C-4686/2013 - Abteilung III - Interdiction d'entrée - Réexamen d'une décision d'interdiction d'entrée en...
Karar Dilini Çevir:
C-4686/2013 - Abteilung III - Interdiction d'entrée - Réexamen d'une décision d'interdiction d'entrée en...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l

Décision confirmée par le TF par arrêt
du 10.09.2015 (2C_319/2015)








Cour III
C-4686/2013



Ar r ê t d u 1 e r a v r i l 2 0 1 5
Composition
Marie-Chantal May Canellas (présidente du collège),
Andreas Trommer, Blaise Vuille, juges,
Arnaud Verdon, greffier.



Parties
A._______,
représenté par (…),
(…),
recourant,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.




Objet
Réexamen d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse.


C-4686/2013
Page 2
Faits :
A.
A._______, ressortissant espagnol né en Suisse le 23 décembre 1976, a
fait l'objet de plusieurs condamnations pénales sur le territoire helvétique,
à savoir :
 Le 7 mars 2000, par le Tribunal de district de Sion, à six mois
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, pour filouterie
d'auberge et pour de nombreuses infractions à la loi fédérale du
19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR, RS 741.01),
 le 11 octobre 2000, par le Juge d'instruction de Lausanne, à trois mois
d'emprisonnement (peine complémentaire à celle prononcée le 7 mars
2000) pour des infractions à la LCR, dénonciation calomnieuse et
contravention à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et
les substances psychotropes (LStup, RS 812.121), et
 le 6 mai 2004, par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
Lausanne, à sept ans et trois mois de réclusion et à une expulsion
judiciaire du territoire suisse d'une durée de 10 ans, pour lésions
corporelles simples, dommages à la propriété, injures, menaces,
contrainte, violation de domicile, vol d'usage et crime contre la LStup,
dit jugement étant confirmé par la Cour de cassation pénale de
Lausanne en date du 7 octobre 2004.
B.
Par décision du 3 mai 2005, l'Office fédéral des migrations (ODM,
actuellement Secrétariat d'Etat aux migrations [SEM]), a prononcé une
interdiction d'entrée de durée indéterminée à l'encontre d'A._______ aux
motifs suivants :
"Etranger dont le retour en Suisse est indésirable en raison de son
comportement et pour des motifs d'ordre et de sécurité publics (lésions
corporelles simples, dommages à la propriété, injures, menaces,
contrainte, violation de domicile, infraction grave à la LFStup, antécédents
judiciaires)".
C.
Par décision du 15 janvier 2007, la commission de libération du canton de
Vaud a accordé la libération conditionnelle à l'intéressé "au 31 janvier 2007
pour autant qu'il quitte la Suisse à sa sortie de prison", date à laquelle
C-4686/2013
Page 3
l'intéressé aurait quitté la Suisse avec sa fiancée suissesse, B._______
née le 5 novembre 1986, et rejoint sa famille en Espagne.
D.
Par décision du 30 mars 2007, le Service de la population du canton de
Vaud a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour CE/AELE en faveur de
l'intéressé, dit refus étant confirmé par le Tribunal administratif du canton
de Vaud en date du 25 juillet 2007, puis par le Tribunal fédéral dans un
arrêt du 5 décembre 2007 (2C_408/2007).
E.
Interpellé le 25 avril 2007 par la police cantonale vaudoise, A._______ a
reconnu être revenu illégalement sur le territoire Suisse au début du mois
d'avril 2007 "suite à des problèmes d'ordre médical au sujet de [la]
grossesse [de son amie], ainsi que relationnel avec [s]a famille (…)". Suite
à cette interpellation, l'intéressé a quitté la Suisse le 6 mai 2007 pour
s'installer en France. Par ordonnance pénale du 7 avril 2009, le juge
d'instruction du Nord vaudois l'a condamné à une peine pécuniaire de
60 jours-amende pour séjour illégal.
F.
Le 8 juin 2009, A._______ a été contrôlé et refoulé au point de passage
frontière de Thônex-Vallard alors qu'il tentait d'entrer sur le territoire suisse
malgré l'interdiction d'entrée prononcée à son encontre.
G.
Le 13 mars 2012, le prénommé a demandé le réexamen de la décision
d'interdiction d'entrée.
Par courrier du 11 avril 2012, le SEM a demandé des informations
complémentaires à l'intéressé, dites informations étant produites par
courrier du 25 avril 2012.
L'intéressé a bénéficié de sauf-conduits en date des 1er mai 2012, 26 juin
2012 et 18 décembre 2012, pour une durée totale de 12 jours.
H.
Par courrier du 13 février 2013, complété par acte du 5 mars 2013,
A._______ a de nouveau demandé le réexamen de l'interdiction d'entrée
prononcée à son égard.
C-4686/2013
Page 4
Par pli du 22 mars 2013, le SEM a informé l'intéressé qu'il envisageait de
refuser la levée de l'interdiction d'entrée, se disant toutefois prêt à réduire
sa durée au 30 janvier 2017, et l'a invité à exercer son droit d'être entendu.
Par acte du 22 avril 2013, l'intéressé a déposé ses observations,
demandant la levée immédiate de l'interdiction d'entrée, et très
subsidiairement de réduire sa durée au 3 mai 2015. Il a notamment fait
valoir que du temps avait passé depuis le prononcé de l'interdiction
d'entrée le 3 mai 2005, qu'il avait changé de trajectoire en prison, qu'il
n'avait plus commis d'infractions depuis l'été 2002, que son retour en
Suisse en 2007 était certes une erreur de sa part, mais que les raisons de
son retour, sans aller jusqu'à le justifier, permettaient de relativiser son
caractère illicite, et qu'il avait respecté les termes des sauf-conduits qui lui
avaient été accordés.
I.
Par décision du 19 juillet 2013, l'autorité inférieure a partiellement admis la
demande de réexamen en refusant de lever l'interdiction d'entrée, en
limitant toutefois ses effets au 30 janvier 2017.
J.
Par acte du 21 août 2013, A._______ a interjeté recours contre la décision
du SEM du 19 juillet 2013 auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-
après : le Tribunal ou le TAF).
A l'appui de son pourvoi, l'intéressé a notamment reproché à l'autorité
inférieure d'avoir ignoré sa prise de position du 22 avril 2013 – la décision
correspondant fidèlement au préavis du 22 mars 2013 –, d'avoir rendu une
décision dont le dispositif serait erroné – ce dernier admettant la requête
de réexamen tout en ne donnant pas suite à ses conclusions (cf. let H
supra) – et d'être tombée dans l'arbitraire en ne tenant pas compte de faits
établis ni d'éléments personnels du recourant. Ainsi, l'autorité inférieure se
serait bornée à appliquer schématiquement des principes administratifs
rigides. Il a conclu principalement à l'annulation de la décision attaquée et
à la levée de l'interdiction d'entrée et subsidiairement à la limitation de
l'interdiction d'entrée au 3 mai 2015.
A._______ a également demandé d'être mis au bénéfice de l'assistance
judiciaire partielle, dite requête étant admise par le Tribunal par décision
incidente du 5 novembre 2013.
C-4686/2013
Page 5
K.
Dans sa réponse du 19 novembre 2013, l'autorité inférieure a estimé
qu'aucun élément nouveau, susceptible de modifier son appréciation du
cas d'espèce, n'avait été invoqué. Elle a donc proposé le rejet du recours.
L.
Par acte du 26 février [recte janvier] 2015, A._______ a déposé ses
observations, déclarant principalement que l'interdiction d'entrée lui posait
de nombreux problèmes professionnels, les entreprises françaises
susceptibles de l'engager intervenant également en Suisse. Il serait en
conséquence au chômage depuis fin 2013.
Par pli du 5 mars 2015, il a notamment précisé ne pas être marié avec
B._______, soulignant toutefois faire ménage commun avec elle en France
depuis avril 2007.
M.
Les autres faits pertinents seront évoqués dans les considérants en droit
ci-dessous.

Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005
sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal, en vertu
de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5
de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA,
RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions en matière de réexamen d'interdiction d'entrée
prononcées par le SEM – lequel constitue une unité de l'administration
fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF – sont susceptibles de
recours au Tribunal, qui statue définitivement (art. 1 al. 2 LTAF en relation
avec l'art. 83 let. c ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral
[LTF, RS 173.110]).
1.2 A._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans
la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (cf. art. 50
et 52 PA).
C-4686/2013
Page 6
1.3 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le
Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).
2.
2.1 Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la
constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que
l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale
a statué comme autorité de recours (art. 49 PA).
2.2 Le Tribunal, qui applique d'office le droit fédéral, n'est pas lié par les
motifs invoqués à l'appui du recours (art. 62 al. 4 PA), ni par les
considérants de la décision attaquée (cf. MOSER / BEUSCH / KNEUBÜHLER,
Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Bâle 2013, n° 3.197).
Aussi peut-il admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux
invoqués.
Dans son arrêt, il prend en considération l'état de fait existant au moment
où il statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).
2.3 Le litige porte sur le prononcé du 19 juillet 2013, par lequel l'autorité
inférieure est entrée en matière sur une demande de réexamen du
recourant, a procédé à un examen matériel et, sur cette base, rendu une
nouvelle décision aux termes de laquelle elle a limité la durée de
l'interdiction d'entrée au 30 janvier 2017, alors qu'elle avait initialement été
prononcée pour une durée indéterminée. Cela étant, cette décision ne
faisait que partiellement droit à la demande de réexamen du recourant, ce
dernier ayant demandé la levée immédiate de cette mesure,
subsidiairement sa limitation jusqu'au 3 mai 2015. Le Tribunal dispose par
conséquent d'un plein pouvoir d'examen pour déterminer si c'est à bon droit
que l'autorité inférieure a estimé que la mesure querellée devait perdurer
jusqu'au 30 janvier 2017. En revanche, la question de savoir si la première
décision – i.e. celle du 3 mai 2005 – était justifiée ne fait pas l'objet de la
présente procédure (cf. ATAF 2008/24 consid. 2.2).
Le Tribunal de céans procédera dès lors à un rappel des règles régissant
le réexamen d'une décision (consid. 3 infra), avant d'aborder celles qui
concernent le prononcé d'une interdiction d'entrée (consid. 4 infra). Ceci
fait, il s'attachera à examiner s'il y a lieu de réexaminer la décision du 3 mai
2005 et si la décision querellée est conforme au droit (consid. 5 infra).
C-4686/2013
Page 7
2.4 S'agissant du droit dans le temps, il sied d'ores et déjà de préciser ce
qui suit. Les demandes de réexamen déposées après l'entrée en vigueur
de la LEtr, le 1er janvier 2008, sont régies par le nouveau droit (cf. arrêt du
TAF C-6737/2011 du 23 janvier 2013 consid. 3), quand bien même la
décision initiale dont le réexamen est demandé a été rendue sous l'empire
de l'ancienne législation.
Dans le cas présent, le prononcé du 3 mai 2005 est intervenu sous l'égide
de l'ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement
des étrangers (LSEE, RS 1 113). Cela étant, la demande de réexamen
remonte au 13 mars 2012 (voir au 13 février 2013), à savoir à une date
postérieure non seulement à l'entrée en vigueur de la LEtr, mais également
des modifications de l'art. 67 LEtr. Dès lors, le réexamen de l'interdiction
d'entrée se base sur l'art. 67 LEtr, dans sa nouvelle teneur, telle qu'elle
résulte de l'Arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de
l'échange de notes entre la Suisse et la Communauté Européenne
concernant la reprise de la directive CE sur le retour (directive
2008/115/CE ; Développement de l'acquis de Schengen), disposition qui
est entrée en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 5925), voire sous l'angle
de l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP,
RS 0.142.112.681).
3.
3.1 La procédure administrative distingue les moyens de droit ordinaires et
extraordinaires. Contrairement aux premiers, les seconds sont dirigés
contre des décisions entrées en force de chose jugée formelle, à savoir
contre des décisions qui ne peuvent plus être contestées par un moyen de
droit ordinaire, par exemple du fait que toutes les voies de droit ordinaires
ont été épuisées, que le délai de recours est venu à échéance sans avoir
été utilisé, que le recours a été déclaré irrecevable ou en cas de
renonciation à recourir ou de retrait du recours. La demande de révision
(dont l'examen incombe à l'autorité de recours et suppose que la cause ait
fait l'objet d'une décision matérielle sur recours) et la demande de
réexamen ou de reconsidération (dont l'examen incombe à l'autorité
inférieure) relèvent de la procédure extraordinaire (à ce sujet, cf. par
exemple THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011,
n° 1287ss et n° 1414ss et KÖLZ ET AL., Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3e édition, 2013, n° 710 ; sur la
distinction entre la révision et le réexamen lorsque la cause a fait l'objet
d'une décision matérielle sur recours, cf. notamment l'arrêt du TAF
C-5867/2009 du 15 avril 2011 consid. 2).
C-4686/2013
Page 8
3.2 La demande de réexamen – définie comme étant une requête non
soumise à des exigences de délai ou de forme, adressée à une autorité
administrative en vue de la reconsidération d'une décision qu'elle a rendue
et qui est entrée en force – n'est pas expressément prévue par la PA. La
jurisprudence et la doctrine l'ont cependant déduite de l'art. 66 PA, qui
prévoit le droit de demander la révision des décisions, et des art. 8 et 29
al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst., RS 101). Dans la mesure où la demande de réexamen est un moyen
de droit extraordinaire, l'autorité administrative n'est tenue de s'en saisir
qu'à certaines conditions, ce qui est notamment le cas, selon la
jurisprudence et la doctrine, lorsque le requérant invoque l'un des motifs
de révision prévus par l'art. 66 PA (à savoir notamment des faits,
respectivement des moyens de preuve importants, qu'il ne connaissait pas
lors de la première décision ou dont il ne pouvait se prévaloir ou n'avait pas
de raison de se prévaloir à l'époque) ou lorsque les circonstances se sont
modifiées dans une mesure notable depuis que la première décision a été
rendue (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1 et 127 I 133 consid. 6 ; ATAF 2010/5
consid. 2.1.1, cf. également TANQUEREL, op.cit., n° 1421ss et KÖLZ ET AL.,
op.cit., n° 717).
Selon la pratique en vigueur en matière de révision, applicable par analogie
à l'institution du réexamen, les faits nouveaux ne peuvent entraîner la
révision ou le réexamen d'une décision entrée en force que s'ils sont
pertinents et suffisamment importants pour conduire à une nouvelle
appréciation de la situation (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.2.1 et 131 II 329
consid. 3.2). Un changement de législation peut aussi fonder le réexamen
d'une décision, à condition que l'état de fait déterminant se soit
essentiellement modifié après le changement législatif (cf. ATF 136 II 177
ibid.).
3.3 La procédure extraordinaire (de révision ou de réexamen) ne saurait
servir de prétexte pour remettre continuellement en question des décisions
entrées en force, ni surtout à éluder les dispositions légales sur les délais
de recours (cf. notamment ATF 136 II 177 consid. 2.1 et l'arrêt du Tribunal
fédéral [TF] 2C_125/2014 du 12 février 2014 consid. 3.1). Elle ne saurait
non plus viser à supprimer une erreur de droit, à bénéficier d'une nouvelle
interprétation ou d'une nouvelle pratique ou encore à obtenir une nouvelle
appréciation de faits qui étaient déjà connus en procédure ordinaire. Le
droit des étrangers n'échappe pas à cette règle (cf. arrêt du TF
2C_1007/2011 du 12 mars 2012 consid. 4.2).

C-4686/2013
Page 9
4.
4.1
4.1.1 Aux termes de l'art. 67 al. 2 LEtr, le SEM peut interdire l'entrée en
Suisse à un étranger s'il a attenté à la sécurité et l'ordre publics en Suisse
ou à l'étranger ou les a mis en danger.
4.1.2 L'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et
à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201) précise, en son
art. 80 al. 1, qu'il y a notamment atteinte à la sécurité et à l'ordre publics en
cas de violation de prescriptions légales ou de décisions d'autorités (let. a),
en cas de non-accomplissement volontaire d'obligations de droit public ou
privé (let. b) ou en cas d'apologie publique d'un crime contre la paix, d'un
crime de guerre, d'un crime contre l'humanité ou d'acte de terrorisme, ou
en cas d'incitation à de tels crimes ou d'appel à la haine contre certaines
catégories de population (let. c). Pour pouvoir affirmer que la sécurité et
l'ordre publics sont menacés, il faut des éléments concrets indiquant que
le séjour en Suisse de la personne concernée conduit selon toute
vraisemblance à une atteinte à la sécurité et à l'ordre publics (art. 80 al. 2
OASA).
4.1.3 L'interdiction d'entrée permet d'empêcher l'entrée ou le retour d'un
étranger dont le séjour en Suisse est indésirable. Elle n'est pas considérée
comme une peine sanctionnant un comportement déterminé, mais comme
une mesure ayant pour but de prévenir une atteinte à la sécurité et à l'ordre
publics (cf. Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi
sur les étrangers, FF 2002 3568).
4.2
4.2.1 Concernant les ressortissants d'Etats membres de l'Union
européenne (UE), il importe de vérifier si la mesure d'éloignement
prononcée à leur encontre est conforme à l'ALCP.
Aux termes de l'art. 2 al. 2 LEtr, cette loi n'est en effet applicable aux
ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, aux
membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur
ayant son siège et son domicile dans un de ces Etats que dans la mesure
où l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsque ladite loi contient des
dispositions plus favorables.
C-4686/2013
Page 10
4.2.2 L'ALCP ne réglemente pas en tant que telle l'interdiction d'entrée, si
bien que l'art. 67 LEtr est applicable (cf. art. 24 de l'ordonnance fédérale
du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre circulation des
personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part,
l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats
membres de l'Association européenne de libre-échange [OLCP, RS
142.203]). Toutefois, afin de ne pas priver les étrangers au bénéfice de
l'ALCP des droits que leur confère ce traité, l'art. 67 LEtr doit être interprété
en tenant compte des exigences spécifiques de l'ALCP (cf. ATF 139 II 121
consid. 5.1).
Partant, dans la mesure où une interdiction d'entrée en Suisse restreint la
libre circulation des personnes, l'interdiction signifiée à un ressortissant de
l'UE doit, contrairement à ce qui vaut pour les ressortissants de pays tiers,
aussi se conformer à l'exigence de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, selon
laquelle les droits octroyés par les dispositions de cet accord ne peuvent
être limités que par des mesures d'ordre ou de sécurité publics (cf. ATF
139 II 121 consid. 5.3).
Le cadre et les modalités de cette disposition sont déterminés par trois
directives, dont la plus importante est la directive 64/221/CEE, ainsi que
par la jurisprudence y relative de la Cour de Justice des Communautés
européennes, devenue la Cour de Justice de l'Union européenne (ci-
après : la Cour de Justice), rendue avant la signature de l'accord le 21 juin
1999 (cf. art. 5 par. 2 annexe I ALCP en relation avec l'art. 16 al. 2 ALCP ;
au sujet de la prise en considération des arrêts de la Cour de Justice
postérieurs à cette date, cf. ATF 139 II 121 ibid., 136 II 5 consid. 3.4 et 130
II 1 consid. 3.6).
4.2.3 Conformément à la jurisprudence rendue en rapport avec l'art. 5
annexe I ALCP, les limites posées au principe de la libre circulation des
personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par
une autorité nationale à la notion d'ordre public pour restreindre cette
liberté suppose, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute
infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité
affectant un intérêt fondamental de la société (cf. ATF 139 II 121 ibid. et
136 II 5 consid. 4.2).
Les mesures d'ordre ou de sécurité publics doivent être fondées
exclusivement sur le comportement personnel de l'individu qui en fait l'objet
(cf. art. 3 par. 1 de la directive 64/221/CEE). Des motifs de prévention
générale détachés du cas individuel ne sauraient donc suffire à les justifier.
C-4686/2013
Page 11
La seule existence d'antécédents pénaux ne permet donc pas de conclure
automatiquement que l'étranger constitue une menace suffisamment grave
pour l'ordre et la sécurité publics (cf. art. 3 par. 2 de la directive
64/221/CEE). Il faut procéder à une appréciation spécifique du cas, portée
sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne
coïncide pas obligatoirement avec les appréciations à l'origine des
condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne sont
déterminantes que si les circonstances les entourant laissent apparaître
l'existence d'une menace actuelle et réelle et d'une certaine gravité pour
l'ordre public (cf. ATF 139 II 121 ibid. et 136 II 5 ibid.).
C'est donc le risque concret de récidive – respectivement de commettre de
nouvelles infractions – qui est déterminant (cf. ATF 136 II 5 ibid.). Il n'est
pas nécessaire d'établir avec certitude que l'étranger commettra d'autres
infractions à l'avenir pour prendre une mesure d'éloignement à son
encontre. Inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque
de récidive soit nul pour que l'on renonce à une telle mesure. En réalité, ce
risque ne doit pas être admis trop facilement et il faut l'apprécier en fonction
de l'ensemble des circonstances du cas, en particulier au regard de la
nature et de l'importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité
de l'atteinte qui pourrait y être portée. L'évaluation du risque de récidive
sera d'autant plus sévère que le bien juridique menacé est important
(cf. ATF 139 II 121 ibid., 136 II 5 ibid., 134 II 25 consid. 4.3.2 et 130 Il 493
consid. 3.3). Le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux
– suivant en cela la pratique de la Cour de justice – en présence
d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence
criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (cf. ATF 139 II 121 ibid. ;
voir aussi arrêt du TF 2C_121/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.2), étant
précisé que la commission d'infractions qui sont en étroite relation avec la
toxicomanie du délinquant peuvent, selon les circonstances, atténuer cette
position de principe (cf. ATF 139 II 121 consid. 5.3).
4.2.4 Par conséquent, il faut, pour faire l'objet d'une interdiction d'entrée en
application de l'art. 67 al. 2 let. a LEtr, que le ressortissant d'un Etat partie
à l'ALCP, représente une menace actuelle et réelle et d'une certaine gravité
pour l'ordre et la sécurité publics de nature à le priver de son droit d'entrer
en Suisse au sens de l'art. 5 annexe I ALCP.
4.3 Selon l'art. 67 al. 3 1ère phrase LEtr, l'interdiction d'entrée est prononcée
pour une durée maximale de cinq ans. On relèvera dans ce contexte que
le Tribunal fédéral a apporté une distinction, dans l'application de cette
C-4686/2013
Page 12
disposition, selon que la personne concernée est ou non au bénéfice de
l'ALCP (cf. ATF 139 II 121 consid. 6.1).
Selon la Haute Cour, il découle en effet de l'art. 67 al. 3 1ère phrase LEtr,
en relation avec l'art. 67 al. 2 let. a LEtr, que pour interdire l'entrée en
Suisse pour une durée maximale de cinq ans à un ressortissant d'un pays
tiers (qui est soumis au régime ordinaire de droit interne), il suffit que celui-
ci ait attenté à la sécurité et à l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger ou
qu'il les ait mis en danger (palier I). Il résulte en revanche de l'interaction
entre les dispositions précitées et l'art. 5 annexe I ALCP que pour interdire
l'entrée en Suisse pour une durée maximale de cinq ans à une personne
au bénéfice de l'ALCP (qui est soumise à un régime plus favorable),
l'autorité doit au préalable vérifier que cette personne représente une
menace d'une certaine gravité pour l'ordre et la sécurité publics, soit une
menace qui dépasse la simple mise en danger de l'ordre public (palier I
bis).
4.4 Toutefois, selon l'art. 67 al. 3 seconde phrase LEtr, l'interdiction
d'entrée peut être prononcée pour une durée plus longue lorsque la
personne concernée constitue une menace grave pour la sécurité et l'ordre
publics, qui a été défini comme le palier II par le Tribunal fédéral (cf. ATF
139 II 121 consid. 6.2). Toutefois, sa durée sera limitée à 15 ans au
maximum, ou à 20 ans en cas de récidive (cf. ATAF 2014/20 consid. 7).
4.5 Il sied donc de déterminer quelles sont les exigences pour qu'une
autorité puisse prononcer l'interdiction d'entrée pour une durée supérieure
à cinq ans, c'est-à-dire quels sont les critères permettant de retenir
l'existence d'une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, au sens
de l'art. 67 al. 3 seconde phrase LEtr.
Sous peine de vider de sens la distinction entre mise en danger ou atteinte
(palier I), respectivement menace d'une certaine gravité (palier I bis) et
menace grave (palier II), il y a lieu de retenir que la menace grave doit
s'interpréter comme requérant un degré de gravité qui soit non seulement
supérieur à la simple atteinte ou menace à la sécurité et à l'ordre publics
mais aussi à la menace d'une certaine gravité nécessaire pour éloigner un
ressortissant d'un Etat partie à l'ALCP.
Par rapport à la notion découlant de l'art. 5 annexe I ALCP (pour une
casuistique afférente à la menace d'une certaine gravité, cf. arrêts du TF
2C_923/2012 du 26 janvier 2013 consid. 4.3.2 et 2C_238/2012 du 30 juillet
2012 consid. 3.1), le terme de menace grave de l'art. 67 al. 3 LEtr
C-4686/2013
Page 13
présuppose l'existence d'une menace caractérisée. Ce degré de gravité
particulier, dont il est prévu que l'application demeurera exceptionnelle
(cf. FF 2009 8043, p. 8058), doit s'examiner au cas par cas, en tenant
compte de tous les éléments pertinents au dossier (cf. MARC SPESCHA,
Migrationsrecht-Kommentar, 3e éd., ad art. 67 LEtr, n° 5 p. 196 ; ANDREA
BINDER OSER, Bundesgesetz über die Ausländer/innen, ad art. 67 LEtr,
n° 24 p. 689). Il peut en particulier dériver de la nature du bien juridique
menacé (par exemple : atteinte grave à la vie, l'intégrité corporelle ou
sexuelle ou à la santé de personnes), de l'appartenance d'une infraction à
un domaine de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension
transfrontière (comp. art. 83 par. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'UE,
dans sa version consolidée de Lisbonne [C 2010/C 83/01], mentionnant
notamment les actes de terrorisme, la traite d'êtres humains, le trafic de
drogues et la criminalité organisée), de la multiplication d'infractions
(récidives), en tenant compte de l'éventuel accroissement de leur gravité,
ou encore de l'absence de pronostic favorable.
4.6 Enfin, lorsque l'autorité administrative prononce une interdiction
d'entrée, elle doit en effet, d'une part, respecter les principes de
proportionnalité (cf. ATAF 2014/20 consid. 7) et d'égalité de traitement, et
d'autre part, s'interdire tout arbitraire (cf. THIERRY TANQUEREL, op. cit.,
n° 550ss, 586ss et 604ss ; PIERRE MOOR ET AL., Droit administratif, vol. I,
2012, p. 808ss, 838ss et 891ss). Pour satisfaire au principe de la
proportionnalité, il faut que la mesure d'éloignement prononcée soit apte à
produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne
puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité)
et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché
par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction
à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe
de la proportionnalité au sens étroit ; cf. ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2, 135 I
176 consid. 8.1 et 133 I 110 consid. 7.1 ; cf. également la doctrine citée ci-
dessus).
5.
En l'espèce, il s'agit pour le Tribunal d'examiner si le recourant peut se
prévaloir de faits nouveaux pertinents et suffisamment importants pour
conduire à une nouvelle appréciation de la situation depuis le prononcé de
l'interdiction d'entrée du 3 mai 2005.

C-4686/2013
Page 14
5.1
5.1.1 Il ressort de la demande de réexamen du 13 mars 2012 et des
courriers des 13 février 2013, 5 mars 2013 et 22 avril 2013 qu'A._______
a notamment fait valoir à l'appui de sa demande de réexamen qu'il vivait et
travaillait en France, que sa compagne, avec laquelle il vit depuis 2007, et
ses enfants (nés en 2007 et en 2010) étaient de nationalité suisse, que
cela faisait onze ans qu'il s'était comporté correctement sans troubler ni
l'ordre ni la sécurité publics, que trois sauf-conduits lui avaient été accordés
en 2012, et qu'il souhaitait rester vivre en France mais pouvoir exercer une
activité lucrative en Suisse, ce qui était impossible avec l'interdiction
d'entrée prononcée à son encontre. Selon lui, ces faits postérieurs à la
décision d'interdiction d'entrée du 3 mai 2005 justifient une levée
immédiate de ladite décision, ou subsidiairement une limitation de sa
portée au 3 mai 2015.
5.1.2 Le Tribunal relève que l'intéressé vit en concubinage avec une
ressortissante suisse depuis 2007 et que de cette relation sont issus deux
enfants de nationalité suisse également. Ces faits, postérieurs à la décision
du 3 mai 2005, sont nouveaux, pertinents et suffisamment importants pour
conduire à une nouvelle appréciation de la situation (cf. consid. 3.2 supra).
Enfin, la demande de réexamen du 13 mars 2012 a été introduite cinq ans
après que l'intéressé ait quitté le territoire suisse, ce qui semble, au vu de
la jurisprudence du Tribunal fédéral, justifier le réexamen d'une décision
(cf. arrêts du TF 2C_1224/2013 du 12 décembre 2014 consid. 5.1.2,
2C_1170/2012 du 24 mai 2013 consid. 3.4.2 et 2C_817/2012 du 19 février
2013 consid. 3.2.6). C'est dès lors à juste titre que l'autorité inférieure est
entrée en matière sur la demande de réexamen.
Il demeure donc à examiner si ces éléments justifient de lever
immédiatement l'interdiction d'entrée comme A._______ le demande, ou si
les effets de cette mesure doivent perdurer jusqu'au 3 mai 2017 comme
décidé par l'autorité inférieure.
5.2
Il sied de commencer par examiner, à la lumière des motifs de réexamen
retenus, si le prononcé d'une interdiction d'entrée respecte les conditions
légales de l'art. 67 al. 2 let. a LEtr en lien avec l'art. 5 de l'annexe I ALCP
(cf. consid. 4.2).
5.2.1 Les motifs de réexamen avancés par le recourant ne changent rien
au fait qu'il a commis de nombreuses infractions (cf. let. A et E supra). En
C-4686/2013
Page 15
effet, il a été condamné pour des violations répétées, et pour certaines
graves, des règles de la circulation routière apparemment commises entre
1999 et 2000, des actes de harcèlement et de violence perpétrés entre juin
et décembre 2000 au préjudice d'une ex-compagne après que celle-ci l'eut
quitté, et enfin pour infractions graves à la LStup à raison de sa
participation, de l'été 1999 jusqu'à son arrestation le 5 février 2002, à un
trafic de drogue – portant notamment sur l'écoulement de 700 pilules
d'ecstasy, l'achat de plus d'un kilo de cocaïne, la revente de 490 grammes
et le conditionnement de plusieurs kilos de cocaïne – pour ces derniers
faits, les circonstances aggravantes de la bande et du métier étant
retenues à son encontre (cf. jugement de la Cour de cassation pénale du
canton de Vaud du 13 octobre 2004 consid. B.2 et arrêt du TF
2C_408/2007 du 5 décembre 2007 consid. 4.1).
Dans son arrêt 2C_408/2007 susmentionné, le Tribunal fédéral a
notamment souligné que "les faits pour lesquels le recourant a été
condamné sont objectivement graves, qu'ils se sont déroulés sur une
période relativement importante (environ quatre ans) et qu'ils n'ont, à
chaque fois, été interrompus que par l'intervention de la police. Par ailleurs,
certains d'entre eux, notamment les plus graves, ont été commis en état
de récidive, parfois même après que l'intéressé eut déjà subi des périodes
de détention (préventive ou à titre d'exécution d'une peine). Au total, les
infractions ont été sanctionnées de 8 ans de privation de liberté. L'on n'est
donc pas en présence d'actes isolés ou de simples erreurs de jeunesse,
mais bien face au déploiement d'une importante énergie criminelle qui ne
permet guère de poser un pronostic favorable pour l'avenir ; mis bout à
bout et considérés dans leur ensemble, les antécédents pénaux du
recourant dénotent en effet une propension certaine à transgresser la loi,
en même temps qu'une incapacité à s'amender (…)".
Il appert donc – et cela a d'ailleurs déjà été tranché par le Tribunal fédéral –
que le recourant s'est incontestablement rendu coupable d'infractions qui
présentent objectivement une menace grave (pallier II) et réelle dont on ne
saurait contester qu'elles affectent un intérêt fondamental de la société au
sens de la jurisprudence de la Cour de Justice (cf. consid. 4.2.3 supra).
5.2.2 Les motifs de réexamen avancés par le recourant interviennent en
revanche dans le cadre de l'examen tendant à déterminer si cette menace
est toujours d'actualité.
5.2.2.1 A ce sujet, A._______ a en particulier mis en avant qu'onze ans
s'étaient écoulés depuis sa dernière condamnation pénale, que pendant
C-4686/2013
Page 16
ce temps il s'était correctement comporté et n'avait ni troublé l'ordre, ni la
sécurité publics et qu'il avait changé de trajectoire en prison
(cf. observations du recourant du 22 avril 2013, p. 2). Il a toutefois admis
avoir été condamné en avril 2009 pour être revenu illégalement en Suisse
à la mi-mars 2007 (cf. observations précitées, ibid.) ou au début du mois
d'avril 2007 (cf. ordonnance pénale du juge d'instruction du Nord vaudois
du 7 avril 2009), dit retour découlant d'un désir de sa concubine de revenir
en Suisse en raison d'une grossesse risquée au vu de son état de santé.
A cet égard, il a estimé avoir commis une infraction administrative et n'avoir
donc pas récidivé au sens du code pénal (cf. observations précitées, ibid.).
5.2.2.2 Il s'agit de rappeler que le recourant a été condamné le 6 mai 2004
à sept ans et trois mois de peine privative de liberté et à dix d'expulsion
judiciaire du territoire suisse. S'il a été libéré de manière anticipée, le
31 janvier 2007, il n'en demeure pas moins que son comportement en
prison et l'absence de nouvelle infraction grave dans les quelques années
qui ont suivi cette libération n'ont rien d'exceptionnel et ne sauraient
amener le SEM – de même que le Tribunal de céans – à réexaminer
l'interdiction d'entrée. S'y ajoute que le recourant n'a guère mis longtemps
à enfreindre à nouveau la loi. En effet, force est de constater que le 7 avril
2009, le juge d'instruction du Nord vaudois a condamné A._______ à une
peine pécuniaire de 60 jours-amende pour être revenu illégalement sur le
territoire suisse en avril 2007, soit trois mois après sa libération
conditionnelle – dite libération étant accordée pour autant qu'il quitte la
Suisse à sa sortie de prison (cf. dispositif de la décision de libération
conditionnelle du 15 janvier 2007) – et alors que l'intéressé ne se trouvait
pas dans une situation de nature à justifier la commission de cette
infraction.
Le recourant paraît dès lors incapable de respecter l'ordre juridique. Ceci
est renforcé par le fait qu'il a été contrôlé et refoulé à la frontière suisse le
8 juin 2009, alors qu'il tentait d'entrer à nouveau illégalement sur le territoire
suisse (cf. rapport des gardes-frontière du 8 juin 2009), ce à peine deux
mois après la nouvelle condamnation pénale d'avril 2009. Certes, depuis
cette condamnation, il n'a apparemment plus occupé la justice pénale.
Cependant, il faut relever qu'il a déposé une demande de réexamen en
mars 2012 et que les quelques trois années qui se sont écoulées entre les
deux ne sauraient suffire pour conclure à un amendement durable du
recourant qui avait commis en Suisse de multiples et graves infractions.
Cela étant, compte tenu de la gravité des infractions dont le recourant a
été reconnu coupable (notamment infraction grave à la LStup et lésions
C-4686/2013
Page 17
corporelles simples), de l'importance des biens juridiques menacés
(notamment santé public et intégrité physique), du fait qu'il avait fait du
trafic de drogue son métier et de l'énergie criminelle déployée par
l'intéressé pendant son séjour en Suisse, le Tribunal estime que le risque
de réitération d'actes délictueux de la part du recourant ne saurait être
minimisé.
A cet égard, le tribunal observe que seule une diminution légère de
responsabilité pénale a été retenue en relation avec sa consommation de
stupéfiants. Il ressort en effet du jugement de la Cour de cassation pénale
vaudoise du 13 octobre 2004, que l'intéressé, même s'il agissait sous une
certaine influence du co-auteur du trafic de stupéfiants, n'était pas en
situation de dépendance au point de lui obéir aveuglément (cf. consid. 10,
p. 14). Enfin, même s'il semble que le recourant ait "changé de trajectoire
en prison, qu'il considère son ancien cadre de vie comme quelques choses
d'artificiel" (cf. décision de libération conditionnelle du 15 janvier 2007,
p. 4), il n'a ni allégué ni démontré s'être affranchi de sa dépendance aux
drogues.
5.2.2.3 Sur un autre plan, le Tribunal observe qu'A._______ n'a pas fait
preuve, depuis sa remise en liberté, d'une évolution socioprofessionnelle
permettant de poser un pronostic favorable à son égard. A ce propos, il
convient notamment de relever qu'avant sa dernière condamnation,
l'intéressé n'avait, "au plan professionnel, pas été capable d'occuper
durablement une place de travail lui permettant de subvenir à ses besoins"
(cf. arrêt du TF 2C_408/2007 précité, consid. 4.3). Depuis son départ en
France, l'intéressé a exercé une activité lucrative auprès de différentes
entreprises (cf. bulletins de paie d'avril 2013 et du 30 septembre 2013),
réalisant pour les années 2010 et 2013 un revenu annuel de moins de
15'000 euros (cf. décision d'allocations familiales du 26 janvier 2010 et avis
d'imposition sur les revenus 2012 du 26 juillet 2013). Depuis la fin de
l'année 2013, l'intéressé est au chômage (cf. courrier du recourant du
26 février [recte janvier] 2015). A cet égard il sied de constater que le
recourant a besoin, pour vivre et faire vivre sa concubine et leurs enfants,
du soutien financier de sa belle-famille, contraignant notamment la mère
de sa compagne à travailler au-delà de l'âge légal de la retraite (cf. ibid.).
De la sorte, le Tribunal constate qu'il n'a pas acquis une stabilité
socioprofessionnelle suffisante, ceci ne permet à l'évidence pas d'estimer
que le risque de récidive s'est atténué.
5.2.3 En conclusion, l'énergie criminelle déployée par l'intéressé tout au
long de son séjour en Suisse, la gravité des infractions dont il s'est rendu
C-4686/2013
Page 18
coupable, le fait qu'il n'a pas été à même de stabiliser sa situation
socioprofessionnelle depuis sa sortie de prison et qu'il continue à éprouver
de réelles difficultés à se conformer aux règles conduisent le Tribunal à
considérer que le risque de récidive est bien encore présent et
qu'A._______ représente ainsi toujours une menace grave, réelle et
actuelle pour l'ordre et la sécurité publics. L'octroi de trois sauf-conduits au
cours de l'année 2012 n'est pas de nature à contredire ce qui précède.
En conséquence, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas
d'espèce, le Tribunal est amené à conclure que le SEM a tenu compte de
manière appropriée des principes de l'ALCP et de la jurisprudence de la
Cour de justice concernant la gravité, la réalité et l'actualité de la menace
que l'intéressé représente pour l'ordre et la sécurité publics. Partant, la
décision attaquée respecte les conditions légales de l'art. 67 al. 2 let. a LEtr
en lien avec l'art. 5 de l'Annexe I ALCP et satisfait ainsi aux conditions
habilitant l'autorité à déroger au principe de libre circulation des personnes
consacré par l'ALCP.
5.3 Il convient dès lors d'examiner dans quelle mesure l'interdiction
d'entrée prononcée à l'encontre d'A._______, dont la durée est supérieure
à la limite de cinq ans, respecte les conditions légales de l'art. 67 al. 3 LEtr
(cf. consid. 4.3 et 4.4 supra).
Comme déjà constaté (cf. consid. 5.2.1 supra), compte tenu de l'intense
activité délictuelle déployée par le recourant lors de son séjour en Suisse,
de la lourde condamnation dont il a fait l'objet le 6 mai 2004, de l'importance
des biens juridiques menacés, de l'absence, en l'état, d'un pronostic
favorable, de sa situation socioprofessionnelle instable et ainsi que de son
comportement depuis sa remise en liberté, il y a lieu de considérer qu'il
existe une menace caractérisée (palier II), de sorte que la limite de la durée
maximale prévue à l'art. 67 al. 3 1ère phrase LEtr peut être franchie.
Dans ces conditions, il convient de retenir que la décision du SEM du
19 juillet 2013 est conforme à l'art. 67 al. 3 LEtr.
5.4
Il sied d'examiner encore si les principes de la proportionnalité et de
l'égalité de traitement (cf. consid. 4.6 supra) ne commanderaient pas de
mettre un terme dès à présent à la mesure.
5.4.1 Concernant les règles de l'aptitude et de la nécessité, il est indéniable
que l'éloignement de l'intéressé du territoire suisse est apte et nécessaire
C-4686/2013
Page 19
pour atteindre les buts visés, à savoir protéger l'ordre et la sécurité publics.
Ni l'aptitude ni la nécessité de la mesure querellée ne sont par ailleurs
contestées par le recourant.
5.4.2 Concernant la règle de la proportionnalité au sens étroit, il sied de
procéder à une pesée des intérêts en présence, à savoir d'un côté l'intérêt
privé du recourant à pouvoir entrer librement sur le territoire suisse, et d'un
autre côté, l'intérêt public à le tenir éloigné afin de protéger l'ordre et la
sécurité publics.
5.4.2.1 En l'espèce, A._______ s'est en particulier prévalu de ses attaches
familiales en Suisse (avec sa belle-famille), du fait que sa concubine et ses
deux enfants sont de nationalité suisse et des difficultés rencontrées au
niveau professionnel en raison de l'interdiction d'entrée prononcée à son
égard, de nombreux entrepreneurs de la région où il vit ayant des chantiers
en Suisse.
5.4.2.2 A titre préalable, il s'impose de relever qu'il ne s'aurait s'agir, dans
le présent contexte, de l'intérêt du recourant à demeurer en Suisse,
puisqu'il n'y dispose d'aucun titre de séjour. Il ne peut donc s'agir pour lui
de prétendre mener une vie de famille en Suisse. En effet, l'impossibilité
pour A._______ de mener durablement une vie familiale en Suisse ne
résulte pas primairement de la mesure attaquée, mais découle du fait qu'il
s'est vu refuser, par les autorités cantonales, l'octroi d'une autorisation de
séjour en ce pays (cf. let. D supra).
De plus, sa concubine et ses enfants vivent avec lui en France, de sorte
que son droit au respect de la vie familiale découlant de l'art. 8 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (CEDH, RS 0.101) n'est pas entravé par la mesure
d'interdiction d'entrée prononcée à son encontre. En tout état de cause,
même si l'interdiction d'entrée devait constituer en l'espèce une atteinte à
l'art. 8 CEDH, le Tribunal estime qu'une telle ingérence dans la vie familiale
de l'intéressé serait justifiée compte tenu de la nature, de la gravité et du
nombre d'infractions pour lesquelles le recourant a été sanctionné
pénalement durant son séjour en Suisse et du risque de récidive discuté
auparavant (cf. consid. 5.2.2 supra). Au surplus, la concubine a rencontré
l'intéressé alors que celui-ci était en prison et sous le coup d'une mesure
d'éloignement du territoire helvétique. Dès lors sa compagne devait
s'attendre à devoir faire sa vie avec lui à l'étranger, ce d'autant plus qu'il a
été libéré conditionnellement à condition qu'il quitte le territoire suisse.
C-4686/2013
Page 20
Le Tribunal ne saurait non plus retenir que son intérêt économique à
revenir en Suisse puisse l'emporter sur l'intérêt public à son éloignement,
l'atteinte au principe de la libre circulation des personnes – et de facto à sa
liberté économique – ayant été jugée conforme au droit (cf. consid. 5.2.3
supra).
En outre, le Tribunal observe qu'il est loisible à l'intéressé, en présence de
motifs humanitaires ou importants, de solliciter auprès du SEM, sur la base
de l'art. 67 al. 5 LEtr, la suspension pour une courte durée déterminée de
la mesure d'éloignement en cause, comme il l'a déjà fait en 2012.
5.4.2.3 Dès lors, le Tribunal estime que l'intérêt privé du recourant à revenir
en Suisse ne saurait primer sur l'intérêt public à son éloignement, de sorte
que la décision entreprise respecte également le principe de
proportionnalité au sens étroit.
5.4.3 Par surabondance, le Tribunal constate que le recourant se contente
d'alléguer que la décision querellée est arbitraire, mais ne motive ni ne
démontre en quoi elle le serait, de sorte qu'il y a lieu de rejeter ce grief. Par
ailleurs, cette mesure n'est pas contraire au principe de l'égalité de
traitement, au regard des décisions prises par les autorités dans des cas
analogues.
De même, il ne serait être fait grief à l'autorité inférieure d'avoir pris une
décision erronée en décidant tout à la fois d'admettre partiellement la
demande du recourant et de limiter l'effet de l'interdiction d'entrée,
initialement à durée indéterminée, au 30 janvier 2017. Ce dispositif est
parfaitement logique et cohérent.
5.5 Partant, c'est à bon droit que – procédant à un réexamen de la décision
d'interdiction d'entrée du 3 mai 2004 – le SEM n'a pas souscrit à une levée
immédiate de cette mesure, ni même à la limitation de la durée au 1er mai
2015, mais qu'elle a maintenu l'interdiction d'entrée jusqu'au 31 janvier
2017.
Partant, le recours doit être rejeté.
6.
Vu l'issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la
charge du recourant (cf. art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1 à 3 du
règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités
fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).
C-4686/2013
Page 21
Cependant, dans la mesure où le Tribunal a admis la requête d'assistance
judiciaire partielle du recourant par décision incidente du 5 novembre 2013,
il n'y a pas lieu de percevoir de frais de procédure.
Compte tenu de l'issue de la procédure, le recourant n'a pas droit à des
dépens.
(dispositif à la page suivante)

C-4686/2013
Page 22
Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
3.
Il n'est pas octroyé de dépens.
4.
Le présent arrêt est adressé :
– au recourant, par l'entremise de son mandataire (acte judiciaire)
– à l'autorité inférieure (avec dossier Symic (…) en retour)


La présidente du collège : Le greffier :

Marie-Chantal May Canellas Arnaud Verdon


Indication des voies de droit :
Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral,
1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans
les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Le
mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les
conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt
attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour
autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).

Expédition :