C-3587/2015 - Abteilung III - Annulation de la naturalisation facilitée - Annulation de la naturalisation facilitée
Karar Dilini Çevir:
C-3587/2015 - Abteilung III - Annulation de la naturalisation facilitée - Annulation de la naturalisation facilitée
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour III
C-3587/2015



Ar r ê t d u 4 f é v r i e r 2 0 1 6
Composition
Blaise Vuille (président du collège),
Marianne Teuscher, Andreas Trommer, juges,
Fabien Cugni, greffier.



Parties
A._______,
représenté par Maître Olivier Moniot, avocat,
recourant,



contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,
Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité inférieure.




Objet
Annulation de la naturalisation facilitée.



C-3587/2015
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Faits :
A.
Le 10 janvier 2001, A._______, ressortissant algérien né le 20 février 1970,
a déposé une demande d'asile qui a été écartée par l'autorité compétente,
par décision du 23 février 2001. Le recours formé contre cette décision le
28 mars 2001 a été rejeté par la Commission suisse de recours en matière
d’asile (actuellement le Tribunal administratif fédéral [ci-après : le Tribu-
nal]), par décision du 1er mai 2001.

L'intéressé a cependant poursuivi son séjour sur le territoire helvétique de
manière illégale et n'a quitté la Suisse que dans le courant du mois
d'octobre 2003 pour s'établir en France. Le 17 août 2005, il a été condamné
à trente jours d'emprisonnement avec sursis (délai d'épreuve deux ans),
pour infraction à la législation sur les étrangers (cf. extrait du casier judi-
ciaire suisse du 22 juillet 2010).
Après le dépôt d'une première demande de célébration de mariage, qui a
été refusée par la commune de (…), A._______ a contracté mariage le 6
janvier 2005, à (…), avec B._______, née le 13 avril 1958, originaire de
(…) et (…). A la suite de son mariage, il a été mis au bénéfice d'une auto-
risation de séjour dans le canton de Berne, puis d'une autorisation d'éta-
blissement au titre du regroupement familial.
B.
Par requête signée le 20 juillet 2009, mais parvenue le 11 août 2009 à
l'Office fédéral des migrations (ODM ; devenu le Secrétariat d'Etat aux mi-
grations [SEM] le 1er janvier 2015), A._______ a introduit une demande de
naturalisation facilitée fondée sur l'art. 27 de la loi fédérale du 29 sep-
tembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN, RS
141.0).
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, le requérant et son épouse
ont contresigné, le 23 août 2010, une déclaration écrite aux termes de la-
quelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable,
résider à la même adresse et n'envisager ni séparation, ni divorce. L'atten-
tion du requérant a en outre été attirée sur le fait que la naturalisation faci-
litée ne pouvait être octroyée lorsque, avant ou pendant la procédure de
naturalisation, l'un des conjoints demandait le divorce ou la séparation ou
que la communauté conjugale effective n'existait pas. Si cet état de fait
était dissimulé, la naturalisation facilitée pouvait ultérieurement être annu-
lée, conformément au droit en vigueur.
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C.
Par décision du 17 septembre 2010, entrée en force le 19 octobre 2010,
l'ODM a accordé la naturalisation facilitée à A._______, lui conférant par
là-même les droits de cité cantonal et communaux de son épouse.
D.
Par décision du 28 juin 2012, le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland
a prononcé le divorce des époux, sur requête commune, et a ratifié la con-
vention sur les effets accessoires du divorce signée par les intéressés le
14 mai 2012.
E.
Le 11 novembre 2013, A._______ s'est remarié avec une ressortissante
algérienne, C._______, née le 24 octobre 1984.
F.
Le 6 décembre 2013, le Service de l'état civil et des naturalisations du can-
ton de Fribourg a fait part à l'ODM des développements intervenus dans la
situation conjugale d'A._______.
G.
Par courrier du 2 mai 2014, l'office fédéral a informé A._______ qu'il se
voyait contraint d'examiner s'il y avait lieu d'annuler sa naturalisation facili-
tée, conformément à l'art. 41 LN, tout en lui accordant un délai pour formu-
ler ses éventuelles déterminations à ce propos et produire les pièces se
rapportant à la procédure de séparation et de divorce.
H.
Sur requête de l'ODM, la police cantonale bernoise a procédé le 10 sep-
tembre 2014 à l'audition rogatoire de B._______, qui a déclaré avoir fait la
connaissance de son futur époux au printemps 2004 dans une discothèque
à Neuchâtel. Par ailleurs, elle a indiqué qu'elle avait su que l'intéressé se
trouvait en Suisse sans autorisation de séjour idoine, mais que cela n'avait
eu aucune influence particulière sur la conclusion du mariage. Interrogée
sur les difficultés conjugales, elle a affirmé qu'il y avait eu "quelques pro-
blèmes intimes" depuis le début du mariage, ainsi que des différences re-
ligieuses. Elle a ajouté avoir été affectée par son état de santé, en mai
2011, et avoir perdu patience par rapport au comportement de son mari. A
cet égard, elle a affirmé que ce dernier était "casanier à ce moment-là" et
n'était pas "très communicatif", ce qui ne lui avait pas convenu. Sur un
autre plan, elle a déclaré s'être rendue en Algérie avec son mari à deux
reprises, mais avoir par la suite refusé d'y retourner en raison des difficultés
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d'adaptation que cela représentait pour une femme européenne, cela d'au-
tant qu'elle ne pouvait pas communiquer en français avec ses beaux-pa-
rents. Par ailleurs, B._______ a assuré que la question d'une descendance
commune n'avait jamais été abordée au sein du couple, que les époux
partageaient le quotidien et les tâches ménagères et qu'aucun événement
particulier n'était intervenu après la naturalisation facilitée d'A._______.
I.
Invité le 23 octobre 2014 à se déterminer sur le procès-verbal relatif à l'au-
dition précitée, A._______ a validé, par écriture du 1er décembre 2014, les
propos tenus par son ex-conjointe en soulignant n'avoir aucunement eu
l'intention de contourner les lois en vue d'acquérir la nationalité suisse.
J.
Le 22 avril 2015, les autorités compétentes du canton de Fribourg ont
donné leur assentiment à l'annulation de la naturalisation facilitée conférée
à A._______.
K.
Par décision du 1er mai 2015, le SEM a prononcé l'annulation de la natura-
lisation facilitée accordée au prénommé.
L'autorité de première instance a d'abord retenu l'enchaînement logique et
chronologique des événements qui démontrait le souhait de l'intéressé de
se procurer une possibilité de séjour en Suisse, voire d'y obtenir rapide-
ment la nationalité. Elle a ainsi constaté que la période de dix-neuf-mois
qui s'était écoulée entre l'octroi de la nationalité suisse et la fin de la com-
munauté conjugale était de nature à fonder la présomption que la naturali-
sation facilitée avait été obtenue de manière frauduleuse. Par ailleurs, elle
a estimé que l'empressement avec lequel l'intéressé avait déposé sa de-
mande de naturalisation, soit avant même l'échéance du délai de cinq ans
de séjour en Suisse, ne faisait que renforcer la conviction selon laquelle il
avait hâte d'obtenir la nationalité suisse. Sur un autre plan, le SEM a relevé
que la grande différence d'âge entre les époux constituait un indice du dé-
faut de volonté de former une véritable union conjugale. De même, il a noté
qu'un ménage uni depuis plusieurs années ne se brisait pas en quelques
mois sans qu'un événement extraordinaire en fût la cause et sans que les
conjoints en eussent le pressentiment, et cela même en l'absence d'enfant,
de fortune ou de dépendance financière de l'un des époux par rapport à
l'autre. Sur ce point, il a observé que l'ex-épouse d'A._______ avait con-
firmé, au cours de son audition rogatoire, avoir été peu à peu "dérangée"
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par le comportement de son mari et avoir également rencontré des pro-
blèmes intimes au début du mariage. Le SEM a donc conclu que la natu-
ralisation facilitée avait été octroyée sur la base de déclarations menson-
gères et d'une dissimulation de faits essentiels, de sorte que les conditions
mises à son annulation par l'art. 41 LN étaient remplies.
L.
Le 6 juin 2015, A._______, agissant par l'entremise de son avocat, a re-
couru contre cette décision auprès du Tribunal, en concluant à son annu-
lation. A l'appui de son pourvoi, le recourant a d'abord contesté qu'il s'était
empressé de déposer une demande de naturalisation facilitée et a soutenu
qu'il s'était vu proposer cette démarche directement par l'autorité commu-
nale compétente. De plus, il a argué que la différence d'âge entre les époux
(douze ans) ne constituait tout au plus qu'un indice de défaut de volonté de
former une véritable union conjugale et que tous les autres éléments res-
sortant du dossier permettaient d'écarter vigoureusement un tel supposé
indice. Par ailleurs, il a réfuté la notion "d'épouse type du pays d'origine"
retenue par l'autorité inférieure dans la décision entreprise. Sur un autre
plan, il a affirmé avoir été très bien accueilli dans sa belle-famille en Algérie,
avoir aussi participé à des voyages avec sa femme et sa belle-mère et
avoir maintenu des contacts avec cette dernière. En outre, le recourant a
tenu à rappeler que son ex-épouse avait entretenu une relation extra-con-
jugale en 2012, événement qui avait non seulement conduit à la ruine du
mariage, mais également affecté "sa joie de vivre". Aussi a-t-il estimé que
l'adultère pouvait constituer un événement extraordinaire susceptible de
briser rapidement une union conjugale. Le recourant a également remar-
qué que les époux n'avaient pas de différences religieuses "à strictement
parler", dès lors que son ex-épouse s'était déclarée athée devant la police
des habitants de son lieu de domicile. En conclusion, il a assuré n'avoir
adopté aucun comportement frauduleux en acquérant la nationalité suisse,
et a reproché au SEM d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en niant
la notion juridique de communauté conjugale effective et stable qu'il formait
alors avec son ex-épouse.
M.
Appelée à se prononcer sur le recours, l'autorité inférieure en a proposé le
rejet par préavis du 25 août 2015. Le recourant n'a présenté aucune déter-
mination sur cette prise de position.


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N.
Les divers autres éléments invoqués de part et d'autre dans le cadre de la
procédure de recours seront examinés, si nécessaire, dans les considé-
rants en droit ci-dessous.
Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005
sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), le Tribunal, en vertu
de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de
l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre
1968 (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33
LTAF.
En particulier, les décisions du SEM (cf. art. 33 let. d LTAF) en matière d'an-
nulation de la naturalisation facilitée sont susceptibles de recours au Tribu-
nal, qui statue comme autorité précédant le Tribunal fédéral (cf. art. 1 al. 2
LTAF en relation avec l'art. 83 let. b a contrario de la loi du 17 juin 2005 sur
le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).
1.2 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le
Tribunal est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF et art. 51 al. 1 LN).
1.3 A._______ a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Son recours,
présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, est recevable (cf.
art. 50 et 52 PA).
2.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral,
y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation
inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la
décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme
autorité de recours (cf. art. 49 PA). L'autorité de recours n'est pas liée par
les motifs invoqués par les parties (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par les considé-
rants de la décision attaquée (cf. MOSER ET AL., Prozessieren vor dem Bun-
desverwaltungsgericht, Handbücher für die Anwaltspraxis, tome X, 2ème
éd., 2013, n° 3.197). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour
d'autres motifs que ceux invoqués.


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3.
3.1 En vertu de l'art. 27 al. 1 LN, un étranger peut, ensuite de son mariage
avec un ressortissant suisse, former une demande de naturalisation facili-
tée, s'il a résidé en Suisse pendant cinq ans en tout (let. a), s'il y réside
depuis une année (let. b) et s'il vit depuis trois ans en communauté conju-
gale avec un ressortissant suisse (let. c).
3.2 La notion de communauté conjugale dont il est question dans la loi sur
la nationalité, en particulier aux art. 27 al. 1 let. c et 28 al. 1 let. a LN, pré-
suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage – à savoir d'une
union conjugale au sens de l'art. 159 al. 1 Code civil suisse du 10 dé-
cembre 1907 (CC, RS 210) – mais implique, de surcroît, une communauté
de fait entre les époux, respectivement une communauté de vie effective,
fondée sur la volonté réciproque des époux de maintenir cette union (cf.
ATF 135 II 161 consid. 2 et jurispr. cit.).
Une communauté conjugale au sens de l'art. 27 al. 1 let. c et de l'art. 28 al.
1 let. a LN suppose donc l'existence, au moment de la décision de natura-
lisation facilitée, d'une volonté matrimoniale intacte et orientée vers l'avenir
(« ein auf die Zukunft gerichteter Ehewille »), autrement dit la ferme inten-
tion des époux de poursuivre la communauté conjugale au-delà de la dé-
cision de naturalisation facilitée. Il y a lieu de mettre en doute l'existence
d'une telle volonté lorsque le mariage est dissous peu après l'obtention de
la naturalisation facilitée par le conjoint étranger. Dans ces circonstances,
il est permis de présumer que la communauté conjugale n'était plus étroite
et effective durant la procédure de naturalisation facilitée, la volonté réci-
proque des époux de poursuivre leur vie commune n'existant plus alors (cf.
ATF 135 II 161, ibid.).
3.3 La communauté conjugale telle que définie ci-dessus doit non seule-
ment exister au moment du dépôt de la demande, mais doit aussi subsister
pendant toute la procédure jusqu'au prononcé de la décision sur la requête
de naturalisation facilitée (cf. ATF 135 II 161, ibid.).
Il sied de relever que le législateur fédéral, lorsqu'il a créé l'institution de la
naturalisation facilitée en faveur du conjoint étranger d'un ressortissant
suisse, avait en vue la conception du mariage telle que définie par les dis-
positions du Code civil sur le droit du mariage, à savoir une union contrac-
tée en vue de la constitution d'une communauté de vie étroite (de toit, de
table et de lit) au sein de laquelle les conjoints sont prêts à s'assurer mu-
tuellement fidélité et assistance, et qui est envisagée comme durable, à
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savoir comme une communauté de destins (cf. art. 159 al. 2 et al. 3 CC ;
ATF 124 III 52 consid. 2a/aa, 118 II 235 consid. 3b), voire dans la perspec-
tive de la création d'une famille (cf. art. 159 al. 2 CC in fine).
Malgré l'évolution des mœurs et des mentalités, seule cette conception du
mariage, communément admise et jugée digne de protection par le législa-
teur fédéral, est susceptible de justifier – aux conditions prévues aux art. 27
et 28 LN – l'octroi de la naturalisation facilitée au conjoint étranger d'un
ressortissant helvétique (cf. ATAF 2010/16 consid. 4.4).
4.
4.1 Avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, le SEM peut, dans
le délai prévu par la loi, annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue
par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essen-
tiels (cf. art. 41 al. 1 et 1bis LN) et qui n'aurait pas été accordée si ces faits
avaient été connus (cf. Message du Conseil fédéral relatif à un projet de loi
sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 9 août 1951, in : FF
1951 II p. 700s. ad art. 39 du projet).
L'annulation de la naturalisation présuppose donc que celle-ci ait été obte-
nue frauduleusement, c'est-à-dire par un comportement déloyal et trom-
peur. A cet égard, il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu fraude au sens du
droit pénal. Il faut néanmoins que l'intéressé ait consciemment donné de
fausses indications à l'autorité, respectivement qu'il ait laissé faussement
croire à l'autorité qu'il se trouvait dans la situation prévue par l'art. 27 al. 1
let. c LN, violant ainsi le devoir d'information auquel il est appelé à se con-
former en vertu de cette disposition (cf. ATF 135 II 161, ibid.). Tel est no-
tamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec
son conjoint, alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la natura-
lisation facilitée ; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jus-
qu'ici de manière harmonieuse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_796/2013
du 13 mars 2014 consid. 3.1.1 et jurispr. cit.).
4.2 La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine latitude
à l'autorité. Dans l'exercice de cette liberté, celle-ci doit s'abstenir de tout
abus. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde
sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances perti-
nentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au prin-
cipe de la proportionnalité (cf. notamment l'ATF 129 III 400 consid. 3.1 et
les références citées).
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4.3 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre
appréciation des preuves (cf. art. 40 de la loi fédérale du 4 décembre 1947
de procédure civile fédérale [PCF, RS 273], applicable par renvoi de l'art.
19 PA). Par renvoi de l'art. 37 LTAF, ce principe prévaut également devant
le Tribunal. L'appréciation des preuves est libre en ce sens qu'elle n'obéit
pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l'auto-
rité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elle
devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport
aux autres. Lorsque la décision intervient - comme en l'espèce - au détri-
ment de l'administré, l'administration supporte le fardeau de la preuve. Si
elle envisage d'annuler la naturalisation facilitée, elle doit rechercher si le
conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable avec
son époux suisse. Comme il s'agit là d'un fait psychique en relation avec
des faits relevant de la sphère intime, qui sont souvent inconnus de l'admi-
nistration et difficiles à prouver, il apparaît légitime que l'autorité s'appuie
sur une présomption. Partant, si l'enchaînement rapide des événements
fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleu-
sement, il incombe alors à l'administré, en raison non seulement de son
devoir de collaborer à l'établissement des faits (cf. art. 13 al. 1 let. a PA),
mais encore de son propre intérêt, de renverser cette présomption (cf. à ce
sujet ATF 135 II précité, consid. 3).
4.4 S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des
preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve, l'administré n'a pas be-
soin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à
savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti. Il suffit qu'il
parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il
n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son con-
joint. Il peut le faire en rendant vraisemblable soit un événement extraordi-
naire survenu après l'octroi de la naturalisation facilitée et susceptible d'ex-
pliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de cons-
cience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une
véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il
a signé la déclaration (cf. ATF 135 II précité, ibid., voir également les arrêts
du Tribunal fédéral 1C_155/2012 du 26 juillet 2012, consid. 2.2.2, et
1C_158/2011 du 26 août 2011 consid. 4.2.2).
5.
A titre préliminaire, le Tribunal constate que les conditions formelles de l'an-
nulation de la naturalisation facilitée prévues par l'art. 41 LN sont réalisées
dans le cas particulier. En effet, la naturalisation facilitée accordée à
A._______ le 17 septembre 2010 a été annulée par l'autorité inférieure en
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date du 1er mai 2015, soit avant l'échéance du délai péremptoire prévu par
la disposition précitée, avec l'assentiment de l'autorité cantonale compé-
tente (Fribourg). En outre, il appert que la décision d'annulation de la natu-
ralisation facilitée respecte également le délai relatif de deux ans, dès lors
qu'un nouveau délai de deux ans commence à courir après tout acte d'ins-
truction communiqué à la personne naturalisée (art. 41 al.1bis LN).
6.
Il convient d'examiner si les circonstances d'espèce répondent aux condi-
tions matérielles de l'annulation de la naturalisation facilitée résultant du
texte de la loi, de la volonté du législateur et de la jurisprudence dévelop-
pée en la matière.
6.1 Dans la motivation de la décision querellée, l'autorité inférieure a retenu
que l'enchaînement logique et chronologique des événements fondait la
présomption de fait qu'A._______ avait obtenu la naturalisation facilitée sur
la base de déclarations mensongères, voire d'une dissimulation de faits
essentiels, de sorte que les conditions mises à son annulation par l'art. 41
LN étaient réunies.
L'examen des faits pertinents de la cause, ainsi que leur déroulement chro-
nologique relativement rapide, amènent le Tribunal à une conclusion iden-
tique.
6.2 Ainsi, il ressort du dossier que le recourant a rencontré B._______ dans
une discothèque à Neuchâtel au printemps 2004, alors qu'il y séjournait
sans autorisation (cf. p.-v. d'audition du 10 septembre 2014, pp. 1 et 2).
Après avoir contracté mariage avec la prénommée le 6 janvier 2005, à (…),
A._______ a été autorisé à séjourner dans le canton de Berne au titre du
regroupement familial à partir du 15 janvier 2005 (cf. attestation de la ville
de Bienne du 27 juillet 2009, ainsi que les attestations établies par la mu-
nicipalité de Saint-Imier les 6 juillet 2009 et 18 janvier 2010). Le 20 juillet
2009, soit plusieurs mois avant l'échéance du délai légal de cinq ans requis
par l'art. 27 al. 1 let. a LN, l'intéressé a introduit auprès de l'autorité com-
pétente une requête visant à l'obtention de la naturalisation facilitée. Le 23
août 2010, il a cosigné avec son épouse la déclaration relative à la stabilité
de leur union. En date du 17 septembre 2010, l'ODM a conféré la nationa-
lité suisse à A._______. Le 14 mai 2012, les époux ont déposé une requête
commune de divorce auprès du Tribunal régional bernois qui, en date du
28 juin 2012, a prononcé leur divorce (cf. décision dudit tribunal figurant au
dossier). Le 25 juillet 2012, A._______ s'est établi dans le canton de Neu-
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châtel (cf. attestation de départ établie le 11 septembre 2012 par la muni-
cipalité de Saint-Imier). Le 11 novembre 2013, il a épousé une ressortis-
sante algérienne, née le 24 octobre 1984.
Le Tribunal relève que les époux ont ainsi mis fin à la vie commune vingt
mois environ après l'entrée en force le 19 octobre 2010 de la décision de
naturalisation facilitée, ce qui, au vu de la jurisprudence, est de nature à
fonder la présomption d'acquisition frauduleuse de la nationalité suisse (cf.
en ce sens, l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_172/2012 du 11 mai 2012 consid.
2.3). Par ailleurs, il ne ressort ni des pièces au dossier, ni des allégations
du recourant que les intéressés, à la suite de leur séparation, auraient
amorcé la moindre tentative pour sauver leur union. Or, selon l'expérience
générale, les éventuelles difficultés qui peuvent surgir entre époux, après
plusieurs années de vie commune, dans une communauté de vie effective,
intacte et stable n'entraînent la désunion qu'au terme d'un processus pro-
longé de dégradation des rapports conjugaux, en principe entrecoupé de
tentatives de réconciliation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A.11/2006 du 27
juin 2006 consid. 4.1).

Les éléments précités et leur enchaînement chronologique relativement ra-
pide sont de nature à fonder la présomption de fait selon laquelle, au mo-
ment de la décision de naturalisation, A._______ et son épouse ne for-
maient déjà plus une telle communauté conjugale.
6.3 Cette présomption est renforcée par plusieurs éléments ressortant des
pièces du dossier.
6.3.1 En premier lieu, il appert que les conditions de séjour du recourant
en Suisse ont été réglées grâce à son mariage contracté le 6 janvier 2005
avec une citoyenne suisse. En effet, ayant été sous le coup d'une décision
de renvoi du territoire suisse à la suite du rejet définitif de sa demande
d'asile le 1er mai 2001, l'intéressé n'a pas donné suite à l'injonction des
autorités et a poursuivi son séjour en Suisse de manière illégale jusqu'au
mois d'octobre 2003, époque à laquelle il s'est rendu en France (cf. com-
munication de la police régionale du canton de Berne du 26 mars 2010, p.
3). En raison de ce séjour illégal, il a subi une condamnation pénale le 17
août 2005, pour infraction à la législation sur les étrangers. Dans ce con-
texte, il sied de noter qu'au moment de leur première rencontre, B._______
savait parfaitement que son futur mari résidait sans autorisation sur le ter-
ritoire du canton de Neuchâtel : "Il m'avait dit qu'il était en Suisse sans
vraiment en avoir le droit" (cf. p.-v. de l'audition du 10 septembre 2014, p.
2). Certes, l'influence exercée par des conditions de séjour précaires sur la
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décision des conjoints de se marier ne préjuge pas en soi de la volonté que
ceux-ci ont – ou n'ont pas – de fonder une communauté effective. Il n'en
demeure pas moins qu'elle peut constituer un indice d'abus si elle est ac-
compagnée d'autres éléments troublants (cf. ATF 130 II 482 consid. 3.1,
arrêt du Tribunal fédéral 1C_121/2014 du 21 août 2014 consid. 2.1.2), ce
qui est précisément le cas en l'espèce.

En second lieu, il convient de relever la célérité avec laquelle A._______ a
déposé sa requête de naturalisation facilitée le 20 juillet 2009, soit près de
six mois avant même l'échéance du délai requis relatif à la durée du séjour
en Suisse (cf. courrier de l'ODM du 1er décembre 2009). Un tel empresse-
ment suggère immanquablement que le prénommé avait particulièrement
hâte d'obtenir la nationalité suisse, rendue possible par son mariage avec
une citoyenne de ce pays (voir en ce sens, les arrêts du Tribunal fédéral
5A.22/2006 du 13 juillet 2006 consid. 4.3 et 5A.13/2004 du 16 juillet 2004,
consid. 3.1, et arrêt du Tribunal administratif fédéral C-186/2013 du 19 no-
vembre 2013 consid 7.3 et la jurisprudence citée). L'allégation du recourant
selon laquelle il ne s'est pas empressé de déposer une demande de natu-
ralisation, mais s'est vu "proposer cette démarche directement par l'autorité
communale" (cf. mémoire de recours, p. 7) ne saurait être retenue, étant
donné qu'elle n'est étayée par aucune pièce versée au dossier. De plus,
une telle démarche était largement prématurée, ce que les autorités com-
munales ne pouvaient ignorer.

Sur un autre plan, il appert que B._______ a reconnu lors de son audition
rogatoire qu'il y avait "un problème de communication", à cause de la
langue maternelle (arabe) de son ex-époux, qui était "peu communicatif",
et que le couple avait aussi connu "quelques problèmes intimes" depuis le
début du mariage (cf. p.-v. d'audition du 10 septembre 2014, p. 3). Pareil
élément constitue un indice supplémentaire tendant à démontrer que le
recourant et son épouse ne formaient pas vraiment une communauté con-
jugale effective, stable et tournée vers l'avenir au moment de la déclaration
concernant la communauté conjugale. Le fait que la prénommée ait indiqué
avoir accompagné son ex-époux en Algérie à deux reprises pour "voir sa
famille" n'est point de nature à affaiblir ce point de vue, cela d'autant moins
qu'elle a aussi déclaré avoir refusé, par la suite, de le suivre pour des rai-
sons liées au statut de la femme en Algérie (ibid.).

Force est ainsi d'admettre que les déclarations de la prénommée laissent
à penser que le couple avait déjà rencontré des problèmes conjugaux bien
avant la procédure de naturalisation facilitée et que, dans ces circons-
tances, le recourant devait avoir nécessairement conscience de l'instabilité
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Page 13
de son union au moment de la décision lui octroyant la nationalité suisse.

6.3.2 A cela s'ajoute qu'A._______ était âgé de trente-cinq ans et son ex-
épouse de quarante-sept ans lors de la conclusion du mariage, si bien que
les intéressés présentaient une différence d'âge de douze ans, ce qui pa-
raît inhabituel dans le milieu socioculturel dont est issu le recourant (sur ce
point, cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 5A.11/2006 du 27 juin 2006 consid. 3.1).
En l'occurrence, dite différence d'âge constitue d'autant plus un indice de
défaut de volonté de former une véritable union conjugale avec B._______
que le recourant s'est remarié, le 11 novembre 2013, avec une jeune
femme algérienne de plus de quatorze ans sa cadette.
6.3.3 Certes, le recourant fait valoir dans son pourvoi qu'il a été "très bien
accueilli" dans la famille de son ex-épouse, qu'il a aussi eu l'occasion de
participer à des voyages avec sa femme et sa belle-mère, qu'il a maintenu
(après le divorce) "des contacts réguliers" avec cette dernière et que les
époux n'avaient pas de différences religieuses "à strictement parler" (cf.
mémoire de recours, p. 7s). Force est cependant d'admettre que de telles
affirmations ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments rete-
nus ci-dessus et fondant la présomption de fait.
6.3.4 Au vu des considérants qui précèdent, le Tribunal arrive à la conclu-
sion que, prises dans son ensemble, les constatations ci-dessus renforcent
la présomption de fait selon laquelle la naturalisation facilitée a été acquise
de manière frauduleuse par A._______.
La présomption de fait énoncée au considérant 6.2 étant posée, il s’agit de
voir si le recourant parvient à la renverser en faisant valoir des circons-
tances, survenues après la signature de la déclaration commune ou après
l’octroi de la naturalisation facilitée, et qui font en sorte que ses relations
de couple – par hypothèse précédemment stable et orienté vers l’avenir –
se seraient subitement détériorées jusqu’à entraîner un divorce, alors que
rien ne le laissait peu de temps auparavant présager. A ce propos, le re-
courant fait valoir que son ex-épouse a entretenu une relation extra-conju-
gale en 2012 "qui a non seulement conduit à la ruine du mariage, mais
également affecté (sa) joie de vivre" (cf. mémoire de recours, p. 8). Sur ce
point, il suffit de retenir qu'il n'a été fait état, à aucun moment au cours de
la procédure de première instance, d'un tel adultère, ni de la part du recou-
rant, ni de la part de son ex-épouse. Au contraire, invitée à faire savoir si
un événement particulier était intervenu juste après la naturalisation
d'A._______ et qui aurait entraîné la rupture irrémédiable de la commu-
nauté conjugale, B._______ a répondu qu'il n'y avait "rien eu de particulier"
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(cf. p.-v. d'audition du 10 septembre 2014, p. 5). Quant au recourant, qui a
eu la faculté de se déterminer sur le procès-verbal précité, il s'est contenté
de valider les réponses données par son ex-épouse, sans faire la moindre
allusion au sujet de la survenance d'un tel événement (cf. écriture du 1er
décembre 2014). Une telle allégation, présentée pour la première fois dans
le cadre du recours, sans être au demeurant étayée par le détail, ne saurait
revêtir les caractéristiques d'un fait susceptible de renverser la présomp-
tion de fait établie plus haut.
6.4 Ainsi, à défaut d'éléments convaincants apportés par le recourant, le
Tribunal est d'avis qu'il y a lieu de s'en tenir à dite présomption de fait,
fondée sur l'enchaînement chronologique et relativement rapide des évé-
nements, selon laquelle l'union formée par A._______ et B._______ ne
présentait plus l'intensité et la stabilité requises lors de la signature de la
déclaration de vie commune et au moment de la décision de naturalisation
facilitée.

Partant, c'est à bon droit que l'autorité inférieure a annulé, en application
de l'art. 41 LN et avec l'assentiment du canton d'origine, la naturalisation
facilitée octroyée à A._______.
7.
En vertu de l'art. 41 al. 3 LN, sauf décision expresse, l'annulation fait éga-
lement perdre la nationalité suisse aux membres de la famille qui l'ont ac-
quise en vertu de la décision annulée.
En l'occurrence, le dispositif de la décision entreprise (ch. 3) précise que
l'annulation de la naturalisation facilitée d'A._______ fait également perdre
la nationalité suisse aux membres de sa famille qui l'auraient acquise en
vertu de la décision annulée. Il appert des renseignements communiqués
par l'autorité cantonale compétente qu'une fille, D._______, est née le 10
novembre 2014, à (…), du mariage contracté par le recourant le 11 no-
vembre 2013 avec C._______ (cf. courrier du secteur des naturalisations
du canton de Fribourg du 18 janvier 2016) ; D._______ bénéficie sans nul
doute de la nationalité algérienne de par la filiation maternelle et ne se re-
trouverait donc pas apatride ensuite de la décision attaquée du 1er mai
2015 (cf. art. 6 de la loi sur la nationalité de l'Algérie du 27 février 2005, in
: ALEXANDER BERGMANN/MURAD FERID/DIETER HENRICH, Internationales
Ehe- und Kindschaftsrecht, Algerien, p. 12). Il s’ensuit que la décision du
SEM doit aussi être confirmée sur ce point.
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8.
Il ressort de ce qui précède que, par sa décision du 1er mai 2015, l'autorité
inférieure n'a ni violé le droit fédéral ni constaté des faits pertinents de ma-
nière inexacte ou incomplète ; en outre, cette décision n'est pas inoppor-
tune (art. 49 PA).
En conséquence, le recours est rejeté.
Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge
du recourant, conformément à l'art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1 à
3 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indem-
nités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
(dispositif page suivante)
















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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 1'200 francs, sont mis à la charge
du recourant. Ils sont prélevés sur l'avance versée le 1er juillet 2015.
3.
Le présent arrêt est adressé :
– au recourant (Acte judiciaire)
– à l'autorité inférieure, dossier en retour.

Le président du collège : Le greffier :

Blaise Vuille Fabien Cugni


Indication des voies de droit :
Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral,
1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans
les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Le
mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les
conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt
attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour
autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).

Expédition :