C-6302/2007 - Abteilung III - Extension d'une décision cantonale de renvoi - Extension d'une décision cantonale de renvoi à tou...
Karar Dilini Çevir:
C-6302/2007 - Abteilung III - Extension d'une décision cantonale de renvoi - Extension d'une décision cantonale de renvoi à tou...
Cour III
C-6302/2007/vab/scc
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 3 j a n v i e r 2 0 0 8
Bernard Vaudan (président du collège),
Ruth Beutler, Elena Avenati-Carpani, juges,
Claudine Schenk, greffière.
A._______,
représenté par le Centre Social Protestant (CSP), en la
personne de M. Rémy Kammermann, rue du Village-
Suisse 14, case postale 171, 1211 Genève 8,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM), Quellenweg 6,
3003 Berne,
autorité inférieure.
Extension d'une décision cantonale de renvoi à tout le
territoire de la Confédération.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
C-6302/2007
Faits :
A. Il ressort des pièces du dossier que A._______ (également connu
sous le nom de X._______), ressortissant de Serbie (province du
Kosovo) né le 16 mars 1946, a travaillé en Suisse de 1974 à 1977 en
qualité de manoeuvre dans le secteur de la construction, au bénéfice
d'autorisations de séjour saisonnières.
Victime d'un accident de travail (à la suite d'une chute dans les
escaliers) le 9 novembre 1977, le prénommé a été autorisé à
poursuivre son traitement médical en Suisse jusqu'au 31 mai 1979,
puis a quitté la Suisse pour retourner vivre auprès de sa famille (son
épouse et ses sept enfants) au Kosovo. A deux reprises (au mois de
novembre 1993 et d'octobre 1996), il est revenu en Suisse à la faveur
de visas de courte durée délivrés par la représentation suisse à
l'étranger compétente (dont il a ensuite requis la prolongation), en vue
de régler les suites de son accident, puis est reparti dans son pays.
Par actes des 26 mai et 4 juillet 1997, l'intéressé a sollicité des
autorités genevoises de police des étrangers d'être autorisé à
séjourner en Suisse jusqu'à droit connu s'agissant de la demande de
prestations de l'assurance-invalidité (AI) qu'il avait déposée auprès de
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger.
Par décision du 25 mai 1999, la Commission cantonale de recours de
police des étrangers du canton de Genève (CCRPE), statuant sur
recours, a annulé la décision négative rendue le 13 mai 1998 par
l'Office cantonal de la population (OCP) et invité dit office à faire droit
à la requête du prénommé.
Par arrêt du 28 octobre 2003, le Tribunal des assurances sociales du
canton de Genève, statuant sur recours, a annulé la décision négative
rendue le 13 novembre 2001 par l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger et invité dit office à mettre l'intéressé au bénéfice d'une
rente AI entière (dès le 1er janvier 2001).
L'autorisation de séjour octroyée au prénommé, valable jusqu'au
29 octobre 2000, a été prolongée à plusieurs reprises, la dernière fois
jusqu'au 31 décembre 2003.
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B. Le 8 janvier 2004, A._______ a déposé, auprès des autorités
genevoises de police des étrangers, une demande tendant à la
délivrance d'une autorisation de séjour à titre humanitaire (au sens de
l'art. 13 let. f ou 36 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le
nombre des étrangers [aOLE, RO 1986 1791]), ou d'une (nouvelle)
autorisation de séjour pour traitement médical (au sens de l'art. 33
aOLE).
Par décision du 28 mai 2004, l'OCP - après avoir constaté que le but
pour lequel une première autorisation de séjour temporaire pour
traitement médical avait été octroyée à l'intéressé était aujourd'hui
atteint (dès lors que celui-ci avait été mis au bénéfice d'une rente AI
entière) - a refusé de lui délivrer un nouveau titre de séjour.
Par décision du 10 mai 2005, la CCRPE a rejeté le recours interjeté
par le prénommé contre cette décision. Dite commission a retenu, en
substance, qu'il n'était pas démontré que le suivi médical exigé par
son état de santé actuel nécessitait sa présence permanente en
Suisse. Elle a également constaté que A._______ ne pouvait se
prévaloir d'une intégration particulière en Suisse, où il ne disposait pas
d'attaches (familiales et sociales) et n'avait que « sa rente AI de
Fr. 1141.- » et l'aide sociale qui lui était allouée par l'Hospice général
pour assurer sa subsistance.
Par décision du 5 décembre 2006, la CCRPE n'est pas entrée en
matière sur le recours interjeté par l'intéressé contre la décision de
l'OCP du 13 mars 2006, par laquelle dit office avait rejeté sa demande
de reconsidération du 15 juillet 2005 au motif qu'il n'avait fait état
d'aucun fait nouveau important justifiant le réexamen de sa situation.
Dans cette décision, la commission a avisé A._______ que la question
de l'exigibilité de l'exécution de son renvoi serait examinée d'office par
l'Office fédéral des migrations (ODM) dans le cadre de la procédure
d'extension de la décision cantonale de renvoi à tout le territoire de la
Confédération.
Le 8 mars 2007, l'OCP a transmis le dossier de la cause à l'ODM pour
décision, en attirant son attention sur le fait qu'il lui appartenait
d'examiner d'office si le retour du prénommé dans son pays d'origine
pouvait raisonnablement être exigé.
C. Par courrier du 2 mai 2007, l'ODM a invité A._______ a produire un
rapport faisant état de sa situation médicale.
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Dans le délai imparti, le mandataire du prénommé a versé en cause
un rapport médical daté du 22 juin 2007. Selon son médecin traitant,
A._______ (qui vit seul dans un logement moyennant une prise en
charge médico-sociale régulière, se déplace avec une canne en
boitant et passe l'essentiel de ses journées dans les transports publics
ou à errer dans les rues) présente des troubles psychiques sévères,
avec une capacité d'adaptation très limitée. Sa mémoire et sa
concentration sont réduites et son humeur labile, avec des passages
du rire aux larmes et des idées de mort par intermittence. S'il parvient
certes à gérer actuellement son quotidien et a trouvé un équilibre
précaire, il est toutefois incapable de se débrouiller pour subvenir à
ses besoins élémentaires.
D. Le 15 août 2007, l'ODM, après avoir constaté que la décision
rendue le 13 mars 2006 (recte: le 28 mai 2004) par les autorités
genevoises de police des étrangers était entrée en force et que
A._______ n'avait pas établi qu'il était autorisé à séjourner dans un
autre canton, a prononcé l'extension de la décision cantonale de
renvoi à tout le territoire de la Confédération. Dit office a retenu que
l'exécution du renvoi du prénommé était non seulement licite et
possible, mais pouvait également être raisonnablement exigée car « il
n'a pas été démontré qu'un retour dans le pays d'origine reviendrait à
le mettre concrètement en danger et la poursuite de son traitement
médical dans son pays d'origine est tout à fait possible ».
E. Le 19 septembre 2007 (date du sceau postal), A._______, par
l'entremise de son mandataire, a recouru contre la décision précitée,
en concluant à l'annulation de celle-ci et, à tout le moins, à l'octroi de
l'admission provisoire en raison du caractère inexigible de l'exécution
de son renvoi.
Le mandataire du recourant, se fondant sur le rapport médical du
22 juin 2007 et sur un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux
réfugiés (OSAR) du mois de mai 2004 (intitulé « Etat des soins au
Kosovo »), a fait valoir que son client, qui souffrait de graves troubles
psychiatriques, ne pourrait vraisemblablement pas bénéficier dans sa
patrie - où les médicaments étaient rarement gratuits - de la prise en
charge requise par son état et qu'il ne serait pas non plus en
mesure - compte tenu de sa capacité d'adaptation très limitée - de
subvenir à ses besoins élémentaires et à ses frais médicaux et de se
reconstituer un cadre de vie minimal à son retour au pays, de sorte
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que l'exécution de son renvoi le plongerait inévitablement dans une
grande précarité et entraînerait selon toute probabilité une péjoration
très rapide de son état, qui pourrait lui être fatale. Il a précisé que son
mandant avait rompu tout contact avec sa famille depuis plusieurs
années, faisant valoir que cette rupture ne procédait pas d'un choix
volontaire, mais de l'évolution de sa maladie, qui ne lui permettait pas
d'entretenir des relations normales avec ses semblables, le confinant
ainsi à une vie extrêmement solitaire. Il a invoqué que si l'état de
l'intéressé s'était certes stabilisé grâce au suivi médico-social régulier
dont il avait pu bénéficier en Suisse et à ses frustes occupations, cet
équilibre se trouverait gravement compromis en cas de retour au
Kosovo, d'autant qu'il serait vraisemblablement perçu par sa famille
comme un sujet de honte. Il a, en particulier, reproché à l'ODM de ne
pas avoir tenu compte de l'avis défavorable émis par le médecin
traitant de son mandant dans le rapport médical qu'il avait produit à sa
demande.
F. Dans sa détermination du 9 octobre 2007, l'ODM a relevé que son
Service d'Analyses sur la Migration et les Pays (service MILA), qu'il
avait consulté avant de rendre la décision querellée, avait indiqué,
dans sa prise de position du 6 août 2007, que les médicaments
prescrits étaient disponibles dans la région d'origine du recourant et
que le traitement médical requis pouvait être assuré auprès de la
clinique universitaire de neuropsychiatrie de Pristina et « d'autres
structures existantes ». Dit office a également retenu que les frais
médicaux à la charge de l'intéressé « devraient pouvoir être couverts »
par la rente AI qu'il « pourra certainement continuer de toucher » dans
sa patrie.
G. Dans sa réplique du 22 novembre 2007, le mandataire du
recourant s'est plaint d'une violation du droit d'être entendu, faisant
valoir que l'avis du service MILA du 6 août 2007 ne lui avait jamais été
transmis, de sorte qu'il n'était pas en mesure de se déterminer en
connaissance de cause à ce sujet. A la demande du Juge instructeur,
il a produit une copie de la décision rendue le 22 mars 2004 par
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger à l'endroit de son
mandant (par laquelle dit office avait mis A._______ au bénéfice d'une
rente AI entière de Fr. 94.- par mois), précisant que la rente AI
actuellement touchée par celui-ci (laquelle avait été indexée) s'élevait
à un montant mensuel de Fr. 99.-. Invité à fournir des renseignements
au sujet du réseau familial de son client au Kosovo, il a indiqué que les
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parents, les oncles et les tantes de l'intéressé étaient décédés, et que,
si son épouse et leurs deux enfants cadets étaient certes restés au
pays, celui-ci manquait d'informations fiables au sujet de ses cinq
autres enfants et, à plus forte raison, au sujet de ses parents plus
éloignés, compte tenu de son état psychiatrique et de sa longue
absence du pays. Enfin, il a sollicité que A._______ soit auditionné,
afin que le collège des Juges appelé à statuer puisse se rendre
compte de la gravité de ses troubles psychiques.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi fédérale
du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32),
le Tribunal administratif fédéral (TAF), en vertu de l'art. 31 LTAF,
connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi
fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS
172.021) prises par les autorités mentionnées aux art. 33 et 34 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par l'ODM (qui constitue une
unité de l'administration fédérale au sens de l'art. 33 let. d LTAF) en
matière d'extension à tout le territoire de la Confédération d'une
décision cantonale de renvoi sont susceptibles de recours au TAF, qui
statue de manière définitive (cf. art. 1 al. 2 LTAF, en relation avec
l'art. 83 let. c ch. 4 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 L'entrée en vigueur, au 1er janvier 2008, de la loi fédérale sur les
étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr, RS 142.20) a entraîné
l'abrogation de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (aLSEE, RS 1 113), conformément à
l'art. 125 LEtr (en relation avec le chiffre I de son annexe), et, partant,
de son règlement d'exécution du 1er mars 1949 (aRSEE, RO 1949 I
232) et de ses ordonnances d'exécution (telle notamment l'ordonnance
du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers [aOLE, RO 1986
1791]).
Dès lors que la demande qui est l'objet de la présente procédure de
recours a été déposée avant l'entrée en vigueur de la LEtr, l'ancien
droit (matériel) demeure toutefois applicable à la présente cause, en
vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 126 al. 1 LEtr.
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En revanche, la présente cause est régie par le nouveau droit de
procédure, conformément à l'art. 126 al. 2 LEtr.
La procédure des autorités fédérales est régie par les dispositions
générales sur la procédure fédérale (cf. art. 112 al. 1 LEtr). A moins
que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le TAF est
régie par la PA (cf. art. 37 LTAF).
1.3 A._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 PA). Présenté dans
la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable
(cf. art. 50 et 52 PA).
2.
2.1 L'étranger qui n'est au bénéfice d'aucune autorisation peut être
tenu en tout temps de quitter la Suisse (art. 12 al. 1 aLSEE).
L'étranger est tenu de quitter le canton à l'échéance de l'autorisation
(art. 12 al. 2 aLSEE).
2.2 En vertu de l'art. 12 al. 3 aLSEE, l'étranger est tenu de partir
notamment lorsqu'une autorisation ou une prolongation d'autorisation
lui est refusée (phr. 1). Dans ces cas, l'autorité lui impartit un délai de
départ (phr. 2). S'il s'agit d'une autorité cantonale, l'étranger doit
quitter le territoire du canton; si c'est une autorité fédérale, il doit
quitter le territoire suisse (phr. 3). L'autorité fédérale peut transformer
l'ordre de quitter un canton en un ordre de quitter la Suisse (phr. 4). Il
s'agit de la décision d'extension, qui est précisément l'objet de la
présente procédure.
L'ODM étendra, en règle générale, le renvoi à tout le territoire de la
Suisse, à moins que, pour des motifs spéciaux, il ne veuille donner à
l'étranger la possibilité de solliciter une autorisation dans un autre
canton (cf. art. 17 al. 2 in fine aRSEE).
3.
3.1 En l'occurrence, force est de constater que la décision de l'OCP
du 28 mai 2004 refusant de délivrer une autorisation de séjour au
recourant et prononçant son renvoi du territoire genevois, confirmée le
10 mai 2005 par la CCRPE, a acquis force de chose jugée et, partant,
est exécutoire (cf. également la décision négative rendue le
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5 décembre 2006 par la CCRPE, sur recours, dans le cadre de la
procédure extraordinaire introduite le 15 juillet 2005 par l'intéressé).
3.2 Or, en vertu de la réglementation au sujet de la répartition des
compétences en matière de police des étrangers entre la
Confédération et les cantons, il n'entre pas dans la compétence des
autorités fédérales de police des étrangers (à savoir de l'ODM et du
TAF) de remettre en cause les décisions cantonales de refus
d'autorisation de séjour et de renvoi entrées en force, autrement dit de
contraindre les autorités cantonales de police des étrangers à
régulariser la présence d'étrangers auxquels elles ont définitivement
refusé la poursuite du séjour sur leur territoire, l'objet de la présente
procédure visant exclusivement à déterminer si c'est à bon droit que
l'ODM a étendu les effets d'une telle décision à tout le territoire de la
Confédération en application des dispositions précitées
(cf. Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération
[JAAC] 63.1 consid. 11c, JAAC 62.52 consid. 9 et JAAC 57.14
consid. 5). Les motifs ayant conduit les autorités cantonales de police
des étrangers, après une pesée des intérêts (publics et privés) en
présence, à refuser la délivrance (respectivement la prolongation ou le
renouvellement) d'une autorisation de séjour, ne sauraient dès lors
être remis en question dans le cadre d'une procédure fédérale
d'extension (cf. art. 15 al. 1 et 2 et art. 18 al. 1 aLSEE, en relation avec
l'art. 51 aOLE, dont il ressort que les autorités cantonales de police
des étrangers sont seules compétentes pour délivrer, prolonger ou
renouveler un titre de séjour).
Dans ce contexte, il convient également de relever que l'extension à
tout le territoire suisse de la décision cantonale de renvoi - qui
constitue la règle générale, ainsi que le spécifie l'art. 17 al. 2 in fine
aRSEE - est considérée comme un automatisme (cf. ATF 110 Ib 201
consid. 1c p. 204s.; JAAC précitées, op. cit. ; URS BOLZ, Rechtsschutz
im Ausländer- und Asylrecht, Bâle/Francfort-sur-le Main 1990,
p. 62ss), et que les autorités fédérales de police des étrangers doivent
se borner, à ce stade, à examiner s'il existe des motifs spéciaux
justifiant de renoncer à cette extension, en application de la
disposition précitée, en vue de permettre à l'étranger de solliciter une
autorisation dans un autre canton (cf. ATF 129 II 1 consid. 3.3 p. 7s.).
3.3 En l'espèce, le recourant ne s'est jamais prévalu d'attaches
particulières avec un canton autre que celui de Genève.
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Dans ces circonstances, le TAF est amené à considérer qu'il n'existe
pas, in casu, de motifs spéciaux susceptibles de justifier une exception
à la règle générale posée par l'art. 17 al. 2 in fine aRSEE.
C'est donc à bon droit que l'autorité de première instance a étendu la
décision cantonale de renvoi à tout le territoire de la Confédération.
4.
4.1 Dans la mesure où le renvoi de l'intéressé du territoire suisse doit
être confirmé dans son principe, il convient encore d'examiner s'il
existe d'éventuels empêchements à l'exécution de cette mesure.
4.2 A teneur de l'art. 14a al. 1 aLSEE, si l'exécution du renvoi ou de
l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être
raisonnablement exigée, l'ODM décide d'admettre provisoirement
l'étranger.
L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut quitter la
Suisse, ni être renvoyé, ni dans son pays d'origine ou de provenance,
ni dans un État tiers. Elle n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger
dans son pays d'origine ou de provenance ou dans un État tiers serait
contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international.
Elle ne peut être raisonnablement exigée si elle implique une mise en
danger concrète de l'étranger (cf. art. 14a al. 2 à 4 aLSEE).
5.
5.1 Dans le cadre de la présente procédure, le mandataire du
recourant se prévaut de l'inexigibilité de l'exécution du renvoi de son
mandant de Suisse (au sens de l'art. 14a al. 4 aLSEE), en raison de
ses problèmes de santé. Il fait valoir en substance qu'un retour de
A._______ au Kosovo l'exposerait selon toute vraisemblance à une
dégradation très rapide de son état, qui pourrait lui être fatale. Il se
plaint également du caractère succinct de la motivation de la décision
querellée sur ce point et, partant, d'une violation du droit d'être
entendu, reprochant en particulier à l'ODM d'avoir fait fi de l'avis
défavorable émis à ce propos par le médecin traitant du prénommé
dans son rapport du 22 juin 2007 et d'avoir omis de lui transmettre la
prise de position établie le 6 août 2007 par le service MILA.
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5.2 La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu,
garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101) et défini par les
dispositions spéciales de procédure (tel l'art. 35 PA), le devoir pour
l'autorité de motiver sa décision, afin que ses destinataires et toutes
les personnes intéressées puissent la comprendre, l'attaquer utilement
s'il y a lieu et que l'instance de recours soit en mesure, si elle est
saisie, d'exercer pleinement son contrôle (cf. ATF 129 I 232 consid. 3.2
p. 236s., ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102s., ATF 122 IV 8 consid. 2c
p. 14, ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109s. ; cf. également Arrêt du
Tribunal fédéral 2A.496/2006 / 2A.497/2006 du 15 octobre 2007
consid. 5.1.1 [destiné à publication]). Il y a également violation du droit
d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum
d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (cf. ATF 126 I 97
consid. 2b p. 102s., ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14). Pour répondre à
ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement,
les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de
manière à ce que l'intéressé puisse apprécier la portée de celle-ci et la
déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause (cf. ATF
précités, op. cit.). En règle générale, l'étendue de l'obligation de
motiver dépend de la complexité de l'affaire à juger, de la potentielle
gravité des conséquences de la décision et des circonstances du cas
particulier. Plus la liberté d'appréciation ou la latitude de jugement de
l'autorité est importante et plus la mesure prise porte atteinte aux
droits des particuliers, plus la motivation doit être circonstanciée (cf.
ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109s. ; cf. également Arrêt du Tribunal
fédéral 2A.496/2006 / 2A.497/2006 précité, op. cit.). Si la motivation
doit révéler les réflexions de l'autorité sur les éléments (de fait et de
droit) essentiels qui ont influencé sa décision, celle-ci n'est cependant
pas tenue de prendre position sur tous les faits, griefs et moyens de
preuve invoqués par les parties, mais peut se limiter à ceux qui, sans
arbitraire, lui apparaissent décisifs pour la solution de la cause (cf. ATF
126 I 97 consid. 2b p. 102s., ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109s.).
Le droit d'obtenir une décision motivée est une garantie
constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en
principe l'annulation de la décision attaquée indépendamment des
chances de succès du recours sur le fond (cf. ATF 126 I 19 consid. 2d/
bb p. 24, ATF 126 V 130 consid. 2b p. 131s., ATF 122 II 464 consid. 4a
p. 469, et jurisp. cit.). Exceptionnellement, une éventuelle violation du
droit d'être entendu peut être guérie lorsque l'autorité qui a rendu la
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décision a pris position sur les arguments décisifs dans le cadre de la
procédure d'échange d'écritures et que l'administré a eu la possibilité
de s'expliquer librement devant une autorité de recours, dont la
cognition est aussi étendue que celle de l'autorité inférieure
(cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204s., ATF 130 II 530 consid. 7.3
p. 562, ATF 126 V 130 consid. 2b p. 131s., ATF 124 V 389 consid. 5a
p. 392 et 180 consid. 4a p. 183). Toutefois, lorsque le vice est
constitutif d'une grave violation de procédure, il est exclu que l'autorité
de recours le répare, motif pris du principe de l'économie de la
procédure (cf. JICRA 1994 no 1 consid. 6 p. 15ss ; LORENZ KNEUBÜHLER,
Gehörverletzung und Heilung, in Zbl 3/1998, p. 112ss).
5.3
5.3.1 En l'espèce, il ressort des pièces du dossier (en particulier du
rapport médical daté du 22 juin 2007) que A._______, qui a dépassé
la soixantaine, présente des troubles psychiques sévères (dont un
probable processus démentiel, en cours d'investigation) avec une
capacité d'adaptation très limitée (l'empêchant de mener une
existence totalement autonome et d'exercer une activité lucrative), qui
nécessitent impérativement une prise en charge médico-sociale
régulière. Le prénommé affirme par ailleurs avoir perdu tout contact
avec ses proches restés au pays depuis plusieurs années et manquer
d'informations fiables au sujet de l'étendue actuelle de son réseau
familial sur place.
A ce propos, il convient de relever qu'il incombe à l'autorité chargée de
statuer sur la question de l'exécution du renvoi d'un étranger
appartenant à une catégorie de personnes vulnérables (telles les
personnes affectées de graves problèmes de santé, les personnes
âgées, etc.), d'examiner de manière approfondie si le retour de
l'intéressé dans son pays d'origine peut être raisonnablement exigé. Il
lui appartient, en particulier, de vérifier si l'étranger (au besoin, avec
l'aide de ses proches) bénéficiera dans sa patrie de ressources
financières suffisantes pour subvenir à ses besoins essentiels et à ses
frais médicaux, voire d'un réseau familial ou social susceptible de lui
fournir un certain encadrement, et si l'infrastructure et les traitements
médicaux requis par son état de santé y sont disponibles, puis de se
prononcer clairement sur ces différentes questions - déterminantes
pour l'issue de la cause - dans sa décision, sous peine de commettre
une violation du droit d'être entendu.
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5.3.2 Or, force est de constater que la motivation contenue dans la
décision de l'ODM du 15 août 2007 en matière d'exigibilité de
l'exécution du renvoi est indigente et stéréotypée. Si l'autorité de
première instance a certes sollicité du mandataire du recourant la
production du rapport médical du 22 juin 2007 (cf. let. C supra), elle
n'a cependant pas tenu compte de l'avis défavorable, dûment étayé,
émis par l'auteur de ce rapport quant au renvoi de A._______ au
Kosovo, se contentant d'indiquer laconiquement qu'il « n'a pas été
démontré qu'un retour dans le pays d'origine reviendrait à le mettre
concrètement en danger ». L'ODM a par ailleurs affirmé de manière
péremptoire que « la poursuite de son traitement médical dans son
pays d'origine est tout à fait possible », sans révéler le contenu
essentiel des renseignements à sa disposition, tels qu'ils ressortent de
la prise de position établie le 6 août 2007 par son service MILA. A cela
s'ajoute que l'ODM n'a pas examiné, dans sa décision du 15 août
2007, si le recourant (éventuellement avec l'aide de ses proches)
disposait effectivement de ressources financières suffisantes pour
subvenir à ses besoins élémentaires et à ses frais médicaux ; dit office
n'a pas non plus vérifié si l'intéressé, qui n'est pas en mesure de
mener une existence totalement autonome en raison de sa capacité
d'adaptation très limitée, pouvait bénéficier dans sa patrie de
l'encadrement requis par son état, par exemple auprès de membres de
sa famille ou d'une structure médico-sociale appropriée.
S'agissant de la détermination de l'ODM du 9 octobre 2007, elle ne
répond pas non plus à toutes les questions décisives qui se posent in
casu. On ne saurait considérer, en particulier, que le contenu essentiel
de la prise de position du service MILA du 6 août 2007 (qui n'a jamais
été transmise au recourant) y ait été retranscrit. Quant à la précision
apportée par l'autorité de première instance dans cette détermination,
selon laquelle les frais liés aux traitements médicamenteux requis
« devraient pouvoir être couverts » par la rente AI que A._______
« pourra certainement continuer de toucher » dans sa patrie, il s'agit
d'une simple supputation, dont il lui appartenait de vérifier le bien-
fondé. A cet égard, le TAF observe que la rente AI touchée par le
recourant ne s'élève pas à Fr. 1141.- par mois, contrairement à ce que
la CCRPE avait retenu dans sa décision du 10 mai 2005 (à laquelle
l'ODM se réfère implicitement), mais à un montant mensuel inférieur à
Fr. 100.-, ainsi qu'il ressort des informations récemment fournies par le
recourant, à la demande du TAF (cf. let. G supra). Or, il est douteux
qu'une telle somme soit suffisante pour couvrir les besoins
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élémentaires et les frais médicaux de l'intéressé, à son retour dans
son pays d'origine.
5.4 Au regard notamment de la gravité des conséquences de sa
décision pour le recourant, l'ODM aurait dû se prononcer de manière
circonstanciée sur la question de l'exigibilité de l'exécution du renvoi
de l'intéressé (cf. consid. 5.2 supra). La motivation lapidaire contenue
dans la décision querellée sur cette question centrale s'avère donc
largement insuffisante et, partant, constitutive d'une grave violation de
procédure. En outre, force est de constater que cette irrégularité, pour
peu qu'elle puisse être guérie (cf. consid. 5.2 in fine supra), n'a pas
été réparée dans le cadre de l'échange d'écritures.
In casu, les investigations nécessaires à l'établissement des faits
pertinents de la cause (cf. consid. 6 infra) dépassent assurément
l'ampleur de ceux incombant à une autorité de recours. Le TAF
outrepasserait en effet ses compétences s'il examinait de son propre
chef et se prononçait, en instance unique, sur des questions
déterminantes qui n'ont jamais été discutées. Ce faisant, il priverait
A._______ d'une voie de recours. La présente cause doit dès lors être
cassée, en vue d'éviter une prétérition d'instance.
5.5 Dans la mesure où le TAF ne statue pas au fond, il peut se
dispenser de se prononcer sur l'opportunité de procéder
éventuellement à une audition du recourant.
6. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis en tant qu'il
porte sur la question de l'exécution du renvoi, la décision querellée
annulée sur ce point et l'affaire renvoyée à l'autorité de première
instance pour instruction complémentaire et nouvelle décision dûment
motivée dans le sens des considérants.
Il appartiendra, en particulier, à l'ODM de transmettre au recourant
(respectivement à son mandataire) la prise de position du service
MILA du 6 août 2007 (ou, à tout le moins, de lui communiquer le
contenu essentiel de cette détermination: aperçu de l'infrastructure
existant au Kosovo pour les personnes atteintes de troubles
psychiques, coûts des médicaments prescrits, lieux où ils peuvent être
obtenus), afin que celui-ci puisse se prononcer en toute connaissance
de cause à ce sujet. L'autorité de première instance est par ailleurs
invitée à vérifier si les ressources financières de A._______ (soit les
prestations dont il bénéficie actuellement de la part des assurances
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sociales suisses [AI, assurance-accidents, caisse de pension] et qu'il
pourra effectivement toucher à son retour au Kosovo, voire les revenus
et la fortune dont il dispose dans son pays) lui permettent de subvenir
à ses besoins élémentaires et à ses frais médicaux, éventuellement
avec l'aide de ses proches, et s'il existe une possibilité de prise en
charge régulière de l'intéressé dans sa patrie (à savoir un réseau
familial ou une structure médico-sociale susceptible de lui fournir un
encadrement adéquat), en se renseignant si nécessaire auprès du
Bureau de liaison suisse à Pristina.
Certes, dans la mesure où le recourant (qui passe actuellement le plus
clair de son temps dans les transports publics ou à errer dans les rues
pour échapper à la solitude) n'a pas de famille proche en Suisse et n'y
jouit d'aucune intégration sociale, tout porte à penser, à première vue,
qu'un retour au Kosovo (où vivent à tout le moins son épouse et deux
de ses enfants et où il a passé la majeure partie de son existence et a
toutes ses racines) ne pourrait que se révéler propice à une évolution
favorable de son état, ainsi que l'observe l'autorité de première
instance dans sa détermination du 9 octobre 2007. Il n'en demeure
pas moins qu'une telle évolution ne peut être escomptée qu'à la
condition que l'intéressé puisse y subvenir à ses besoins, y accéder
aux soins médicaux requis et y bénéficier d'un certain encadrement.
7. Compte tenu de l'issue de la cause, il n'est pas perçu de frais de
procédure (cf. art. 63 al. 1 [a contrario] à 3 PA).
Il convient par ailleurs d'allouer au recourant, qui obtient partiellement
gain de cause, des dépens réduits pour les frais indispensables et
relativement élevés occasionnés par la présente procédure de recours
(cf. art. 64 al. 1 PA, en relation avec l'art. 7 al. 1, l'art. 10 et l'art. 14
al. 2 du Règlement concernant les frais, dépens et indemnités fixés
par le Tribunal administratif fédéral du 11 décembre 2006 [FITAF, RS
173.320.2]). En l'absence de note de frais, compte tenu du travail
accompli par le mandataire de l'intéressé s'agissant de la question de
l'exécution du renvoi (sur laquelle porte l'essentiel de la motivation
contenue dans le recours et la réplique), du tarif applicable in casu et
du degré de difficulté moindre de la présente cause au plan juridique,
cette indemnité à titre de dépens, sera fixée à Fr. 600.- (TVA
comprise).
(dispositif page suivante)
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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est admis.
2.
La décision de l'ODM du 15 août 2007 est annulée, en tant qu'elle
ordonne l'exécution du renvoi du recourant.
3.
Le dossier de la cause est renvoyé à l'ODM pour complément
d'instruction et nouvelle décision dûment motivée dans le sens des
considérants.
4.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
5.
Un montant de Fr. 600.-- est alloué au recourant à titre de dépens, à
charge de l’autorité inférieure.
6.
Le présent arrêt est adressé :
- au mandataire du recourant (Recommandé)
- à l'autorité inférieure, avec dossier n° 1 725 952 en retour
- à l'Office de la population du canton de Genève, avec dossier
cantonal en retour.
Le président du collège : La greffière :
Bernard Vaudan Claudine Schenk
Expédition :
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