8 juin 2015, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par la requérante.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. Le code de procédure civile
Les articles pertinents du code de procédure civile en vigueur au moment des faits sont les suivants :
Article 341 5o
« La récusation d’un juge n’est admise que pour les causes déterminées par la loi.
Comme il est dit à l’article L. 731-1 du code de l’organisation judiciaire "sauf dispositions particulières à certaines juridictions la récusation d’un juge peut être demandée :
(...)
5o S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties. »
Article 342
« La partie qui veut récuser un juge doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation.
En aucun cas la demande de récusation ne peut être formée après la clôture des débats. »
Article 430
« La juridiction est composée, à peine de nullité, conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire.
Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d’irrecevabilité, dès l’ouverture des débats ou dès la révélation de l’irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d’office.
(...) »
Article 786
« Le juge de la mise en état ou le magistrat chargé du rapport peut, si les avocats ne s’y opposent pas, tenir seul l’audience pour entendre les plaidoiries. Il en rend compte au tribunal dans son délibéré. »
Article 907
« À moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 763 à 787 et sous réserve des dispositions qui suivent. »
2. Le code de l’organisation judiciaire
Les dispositions pertinentes du code de l’organisation judiciaire en vigueur au moment des faits sont les suivantes :
Article L121-3
« Chaque année, le premier président de la Cour de cassation, le premier président de la cour d’appel, le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance répartissent les juges dans les différents services de la juridiction.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles la répartition des juges peut être modifiée en cours d’année. »
Article R312-3
« (...)
En cas d’absence ou d’empêchement d’un conseiller, celui-ci est remplacé par un autre conseiller de la cour. »
3. Le code de commerce
En vertu de la prérogative de défenseur de l’ordre public économique que le législateur lui a reconnue, le ministre chargé de l’économie agit en annulation des contrats, des clauses de contrats conclus par les distributeurs et fournisseurs qui comportent des éléments caractérisant un déséquilibre significatif dans les obligations respectives des parties.
L’article L442-6 du code de commerce a été modifié par la loi no 2005‑882 du 2 août 2005. Figurent ci-dessous les dispositions pertinentes de l’article L442-6 dans sa rédaction issue de la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, les modifications issues de la loi no 2005‑882 du 2 août 2005 sont indiquées en italique :
Article L442-6
« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan / personne immatriculée au répertoire des métiers :
(...)
2o a) D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires ou en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ;
b) D’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d’achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées. Le fait de lier l’exposition à la vente de plus d’un produit à l’octroi d’un avantage quelconque constitue un abus de puissance de vente ou d’achat dès lors qu’il conduit à entraver l’accès des produits similaires aux points de vente ;
(...)
III. - L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.
Lors de cette action, le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l’indu et le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d’euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l’industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l’extinction de son obligation.
(...) »
L’article L441-7 a été introduit par la loi no 2005-882 du 2 août 2005. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :
Article L441-7
« I - Le contrat de coopération commerciale est une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s’oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d’achat et de vente.
Le contrat de coopération commerciale indiquant le contenu des services et les modalités de leur rémunération est établi, avant leur fourniture, soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat cadre annuel et des contrats d’application.
Chacune des parties détient un exemplaire du contrat de coopération commerciale.
Le contrat unique ou le contrat cadre annuel est établi avant le 15 février. Si la relation commerciale est établie en cours d’année, ces contrats sont établis dans les deux mois qui suivent la passation de la première commande.
Le contrat unique ou les contrats d’application précisent la date à laquelle les services sont rendus, leur durée, leur rémunération et les produits auxquels ils se rapportent.
Dans tous les cas, la rémunération du service rendu est exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte.
Les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs en contrepartie de services distincts de ceux figurant dans le contrat de coopération commerciale, notamment dans le cadre d’accords internationaux, font l’objet d’un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties qui précise la nature de ces services.
(...) »
4. Le Conseil de la concurrence
Le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence depuis la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, est une autorité administrative indépendante chargée de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et d’étudier le fonctionnement des marchés. Elle a pour but d’assurer le respect de l’ordre public économique.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint du défaut d’impartialité de la formation de jugement de la cour d’appel de Paris. Elle soutient, d’une part, que l’une des trois membres de cette formation avait déjà eu à prendre parti sur la licéité des accords de partenariat tels que ceux en cause dans l’affaire litigieuse lorsqu’elle était détachée au Conseil de la concurrence et, d’autre part, qu’elle ne pouvait connaître la composition de la formation de jugement qu’une fois la décision rendue, ne pouvant donc pas solliciter la récusation de ce magistrat avant la clôture des débats.
Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, la requérante se plaint que la Cour de cassation a considéré qu’elle avait la possibilité d’avoir connaissance de la composition de la formation de jugement de la cour d’appel. Elle fait valoir que la Cour de cassation a dénaturé les faits, lui permettant ainsi de ne pas répondre explicitement au moyen d’annulation. Elle considère qu’en déclarant son moyen d’annulation irrecevable, elle l’a privée de son droit à un recours effectif.
QUESTIONS AUX PARTIES
1. Le tribunal qui a connu de la cause de la requérante était-il impartial, comme l’exige l’article 6 § 1 de la Convention, compte tenu des fonctions précédemment exercées par Mme I.L. au Conseil de la concurrence ?
 
2. Le Gouvernement est invité à préciser les conditions du détachement de Mme I.L. au Conseil de la concurrence.
 
3. Le Gouvernement est également invité à indiquer, documents à l’appui, l’identité exacte de la personne qui a fait délivrer au nom du président du Conseil de la concurrence l’assignation du 13 mai 2008 de la société Carrefour devant le tribunal de commerce de Caen.
 
4. La requérante pouvait-elle connaître avant la clôture des débats la composition de la formation de jugement de la cour d’appel de Paris ?
 
5. L’exercice d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt litigieux en raison d’un doute sur l’impartialité de la juridiction de jugement permettait‑il de remédier au grief soulevé par la requérante tenant à l’absence d’information préalable sur la composition de la formation de jugement ?
 
6. Le Gouvernement est invité à fournir l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris désignant Mme I.L. pour compléter la chambre 5 du pôle 5 à l’audience du 8 décembre 2011 et tous les éléments relatifs aux moyens dont disposait la requérante pour en prendre connaissance.

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