C-627/2006 - Abteilung III - Extension d'une décision cantonale de renvoi - Extension à tout le territoire de la Confédération...
Karar Dilini Çevir:
C-627/2006 - Abteilung III - Extension d'une décision cantonale de renvoi - Extension à tout le territoire de la Confédération...
Cour III
C-627/2006/
{T 0/2}
A r r ê t d u 2 2 o c t o b r e 2 0 1 0
Jean-Daniel Dubey (président du collège), Blaise Vuille,
Ruth Beutler, juges,
Aurélia Chaboudez, greffière.
A._______,
représenté par Maître Roland Burkhard,
bd Georges-Favon 13, 1204 Genève,
recourant,
contre
Office fédéral des migrations (ODM),
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.
Extension à tout le territoire de la Confédération d'une
décision cantonale de renvoi.
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Composit ion
Parties
Objet
C-627/2006
Faits :
A.
Le 6 ou le 8 mai 2002, A._______, ressortissant népalais né le (...),
est entré en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour pour
études afin de suivre une formation dans l'hôtellerie auprès de l'Institut
GHBTI dans le canton de Vaud. Le 3 octobre 2003, il a obtenu un
certificat intermédiaire en exploitation d'hôtels. Quelques mois
auparavant, en avril 2003, il s'était inscrit à l'Ecole de langue LINKS à
Lausanne. Par décision du 16 décembre 2003, les autorités vaudoises
ont refusé de renouveler son autorisation de séjour à cause de son
changement de plan d'études. Le recours interjeté contre cette
décision est devenu sans objet, le canton ayant rapporté sa décision
suite à l'inscription de l'intéressé à l'Ecole hôtelière des Grisons et à
son engagement ferme de quitter le territoire vaudois à fin 2004. Le
22 novembre 2004, A._______ a déposé une demande d'autorisation
de séjour pour études auprès de l'Office cantonal de la population de
Genève (ci-après : OCP), en vue d'étudier la gestion d'entreprise
auprès de l'International University à Genève. L'OCP a rejeté cette
demande par décision du 1er mars 2005, confirmée sur recours par la
Commission cantonale de recours de police des étrangers de Genève
(ci-après : CCRPE) en date du 28 novembre 2005. Par courrier du
23 février 2006, l'OCP a imparti à A._______ un délai au 31 mai 2006
pour quitter le territoire cantonal, dans la mesure où la décision de la
CCRPE était entrée en force. L'OCP a en outre avisé l'intéressé qu'il
invitait l'Office fédéral des migrations (ODM) à étendre la décision
cantonale de renvoi à l'ensemble du territoire de la Confédération.
B.
Par décision du 28 février 2006, l'ODM a prononcé l'extension à tout le
territoire de la Confédération de la décision cantonale de renvoi
concernant A._______. L'office a estimé que la poursuite du séjour de
l'intéressé en Suisse ne se justifiait plus et que l'exécution de son
renvoi était licite, possible et raisonnablement exigible. Par ailleurs,
l'effet suspensif a été retiré à un éventuel recours.
C.
Par acte du 31 mars 2006, l'intéressé a recouru contre cette décision
auprès du Département fédéral de justice et police (DFJP). Il a produit
un document établi le 24 mars 2006 par l'Office du comité de
développement du village Z._______, le village népalais où sa famille
Page 2
C-627/2006
réside. Il en ressort que la situation politique au Népal était très
perturbée et que le mouvement maoïste avait extorqué une grosse
somme d'argent à la famille de l'intéressé de sorte que celle-ci, de
même que le recourant en cas de retour, risquait d'avoir des
problèmes avec le gouvernement qui pourrait l'accuser de soutenir les
mouvements terroristes. L'intéressé a également versé en cause un
article évoquant les pratiques de racket ayant cours au Népal, un autre
dénonçant les arrestations de civils effectuées par le gouvernement et
un troisième faisant état des tortures et massacres pratiqués par les
forces de l'ordre et les insurgés maoïstes. Selon une publication du
Département d'Etat américain qu'il a produite, le parti maoïste était
considéré comme une organisation terroriste. Enfin, il a versé en
cause un document tiré d'Internet qui relate que les maoïstes
recrutaient des étudiants de force en les kidnappant. Le recourant a
conclu à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi de l'admission
provisoire. Il a également demandé la restitution de l'effet suspensif.
D.
Le 10 avril 2006, le DFJP a invité les autorités cantonales à surseoir à
l'exécution du renvoi du recourant, annonçant qu'il serait statué
ultérieurement sur la demande de restitution d'effet suspensif.
E.
L'ODM s'est déterminé sur le recours le 8 juin 2006 et en a proposé le
rejet. Il a relevé que le recourant n'avait pas démontré qu'il serait
autorisé à séjourner sur le territoire d'un canton autre que celui de
Genève et que la situation au Népal s'était sensiblement améliorée, au
vu du cessez-le-feu et du début des négociations entre le
gouvernement et la rébellion maoïste. L'office a estimé que
l'attestation de l'Office du comité de développement du village de
l'intéressé ne permettait pas d'établir que ce dernier était exposé à
des préjudices graves et a également douté de l'authenticité de celle-
ci, invoquant que ce genre de document pouvait aisément être acheté.
F.
Dans sa réplique du 14 août 2006, le recourant a contesté avoir
acheté cette attestation et a soutenu que la situation politique au
Népal restait très précaire.
G.
Par ordonnance du 21 octobre 2008, le recourant a été invité à se
déterminer sur l'amélioration de la situation politique au Népal et à
Page 3
C-627/2006
communiquer s'il entendait déposer une demande d'asile en Suisse en
relation avec les risques de persécution qu'il invoquait.
H.
L'intéressé a allégué, par courrier du 6 novembre 2008, que la crise
des droits humains s'était aggravée au Népal suite à l'interdiction, en
avril 2008, de tous les rassemblements politiques à Katmandou, qui
avait conduit à des milliers d'arrestations et à des mauvais traitements,
que les abus persistaient à cause du système des castes et que sa
famille devait continuer à donner de l'argent pour éviter d'être
persécutée. Il a fait savoir qu'il ne souhaitait pas solliciter l'asile
politique en Suisse et a invoqué sa bonne intégration.
I.
En janvier 2010, le recourant a sollicité des attestations de l'OCP et du
Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) en vue de son
mariage. Invité par ordonnance du 16 avril 2010 à indiquer si la
conclusion de son mariage avait eu lieu, l'intéressé n'a pas répondu.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin
2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal,
en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au
sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la
procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités
mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions en matière d'extension à tout le territoire
de la Confédération d'une décision cantonale de renvoi prononcées
par l'ODM (cf. art. 33 let. d LTAF) sont susceptibles de recours au
Tribunal, qui statue définitivement (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec
l'art. 83 let. c ch. 4 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF,
RS 173.110]).
1.2 L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la loi fédérale du
16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr, RS 142.20) a entraîné
l'abrogation de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
Page 4
C-627/2006
l'établissement des étrangers (LSEE, RS 1 113), conformément à l'art.
125 LEtr, en relation avec le chiffre I de son annexe 2. De même,
l'entrée en vigueur au 1er janvier 2008 de l'art. 91 de l'ordonnance du
24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une
activité lucrative (OASA, RS 142.201) a eu pour conséquence
l'abrogation de certaines ordonnances d'exécution de la LSEE, tels
notamment le règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (RSEE, RO
1949 I 232) et l'ordonnance du Conseil fédéral du 6 octobre 1986
limitant le nombre des étrangers (OLE, RO 1986 1791).
En l'occurrence, tant la décision cantonale refusant le renouvellement
de l'autorisation de séjour et faisant débuter la procédure de renvoi
que la demande d'extension de la décision cantonale de renvoi datent
d'avant l'entrée en vigueur de la LEtr. Dès lors, l'ancien droit matériel
est applicable à la présente cause, conformément à la réglementation
transitoire de l'art. 126 al. 1 LEtr (cf. à ce sujet ATAF 2008/1 consid. 2
p. 2ss).
1.3 En revanche, en vertu de l'art. 126 al. 2 LEtr, la procédure relative
aux demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la LEtr est régie
par le nouveau droit.
A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le
Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).
1.4 A._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Son
recours, présenté dans la forme et le délai prescrits par la loi, est
recevable (cf. art. 50 et 52 PA).
2.
Les recourants peuvent invoquer devant le Tribunal la violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la
constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que
l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité
cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA).
A teneur de l'art. 62 al. 4 PA, l'autorité de recours n'est pas liée par les
motifs invoqués à l'appui du recours et peut donc admettre ou rejeter
le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle
prend en considération l'état de fait régnant au moment où elle statue
Page 5
C-627/2006
(cf. consid. 1.2 de l'arrêt du Tribunal fédéral 2A.451/2002 du 28 mars
2003, partiellement publié in ATF 129 II 215).
3.
3.1 L'étranger qui n'est au bénéfice d'aucune autorisation peut être
tenu en tout temps de quitter la Suisse. L'étranger est tenu de quitter
le canton à l'échéance de l'autorisation (art. 12 al. 1 et 2 LSEE).
L'étranger est tenu de partir notamment lorsqu'une autorisation ou une
prolongation d'autorisation lui est refusée. Dans ces cas, l'autorité lui
impartit un délai de départ. S'il s'agit d'une autorité cantonale,
l'étranger doit quitter le territoire du canton ; si c'est une autorité
fédérale, il doit quitter le territoire suisse. L'autorité fédérale peut
transformer l'ordre de quitter un canton en un ordre de quitter la
Suisse (art. 12 al. 3 LSEE). Il s'agit de la décision d'extension, qui est
précisément l'objet de la présente procédure. Cette extension est
considérée comme un automatisme (cf. ATF 110 Ib 201 consid. 1c et
l'arrêt du Tribunal administratif fédéral C-621/2006 du 28 mai 2010
consid. 5.2 et références citées). En effet, l'ODM étendra, en règle
générale, le renvoi à tout le territoire de la Suisse, à moins que, pour
des motifs spéciaux, il ne veuille donner à l'étranger la possibilité de
solliciter une autorisation dans un autre canton (art. 17 al. 2 in fine
RSEE).
3.2 Partant, l'autorité fédérale de police des étrangers doit se borner à
examiner, à ce stade, s'il existe des motifs spéciaux justifiant de
renoncer à l'extension en vue de permettre à l'étranger de solliciter
une autorisation dans un autre canton (cf. ATF 129 II 1 consid. 3.3).
Dès lors que la renonciation à l'extension n'a aucune incidence sur
l'illégalité du séjour en Suisse en tant que telle et qu'une situation
irrégulière ne saurait être tolérée, le Tribunal considère qu'il n'est
renoncé à l'extension que lorsqu'une procédure d'autorisation est
pendante dans un canton tiers et que ce canton a autorisé l'étranger à
séjourner sur son territoire pendant la durée de la procédure. En effet,
si l'étranger ne présente aucune demande d'autorisation dans un
canton tiers ou si cette demande apparaît d'emblée vouée à l'échec, il
lui incombe de quitter la Suisse (cf. ATF 129 précité, ibidem).
3.3 C'est le lieu de rappeler que des arguments visant à démontrer,
dans le cadre d'une pesée des intérêts privés et publics en présence,
que l'étranger a un intérêt privé prépondérant à demeurer en Suisse
Page 6
C-627/2006
(arguments liés, par exemple, à la durée de son séjour, à son
comportement individuel et à son degré d'intégration
socioprofessionnel en Suisse, ou à ses attaches familiales en ce pays)
relèvent de la procédure cantonale d'autorisation et des voies de
recours y afférentes, et n'ont plus à être examinés par les autorités
fédérales de police des étrangers, sous réserve de l'existence
d'éventuels obstacles à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 14a al. 2
à 4 LSEE (cf. consid. 5 et 6 infra). Dans ces conditions, les motifs
ayant conduit les autorités cantonales de police des étrangers, après
une pesée des intérêts publics et privés en présence, à refuser l'octroi
d'une autorisation de séjour et à prononcer le renvoi du recourant de
son territoire ne sauraient être remis en question dans le cadre de la
présente procédure fédérale d'extension (cf. arrêt du Tribunal
administratif fédéral C-621/2006 précité consid. 5.3).
4.
4.1 En l'espèce, force est de constater que la décision de l'OCP du
1er mars 2005 refusant la délivrance d'une autorisation de séjour à
A._______ et prononçant son renvoi du territoire cantonal, confirmée
par la CCRPE le 28 novembre 2005, a acquis force de chose jugée et,
partant, est exécutoire. L'intéressé, à défaut d'être titulaire d'un titre de
séjour, n'est donc pas autorisé à résider légalement sur le territoire
genevois.
4.2 Par ailleurs, l'ODM n'a pas jugé nécessaire de renoncer à
l'extension du renvoi à tout le territoire de la Suisse, ce qui ne saurait
être contesté dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que le
recourant aurait engagé, à la suite de la décision négative rendue par
les autorités genevoises, une nouvelle procédure d'autorisation dans
un canton tiers qui se serait déclaré disposé à régler ses conditions de
séjour sur son propre territoire. A cet égard, s'il a séjourné dans le
canton de Vaud pendant plus de deux ans, il est manifeste que les
autorités cantonales vaudoises ne seraient pas disposées à lui
octroyer une nouvelle autorisation étant donné qu'après avoir refusé
de renouveler son permis de séjour en décembre 2003, elles lui ont
expressément demandé de s'engager à quitter le territoire vaudois,
lors de la procédure de recours qui a suivi. Dans ces circonstances, le
Tribunal est amené à considérer qu'il n'existe pas, in casu, de motifs
spéciaux susceptibles de justifier une exception à la règle générale
posée par l'art. 17 al. 2 in fine RSEE. L'extension à tout le territoire de
Page 7
C-627/2006
la Confédération de la décision cantonale de renvoi prononcée par
l'ODM s'avère donc parfaitement fondée quant à son principe.
5.
5.1 Il convient encore d'examiner s'il se justifierait, en application de
l'art. 14a al. 1 LSEE, d'inviter l'ODM à prononcer l'admission provisoire
du recourant en raison du caractère impossible, illicite ou inexigible de
l'exécution de son renvoi. A cet égard, on relèvera que l'admission
provisoire est une mesure de remplacement se substituant à
l'exécution du renvoi (ou refoulement proprement dit), lorsque la
décision de renvoi du territoire helvétique ne peut être exécutée. Cette
mesure de substitution, qui se fonde sur l'art. 14a al. 2 à 4 LSEE,
existe donc parallèlement au prononcé du renvoi, qu'elle ne remet pas
en question dès lors que ce prononcé en constitue précisément la
prémisse (cf. Message du Conseil fédéral à l'appui d'un arrêté fédéral
sur la procédure d'asile [APA] et d'une loi fédérale instituant un Office
fédéral pour les réfugiés du 25 avril 1990 [ci-après: Message APA], in
FF 1990 II 605ss; cf. WALTER KAELIN, Grundriss des Asylverfahrens,
Bâle/Francfort-sur-le-Main 1990, p. 200; NICOLAS WISARD, Les renvois et
leur exécution en droit des étrangers et en droit d'asile, Bâle/Francfort-
sur-le-Main 1997, p. 89ss). D'éventuels obstacles à l'exécution du
renvoi au sens de l'art. 14a al. 2 à 4 LSEE ne sauraient donc remettre
en cause la décision d'extension en tant que telle.
5.2 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut quitter la
Suisse, ni être renvoyé, ni dans son Etat d'origine ou de provenance,
ni dans un Etat tiers. L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de
l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance ou dans un Etat
tiers serait contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit
international. L'exécution ne peut notamment pas être raisonnable-
ment exigée si elle implique la mise en danger concrète de l'étranger
(art. 14a al. 2 à 4 LSEE).
6.
6.1 L'examen des pièces du dossier révèle que le recourant est en
possession d'un passeport national délivré le 19 mars 2001 (cf.
photocopie du passeport figurant dans les pièces du dossier cantonal
genevois) et valable jusqu'au 18 mars 2006, selon les indications
figurant au dossier. Le recourant détient donc les documents
nécessaires lui permettant de retourner dans son pays d'origine.
Page 8
C-627/2006
Même si la durée de validité que comportait son passeport est depuis
lors échue, l'intéressé est cependant en mesure d'en obtenir le
renouvellement auprès de la Représentation de son pays d'origine ou,
à tout le moins, de se faire délivrer de la part de cette dernière un
document de voyage en vue de son retour dans sa patrie. Il s'ensuit
que l'exécution du renvoi ne se heurte pas à des obstacles
insurmontables d'ordre technique et s'avère possible (art. 14a al. 2
LSEE).
6.2 S'agissant de la licéité de l'exécution du renvoi, l'intéressé a
invoqué qu'il risquait d'être persécuté en cas de retour au Népal,
faisant ainsi valoir des motifs qui pourraient tomber sous l'interdiction
du refoulement. Dans la mesure où il a indiqué, par courrier du
6 novembre 2008, qu'il n'entendait pas déposer de demande d'asile en
Suisse, il convient d'examiner dans le cadre de la présente procédure
si l'exécution de son renvoi serait contraire aux engagements de la
Suisse relevant du droit international, notamment à l'art. 3 de la
Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales (CEDH, RS 0.101) (cf. pour plus de
détails ATAF C-352/2008 du 21 septembre 2010 consid. 7 à 13, spéc.
consid. 12).
6.2.1 A cet égard, s'il est vrai que l'interdiction de la torture, des
peines et traitements inhumains ou dégradants s'applique
indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela
ne signifie encore pas qu'un renvoi serait prohibé par le seul fait que
dans le pays concerné, des violations de cette disposition devraient
être constatées. Encore faut-il que la personne qui invoque l'art. 3
CEDH démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque
concret et sérieux d'être victime de tortures, ou de traitements
inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort
qu'une guerre civile, une situation insurrectionnelle, des troubles
intérieurs graves, un climat de violence généralisée ne suffisent pas à
justifier la mise en œuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant
que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle
serait visée personnellement – et non pas simplement par le fait d'un
hasard malheureux – par des mesures incompatibles avec la
disposition en question (cf. Jurisprudence et informations de la
Commission suisse de recours en matière d’asile [JICRA] 1996 no 18
consid. 14b let. ee p. 186s. et réf. citées ; cf. également les arrêts de la
Cour européenne des droits de l'homme en l'affaire F.H. c/Suède du
Page 9
C-627/2006
20 janvier 2009, requête n° 32621/06 et en l'affaire Saadi c/Italie du
28 février 2008, requête n° 37201/06).
6.2.2 En l'espèce, le recourant soutient qu'il encourt des risques de la
part du gouvernement népalais qui pourrait l'accuser de terrorisme,
étant donné que sa famille a été contrainte de financer le mouvement
rebelle maoïste. Il a produit un document de l'Office du comité de
développement de son village d'origine, établi le 24 mars 2006, qui
indique qu'il serait dangereux pour lui de retourner au Népal à cause
de ces événements et de la situation politique.
6.2.3 En premier lieu, les allégations du recourant sont d'emblée
sujettes à caution, dans la mesure où il apparaît peu vraisemblable
que celui-ci n'ait appris que sa famille était victime d'extorsion d'argent
de la part des maoïstes qu'après que l'ODM a prononcé son renvoi de
Suisse (cf. mémoire de recours p. 4-5), alors que le conflit qui opposait
le gouvernement népalais aux maoïstes durait depuis 1996, soit
depuis dix ans. L'attestation du Z._______ Village Development
Committee produite à ce propos par l'intéressé ne saurait se voir
attribuer de valeur probante puisque, selon les informations fiables à
la disposition du Tribunal, ce genre de document peut aisément être
acquis au Népal. En outre, il n'apparaît pas crédible que l'intéressé,
qui n'a eu aucun contact direct avec les maoïstes ces dernières
années étant donné qu'il séjourne en Suisse depuis 2002, soit
confronté à un danger particulier en cas de retour au Népal, alors que
les membres de sa famille, qui auraient été contraints de verser
régulièrement de l'argent aux maoïstes (cf. lettre du 6 novembre 2008)
ont pu continuer à vivre dans leur village d'origine et n'ont pas cherché
refuge ailleurs. Enfin, si le Tribunal n'ignore pas que les maoïstes ont
régulièrement pratiqué l'extorsion, cette activité concerne dans la
même mesure une grande partie de la population népalaise, de sorte
qu'on ne peut conclure de ce seul fait à une mise en danger concrète
de l'intéressé (cf. JICRA 2006 n° 31 consid. 4.4 p. 334s.). Ainsi, le
recourant n'a pas démontré qu'il existait pour lui un véritable risque
concret et sérieux d'être victime d'un traitement tombant sous le coup
de l'art. 3 CEDH en cas de renvoi dans son pays d'origine.
6.2.4 L'exécution de son renvoi apparaît donc licite au sens de
l'art. 14a al. 3 LSEE.
6.3 Reste encore à examiner si l'exécution du renvoi de A._______
est raisonnablement exigible au sens de l'art. 14a al. 4 LSEE.
Page 10
C-627/2006
6.3.1 Cette disposition n'est pas issue des normes du droit
international, mais procède de préoccupations humanitaires qui sont le
fait du législateur suisse (FF 1990 II 668). Elle s'applique en premier
lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui, sans être
individuellement victimes de persécutions, tentent d'échapper aux
conséquences de guerres civiles, de tensions, de répressions ou à
d'autres atteintes graves et généralisées aux droits de l'homme, et
ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre
concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus
recevoir les soins dont elles ont besoin (cf. ATAF 2007/10 consid. 5.1
p. 111). Il s'agit donc d'un texte légal à forme potestative ("Kann-
Bestimmung") indiquant clairement que la Suisse intervient ici non pas
en raison d'une obligation découlant du droit international, mais
uniquement pour des motifs humanitaires ; c'est ainsi que cette
prescription confère aux autorités compétentes un pouvoir de libre
appréciation dont l'exercice est notamment limité par l'interdiction de
l'arbitraire et le principe de l'intérêt public (cf. Message APA, in FF
1990 II 625; voir également KAELIN, op. cit., pp. 26 et 203ss; BLAISE
KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle et Francfort-sur-le-
Main 1991, p. 34ss).
6.3.2 Le Népal ne connaît pas, à l'heure actuelle, une situation de
guerre, de guerre civile ou de violence généralisée. La situation
politique et sécuritaire dans ce pays s'est notablement améliorée
depuis la reprise des négociations pour la paix entre les maoïstes et le
gouvernement (cf. JICRA 2006 no 31 consid. 4.3.4 et 4.3.5 p. 332ss).
Le 21 novembre 2006, le gouvernement népalais et le Parti
communiste du Népal-Maoïste (ci-après PCN-M) ont signé un accord
de paix qui a mis en place un processus de démobilisation et de
désarmement des combattants. Le 10 avril 2008 s'est tenue l'élection
de l'assemblée constituante, à l'issue de laquelle les maoïstes se sont
vu attribuer une grande proportion de sièges. Lors de sa séance du
28 mai 2008, l'assemblée constituante a aboli la monarchie vieille de
près de 240 ans et a instauré une république. Le 21 juillet 2008, elle a
élu Ram Baran Yadav du Nepali Congress comme premier président
de la République et, le 15 août 2008, elle a nommé le chef des
maoïstes, Pushpa Kamal Dahal comme premier ministre. Ce dernier a
toutefois quitté son poste, le 5 mai 2009, en raison des difficultés que
rencontrait l'intégration des anciens rebelles dans l'armée. Les
maoïstes sont ainsi entrés dans l'opposition et cela a conduit à la
création d'un nouveau gouvernement de coalition. Depuis lors, les
Page 11
C-627/2006
maoïstes ont à nouveau fait des grèves et des manifestations. Comme
ils forment toutefois la plus forte fraction au parlement, les partis au
pouvoir devront continuer à collaborer avec eux et trouver une solution
au conflit. Les maoïstes ont d'ailleurs annoncé, en juillet 2010, qu'ils
souhaitaient former un gouvernement d'union nationale. Force est
ainsi de constater que, de manière générale, la situation s'est bien
améliorée depuis 2006, même si des groupes armés continuent à
procéder à des attaques et à des extorsions, que les tensions entre
ethnies perdurent, principalement dans la région méridionale du Terai,
et que le problème de l'intégration des rebelles n'a pas encore été
résolu (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5530/2006 du
9 septembre 2010 consid. 5.3 et références citées).
6.3.3 En ce qui concerne la situation personnelle du recourant, celui-
ci est né et a passé la majeure partie de son existence dans sa patrie
(notamment son adolescence et le début de sa vie d'adulte, période
durant laquelle se forge la personnalité en fonction notamment de
l'environnement socioculturel ; cf. ATAF 2007/45 consid. 7.6 p. 597, et
la jurisprudence citée). Il pourra se réinstaller auprès des membres de
sa famille les plus proches, qui vivent encore actuellement là-bas. Il a
en outre suivi en Suisse une formation dans l'hôtellerie, à l'issue de
laquelle il a obtenu un certificat, et il lui sera donc possible de mettre à
profit ses connaissances dans son pays. Dans ces conditions,
l'exécution du renvoi de l'intéressé, qui est jeune et en bonne santé,
s'avère raisonnablement exigible.
7.
Il ressort de ce qui précède que, par sa décision du 28 février 2006,
l'ODM n'a ni violé le droit fédéral ni constaté des faits pertinents de
manière inexacte ou incomplète ; en outre, cette décision n'est pas
inopportune (art. 49 PA).
Le recours doit par conséquent être rejeté.
8.
Les mesures superprovisionnelles prononcées le 10 avril 2006 par
l'autorité d'instruction ont laissé en suspens la demande de restitution
de l'effet suspensif retiré au recours par l'ODM. Cette dernière requête
est toutefois devenue sans objet du fait de la présente décision.
9.
Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure, d'un
Page 12
C-627/2006
montant de Fr. 800.-, à la charge du recourant, conformément à
l'art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1ss du règlement du
21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le
Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)
Page 13
C-627/2006
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, s'élevant à Fr. 800.-, sont mis à la charge du
recourant. Ils sont compensés par l'avance de frais de même montant
versée le 8 mai 2006.
3.
Le présent arrêt est adressé :
- au recourant (par recommandé)
- à l'autorité inférieure (avec dossier n° 1 919 188 en retour)
- à l'Office cantonal de la population, Police des étrangers, Genève
(en copie ; annexe : dossier cantonal en retour)
Le président du collège : La greffière :
Jean-Daniel Dubey Aurélia Chaboudez
Expédition :
Page 14