C-8121/2008 - Abteilung III - Annulation de la naturalisation facilitée - annulation de la naturalisation facilitée
Karar Dilini Çevir:
C-8121/2008 - Abteilung III - Annulation de la naturalisation facilitée - annulation de la naturalisation facilitée
Cour III
C-8121/2008
{T 0/2}
A r r ê t d u 6 s e p t e m b r e 2 0 1 0
Blaise Vuille (président du collège),
Ruth Beutler, Andreas Trommer, juges,
Fabien Cugni, greffier.
A._______,
représenté par Me Christian Delaloye, avocat,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Annulation de la naturalisation facilitée.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
C-8121/2008
Faits :
A.
A._______, né le 6 août 1972 à El Dueim (Soudan), est entré en
Suisse en juin 1998 pour y déposer une demande d'asile. Il a
principalement motivé sa requête par ses activités en faveur d'un
mouvement politique soudanais (SPLA) opposé au régime
gouvernementale en place, ainsi que par le massacre de ses parents
et de sa soeur, crime perpétré par "un groupe spécial envoyé de
Khartoum". Par décision du 8 mars 1999, l'Office fédéral des réfugiés
(devenu entre-temps l'Office des migrations [ODM]) a mis l'intéressé
au bénéfice du statut de réfugié.
B.
Le 28 avril 2000, alors qu'il était au bénéfice d'une autorisation de
séjour à l'année valable du 28 juin 1998 au 27 juin 2003, A._______ a
contracté mariage, devant l'état civil de Fribourg, avec B._______, née
le 11 août 1970, originaire de Vuisternens-devant-Romont (FR). Aucun
enfant n'est issu de cette union.
C.
Le 6 février 2003, A._______ a introduit une demande de
naturalisation facilitée basée sur cette union auprès de la commune de
Villars-sur-Glâne (FR).
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, le requérant et son
épouse ont contresigné, le 28 octobre 2003, une déclaration écrite aux
termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale
effective et stable, à la même adresse, et n'avoir aucune intention de
se séparer ou de divorcer. L'attention des époux a en outre été attirée
sur le fait que la naturalisation facilitée ne pouvait être octroyée
lorsque, avant ou pendant la procédure de naturalisation, l'un des
conjoints demandait le divorce ou la séparation ou que la communauté
conjugale effective n'existait plus. Si cet état de fait était dissimulé, la
naturalisation facilitée pouvait ultérieurement être annulée,
conformément au droit en vigueur.
D.
Par décision du 24 novembre 2003, l'office fédéral a accordé la
naturalisation facilitée à A._______, en vertu de l'art. 27 de la loi
fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29
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septembre 1952 (LN, RS 141.0), lui conférant par là-même les droits
de cité cantonal et communal de son épouse.
A la suite de cette décision, l'autorité fédérale compétente en matière
d'asile a, par décision du 17 février 2004, révoqué le statut de réfugié
dont bénéficiait l'intéressé.
E.
Par courrier du 15 avril 2005, le Service de l'état civil et des
naturalisations du canton de Fribourg a signalé à l'ODM que
A._______ avait requis le 2 juillet 2004 la délivrance d'un acte de
famille à l'état civil de la Glâne en vue de son divorce; celui-ci a été
prononcé par le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine en date
du 22 février 2005.
Le 28 avril 2005, l'ODM a fait savoir à A._______ qu'il envisageait,
compte tenu du court laps de temps qui s'était écoulé entre sa
naturalisation et les démarches tendant à l'introduction d'une
procédure de divorce, d'examiner s'il y avait lieu d'ouvrir
éventuellement, conformément à l'art. 41 LN, une procédure visant à
l'annulation de la naturalisation facilitée octroyée le 24 novembre 2003.
Un délai a été fixé à l'intéressé pour lui permettre de prendre position
à ce sujet.
Dans les observations qu'il a déposées le 30 mai 2005, par l'entremise
de son mandataire, A._______ a affirmé, entre autres, que la maladie
(épilepsie) qui affectait son ex-épouse avait connu "un développement
certain ces derniers mois", ce qui avait amené celle-ci "à se renfermer sur
elle-même". Par ailleurs, il a rappelé que son comportement en Suisse
était exemplaire et qu'il travaillait à la satisfaction de son employeur.
F.
Sur réquisition de l'ODM, l'autorité cantonale compétente a procédé le
13 octobre 2005 à l'audition de B._______. Dans le cadre de cette
audition, la prénommée a notamment exposé qu'elle avait fait la
connaissance de son futur mari fin 1998 dans une discothèque à
Givisiez (FR), en déclarant que les intéressés avaient entamé, après
cette première rencontre, une relation qui avait duré six mois et qu'ils
avaient ensuite vécu maritalement jusqu'à la célébration de leur
mariage le 28 avril 2000. Par ailleurs, elle a affirmé que les problèmes
conjugaux avaient commencé au printemps de l'année 2004 environ,
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soit une année avant le prononcé du divorce, mais que le couple avait
déjà connu des difficultés liées à son rythme de vie dès 2003. Elle a
précisé que les problèmes conjugaux résultaient principalement d'une
absence d'activité commune des intéressés: "Cette situation nous a
amené à nous voir moins souvent et cela me stressait. Je ne supportais plus
cette tension entre nous et finalement a conduit à la rupture du lien conjugal ".
A cet égard, elle a déclaré que la volonté de cesser la vie conjugale
était apparue lorsque cette situation avait influencé son état de santé -
elle souffrait d'épilepsie depuis l'âge de neuf ans -, en précisant que
cette décision avait été prise environ quatre mois avant la "demande en
justice" (séparation) déposée le 21 juin 2004 auprès du Tribunal. Dans
ce contexte, elle a exposé que la décision de se séparer avait été
prise alors que son ex-mari avait effectué en février 2004 un séjour
d'un mois au Soudan et qu'elle avait constaté, à son retour, que les
choses ne s'amélioraient pas et que son stress restait le même. En
outre, elle a affirmé que les intéressés étaient restés dans le même
appartement jusqu'à la fin du mois de septembre 2004, mais qu'ils
faisaient chambre séparée et qu'ils n'avaient "plus d'intimité". Enfin, elle
a assuré que son ex-mari n'avait exercé aucune pression sur elle afin
qu'elle signât la déclaration sur la communauté conjugale et a reconnu
qu'aucun événement particulier susceptible de porter atteinte à l'union
conjugale n'était intervenu peu après la naturalisation de A._______.
Le 20 octobre 2005, l'ODM a transmis à A._______ une copie du
procès-verbal de cette audition, tout en lui fixant un délai pour lui
permettre de faire part de ses remarques à ce sujet.
Dans sa réponse du 23 novembre 2005, l'intéressé a tenu à préciser,
entre autres, que l'impossibilité pour le couple d'avoir des enfants avait
été une épreuve difficile à surmonter, tout comme la maladie de son
ex-épouse. A l'appui de ses déterminations, il a joint diverses pièces,
dont des photographies.
G.
Après avoir requis divers renseignements supplémentaires de la part
de A._______ et de son ex-épouse, l'ODM a annoncé le 11 mai 2006
qu'il renonçait à poursuivre la procédure en annulation de la
naturalisation facilitée introduite le 28 avril 2005.
H.
Par courrier du 8 avril 2008, le Service fribourgeois de l'état civil et des
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naturalisations a porté à la connaissance de l'ODM qu'il avait été
amené à s'entretenir avec A._______ et son ex-épouse dans le cadre
d'une procédure tendant à la conclusion par le premier nommé d'un
mariage en secondes noces avec une ressortissante soudanaise, en
indiquant que B._______ avait alors tenu des propos pour le moins
divergents de ceux tenus lors de son audition du 13 octobre 2005.
Compte tenu de ces éléments, l'ODM a fait part à A._______, par écrit
du 18 avril 2008, de son intention de reprendre la procédure
d'annulation et de procéder à une nouvelle audition de son ex-épouse.
I.
Le 9 mai 2008, A._______ a épousé à Fribourg C._______,
ressortissante soudanaise née le 1er janvier 1985; une fille,
prénommée D._______, est née à Fribourg, le 25 septembre 2009, de
cette nouvelle union conjugale.
J.
Au cours de sa deuxième audition du 24 juin 2008, B._______ a été
invitée à s'expliquer au sujet de ses déclarations successives. A cette
occasion, elle a également signalé que son ex-mari avait encore ses
parents et ses frères et soeurs au Soudan et qu'il entretenait
régulièrement des contacts avec sa parenté par le biais d'internet.
Sur réquisition de l'ODM, A._______ a présenté ses déterminations au
sujet de ces nouveaux éléments les 21 juillet et 15 octobre 2008.
K.
Le 5 novembre 2008, le Service de l'état civil et des naturalisations du
canton de Fribourg a donné son assentiment à l'annulation de la
nationalité suisse conférée à A._______.
L.
Par décision du 18 novembre 2008, l'ODM a prononcé l'annulation de
la naturalisation facilitée de A._______, en retenant en substance que
ce dernier avait mis au point et suivi une planification lui permettant de
s'assurer un séjour en Suisse, d'obtenir indûment la nationalité
helvétique pour s'installer ensuite avec sa seconde épouse dans le
canton de Fribourg. Selon l'office fédéral, cela résultait de
l'enchaînement "rapide et logique" des faits entre l'arrivée de l'intéressé
en Suisse en tant que requérant d'asile, ses déclarations
mensongères faites lors de la procédure d'asile, son mariage conclu
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avec une citoyenne lui permettant de consolider son séjour en Suisse
et d'introduire une requête de naturalisation facilitée, l'octroi de la
nationalité suisse, suivi moins de sept mois plus tard d'une demande
de séparation, et le prononcé du divorce, suivi lui-même de
démarches pour conclure en secondes noces un mariage avec une
ressortissante soudanaise. L'ODM a estimé que cette suite
d'événements fondait la présomption de fait que la naturalisation avait
été obtenue frauduleusement, en relevant en outre que A._______
n'avait apporté dans le cadre du droit d'être entendu aucun élément de
preuve susceptible de renverser cette présomption. A cet égard,
l'office fédéral a observé que l'ex-épouse de l'intéressé souffrait déjà
d'épilepsie avant son mariage, de sorte que cette maladie ne pouvait
pas constituer un fait postérieur à la naturalisation susceptible
d'entraîner irrémédiablement la dissolution de l'union conjugale.
M.
Par acte du 17 décembre 2008, A._______ a recouru contre cette
décision devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF ou le
Tribunal), en concluant à son annulation. Le recourant fait d'abord
valoir que, contrairement à ce que relève la décision querellée, il n'a
pas introduit seul une requête de séparation le 21 juin 2004. Il
souligne ensuite que B._______ a confirmé le fait qu'elle vivait en
couple avec lui deux ans avant la célébration du mariage en 2000. Au
demeurant, il fait valoir qu'il n'aurait pas attendu deux ans avant de se
marier si son souci avait été de tromper les autorités helvétiques avec
la complicité de son ex-épouse. Par ailleurs, le recourant soutient que
la décision de la séparation quatre mois environ avant le 21 juin 2004
avait été initialement le fait de son ex-épouse seule, laquelle souffrait
d'une épilepsie lourde et ne supportait plus " le stress lié au conflit
conjugal débutant". Il relève également que son ex-épouse a déclaré le
13 octobre 2005 qu'il n'y avait eu de sa part aucune intention de
demander le divorce au moment du dépôt de la demande de
naturalisation, soit au début de l'année 2003. Dans ce contexte, il met
en exergue l'affirmation de B._______ aux termes de laquelle le
couple était stable lors de la signature de la déclaration concernant la
communauté conjugale. Le recourant relève encore qu'il est parti en
vacances avec son ex-épouse à Rome en 2002 et en Turquie en
novembre 2003, soit postérieurement à la signature de la déclaration
du 28 octobre 2003. Sur un autre plan, il indique que son médecin-
traitant a diagnostiqué chez lui un état dépressif, en 2005, lié à son
divorce. S'agissant enfin des reproches formulés par l'ODM quant à
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l'acquisition du statut de réfugié, le recourant assure qu'il n'a jamais
été dans son intention de tromper les autorités helvétiques. A l'appui
de son pourvoi, le recourant a produit divers documents et moyens de
preuve, dont une copie d'un certificat médical daté du 5 décembre
2008 et des copies de photographies montrant les époux A._______ et
B._______ en couple en diverses occasions.
N.
Appelé à se prononcer sur le recours, l'ODM en a proposé le rejet par
préavis du 26 janvier 2009.
Le 5 mars 2009, A._______ a fait savoir au Tribunal qu'il n'avait
aucune observation à apporter aux arguments développés dans la
prise de position de l'autorité inférieure.
O.
Les divers autres arguments invoqués de part et d'autre dans le cadre
de la procédure de recours seront examinés, si nécessaire, dans les
considérants en droit ci-après.
Droit :
1.
1.1
Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le
Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les
décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968
sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les
autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
1.2 En particulier, les recours contre les décisions de l'ODM en
matière d'annulation de la naturalisation facilitée peuvent être déférées
au Tribunal de céans qui statue comme autorité précédant le Tribunal
fédéral (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. b a contrario
de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.3 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant
le Tribunal est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF).
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C-8121/2008
1.4 A._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Son
recours, présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, est
recevable (cf. art. 50 et art. 52 PA).
2.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la
constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que
l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité
cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA). A teneur
de l'art. 62 al. 4 PA, l'autorité de recours n'est pas liée par les motifs
invoqués à l'appui du recours. Aussi peut-elle admettre ou rejeter le
pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle
prend en considération l'état de fait et de droit régnant au moment où
elle statue (cf. consid. 1.2 de l'arrêt du Tribunal fédéral 2A.451/2002 du
28 mars 2003, partiellement publié [ATF 129 II 215]).
3.
3.1 En vertu de l'art. 27 al. 1 LN, un étranger peut, ensuite de son
mariage avec un ressortissant suisse, former une demande de
naturalisation facilitée s'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout
(let. a), s'il y réside depuis une année (let. b) et s'il vit depuis trois ans
en communauté conjugale avec un ressortissant suisse (let. c).
3.2 La notion de communauté conjugale dont il est question dans la
loi sur la nationalité, en particulier à l'art. 27 al. 1 let. c et l'art. 28 al. 1
let. a LN, présuppose non seulement l'existence formelle d'un mariage
- à savoir d'une union conjugale au sens de l'art. 159 al. 1 du Code
civil suisse du 10 décembre 1907 (CC, RS 210) -, mais implique, de
surcroît, une communauté de fait entre les époux, respectivement une
communauté de vie effective, fondée sur la volonté réciproque des
époux de maintenir cette union (cf. ATF 135 II 161 consid. 2 et la
jurisprudence citée).
Une communauté conjugale au sens de l'art. 27 al. 1 let. c et de l'art.
28 al. 1 let. a LN suppose donc l'existence, au moment de la décision
de naturalisation facilitée, d'une volonté matrimoniale intacte et
orientée vers l'avenir (« ein auf die Zukunft gerichteter Ehewille »),
autrement dit la ferme intention des époux de poursuivre la
communauté conjugale au-delà de la décision de naturalisation
facilitée (cf. ATF 135 II précité consid. 2 et l'arrêt du Tribunal fédéral
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5A.9/2006 du 7 juillet 2006 consid. 2.1). Il y a lieu de mettre en doute
l'existence d'une telle volonté lorsque le mariage est dissous peu
après l'obtention de la naturalisation facilitée par le conjoint étranger et
que celui-ci se remarie ensuite dans un laps de temps rapproché.
Dans ces circonstances, il y a lieu de présumer que la communauté
conjugale n'était plus étroite et effective durant la procédure de
naturalisation facilitée, la volonté réciproque des époux de poursuivre
leur vie commune n'existant plus alors (cf. ATF 135 II précité, ibidem,
128 II 97 consid. 3a, l'arrêt du Tribunal fédéral du 31 août 1998,
reproduit in Revue de l'état civil [REC] 67/1999 p. 6).
3.3 La communauté conjugale telle que définie ci-dessus doit non
seulement exister au moment du dépôt de la demande, mais doit
subsister pendant toute la procédure jusqu'au prononcé de la décision
sur la requête de naturalisation facilitée (cf. ATF 135 II précité consid.
2 et la jurisprudence citée; l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_326/2009 du
5 février 2010 consid. 3.2). Il sied de relever que le législateur fédéral,
lorsqu'il a créé l'institution de la naturalisation facilitée en faveur du
conjoint étranger d'un ressortissant suisse, avait en vue la conception
du mariage telle que définie par les dispositions du Code civil sur le
droit du mariage, à savoir une union contractée par amour en vue de
la constitution d'une communauté de vie étroite (de toit, de table et de
lit) au sein de laquelle les conjoints sont prêts à s'assurer
mutuellement fidélité et assistance, et qui est envisagée comme
durable, à savoir comme une communauté de destin (cf. art. 159 al. 2
et al. 3 CC; ATF 124 III 52 consid. 2a/aa, 118 II 235 consid. 3b), voire
dans la perspective de la création d'une famille (cf. art. 159 al. 2 CC in
fine).
Malgré l'évolution des moeurs et des mentalités, seule cette
conception du mariage, communément admise et jugée digne de
protection par le législateur fédéral, est susceptible de justifier - aux
conditions prévues à l'art. 27 et l'art. 28 LN - l'octroi de la
naturalisation facilitée au conjoint étranger d'un ressortissant
helvétique (cf. dans ce sens Jurisprudence des autorités
administratives de la Confédération [JAAC] 67.104 et 67.103). En
facilitant la naturalisation du conjoint étranger d'un ressortissant
suisse, le législateur fédéral entendait favoriser l'unité de la nationalité
dans la perspective d'une vie commune se prolongeant au-delà de la
décision de naturalisation (cf. ATF 135 II précité, ibidem). L'institution
de la naturalisation facilitée repose en effet sur l'idée que le conjoint
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étranger d'un citoyen helvétique (à la condition naturellement qu'il
forme avec ce dernier une communauté conjugale solide telle que
définie ci-dessus) s'accoutumera plus rapidement au mode de vie et
aux usages suisses qu'un étranger n'ayant pas un conjoint suisse, qui
demeure, lui, soumis aux dispositions régissant la naturalisation
ordinaire (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la
loi sur la nationalité du 26 août 1987, Feuille fédérale [FF] 1987 III
300ss, ad art. 26 et 27 du projet; voir aussi les ATF 130 II 482 consid.
2 et 128 II 97 consid. 3a).
4.
4.1 Avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, l'ODM peut,
dans les cinq ans, annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue
par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits
essentiels et qui n'aurait pas été accordée si ces faits avaient été
connus (art. 41 al. 1 LN; cf. également Message du Conseil fédéral
relatif à un projet de loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité
suisse du 9 août 1951 [FF 1951 II 700/701, ad art. 39 du projet]).
L'annulation de la naturalisation présuppose donc que celle-ci ait été
obtenue frauduleusement, c'est-à-dire par un comportement déloyal et
trompeur. A cet égard, il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu fraude au
sens du droit pénal. Il faut néanmoins que l'intéressé ait consciemment
donné de fausses indications à l'autorité, respectivement qu'il ait laissé
faussement croire à l'autorité qu'il se trouvait dans la situation prévue
par l'art. 27 al. 1 let. c LN, violant ainsi le devoir d'information auquel il
est appelé à se conformer en vertu de cette disposition (cf. ATF 135 II
précité, ibidem; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_1/2010 du
23 mars 2010 consid. 2.1.1 et la jurisprudence citée). Lorsque le
requérant déclare former une union stable avec son conjoint, alors qu'il
envisage de divorcer ultérieurement, une fois obtenue la naturalisation
facilitée, il n'a pas la volonté de maintenir une telle communauté de
vie. Sa déclaration doit donc être qualifiée de mensongère. Peu
importe, à cet égard, que son mariage se soit déroulé de manière
harmonieuse (cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_1/2010 précité, ibidem,
et la jurisprudence citée).
4.2 La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine
latitude à l'autorité. Dans l'exercice de cette liberté, celle-ci doit
s'abstenir de tout abus; commet un abus de son pouvoir d'appréciation
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l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas
compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire,
contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (cf.
notamment ATF 129 III 400 consid. 3.1, 116 V 307 consid. 2 et la
jurisprudence citée; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral
1C_548/2009 du 24 février 2010 consid. 3.1).
4.2.1 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de
la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale du 4
décembre 1947 de procédure civile fédérale [PCF, RS 273] applicable
par renvoi de l'art. 19 PA). Par renvoi de l'art. 37 LTAF, ce principe
prévaut également devant le Tribunal. L'appréciation des preuves est
libre dans ce sens qu'elle n'obéit pas à des règles de preuve légales
prescrivant à quelles conditions l'autorité devrait admettre que la
preuve a abouti et quelle valeur probante elle devrait reconnaître aux
différents moyens de preuve les uns par rapport aux autres. Lorsque la
décision intervient - comme en l'espèce - au détriment de l'administré,
l'administration supporte le fardeau de la preuve. Si elle envisage
d'annuler la naturalisation facilitée, elle doit rechercher si le conjoint
naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable avec son
époux suisse; comme il s'agit-là d'un fait psychique en relation avec
des faits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus de
l'administration et difficiles à prouver, il apparaît légitime que l'autorité
s'appuie sur une présomption. Partant, si l'enchaînement rapide des
événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été
obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré, en raison,
non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits
(art. 13 al. 1 PA; cf. à ce sujet ATF 132 II 113 consid. 3.2), mais encore
de son propre intérêt, de renverser cette présomption (cf. ATF 135 II
précité consid. 3; voir aussi sur cette question l'arrêt du Tribunal
fédéral 1C_199/2009 précité, ibidem).
4.2.2 S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à
l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve
(cf. ATF 135 II précité, ibidem), l'administré n'a pas besoin, pour la
renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir
faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il
parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable
qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec
son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la
survenance d'un événement extraordinaire, susceptible d'expliquer
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une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience
de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une
véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint
lorsqu'il a signé la déclaration (cf. l'arrêt du Tribunal fédéral
1C_548/2009 précité consid. 3.2 et les arrêts cités).
5.
A titre préliminaire, le Tribunal constate que les conditions formelles de
l'annulation de la naturalisation facilitée prévues par l'art. 41 al. 1 LN
sont réalisées dans le cas particulier. En effet, la naturalisation
facilitée accordée le 24 novembre 2003 à A._______ a été annulée
par l'autorité inférieure en date du 18 novembre 2008, soit avant
l'échéance du délai péremptoire de cinq ans prévu par la disposition
légale précitée (cf. sur cette question l'arrêt du Tribunal fédéral
1C_325/2008 du 30 septembre 2008, consid. 3, et la jurisprudence
citée), avec l'assentiment de l'autorité compétente du canton d'origine
(Fribourg).
6.
Il reste dès lors à examiner si les circonstances d'espèce répondent
aux conditions matérielles de l'annulation de la naturalisation facilitée
résultant du texte de la loi, de la volonté du législateur et de la
jurisprudence développée en la matière.
6.1 A titre préalable, il convient de relever que l'ODM avait introduit le
26 avril 2005 une première procédure d'annulation de la naturalisation
facilitée à l'encontre du recourant, compte tenu du court laps de temps
qui s'était écoulé entre l'octroi de la naturalisation facilitée (24
novembre 2003) et l'introduction d'une procédure (2 juillet 2004)
auprès des autorités civiles fribourgeoises ayant abouti à un divorce.
Après avoir procédé à l'audition de l'ex-épouse du recourant et à
diverses autres mesures d'investigation, l'autorité fédérale avait
renoncé à poursuivre la procédure en annulation, en rendant le 11 mai
2006 un non-lieu au bénéfice du doute au terme duquel l'intéressé
conservait sa nationalité suisse. Toutefois, par courrier du 8 avril 2008,
le Service de l'état civil et des naturalisations du canton de Fribourg
ayant porté à la connaissance de l'ODM que A._______ avait entrepris
des démarches administratives en vue de son remariage avec une
ressortissante soudanaise, ce fait nouveau a amené l'autorité fédérale
à reprendre la procédure d'annulation (cf. courrier du 18 avril 2008).
Dans ce contexte, l'autorité inférieure a rendu une décision
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d'annulation de la naturalisation facilitée en retenant en substance que
l'enchaînement rapide des événements fondait la présomption de fait
que A._______ avait obtenu la naturalisation frauduleusement et que
le prénommé n'avait apporté aucun élément permettant de renverser
cette présomption. Pour étayer son avis, elle a relevé, en particulier,
que le recourant avait "mis au point et suivi une planification" lui
permettant de s'assurer un séjour en Suisse (cf. décision querellée, p.
4).
L'examen des faits pertinents de la cause amène le Tribunal à une
conclusion identique. La seconde procédure ouverte par l'ODM a en
effet permis de mettre en exergue certains éléments qui éclairent d'un
jour nouveau l'enchaînement chronologique des événements depuis
l'arrivée en Suisse du recourant jusqu'à son mariage avec une
ressortissante soudanaise.
6.2 C'est ainsi que dans le cadre de la réouverture de la procédure
d'annulation de la naturalisation facilitée, il est apparu que l'intéressé
avait tenu, au cours de la procédure d'asile, des propos mensongers
au sujet de sa parenté vivant au Soudan. A l'appui de sa demande
d'asile en 1998, A._______ avait allégué que son père et sa mère,
ainsi qu'une soeur avaient été tués en mars 1996 par des soldats
envoyés par le régime soudanais en place (cf. les p.-v. d'audition
relatifs à la procédure d'asile des 29 juin 1998, 14 septembre 1998 et
11 février 1999). Il a confirmé cette allégation dans un écrit qu'il avait
envoyé à l'ODM dans le cadre de la première procédure d'annulation
aux fins de justifier son séjour au Soudan pendant son premier
mariage en février 2004: "Ses parents ayant été tués durant la guerre, c'est
à un oncle que (l'intéressé) a été rendre visite afin de ne pas perdre tous
contacts avec sa famille" (cf. correspondance du 24 avril 2006). Or, dans
le cadre des préparatifs de ses secondes noces avec une
ressortissante soudanaise, le recourant a mentionné nommément
l'existence de ses parents en remplissant le questionnaire relatif à la
vérification de documents d'état civil au Soudan (cf. pièce signée à
Fribourg le 23 septembre 2007). De son côté, au cours de sa
deuxième audition devant l'autorité cantonale compétente le 24 juin
2008, B._______ a exposé que son ex-mari conversait "par internet et
avec un webcam avec sa famille", en précisant sur ce point ce qui
suit:"J'ai vu moi-même sa famille sur l'écran, surtout la maman et un peu le
papa, peut-être aussi des frères et soeur...." (cf. p.-v. d'audition du 24 juin
2008, p. 2). Le recourant a soutenu devant l'autorité de première
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instance qu'il avait commis une imprécision en déclarant que sa famille
avait été massacrée, en ce sens qu'il "s'agissait formellement de sa
famille d'accueil" (cf. déterminations du 15 octobre 2008). Le Tribunal ne
saurait retenir pareille explication puisqu'il ressort indiscutablement
des pièces du dossier d'asile que les parents que l'intéressé avait
nommés formellement lors de cette procédure (cf. p.-v. d'audition du
29 juin 1998, p. 3, du 14 septembre 1998, p. 1 et du 11 février 1999, p.
1) sont identiques à ceux qu'il a mentionnés dans le cadre de la
procédure de remariage (cf. questionnaire relatif à la vérification de
documents d'état civil au Soudan rempli le 23 septembre 2007). Dès
lors, il est évident que pareilles déclarations divergentes permettent de
mettre sérieusement en doute l'affirmation du recourant selon laquelle
il "n'a jamais voulu tricher vis-à-vis des autorités" (cf. mémoire de recours,
p. 7).
6.3 Ces faits nouveaux par rapport à la première procédure
d'annulation de la naturalisation facilitée mettent en lumière des
éléments qui n'apparaissaient alors pas et qui, ajoutés au remariage
de l'intéressé, rendent évidente la présomption de fait découlant d'un
enchaînement de circonstances. Ainsi, il est frappant de constater que
A._______ a obtenu la nationalité suisse le 24 novembre 2003 et qu'il
s'est empressé d'entreprendre un voyage au Soudan, au mois de
février 2004, sur la base d'un visa qui lui avait été délivré par les
autorités soudanaises dans son passeport suisse (cf. courrier du 24
avril 2006). Un tel voyage n'aurait pas été possible sans l'obtention
préalable de la nationalité suisse et la révocation de son statut de
réfugié qui s'en est suivie. A cet égard, il est révélateur que son ex-
épouse a fait part, lors de la deuxième audition rogatoire du 24 juin
2008, de sa déception de devoir constater que ce voyage au Soudan
n'avait pas eu d'effet sur la qualité de leur relation: "J'espérais qu'il
reviendrait changé ayant revu sa famille, mais tel n'a pas été le cas et notre
couple n'a pas connu d'améliorations dans la qualité relationnelle" (cf. p.-v.
d'audition du 24 juin 2008, p. 2).
Il y a donc tout lieu de penser que le recourant a contracté mariage
avec une citoyenne suisse notamment dans le but d'obtenir la
nationalité helvétique, ce qui lui a permis ensuite de retourner au
Soudan, où il a non seulement pu rencontrer les membres de sa
famille, mais également sa future nouvelle épouse, C._______, qui est
de près de douze ans sa cadette et qui, du moins selon les
affirmations de son ex-épouse, était une voisine de sa famille vivant au
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Soudan (cf. note interne du 31 mars 2008 établi par le Service
fribourgeois de l'état civil et des naturalisations). Sur ce dernier point,
il appert des pièces du dossier que la prénommée était domiciliée au
Soudan à O._______ (cf. extrait de l'acte de mariage délivré le 2 août
2010, p. 3), soit dans la même localité que les parents du recourant
(cf. questionnaire relatif à la vérification de documents d'état civil au
Soudan rempli le 23 septembre 2007, p. 2). Il est donc vraisemblable
que les intéressés se connaissaient de longue date. Le 9 mai 2008, le
recourant a épousé la prénommée en secondes noces, à Fribourg. Le
25 septembre 2009, une fille est issue de cette union conjugale.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal ne saurait considérer comme
abusive l'appréciation de l'autorité inférieure selon laquelle l'intéressé
a mis au point et suivi une planification lui permettant d'abord de
s'assurer un séjour en Suisse – sur la base de fausses déclarations
faites devant les autorités chargées de la procédure d'asile - puis
d'obtenir ensuite la nationalité helvétique afin, après s'être séparé de
sa première épouse, de pouvoir épouser une ressortissante
soudanaise et de s'installer finalement avec cette dernière dans le
canton de Fribourg (cf. décision querellée, p. 4).
Aussi les éléments mentionnés ci-dessus sont-ils de nature à fonder la
présomption que A._______ a, en l'espèce, obtenu la naturalisation
facilitée de manière frauduleuse.
6.4 Cette conviction est encore renforcée par le fait que A._______,
après avoir conclu un mariage avec une citoyenne helvétique le 28
avril 2000, a déposé une demande de naturalisation facilitée le 6
février 2003 déjà, soit bien avant l'écoulement des délais de cinq ans
de séjour et de trois ans de communauté conjugale prévus à l'art. 27
al. 1 let. a. et c LN. Pareil empressement suggère immanquablement
que le recourant avait hâte d'obtenir la naturalisation facilitée rendue
possible par son mariage avec une ressortissante suisse (voir en ce
sens les arrêts du Tribunal fédéral 5A.22/2006 du 13 juillet 2006,
consid. 4.3, et 5A.13/2004 du 16 juillet 2004, consid. 3.1).
6.5 Enfin, A._______ n'a pas rendu vraisemblable la survenance d'un
événement extraordinaire de nature à expliquer une détérioration
rapide du lien conjugal, au sens indiqué plus haut (cf. ch. 4.2.2). A cet
égard, se fondant sur les déclarations de B._______, le recourant
expose (cf. mémoire de recours, p. 5) qu'il formait déjà un couple avec
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la prénommée deux ans avant le mariage célébré en 2000, que les
problèmes conjugaux ont commencé au printemps 2004 et que la
décision de se séparer quatre mois avant le 21 juin 2004 résultait
initialement de la seule initiative de son ex-épouse, qui souffrait d'une
épilepsie lourde et qui ne supportait plus " le stress lié au conflit conjugal
débutant". Or, s'agissant en particulier de ce dernier argument, le
Tribunal estime qu'il n'est pas vraisemblable que la maladie et l'état de
stress dont souffrait B._______ aient été de nature à provoquer, à eux
seuls, la désunion du couple dans le laps de temps de quelques mois
qui sépare la décision de naturalisation facilitée du 24 novembre 2003
et la décision de séparation intervenue de fait au mois de février 2004
déjà (cf. p.-v. d'audition du 13 octobre 2005, p. 2). En effet, les
éventuelles difficultés qui peuvent surgir entre époux, après plusieurs
années de vie commune, dans une communauté de vie effective,
intacte et stable, n'entraînent la séparation, selon l'expérience
générale, qu'au terme d'un processus prolongé de dégradation des
rapports conjugaux, en principe entrecoupés de tentatives de
réconciliation (cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2009 du 31 août
2009, consid. 4). Cela étant, il est important de souligner que
B._______, qui a été invitée lors de l'audition du 13 octobre 2005 à
indiquer si un événement particulier avait remis en question de
manière irrémédiable l'union conjugale, a répondu sans équivoque par
la négative (cf. p.-v. d'audition, p 3).
Il convient de relever une nouvelle fois ici que selon B._______, le
voyage de son ex-mari au Soudan n'a pas apporté l'amélioration
escomptée au niveau de l'harmonie du couple (cf. consid. 6.3 in fine).
Au vu des nouveaux éléments exposés ci-dessus (cf. consid. 6.2 et
6.3), il apparaît ainsi que ce voyage n'a fait qu'entériner une situation
d'échec déjà présente depuis longtemps. Le Tribunal de céans ne
saurait dans ces circonstances partager l'avis exprimé par le recourant
selon lequel les déclarations de B._______ confirment le fait que " le
couple vivait de façon apaisée, malgré certaines divergences" (cf. mémoire
de recours, p. 7). Quant à l'argument tiré des vacances du couple
passées en 2002 et 2003 (ibidem, p. 6), il n'est point de nature à
modifier l'analyse faite plus haut. Enfin, le recourant fait valoir,
certificat médical à l'appui, qu'il a été malade pendant de nombreux
mois postérieurement à la procédure de divorce, le médecin traitant
ayant diagnostiqué chez lui "un état dépressif en 2005 (...) lié au divorce"
(ibidem). Cet argument ne permet cependant pas non plus d'affaiblir la
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présomption que sa naturalisation facilitée a été obtenue
frauduleusement.
6.6 Ajoutés aux considérations émises antérieurement, ces divers
éléments autorisent à penser que la volonté des époux de fonder une
communauté conjugale réelle et, surtout, durable n'apparaît pas
établie. Si tant est que A._______ et sa première épouse aient voulu
fonder une communauté conjugale effective, au sens de l'art. 27 LN,
l'autorité inférieure pouvait considérer, à bon droit, que cette volonté
n'existait plus lors de la signature de la déclaration commune ou, a
fortiori, au moment de l'octroi de la nationalité suisse. Or, celle-ci
n'aurait pas été accordée au recourant si les autorités avaient eu
connaissance de ces éléments.
7.
En conclusion, le Tribunal de céans est d'avis qu'il y a lieu de s'en tenir
à la présomption de fait, basée essentiellement sur l'enchaînement
relativement rapide des événements, que la naturalisation facilitée a
été obtenue de façon frauduleuse (cf. ATF 130 II 482). Partant, l'ODM
était parfaitement fondé à considérer que la naturalisation conférée au
recourant en date du 24 novembre 2003 avait été obtenue sur la base
de déclarations mensongères, voire d'une dissimulation de faits
essentiels, et donc à prononcer, avec l'assentiment du canton
d'origine, l'annulation de cette naturalisation en application de l'art. 41
LN.
8.
Sauf décision expresse, l'annulation fait également perdre la
nationalité suisse aux membres de la famille qui l'ont acquise en vertu
de la décision annulée (cf. art. 41 al. 3 LN). Il en va ainsi de l'enfant
issu de la nouvelle union conjugale du recourant, D._______, née le
25 septembre 2009 à Fribourg (cf. l'extrait de l'acte de naissance
délivré le 2 août 2010). Dans la mesure où cet enfant est né pendant
la procédure de recours, le Tribunal doit examiner si son arrêt est
également conforme à la disposition légale précitée, étant précisé qu'il
prend en considération l'état de fait et de droit prévalant au moment où
il statue. A cet égard, le Tribunal observe qu'il n'est pas invoqué dans
le cadre de la procédure de recours et qu'il n'apparaît pas qu'au vu de
la législation soudanaise (cf. "Sudanese Nationality Act" (n° 22) du 25
juin 1957, dans sa version de 1972, in BERGMANN ALEXANDER / FERID
MURAD / HEENRICH DIETER, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht mit
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Staatsangehörigkeitsrecht, Sudan, p. 5ss), cet enfant soit menacé
d'apatridie, de sorte qu'il ne se justifie pas en l'espèce de s'écarter de
la norme prévue par l'art. 41 al. 3 LN.
9.
Il ressort de ce qui précède que la décision de l'ODM du 18 novembre
2008 est conforme au droit; en outre, cette décision n'est pas
inopportune (cf. art. 49 PA).
En conséquence, le recours doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la
charge du recourant (cf. art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1 à 3
du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et
indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF,
RS 173.320.2]).
(dispositif page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 900.-, sont mis à la charge
du recourant. Ce montant est compensé par l'avance versée le 15
janvier 2009.
3.
Le présent arrêt est adressé :
- au recourant (Acte judiciaire)
- à l'autorité inférieure, dossier ODM en retour
- au Service de l'état civil et des naturalisations du canton de
Fribourg (en copie), pour information et dossier cantonal en retour.
Le président du collège : Le greffier :
Blaise Vuille Fabien Cugni
Indication des voies de droit :
Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral, 1000
Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans
les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 de la
loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Le
mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les
conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt
attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour
autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (voir art. 42 LTF).
Expédition :
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