BVGE 2011/4 - Abteilung II - Jeux de hasard et maisons de jeu - Lotterien. Qualifzierung der « Tactilo ...
Karar Dilini Çevir:
BVGE 2011/4 - Abteilung II - Jeux de hasard et maisons de jeu - Lotterien. Qualifzierung der « Tactilo ...
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9 Wirtschaft – Technische Zusammenarbeit
Economie – Coopération technique
Economia – Cooperazione tecnica
4
Extrait de l'arrêt de la Cour II
dans la cause Loterie Romande, les cantons suisses
et Swisslos, Interkantonale Landeslotterie
contre Fédération suisse des casinos
et Commission fédérale des maisons de jeu
B-1098/2007, B-1099/2007 et B-1100/2007 du 18 janvier 2010
Loteries. Qualification des automates « Tactilo ». Interprétation de la
réserve en faveur de la législation sur les loteries contenue dans la
LMJ. Définition des loteries au sens de la LLP.
Art. 1 al. 2 et art. 3 al. 2 LMJ. Art. 1 al. 2, art. 5 al. 1, art. 10 et
art. 15 al. 1 LLP.
1. La LLP se présentant comme une lex specialis par rapport à la
LMJ, les loteries sont exclues du champ d'application de cette
dernière et, ainsi, les compétences cantonales en ce domaine
sont préservées (consid. 5.1-5.4).
2. Le fait que la LLP ne règle pas la question de l'exploitation de
loteries par le biais de réseau de télécommunication ne constitue
pas une lacune, la notion de loterie devant être interprétée lar-
gement. Il ne s'agit pas non plus d'un silence qualifié de la LLP
puisque, lors de son élaboration, le législateur ne pouvait tout
simplement pas imaginer - compte tenu du degré de connais-
sances techniques de l'époque - la mise en place d'appareils du
type « Tactilo » (consid. 5.5-5.6).
3. Le plan constitue, eu égard au droit actuellement en vigueur,
l'élément caractéristique permettant de distinguer une loterie
d'un jeu de hasard soumis à la LMJ (consid. 6). Les jeux propo-
sés par les distributeurs « Tactilo » sont exploités en conformité
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à un plan satisfaisant au critère de la planification permettant
de distinguer les loteries des autres jeux de hasard (consid. 7).
4. Le mandat légal reconnu à la Commission fédérale des maisons
de jeu se circonscrit à déterminer la loi applicable aux appareils
« Tactilo » et non à veiller à ce que les jeux proposés satisfassent
aux exigences légales de sécurité, la LLP ayant expressément
transféré cette compétence aux autorités cantonales chargées
des autorisations et de la surveillance des loteries (consid. 9).
Lotterien. Qualifzierung der « Tactilo »-Automaten. Auslegung des
Vorbehalts zu Gunsten der Lotterie-Gesetzgebung, welcher sich aus
dem SBG ergibt. Definition der Lotterien im Sinne des LG.
Art. 1 Abs. 2 und Art. 3 Abs. 2 SBG. Art. 1 Abs. 2, Art. 5 Abs. 1,
Art. 10 und Art. 15 Abs. 1 LG.
1. Da das LG lex specialis zum SBG ist, sind Lotterien vom An-
wendungsbereich des SBG ausgeschlossen und fallen in die Re-
gelungskompetenz der Kantone (E. 5.1-5.4).
2. Das LG ist nicht lückenhaft, weil es die Durchführung von Lot-
terien über das Telekommunikationsnetz nicht regelt. Der Lot-
teriebegriff ist weit auszulegen. Es liegt auch kein qualifiziertes
Schweigen des LG vor, da der Gesetzgeber bei seiner Erarbei-
tung die Installierung der « Tactilo »-Automaten auf Grund des
damaligen technischen Wissensstandes schlicht nicht vorausse-
hen konnte (E. 5.5-5.6).
3. Der Plan stellt aufgrund aktuell geltendem Recht das charakte-
ristische Element dar, um zwischen einer Lotterie und einem
dem SBG unterliegenden Glücksspiel zu unterscheiden (E. 6).
Die mit den « Tactilo »-Automaten angebotenen Spiele werden
gestützt auf einen Plan durchgeführt, welcher das Kriterium
der Planbarkeit als Unterscheidungsmerkmal zwischen Lotte-
rien und anderen Glückspielen erfüllt (E. 7).
4. Die Eidgenössische Spielbankenkommission hat nach ihrem
gesetzlichen Auftrag das auf « Tactilo »-Automaten anwendba-
re Gesetz zu bestimmen und nicht die Einhaltung der Sicher-
heitsvorschriften der angebotenen Spiele zu prüfen. Das LG hat
jene Kompetenz ausdrücklich den für die Bewilligung und
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Überwachung der Lotterien zuständigen kantonalen Behörden
übertragen (E. 9).
Lotterie. Qualificazione degli apparecchi automatici « Tactilo ». In-
terpretazione della riserva a favore della legislazione sulle lotterie
contenuta nella LCG. Definizione delle lotterie ai sensi della LLS.
Art. 1 cpv. 2 e art. 3 cpv. 2 LCG. Art. 1 cpv. 2, art. 5 cpv. 1, art. 10 e
art. 15 cpv. 1 LLS.
1. La LLS costituisce una lex specialis rispetto alla LCG, perciò le
lotterie sono escluse dal campo di applicazione della LCG, e
rientrano nelle competenze cantonali in questo ambito (con-
sid. 5.1-5.4).
2. Il fatto che la LLS non regola la questione dell'esercizio delle
lotterie attraverso l'impiego di reti di telecomunicazione non co-
stituisce una lacuna, in quanto la nozione di lotteria deve essere
interpretata in senso ampio. Non si tratta nemmeno di un silen-
zio qualificato della LLS poiché, al momento della sua elabora-
zione, il legislatore non poteva chiaramente prevedere – in base
allo stato delle conoscenze tecniche dell'epoca – l'introduzione
di apparecchi del tipo « Tactilo » (consid. 5.5-5.6).
3. Il piano costituisce, tenuto conto del diritto attualmente in vigo-
re, l'elemento caratteristico che permette di distinguere una lot-
teria da un gioco d'azzardo sottoposto alla LCG (consid. 6). I
giochi proposti dai distributori « Tactilo » sono utilizzati in con-
formità ad un piano che soddisfa il criterio della pianificazione,
il quale permette di distinguere le lotterie dagli altri giochi d'az-
zardo (consid. 7).
4. Il mandato legislativo riconosciuto alla Commissione federale
delle case da gioco si limita a determinare la legge applicabile
agli apparecchi « Tactilo », e non a esaminare se le esigenze le-
gali relativa alla sicurezza dei giochi proposti siano adempiute,
avendo la LLS espressamente deferito questa competenza alle
autorità cantonali incaricate delle autorizzazioni e della sorve-
glianza delle lotterie (consid. 9).

En date du 5 mars 1998, la Conférence romande de la Loterie et des jeux
(CRLJ) a autorisé la Société de la Loterie de la Suisse Romande (ci-
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après: Loterie Romande) à exploiter les distributeurs « Tactilo »; la
Loterie Romande en exploite quelque 400 appareils dans les différents
cantons de la Suisse romande. Ces distributeurs donnent accès, au moyen
d'un écran tactile, à des versions électroniques de billets à gratter vendus
également en version papier.
Lors des travaux préparatoires en vue de la révision de la législation sur
les loteries, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a mandaté,
d'entente avec les cantons, le Professeur Rouiller ainsi que le laboratoire
Nederlands Meetinstituut Certin BV (NMi) afin qu'ils examinent s'il fal-
lait assimiler les appareils « Tactilo » à une loterie ou à une machine à
sous servant aux jeux de hasard uniquement exploitable dans les maisons
de jeu. Le Conseil fédéral a finalement suspendu la révision en cours et
laissé le soin aux tribunaux, en cas de contestation, de procéder à la déli-
mitation entre la législation sur les loteries et celle sur les maisons de jeu.
Depuis mai 2004, Swisslos Interkantonale Landeslotterie (ci-après:
Swisslos) a exprimé l'intention de mettre en service des appareils du
même type, le « Touchlot », en Suisse alémanique .
Par décision du 10 juin 2004, la Commission fédérale des maisons de jeu
(CFMJ) a ouvert une procédure afin de déterminer si les distributeurs
respectivement « Tactilo » et « Touchlot » sont assujettis à la loi fédérale
du 8 juin 1923 sur les loteries et les paris professionnels (LLP, RS
935.51) ou à la loi sur les maisons de jeu du 18 décembre 1998 (LMJ, RS
935.52). Elle a en outre interdit, à titre superprovisionnel, de mettre ou de
faire mettre en service, durant la procédure, de nouveaux distributeurs de
type « Tactilo » ou d'autres appareils de loterie. En revanche, la Loterie
Romande a été autorisée à exploiter les appareils d'ores et déjà en service
en Suisse romande. Cette décision a été confirmée par le Tribunal fédéral
dans son arrêt du 1
er
décembre 2004 (2A.437/2004).
En date du 19 juillet 2004, la Fédération suisse des casinos (ci-après:
FSC), organisée en la forme d'une association, a requis de la CFMJ
qu'elle lui reconnaisse la qualité d'intervenante dans la procédure sus-
mentionnée. Cette requête valait aussi bien pour la procédure au fond que
pour la procédure de mesures provisionnelles. Par courrier du 2 septem-
bre 2004, la CFMJ informa les requérantes que, pour l'heure, elle n'avait
l'intention ni de rendre une décision ni de les inclure à la procédure.
Par requête du 8 avril 2005, les cantons de Fribourg et Vaud, les Ré-
publiques et Cantons du Valais, de Neuchâtel, de Genève et du Jura ont
demandé à intervenir dans la procédure susmentionnée en qualité de
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partie. La CFMJ puis, sur recours, la Commission de recours en matière
de maisons de jeu (CRMJ) ont rejeté leur requête. Le Tribunal fédéral a,
quant à lui, reconnu leur qualité de partie à la procédure par arrêt du
4 avril 2006 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.597/2005). Par décision du
12 mai 2006, la CFMJ a donné aux autres cantons la possibilité de
participer à la procédure. Tous les cantons se sont ainsi constitués partie
jusqu'au 28 novembre 2006.
En date du 21 décembre 2006, la CFMJ a reconnu à la FSC la qualité de
partie et rejeté les requêtes d'Escor Automaten AG et de Swissplay,
Association suisse de la branche des automates tendant à participer à la
procédure.
Le même jour, elle a rendu deux décisions, l'une en français, l'autre en al-
lemand, sur la question de fond. Elle a interdit l'exploitation des distri-
buteurs « Tactilo » ainsi que des appareils présentant les mêmes carac-
téristiques techniques à l'extérieur des maisons de jeu au bénéfice d'une
concession; elle a de surcroît ordonné la mise hors service et le retrait du
marché desdits distributeurs en exploitation, dans un délai de six mois
dès l'entrée en force de la décision. Elle a en effet considéré que les dis-
tributeurs « Tactilo » sont soumis à la législation sur les maisons de jeu
car ils présentent de grandes ressemblances avec les appareils à sous au
sens de dite législation.
La Loterie Romande (cause B-578/2007), Swisslos (cause B-517/2007)
et les cantons suisses (cause B-583/2007) ont interjeté recours contre la
décision de la CFMJ du 21 décembre 2006 reconnaissant la qualité de
partie à la FSC par mémoire du 19 janvier 2007 adressé au Tribunal ad-
ministratif fédéral. Ils concluent principalement à ce que la FSC ne soit
admise ni en qualité de partie ni en qualité d'intervenante à la procédure
administrative relative aux distributeurs « Tactilo ».
Par mémoire du 8 février 2007, complété le 7 mars 2007, la Loterie Ro-
mande (cause B-1099/2007) a recouru auprès du Tribunal administratif
fédéral contre la décision rendue le 21 décembre 2006 par la CFMJ qua-
lifiant les distributeurs « Tactilo » de jeux de hasard au sens de la légis-
lation sur les maisons de jeu. Les cantons suisses (cause B-1098/2007)
ont également recouru contre cette décision par écritures du 7 février
2007, complétées le 7 mars 2007. Il en va de même pour Swisslos (cause
B-1100/2007) par mémoire du 8 février 2007. Ils concluent tous princi-
palement à ce qu'il soit constaté que les distributeurs « Tactilo » sont
régis par la législation sur les loteries, à la levée de l'interdiction pro-
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noncée par l'autorité inférieure et à ce que la FSC ne soit admise ni en
qualité de partie ni en qualité d'intervenante à la procédure administrative
relative aux distributeurs « Tactilo ».
Par décisions incidentes des 26 et 30 octobre 2007, les juges instructeurs
saisis ont joint, d'une part, les causes allemandes B-517/2007 et
B-1100/2007 et, d'autre part, les causes françaises B-578/2007,
B-583/2007, B-1098/2007 ainsi que B-1099/2007. Il a en outre été an-
noncé que la question de la qualité de partie de la FSC en première
instance ainsi qu'en procédure de recours serait examinée préalablement
dans la procédure unifiée et ferait l'objet d'une décision incidente.
Par décisions respectivement des 6 et 12 décembre 2007, le Tribunal
administratif fédéral a déclaré irrecevables les recours déposés contre la
décision reconnaissant la qualité de partie à la FSC (causes B-517/2007,
B-578/2007 et B-583/2007) et a admis cette dernière en qualité de partie
dans la procédure de recours contre la décision sur le fond. Statuant en
dernière instance, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables, et rejeté dans
la mesure où ils étaient recevables, les recours formés par la Loterie
Romande, les cantons suisses et Swisslos contre ces décisions, par arrêts
des 12 mars 2008 et 23 avril 2008.
Par décision incidente du 10 janvier 2008, il a été procédé à la jonction
de la procédure de recours instruite en allemand (cause B-1100/2007)
avec celle instruite en français (cause B-1099/2007), la langue de la pro-
cédure retenue étant le français. En date du 12 février 2008, compte tenu
des recours formés auprès du Tribunal fédéral, le Tribunal administratif
fédéral a suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit définitivement
connu sur la qualité de partie de l'intimée. La procédure a été reprise par
décision incidente du 19 mai 2008.
Par requête du 5 juin 2008, l'intimée a demandé à accéder au dossier. Les
cantons suisses et la Loterie Romande ayant fait valoir que celui-ci
contenait des secrets d'affaires, le Tribunal administratif fédéral les a
invités à établir une liste des pièces concernées. Le 10 décembre 2008,
les cantons suisses et la Loterie Romande ont établi une liste de pièces
considérées comme confidentielles et ont transmis un résumé du contenu
desdites pièces. Le 12 février 2009, l'intimée a informé le Tribunal admi-
nistratif fédéral qu'elle acceptait que son accès au dossier soit limité aux
pièces n'étant pas considérées comme confidentielles par les recourants
ainsi qu'aux résumés établis par ceux-ci. Par décision incidente du
16 février 2009, le Tribunal administratif fédéral a autorisé l'intimée à
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consulter l'ensemble du dossier à l'exception des pièces qui, selon les
listes établies par la Loterie Romande et les cantons suisses, contiennent
des secrets d'affaires.
Dans ses réponses du 20 mars 2007 et du 18 juin 2008, l'autorité infé-
rieure a conclu au rejet des recours. L'intimée a fait de même dans sa ré-
ponse du 17 mars 2009. Il a ensuite été procédé à un second échange
d'écritures.
Le Tribunal administratif fédéral a admis les recours par arrêt du 18 jan-
vier 2010, confirmé sur le fond par le Tribunal fédéral le 18 janvier 2011
(2C_186/2010).
Extrait des considérants:
4. A teneur de l'art. 106 de la Constitution fédérale de la Confé-
dération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), la législation sur les jeux
de hasard et les loteries relève de la compétence de la Confédération. Son
but est de protéger le public contre des dépenses déraisonnables et peu
économiques faites en vue d'obtenir des avantages incertains dans un
esprit de jeu (cf. message du Conseil fédéral concernant le projet de loi
fédérale sur les loteries et les entreprises analogues du 13 août 1918, FF
1918 IV 343 ss, ci-après: message concernant la LLP).
4.1 Dès l'origine, le législateur a opté en faveur de deux lois dis-
tinctes: la LLP et la loi fédérale sur les maisons de jeu adoptée le
5 octobre 1929 (RS 10 270). Cette partition a été maintenue lors de
l'adoption en 1998 de la LMJ entrée en vigueur le 1
er
avril 2000. Dans
l'optique du législateur fédéral, la LMJ « règle de manière exhaustive les
jeux de hasard offrant des chances de réaliser un gain en argent ou
d'obtenir un autre avantage matériel » tandis que la LLP constitue une lex
specialis par rapport à la première (cf. message du Conseil fédéral relatif
à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu [loi sur les
maisons de jeu, LMJ] du 26 février 1997, FF 1997 III 137, 151 et 162, ci-
après: message concernant la LMJ). En précisant que la LMJ ne
s'applique pas aux loteries et aux paris professionnels, ceux-ci étant régis
par la LLP les concernant, l'art. 1 al. 2 LMJ concrétise cette volonté du
législateur (ATF 133 II 68 consid. 3.2). Les dispositions de la LLP
demeurent ainsi réservées. La LMJ constitue par conséquent le noyau de
la législation suisse sur les jeux de hasard et une lex generalis par rapport
à la loi sur les loteries (cf. MARKUS SCHOTT, Les jeux, sont-ils faits? Auf
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dem Weg zu einer kohärenten Regulierung des Glücksspiels in der
Schweiz, in: Thomas Sutter-Somm/Felix Hafner/Gerhard Schmid/Kurt
Seelmann [éd.], Risiko und Recht, Festgabe zum Schweizerischen
Juristentag 2004, Bâle 2004, p. 495 ss, p. 499). Les loteries, quant à elles,
représentent une sous-catégorie des jeux de hasard (cf. JEAN-FRANÇOIS
AUBERT, in: Jean-François Aubert/Pascal Mahon [éd.], Petit commentaire
de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, Zurich/Bâle/Ge-
nève 2003, n. 5 ad art. 106 Cst.; SCHOTT, op. cit., p. 502; PAUL RICHLI,
Harmonisierungsbedarf zwischen den Gesetzgebungen über Spielbanken,
Geschicklichkeits-Spielautomaten und Lotterien, in: Pratique juridique
actuelle 1995 p. 459 ss, p. 462).
Il convient donc de distinguer parmi les jeux de hasard définis à l'art. 3
al. 1 LMJ, ceux dont le régime général est réglé par l'art. 4 LMJ et ceux
qui répondent aux définitions d'une loterie (ou d'une opération analogue à
une loterie) ou d'un pari professionnel, dont le régime est exclusivement
réglé par la LLP. Les premiers sont autorisés lorsqu'ils entrent dans la
liste des jeux établie par le Conseil fédéral et qu'ils sont proposés dans
une maison de jeu concessionnaire (art. 4 LMJ). Les seconds n'échappent
à la prohibition de l'art. 1 al. 1 LLP que s'il s'agit de tombolas (art. 2
LLP), de loteries et d'opérations analogues (art. 43 de l'ordonnance du
27 mai 1924 relative à la loi fédérale sur les loteries et les paris profes-
sionnels [OLLP, RS 935.511]) à des fins d'utilité publique ou de bien-
faisance (art. 3 LLP) – aux conditions des art. 5 ss LLP – ou encore d'em-
prunts à primes (art. 3 LLP). De même, n'échappent à la prohibition de
l'art. 33 LLP que les paris professionnels qui peuvent être qualifiés de
paris professionnels au totalisateur au sens de l'art. 34 LLP et qui sont
permis par le droit cantonal (ATF 133 II 68 consid. 3.2; arrêt du Tribunal
fédéral 2C_312/2007 du 13 novembre 2007 consid. 3.1).
4.2 La CFMJ assure la surveillance des maisons de jeu, veille au
respect des dispositions de la loi sur les maisons de jeu et prend les dé-
cisions nécessaires à son application (art. 48 LMJ). Elle jouit en matière
de maisons de jeu de très larges compétences qui sont calquées sur celles
de l'ancienne Commission fédérale des banques (CFB) (message concer-
nant la LMJ, FF 1997 III 154). Son mandat fondamental a volontaire-
ment été décrit de manière très large (cf. message concernant la LMJ, FF
1997 III 183). En vertu de ses larges compétences destinées à assurer
l'application uniforme du droit fédéral, la CFMJ est habilitée à examiner
si certaines activités tombent sous le coup de la loi et à mener ainsi une
procédure d'assujettissement. Comme elle doit veiller de manière géné-
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rale au respect des dispositions légales, la tâche de surveillance qui lui est
confiée ne se limite pas aux maisons de jeu ; il lui appartient aussi
d'examiner si d'autres jeux de hasard relèvent de la législation sur les
maisons de jeu, dans la mesure où la qualification de ceux-ci est incer-
taine (arrêt du Tribunal fédéral 2A.437/2004 du 1
er
décembre 2004
consid. 2.1).
5. S'agissant des griefs matériels, les recourants font tous valoir
que les distributeurs « Tactilo » constituent une loterie si bien qu'elle est
exclusivement soumise à la LLP. L'autorité inférieure estime quant à elle
que dite loi présente une lacune s'agissant des loteries proposées par un
réseau électronique qu'il convient de combler eu égard à la législation gé-
nérale que constitue la LMJ. L'intimée juge également que les appareils
en cause sont soumis à la LMJ. Il sied dès lors de déterminer, à la lumière
des principes énoncés ci-dessus (cf. consid. 4), la loi applicable au cas
d'espèce. Pour ce faire, il convient de procéder à une interprétation de
l'art. 1 al. 2 LMJ qui réserve les dispositions de la LLP.
5.1 L'art. 1 al. 2 LMJ prévoit expressément que les loteries ainsi que
les paris professionnels sont régis par la LLP. Les textes allemand et
italien divergent quelque peu dans la mesure où ils réservent les pres-
criptions de la LLP. Or, il ressort clairement des débats parlementaires
que la version française correspond à une proposition de modification de
la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) qui a
finalement été écartée (Bulletin Officiel de l'Assemblée fédérale [BO]
1998 N 1944). Nonobstant, les différentes formulations conduisent au
même résultat puisque, pour savoir ce qu'est une loterie, il faut se référer
à la LLP. De même, si un jeu satisfait à la définition de loterie, la LLP lui
est alors applicable.
5.2 Conformément à la jurisprudence, la loi s'interprète en premier
lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolu-
ment clair, respectivement si plusieurs interprétations de celui-ci sont
possibles, il sied de rechercher la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions
légales. Lors de cet examen, il convient de privilégier une approche prag-
matique s'inspirant d'une pluralité de méthodes, étant précisé que les
différentes méthodes d'interprétation ne sont soumises à aucun ordre de
priorité; en particulier, le juge ne se fonde sur la compréhension littérale
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du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement
juste (cf. ATF 132 III 226 consid. 3.3.5, ATF 128 II 56 consid. 4 et les
réf. cit.; ATAF 2007/48 consid. 6.1; ANDREAS AUER/GIORGIO MALIN-
VERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I: L'Etat,
Berne 2006, p. 505 ss; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. I: Les
fondements généraux, Berne 1994, p. 142 ss; ANDRÉ GRISEL, Traité de
droit administratif, vol. I, Neuchâtel 1984, p. 122 ss). Si plusieurs inter-
prétations sont admissibles, il convient de choisir celle qui est conforme
à la Constitution. En effet, même s'il ne peut pas examiner la constitu-
tionnalité des lois fédérales (art. 191 Cst.), le Tribunal fédéral part de
l'idée que le législateur fédéral ne propose pas de solution incompatible
avec la Constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la
lettre ou de l'esprit de la loi (ATF 131 II 562 consid. 3.5, ATF 130 II 65
consid. 4.2, ATF 129 II 114 consid. 3.1, ATF 129 III 55 consid. 3.1.1).
L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune.
Une lacune authentique (ou lacune proprement dite) suppose que le légis-
lateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune
solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. Si le légis-
lateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas
nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un
silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise
par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatis-
faisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune propre-
ment dite appelle l'intervention du juge tandis qu'il lui est en principe
interdit, selon la conception traditionnelle, de corriger les lacunes impro-
prement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant
de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de
la Constitution (ATAF 2007/48 consid. 6.1; ATF 131 II 562 consid. 3.5).
Une opinion minoritaire en doctrine renonce toutefois à opérer une dis-
tinction entre lacune proprement et improprement dite ; elle parle de ma-
nière générale respectivement de lacune involontaire de la loi et d'une in-
suffisance inadmissible du point de vue téléologique pouvant être
comblée par les organes chargés d'appliquer la loi (cf. ULRICH HÄFE-
LIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht,
5
e
éd., Zurich 2006, n
o
243; ULRICH HÄFELIN, Zur Lückenfüllung im öf-
fentlichen Recht, in: Festschrift zum 70. Geburtstag von Hans Nef,
Zurich 1981, p. 91 ss, spéc. p. 108 s., 113 s.; ERNST A. KRAMER, Juris-
tische Methodenlehre, 2
e
éd., Berne 2005, p. 162 ss). De même, on peut
subodorer dans la jurisprudence une tendance à s'éloigner de la distinc-
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tion traditionnelle et à admettre l'existence d'une lacune susceptible d'être
comblée par un tribunal lorsque, au regard des valeurs et des objectifs
poursuivis par la loi, une réglementation légale apparaît comme insuffi-
sante et sujette à complément (ATF 132 III 470 consid. 5.1, ATF 131 V
233 consid. 4.1, ATF 129 II 438 consid. 4.1.2, ATF 123 II 69 consid. 3c;
ATAF 2007/48 consid. 6).
5.3 Dès lors que la LMJ est une loi récente, il sied de donner une
importance toute particulière aux travaux préparatoires dans le cadre de
l'interprétation de cet article.
Dans son message relatif à la LMJ, le Conseil fédéral a indiqué que les
appareils à sous tels qu'ils sont définis à l'art. 3 LMJ comprennent égale-
ment les appareils offrant des chances d'obtenir un gain en nature, des
jetons ou des points. Il précise que la notion d'appareil à sous inclut aussi
les appareils servant aux jeux de loterie qui sont des appareils à sous pré-
sentant une surface électronique sur laquelle le joueur peut se livrer à un
jeu de loterie. Bien que l'autorisation des loteries conventionnelles relève
de la compétence des cantons, les jeux de ce genre sont inclus dans la loi
sur les maisons de jeu en vigueur et dans le projet parce qu'ils se présen-
tent sous forme d'appareil et qu'un mécanisme automatique en assure le
déroulement (cf. message concernant la LMJ, FF 1997 III 163). Cela
étant, il convient d'examiner si cette volonté a été confirmée lors des dé-
bats parlementaires. A cet égard, il faut relever que lors de l'examen du
projet par le Conseil des Etats, le rapporteur de la CAJ-E a voulu expres-
sément souligner que les loteries étaient exclues du champ d'application
de la LMJ et que, par conséquent, celle-ci n'engendrait aucune modifica-
tion pour les cantons ainsi que pour les loteries reconnues (BO 1997 E
1298). Comme il ressort des procès-verbaux des séances de la CAJ-E,
cette assurance donnée par le rapporteur fait suite à une crainte que les
sociétés de loterie ont émise lors des auditions organisées par la CAJ-E et
qui a ensuite été relayée par de nombreux sénateurs. A cette occasion, les
représentants de l'administration fédérale avaient assuré les membres de
la CAJ-E que la réserve de l'art. 1 al. 2 du projet était suffisante pour que
tout le domaine des loteries soit exclu de l'application de la LMJ. Cette
assurance a d'ailleurs été répétée devant le Conseil des Etats lors de
l'adoption de l'art. 1 LMJ puisque le président de la CAJ-E a tenu à pré-
ciser que l'ensemble du domaine des loteries avait été exclu du champ
d'application de la LMJ afin de tenir compte des craintes émises par les
cantons et les sociétés de loterie (BO 1997 E 1309). S'agissant précisé-
ment des appareils objet du présent litige, le Conseil des Etats a introduit
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 41

un nouvel alinéa à l'art. 5 LLP permettant au DFJP de déterminer la loi
qui leur était applicable. Devant la CAJ-N, les représentants de l'admi-
nistration fédérale ont à nouveau expressément affirmé que la LMJ ne
s'appliquait pas aux loteries. La CAJ-N a cependant décidé de préciser la
délimitation entre les domaines des loteries et des maisons de jeu. Aussi,
elle a proposé une nouvelle définition des loteries qui serait la suivante:
« est réputée loterie tout jeu de hasard dont la mise consiste en un verse-
ment ou en la conclusion d'un contrat et qui obéit à un plan selon lequel
le tirage est centralisé, en ce sens qu'il est unique, envers tous les partici-
pants indépendamment des lieux où ils ont engagé leurs mises ». S'agis-
sant de loteries exploitées par le biais de réseau de télécommunication
électronique, la CAJ-N a proposé de ne pas permettre au DFJP de déter-
miner la loi qui leur est applicable mais simplement de confirmer qu'il
s'agit bien d'une loterie. A cet égard, elle a également prévu de garantir le
droit d'être entendu des cantons et même de leur assurer un droit de re-
cours. Une minorité de la CAJ-N a cependant fait remarquer que la pro-
position de la majorité était susceptible de mettre en danger la LMJ dès
lors qu'elle autorisait aux loteries ce qui était refusé aux maisons de jeu;
elle tenait également à éviter que des machines à sous puissent facile-
ment être modifiées en loterie. Le Conseil national a ainsi décidé de ne
pas suivre sa Commission et de ne rien modifier à la LLP. Il a donc
refusé aussi bien la proposition de sa Commission que le texte retenu par
le Conseil des Etats. Les députés ont en effet estimé qu'il convenait de ne
pas procéder à une modification aussi importante de la LLP dans le cadre
de l'adoption de la LMJ, ce d'autant plus que la modification proposée
allait dans un sens différent de celui de la LMJ – puisqu'elle aurait auto-
risé l'exploitation de loteries par le biais de réseau de télécommunication
–, mais d'attendre la révision de la LLP respectant la procédure ordinaire
et, notamment, la procédure de consultation (BO 1998 N 1943 ss). Dans
sa prise de position devant le Conseil national, le Conseiller fédéral res-
ponsable a précisé que l'art. 1 al. 2 de la LMJ prévoyait expressément que
la LLP constituait une lex specialis par rapport à la LMJ. S'agissant d'une
redéfinition des loteries, il a fait valoir qu'une telle modification devait
avoir lieu au moment de la révision de la LLP et que pour autoriser ce
genre de loterie, il convenait de prendre garde à ce que des mesures iden-
tiques à celles prévues pour les maisons de jeu soient garanties en ce qui
concerne les loteries; ces questions ne pouvaient être abordées de ma-
nière correcte que lors d'une révision future de la LLP (BO 1998 N
1945). Faisant suite à la décision du Conseil national, la CAJ-E a suivi le
Conseil national estimant que l'exploitation de loteries par le biais de
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


42 BVGE / ATAF / DTAF

réseau de télécommunication devait être traitée dans le cadre de la
révision de la LLP sans quoi on créerait une entorse à la réserve de l'art. 1
al. 2 LMJ, une telle disposition n'ayant pas sa place dans dite loi. Le
Conseil des Etats a ensuite suivi sa Commission sans discussion (BO
1998 E 1173).
Concernant la révision de la LLP, le DFJP a institué, le 31 mai 2001, une
commission d'experts. Le 9 décembre 2002, le DFJP a mis le projet et le
rapport explicatif de la commission d'experts en consultation jusqu'à fin
mars 2003. Cette dernière a donné lieu à des avis très partagés: les can-
tons se révélant très soucieux de préserver leurs compétences, les grandes
sociétés de loteries s'étant par ailleurs clairement exprimées contre le
projet. En date du 18 mai 2004, le Conseil fédéral a décidé de suspendre
provisoirement la révision, impartissant aux cantons un délai échéant au
31 décembre 2005 pour adopter les mesures aptes à combler les lacunes
en matière de loteries. Il a également donné mandat au DFJP d'examiner
si les mesures prises par les cantons seraient suffisantes. En outre, le
Conseil fédéral a décidé que la clarification de la délimitation entre la
LLP et la LMJ, qui est d'importance surtout pour les automates de jeux
de loteries « Tactilo » et « Touchlot », devait être laissée en premier lieu
aux tribunaux. Dans l'intervalle, le Conseil national a refusé de donner
suite à une motion de sa Commission tendant à clarifier la définition des
loteries et notamment de celles exploitées par le biais d'un système de
réseau de télécommunication (BO 2004 N 2164). Les cantons ont adopté,
en date du 7 janvier 2005, la Convention intercantonale sur la surveil-
lance, l'autorisation et la répartition du bénéfice des loteries et paris ex-
ploités sur le plan intercantonal ou sur l'ensemble de la Suisse (CILP).
Entrée en vigueur le 1
er
janvier 2006, elle institue une Commission des
loteries responsable de l'homologation de tous les nouveaux jeux ainsi
que prévoit des mesures de lutte contre la dépendance au jeu et la
protection de la jeunesse. Le Conseil fédéral a pris acte, le 30 mai 2008,
d'un rapport succinct du DFJP et l'a chargé de suivre de près l'évolution
de la situation jusqu'en 2011, la révision de la LLP restant suspendue.
5.4 Il ressort de ce qui précède que la volonté du législateur a claire-
ment été de réserver l'application des dispositions de la LLP en qualité de
lex specialis par rapport à la LMJ. En effet, s'il est vrai que les parlemen-
taires ont refusé de donner une nouvelle définition des loteries et d'ex-
pressément autoriser leur exploitation par le biais d'un réseau de télé-
communication, il n'en demeure pas moins que les arguments avancés
par les principaux intervenants témoignent tous d'une volonté de ne pas
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 43

procéder à une révision dans le cadre de la LMJ, mais dans celui de la
LLP, laquelle devra suivre une procédure ordinaire notamment précédée
d'une procédure de consultation. En effet, il résulte bien de la première
lecture du projet de loi par le Conseil des Etats – lors de l'examen de l'en-
trée en matière et de la réserve de l'art. 1 al. 2 LMJ – que les loteries sont
exclues du champ d'application de la loi et que, ainsi, les compétences
cantonales en ce domaine sont préservées. A cet égard, le rapporteur de la
CAJ-E donne explicitement cette assurance lors de l'adoption de l'article
susmentionné (BO 1997 E 1309). S'agissant de l'exploitation de loteries
par le biais de réseau de télécommunication, les parlementaires se sont
nettement exprimés pour ne pas les autoriser expressément dans le cadre
de l'adoption de la LMJ; certains ont également laissé entendre qu'ils
étaient défavorables à leur autorisation. Cela étant, les arguments avancés
partaient du principe d'une révision partielle de la LLP dans le cadre de
l'adoption de la LMJ; de même le refus exprimé par la majorité s'inscrit
bien plus dans le renvoi des discussions à la révision ordinaire de la LLP
annoncée par le Conseil fédéral. Dans ces circonstances, on ne peut donc
suivre l'autorité inférieure lorsqu'elle prétend que le législateur a interdit
leur exploitation aussi longtemps que la révision de la LLP ne l'auto-
riserait. En effet, le législateur a simplement renvoyé à la révision de la
loi sans se prononcer ni pour leur autorisation ni pour leur interdiction.
Les nombreuses interventions parlementaires visant à réglementer la
question démontrent bien que les députés, dont les avis sont très partagés,
n'estiment pas avoir apporté une solution à ce problème lors de l'adoption
de la LMJ (cf. notamment Iv. pa. Baumann J. Alexander du 19 décembre
2003, BO 2004 N 2120 ss.; question Aeschbacher Ruedi du 3 juin 2004;
motion de la CAJ-N du 1
er
juillet 2004, BO 2004 N 2120 ss et 2162 ss;
Iv. pa. Studer Heiner du 7 juin 2004, BO 2009 N 849 ss; interpellation
Studer Jean du 16 décembre 2004, BO 2005 E 385 ss; Iv. pa. Ménétrey-
Savary Anne-Catherine du 17 juin 2005, BO 2009 N 849 ss; question
Didier Berberat du 20 mars 2008, BO 2008 E 163 s.). Enfin, d'une ma-
nière générale, on chercherait en vain à déduire des travaux parlemen-
taires relatifs à la LMJ que les appareils « Tactilo » ne pourraient pas
bénéficier de la réserve en faveur des dispositions de la LLP pour autant
qu'ils satisfassent à la définition de loterie arrêtée par dite loi (du même
avis: cf. CLAUDE ROUILLER, Avis de droit complémentaire du 22 décem-
bre 2000, pièces 25000 ss du dossier de la procédure devant la CFMJ,
spéc. pièce 25013; d'un avis contraire: cf. THOMAS POLEDNA, Rechtsgut-
achten zu Tactilo-Lotterieautomaten du 3 juin 2002, pièces 29000 ss du
dossier de la procédure devant la CFMJ, spéc. pièce 29014 s.).
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


44 BVGE / ATAF / DTAF

5.5 S'agissant de l'application de la LLP, le législateur historique ne
pouvait certes pas avoir à l'esprit, lors de l'élaboration de la loi de 1923,
les appareils actuels à qualifier. Cela étant, s'il avait eu l'intention d'ex-
clure tout type de loterie différent de ceux connus alors, il aurait inévita-
blement choisi une définition plus stricte que celle retenue à l'art. 1 al. 2
LLP. La définition large ainsi arrêtée par les Chambres fédérales permet
bien de s'adapter à l'évolution en la matière. La pratique des autorités
chargées de l'application de la LLP a pour le reste clairement démontré
leur aptitude à s'accommoder au développement de la technique notam-
ment en autorisant les loteries à prétirage dans les années 1970. De plus,
à propos des appareils objet du présent litige, force est de reconnaître que
le législateur – pleinement conscient de la problématique causée par les
distributeurs « Tactilo » – a sciemment décidé de ne rien modifier dans la
législation sur les loteries lors de l'adoption de la LMJ et, à ce jour, n'a
pas donné suite à la révision pourtant annoncée de la LLP (cf. consid. 5.2
et 5.3). On ne peut non plus tirer du silence de la loi la conclusion que le
recours à de tels appareils se révélerait incompatible avec le concept
légal de la loterie. A cet égard, il ne faut pas perdre de vue que le Conseil
fédéral a assimilé dès 1938 certains jeux automatiques à la loterie (art. 43
ch. 3 OLLP).
5.6 On ne saurait dès lors retenir, comme le font l'autorité inférieure
et l'intimée, qu'il s'agisse d'une lacune proprement dite de la LLP à com-
bler à la lumière de la LMJ plus récente. La position du rapporteur de la
CAJ-E selon laquelle la LMJ, en tant que lex generalis, s'applique pour
tous les jeux de hasard non explicitement réglés par la LLP, ne peut être
interprétée dans le sens que – à défaut de disposition expresse dans la
LLP sur les loteries exploitées par un réseau de télécommunication –
celles-ci soient régies par la LMJ (cf. contra POLEDNA, op. cit., pièce
29014 s.). En effet, cette déclaration fait suite à une assurance donnée
précisément quant à la non-application de la LMJ à l'ensemble du do-
maine des loteries (BO 1997 E 1309). En conséquence, attendu que le
Parlement, faisant preuve de retenue, a renoncé pour l'instant à légiférer
sur un problème dont il avait pleinement connaissance, laissant le soin
aux tribunaux de délimiter l'application des législations en vigueur, le
Tribunal administratif fédéral n'a d'autre choix que de se cantonner à
examiner si le distributeur « Tactilo » satisfait à la définition de lege lata
de loterie.
A cet égard, vu ce qui précède, il faut bien constater qu'il n'y a aucune la-
cune contenue à l'art. 1 al. 2 LLP. Les tribunaux ne sauraient pour le reste
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 45

déterminer la définition de lege ferenda que le législatif, sur la réserve,
était supposé donner aux loteries; ils ne peuvent par conséquent que se
référer à celle prévue dans la loi, faute de remettre en cause les principes
de la séparation des pouvoirs et de la légalité. Il ne s'agit pas non plus
d'un silence qualifié de la LLP puisque, lors de son élaboration, le légis-
lateur ne pouvait tout bonnement pas imaginer – compte tenu du degré de
connaissances techniques de l'époque – la mise en place d'appareils du
type « Tactilo ». Enfin, si la LMJ s'avère certes plus récente que la LLP, il
n'en demeure pas moins qu'elle contient une réserve explicite en faveur
de cette dernière, à interpréter, selon la volonté du législateur (cf. con-
sid. 5.4), dans le sens d'une non-application de la LMJ à l'ensemble du
domaine des loteries. En conséquence, le principe lex posterior derogat
legi priori ne trouve pas application en l'espèce.
5.7 Dans ces circonstances, force est dès lors d'admettre que – pour
autant que les distributeurs « Tactilo » satisfassent à la définition de
loterie au sens de la LLP – seule cette loi leur serait applicable à l'exclu-
sion de la LMJ.
6. Avant d'examiner si les appareils en cause peuvent être consi-
dérés comme des loteries, il convient de déterminer la définition qu'il y a
lieu d'en donner .
6.1 Est réputée loterie au sens de l'art. 1 al. 2 LLP toute opération
qui offre, en échange d'un versement ou lors de la conclusion d'un
contrat, la chance de réaliser un avantage matériel consistant en un lot,
l'acquisition, l'importance ou la nature de ce lot étant subordonnées,
d'après un plan, au hasard d'un tirage de titres ou de numéros ou de
quelque procédé analogue. D'après l'art. 4 LLP, il est interdit d'organiser
et d'exploiter une loterie prohibée par la présente loi. Selon l'art. 56 al. 2
LLP, le Conseil fédéral peut, par voie d'ordonnance, soumettre des en-
treprises analogues aux dispositions énoncées dans cette loi sur les
loteries et les paris professionnels; ainsi, d'après l'art. 43 ch. 2 OLLP, sont
assimilés aux loteries les concours de tous genres auxquels ne peuvent
participer que les personnes ayant fait un versement ou conclu un contrat
et qui font dépendre l'acquisition ou le montant des prix pour une large
part du hasard ou de circonstances inconnues au participant.
Les éléments constitutifs d'une loterie, au sens de l'art. 1 al. 2 LLP, se
présentent au nombre de quatre: 1) le versement d'une mise ou la conclu-
sion d'un contrat; 2) la chance de réaliser un avantage matériel, c'est-à-
dire un gain; 3) l'intervention du hasard qui détermine, d'une part, si un
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


46 BVGE / ATAF / DTAF

gain est acquis et qui en fixe, d'autre part, l'importance ou la nature;
enfin, 4) la planification (ATF 133 II 68 consid. 7.2, ATF 132 IV 76 con-
sid. 3.2 et 4.2.1, ATF 125 IV 213 consid. 1a, ATF 123 IV 175 consid. 1a
et 2c, ATF 103 IV 213 consid. 4a, ATF 99 IV 25 consid. 5a, ATF 85 I 168
consid. 5). L'existence d'un plan d'attribution des lots, d'une mise et la
chance de réaliser un gain constituent également des caractéristiques de
l'opération analogue aux loteries; en revanche, il suffit que l'attribution
du gain ou son importance dépende pour une « large part » – et non pas
uniquement – du hasard ou de circonstances inconnues au participant
(ATF 132 IV 76 consid. 3.2, ATF 125 IV 213 consid. 1a, ATF 123 IV 175
consid. 1a, ATF 99 IV 25 consid. 5a). La mise est la valeur patrimoniale
que le joueur donne en échange du droit de participer au tirage dans l'es-
poir d'obtenir un gain. Même un montant de quelques centimes constitue
une mise qui peut au demeurant être dissimulée dans une autre prestation
pécuniaire (ATF 132 II 240 consid. 3.1.2, ATF 125 IV 213 consid. 1b et
les réf. cit.).
6.2 En l'espèce, l'autorité inférieure a retenu dans la décision entre-
prise que, selon le concept original, une loterie est un jeu de hasard of-
frant des chances de réaliser un gain en argent, qui se déroule toujours
sur une période plutôt longue, allant du moment de l'engagement de la
mise à celui de l'annonce du gain, et dans lequel l'acquisition du billet
ainsi que le tirage ont généralement lieu en des endroits différents. Elle
affirme ensuite que la conformité à un plan est un élément caractéristique
d'une loterie mais que, à lui seul, il n'est pas suffisant pour déterminer si
l'on est bien en présence d'une loterie.
6.3 La conception des loteries ainsi retenue par l'autorité inférieure
se réfère expressément à celle existante lors de l'élaboration de la LLP et
ne tient nullement compte des développements technologiques intervenus
depuis lors. De plus, cette lecture diffère de la définition légale dont on
ne saurait remettre en cause la clarté. S'agissant des éléments constitutifs
d'une loterie, l'autorité inférieure considère que la planification du jeu ne
s'avère pas une condition suffisante et nécessaire à la reconnaissance
d'une loterie. Or, les loteries représentent une sous-catégorie des jeux de
hasard dont les contours sont fixés autour des trois éléments constitutifs
définis à l'art. 3 al. 1 LMJ, à savoir le versement d'une mise, la chance
d'obtenir un gain en argent ou un autre avantage matériel ainsi que la dé-
pendance essentielle de cette chance au hasard. Aussi, bien qu'il soit
difficile d'établir une définition des jeux de loterie, la doctrine admet que,
dans la législation suisse, c'est finalement l'existence d'un plan de loterie
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 47

qui distingue les jeux de hasard et d'argent des loteries (cf. LÉONOR
PERRÉARD, Monopole des loteries et paris en Suisse: état des lieux et per-
spectives, travail de mémoire, Chavanne/Lausanne 2008, p. 16; CLAUDE
ROUILLER, Jeux de loteries et paris professionnels, Questions choisies,
examinées sous les angles de la liberté économique et de la législation
actuelle sur les loteries et paris professionnels, ainsi que partiellement
sous l'angle du droit privé, in: Revue de droit administratif et fiscal 2004
I 429 ss, spéc. 434, ci-après: Jeux de loteries et paris professionnels;
ANNE-CATHERINE IMHOFF-SCHEIER, La validité des jeux-concours publi-
citaires envoyés par correspondance, in: Revue de droit suisse 1984,
p. 25 ss, spéc. p. 38; MARC VEIT/JENS LEHNE, in: Bernhard Ehren-
zeller/Philippe Mastronardi/Rainer Schweizer/Klaus Vallender [éd.], Die
schweizerische Bundesverfassung, Zurich/Bâle/Genève 2008, n. 4 ad
art. 106 Cst.; SCHOTT, op. cit., p. 502). Par ailleurs, – même si la doctrine
a parfois révélé l'insuffisance de la définition légale des loteries et pro-
posé d'autres critères permettant de qualifier un jeu de loterie (cf.
AUBERT, op. cit., n. 6 ad art. 106 Cst.; PERRÉARD, op. cit., p. 18) – de
jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a toujours reconnu à ce jour
les quatre éléments constitutifs d'une loterie tels que décrits précédem-
ment (cf. consid. 6.1).
6.4 La condition de la planification – qui, selon la jurisprudence et
la doctrine, caractérise et différencie une loterie – est réalisée lorsqu'il
existe un plan qui, d'avance, mesure exactement les gains qui sont attri-
bués par l'organisateur de sorte que ce dernier exclut son propre risque
(ATF 135 II 68 consid. 7.2, ATF 85 I 177, ATF 99 IV 25 consid. 5a et les
réf. cit.). En effet, le plan d'une loterie doit indiquer le prix de chacun des
billets mis en vente (enjeu), le nombre de ces billets (émission) et la liste
complète (ensemble fini) des billets gagnants avec des gains correspon-
dants (tableau des lots) (cf. ROUILLER, Jeux de loteries et paris profes-
sionnels, p. 434). Tel est le cas lorsque l'organisateur pose une limite au
montant des sommes d'argent ou des marchandises offertes (ATF 135 II
68 consid. 7.2, ATF 123 IV 175). En revanche, si l'organisateur promet
un prix à tout participant sans déterminer à l'avance leur nombre, il prend
le risque d'avoir à verser des sommes importantes sans pouvoir les déter-
miner préalablement; dans ce cas, la planification fait défaut (cf. IMHOFF-
SCHEIER, op. cit., p. 39). En principe, la détermination du risque sur la
base d'un calcul de probabilités n'est pas suffisante pour admettre l'exis-
tence d'une planification (ATF 135 II 68 consid. 7.2, ATF 99 IV 25 con-
sid. 5a). Au contraire des autres jeux de hasard qui ne sont soumis qu'aux
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


48 BVGE / ATAF / DTAF

règles mathématiques de la probabilité, le plan de loterie établit un rap-
port entre la valeur globale de l'émission et la valeur totale des presta-
tions de l'organisateur, et cela quels que soient les modes de jeux et de
tirages (cf. ROUILLER, Jeux de loteries et paris professionnels, p. 434). Le
plan de loterie joue un rôle protecteur pour l'organisateur dans la mesure
où il supprime pratiquement le risque de jeu. Celui-ci n'assume que le
risque commercial ordinaire de ne pas placer toutes ses émissions, sur-
tout de vendre tous les billets gagnants sans pouvoir placer toute son
émission. Cela étant, dans les deux cas, le chiffre d'affaires et la perte
éventuelle sont limités par le plan, ce qui ne vaut pas pour les autres jeux
de hasard (cf. PERRÉARD, op. cit., p. 16 s.; ROUILLER, Jeux de loteries et
paris professionnels, p. 434). De même, la conformité à un plan exerce
un rôle modérateur pour les joueurs vis-à-vis du risque de dépendance au
jeu dans la mesure où ils participent au même jeu dont les résultats sont
soumis au même tirage centralisé et sont conscients de la sortie du jeu de
chaque lot disponible gagné par l'un d'eux. En effet, les joueurs ne jouent
pas individuellement contre l'organisateur, comme c'est le cas pour une
machine à sous proposée par les casinos, mais les uns contre les autres
(cf. PERRÉARD, op. cit., p. 17; ROUILLER, Jeux de loteries et paris pro-
fessionnels, p. 434). De plus, chaque joueur est conscient à l'avance que
le montant total des gains est inférieur au montant total des mises; aussi,
même en achetant l'ensemble des billets d'une loterie, le joueur serait cer-
tain de perdre, ce qui devrait théoriquement modérer sa manière de jouer
(cf. PERRÉARD, op. cit., p. 17 s.). Le plan protège enfin l'ensemble des
joueurs en tant qu'il facilite la surveillance centrale des organes chargés
de garantir la sincérité et la loyauté du jeu (cf. ROUILLER, Jeux de loteries
et paris professionnels, p. 434).
6.5 Même si la définition légale des loteries présente des insuffi-
sances, force est de reconnaître que seule la planification du jeu est de
nature à distinguer les loteries des jeux de hasard et d'argent soumis à la
LMJ, selon le droit en vigueur. On ne saurait ainsi suivre l'autorité infé-
rieure lorsqu'elle prétend que la conformité à un plan ne constitue pas
une condition suffisante pour admettre l'existence d'une loterie. En effet,
étant donné que le législateur a opté pour le statu quo en matière de
législation sur les loteries et que la réserve de l'art. 1 al. 2 LMJ doit être
interprétée dans le sens d'une non-application à l'ensemble du domaine
des loteries (cf. consid. 5), il n'y a pas lieu de s'écarter de la loi ainsi que
de la jurisprudence du Tribunal fédéral; en conséquence, il sied de
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 49

considérer la planification comme l'élément caractéristique et distinctif
d'une loterie par rapport à un jeu de hasard et d'argent.
Au demeurant, la plupart des éléments distinctifs d'une loterie proposés
par la doctrine, en plus de la planification, s'avèrent en l'occurrence réa-
lisés lorsque celle-ci est parfaite (par exemple, l'unité du jeu, c'est-à-dire
que tous les joueurs jouent au même jeu de sorte que ce que l'un gagne
l'autre ne le gagnera pas alors que, pour les autres jeux de hasard et d'ar-
gent, deux usagers peuvent gagner l'un et l'autre; la dispersion des
joueurs lesquels ne se trouvent pas tous dans un même lieu; l'écoulement
du temps entre le moment où le participant prend part au jeu en enga-
geant sa mise, le tirage et le moment où il reçoit son gain éventuel; ainsi
que la participation à tous les rangs de gain à la fois [cf. AUBERT, op. cit.,
n. 6 ad art. 106 Cst.; PERRÉARD, op. cit., p. 18]). Nonobstant, ces derniers
éléments semblent donner malgré tout une importance trop considérable
au déroulement d'une loterie traditionnelle, notamment le fait de se com-
poser de plusieurs opérations distinctes, successives et espacées dans le
temps alors qu'ils ne découlent pas de la définition légale mais bien
davantage des prescriptions subséquentes de sécurité à remplir (art. 10 s.
LLP) pour qu'une loterie soit finalement autorisée par les autorités
compétentes.
6.6 Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, il s'avère que le plan
constitue, eu égard au droit actuellement en vigueur, l'élément caractéris-
tique permettant de distinguer une loterie d'un jeu de hasard soumis à la
LMJ.
7. La définition légale d'une loterie étant clarifiée, il faut encore
déterminer si les appareils « Tactilo » y satisfont.
7.1 Comme susmentionné (cf. consid. 6.1, 6.3 et 6.4), pour corres-
pondre à la définition de loterie, selon le droit suisse, un jeu doit contenir
les quatre éléments suivants: 1) le versement d'une mise ou la conclusion
d'un contrat; 2) la chance de réaliser un avantage matériel, c'est-à-dire un
gain; 3) l'intervention du hasard qui détermine, d'une part, si un gain est
acquis et qui en fixe, d'autre part, l'importance ou la nature; enfin, 4) la
planification.
7.2 En l'espèce, il n'est contesté par personne que les jeux proposés
par les appareils « Tactilo » sont des jeux de hasard: les billets de la
loterie électronique doivent être achetés; ils offrent une chance de gains
patrimoniaux; cette chance dépend d'un tirage au sort. La question de la
planification a, quant à elle, fait l'objet d'expertises.
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


50 BVGE / ATAF / DTAF

Il ressort de l'expertise du laboratoire NMi (…) que le tirage des jeux de
loterie proposés par le distributeur « Tactilo » est effectué selon un plan,
créé sur le système central situé dans le bâtiment de la Loterie Romande
à Lausanne. Il est également indiqué que les plans prévalant sont iden-
tiques à leur équivalent de la loterie instantanée sur support papier, leurs
caractéristiques communes étant qu'ils représentent un nombre de billets
et de lots prédéfinis, qu'ils sont centraux, communs à tous les appareils
distribuant le même jeu de loterie et qu'ils contiennent le nombre total de
billets, les montants des lots et le prix par billet. Le laboratoire précise
également que les billets sont émis en quantité fixe, les billets non joués
étant remis dans le pool d'échange, et qu'ils possèdent un numéro de série
enregistré dans le système central. Quant à celui-ci, il gère l'entreposage
de toutes les données, l'exécution et le suivi de tous les processus de
transaction de la base de données ainsi que le contrôle et le suivi des ap-
pareils distants. Il est en outre indiqué que le système central crée les bil-
lets gagnants et non gagnants en conformité au plan. Les conclusions de
l'expertise sont les suivantes: les jeux proposés par le distributeur
« Tactilo » sont fondés sur une structure centrale de lots (plan de jeu) qui
répartit un nombre de lots prédéfini entre les participants; la structure de
lots est centrale et commune à tous les appareils distribuant la même lo-
terie; les billets vendus ne sont plus disponibles pour d'autres joueurs de
sorte que leurs chances sont interdépendantes. Chaque joueur possède la
même chance d'obtenir une part des lots faisant l'objet des mises, leurs
chances dépendant uniquement du hasard; les opérations du tirage et de
la distribution des billets sont rigoureusement conformes aux règles pu-
bliées; enfin, aucune influence ne peut fausser ces règles ou l'équité du
jeu. Quant au modérateur du jeu, il a été constaté que des billets de ban-
que ne pouvaient pas être utilisés; lorsque un joueur dépasse un crédit de
50 francs, le jeu s'interrompt; la machine imprime des tickets de paie-
ment à encaisser; les gains de plus de 50 francs ne peuvent être recouvrés
qu'après l'écoulement d'un délai de 48 heures. Les jeux sont reconnais-
sables comme des jeux de loterie traditionnels. Il n'existe que deux ma-
chines par point de vente et la densité est de deux distributeurs pour
7'803 habitants.
De même, dans son rapport complémentaire du 21 novembre 2001 (…),
NMi précise que le joueur ne fait que sélectionner un billet correspondant
à un lot parmi un nombre limité. Une fois sélectionné, personne d'autre
ne peut obtenir le même lot. Le fait qu'il y ait un générateur aléatoire
pour sélectionner les billets n'est pas pertinent. En effet, pour une ma-
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 51

chine à sous, les chances sont les mêmes pour chaque joueur (en fait, on
sélectionne une chance parmi un nombre infini de chances). Le
« Tactilo » utilise clairement un plan de lots. Par ailleurs, si l'institut re-
connaît que les distributeurs présentent des similitudes avec les machines
à sous, il estime que celles-ci consistent en caractéristiques techniques se
retrouvant de nos jours pratiquement dans tous les produits industriels de
ce type et qu'elles ne sont pas à même de déterminer s'il s'agit d'une lote-
rie ou d'une machine à sous. Quant aux modérateurs en vue de réduire les
risques de dépendance au jeu, l'institut les juge suffisants eu égard aux
appareils de ce type qu'il a examinés.
Concernant la conformité à un plan, le rapport Weder (…) – dont les
conclusions sont formellement contestées par les recourants – concède
que les jeux proposés par le distributeur « Tactilo » sont construits selon
un plan.
Quant à l'expertise GLI (…), elle définit les systèmes « Tactilo » comme
un environnement permettant la distribution de versions électroniques de
billets instantanés par le moyen de terminaux. Elle précise qu'un plan de
lots est défini pour chaque jeu proposé; celui-ci détaille les lots par billet,
le maximum du multiplicateur mise/lot, le montant des lots, le nombre
total de billets par rang de lots ainsi que la quantité de billets distribués.
Dès que le nombre de billets est défini, l'émission du jeu est générée par
le système central. S'agissant de la distribution des gains, il est prévu que
dès qu'une possibilité de gain n'est plus réalisable en conformité avec le
plan, le rang de lots est retiré automatiquement du jeu. Aucune nouvelle
émission n'est disponible aussi longtemps qu'une précédente est en cours.
Le passage d'une émission à l'autre a lieu lorsqu'il n'existe plus assez de
billets à assigner vers chaque distributeur ou lorsque tous les billets ont
été vendus. Un billet ne peut être acquis qu'une seule fois. Les plans uti-
lisés pour la version électronique des jeux sont identiques à ceux utilisés
pour leur version papier. Les distributeurs « Tactilo » contiennent un
générateur de hasard. Ils sont également dotés d'une fonction permettant
de jouer plusieurs billets à la fois jusqu'au montant maximal de la mise
pour un jeu. Enfin, le jeu s'interrompt dès qu'un joueur atteint un crédit
de 50 francs. De plus, comme il ressort déjà expressément de la décision
attaquée, les experts ont relevé que la durée d'un jeu s'étend de 1 à
25 secondes selon le jeu choisi, que les distributeurs « Tactilo » présen-
tent un taux de redistribution variant entre 89 et 92 % et que, en
une heure de jeu ininterrompue, il est possible de perdre entre 57 francs
60 et 1'890 francs (cf. décision attaquée consid. 6.2).
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


52 BVGE / ATAF / DTAF

7.3 Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, force est de constater
que les jeux proposés par les distributeurs « Tactilo » sont exploités
conformément à un plan tel que défini par la jurisprudence et la doctrine
(cf. consid. 6.4). En effet, tous les billets d'une émission d'un jeu sont
prédéfinis, de même que tous ceux permettant la réalisation d'un gain
quels que soient leur rang ainsi que le montant total des gains. De plus,
une fois acheté, un billet ne peut plus être acquis par un autre joueur
puisqu'il est retiré du système. Enfin, les expertises techniques ont dé-
montré que les plans prévalant pour les jeux en cause se révèlent iden-
tiques à ceux des loteries à prétirage sur papier. Ainsi, le plan des jeux
indique le prix de chacun des billets mis en vente (enjeu), le nombre de
ces billets (émission) et la liste complète (ensemble fini) des billets
gagnants avec des gains correspondants (tableau des lots). En consé-
quence, le risque que court l'organisateur est limité par le plan. Du point
de vue des joueurs, le montant des gains étant prédéfini à l'avance et
inférieur à la somme des mises attendues, ils sont donc conscients que
même en achetant tous les billets disponibles, leur gain resterait malgré
tout inférieur à la mise totale qu'ils auront déboursée. De plus, les joueurs
jouent les uns contre les autres et non contre l'organisateur dans la
mesure où ils savent que chaque lot gagné par l'un ne pourra pas l'être par
un autre. Sur ce point, le plan des jeux litigieux diffère, contrairement à
ce que prétendent l'autorité inférieure et l'intimée, des règles de pro-
babilité mises en place par les exploitants de machines à sous dès lors
qu'elles ne visent qu'à réduire le risque de l'exploitant et que, dans ce cas,
les chances de chaque joueur sont les mêmes pour chaque mise. À cet
égard, ce plan des jeux satisfait également à l'un des critères proposés par
la doctrine en vue de distinguer les loteries des autres jeux de hasard (cf.
consid. 6.5). Il en va de même pour la dispersion des joueurs - chacun
d'entre eux se trouvant devant l'un des 404 distributeurs de la Suisse
romande - ainsi que pour la participation à tous les rangs de gains à la
fois. Même le critère de l'écoulement du temps – entre le moment de la
mise, du tirage et celui où le joueur reçoit son gain éventuel – est réalisé
vu que le tirage a lieu avant la distribution du jeu et que, suivant le gain
réalisé, le joueur patientera 48 heures avant de le recevoir. D'une manière
générale, il faut reconnaître que le plan en cause s'avère identique à ceux
prévalant pour les loteries à prétirage sur papier; en tous les cas, lors de
leur émission, les jeux proposés par les distributeurs « Tactilo » sont
conformes à un plan préétabli.
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 53

7.4 Dans la décision entreprise, l'autorité inférieure avance que le
plan des jeux proposé ne serait pas pleinement réalisé dès lors que – afin
d'assurer suffisamment de billets des différents rangs de gains à tous les
points de vente – une émission est retirée avant que tous les billets y
afférant n'aient été joués. Elle en conclut par conséquent que le plan n'est
pas pleinement réalisé en fin de jeu.
A titre liminaire, il convient de rappeler que toute loterie conforme à un
plan ne peut exclure pleinement le risque de pertes pour l'organisateur.
En effet, lorsqu'une loterie à prétirage est organisée, celui-ci ne peut être
certain de vendre tous les billets émis. À cet égard, les billets de loteries
à prétirage retournés à l'émetteur par les différents points de vente ne
sont, la plupart du temps, plus vendables. Or, il n'a jamais été contesté
par l'autorité inférieure que les loteries à prétirage sur papier organisées
par les sociétés de loterie recourantes ne satisfaisaient pas à la condition
de la planification exigée par la LLP.
Nonobstant, il faut admettre que, en l'espèce, l'interruption de l'émission
ne s'avère pas simplement possible – car dépendante des critères écono-
miques – mais systématique lorsqu'il n'existe plus assez de billets à as-
signer vers chaque distributeur (…). Cela étant, comme le relève le Pro-
fesseur Jean-Pascal Laedermann mandaté par les cantons, que tous les
billets soient vendus ou non, le plan de loterie garantit une limite supé-
rieure certaine des gains, ce qui n'est nullement possible avec les machi-
nes à sous exploitées dans les casinos puisque, pour celles-ci, seule la
probabilité de la survenance d'un gain est prédéfinie, mais non les gains
eux-mêmes (…). A cet égard, quand bien même les machines à sous ex-
ploitées par les casinos obéiraient à des règles de planification identiques
à celles des loteries, cela ne saurait ébranler la définition des loteries rete-
nue par le législateur ni empêcher l'assujettissement des appareils liti-
gieux à la LLP. En outre, pour les jeux exploités par les casinos, il est
possible de jouer un nombre de parties infinies, alors qu'un jeu de loterie
se termine nécessairement avec la vente de tous les billets ou l'interrup-
tion faute d'un nombre suffisant de billets restants. Si une nouvelle émis-
sion est mise en place, celle-ci se conforme à un nouveau plan. De
même, l'interruption de l'émission ne remet pas non plus en cause le fait
que les joueurs jouent toujours les uns contre les autres et non contre l'or-
ganisateur. Enfin et surtout, comme le signale le Professeur Jean-Pascal
Laedermann, le moment déterminant pour la qualification d'une loterie se
situe au niveau de l'émission puisque celle-ci constitue la concrétisation
du plan, élément caractéristique la distinguant des autres jeux de hasard
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


54 BVGE / ATAF / DTAF

(…). Or, in casu, il n'est pas contesté que les jeux sont émis de manière
conforme à un plan.
Dans ces circonstances, il convient de constater que l'interruption de la
vente des billets afférant à une émission ne saurait remettre en cause la
conformité à un plan des jeux proposés par les distributeurs « Tactilo ».
7.5 L'autorité inférieure a également retenu dans la décision entre-
prise que le système « Tactilo » ne reproduit pas exactement le schéma
d'une loterie traditionnelle à prétirage sur papier attendu que c'est le
générateur de hasard qui détermine si le joueur obtient un gain ou non.
De même, les joueurs peuvent jouer jusqu'à cinq billets conjointement de
sorte que le système ne choisit pas des billets indépendants les uns des
autres, comme cela prévaut pour les loteries à prétirage sur papier, mais
un nombre de billets correspondants ayant tous le même résultat. Elle
argue par ailleurs que cette fonction existe pratiquement pour tous les ap-
pareils à sous présents dans les casinos si bien que cet élément démontre
à quel point les jeux proposés diffèrent des loteries traditionnelles.
7.5.1 Il est vrai que les distributeurs « Tactilo » sont munis d'un géné-
rateur de hasard afin de déterminer l'attribution d'un billet (…). En effet,
chaque distributeur présente quatre billets électroniques en animation sur
l'écran; c'est un générateur aléatoire local qui choisit alors un des billets
stockés. Cela étant, on ne voit pas en quoi cette constatation technique
serait de nature à remettre en cause la conformité du jeu à une planifi-
cation préétablie. Le nombre de billets ainsi que la masse préétablie des
lots ne sont nullement affectés par le générateur aléatoire contenu dans
les distributeurs. Il suffit, à ce sujet, de relever que le résultat du jeu est
déterminé, lors de l'émission, par le tirage central et conformément au
plan. Il n'est pour le reste nullement contesté que les jeux de loterie sont
subordonnés au hasard puisque celui-ci constitue précisément une carac-
téristique de la définition donnée par la loi. De plus, dans un jeu de
loterie à prétirage sur papier, le joueur n'a souvent pas plus de choix par-
mi les billets que celui qu'offre le distributeur « Tactilo »: le générateur
de hasard contenu dans les distributeurs correspond plus ou moins au
choix effectué par le revendeur dans les points de vente et destiné au pré-
sentoir. Au demeurant, cette différence, pour autant qu'il en existe une,
s'explique par l'automatisation du jeu de loterie, laquelle ne s'avère en soi
pas contraire au concept légal de loterie (cf. consid. 5.5).
En conséquence, la présence d'un générateur de hasard dans les distribu-
teurs « Tactilo » ne constitue pas un élément suffisant pour remettre en
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 55

cause la planification des jeux proposés ni pour affirmer que ceux-ci ne
représentent pas une reproduction des jeux de loterie à prétirage sur
papier.
7.5.2 S'agissant de la possibilité de jouer jusqu'à cinq billets de loterie
simultanément, les distributeurs « Tactilo » permettent de sélectionner
plusieurs billets au moyen d'une fonction électronique – la fonction BET
–, le prix total des billets ne devant pas dépasser la valeur limite de la
mise, soit 5 francs (le nombre maximal des billets étant dès lors fonction
de son prix, mais au maximum cinq). Dans ce cas de figure, le joueur
choisit un des quatre billets présentés sur l'écran et le générateur de ha-
sard détermine la correspondance dans le système ainsi que son résultat,
puis attribue au joueur autant de billets du même résultat correspondant
au nombre de billets joués (…).
Il convient tout d'abord de constater que la fonction BET des distribu-
teurs ne se retrouve pas dans une loterie à prétirage sur papier puisque,
dans ce cas, il n'est pas possible de lier plusieurs billets de même résultat
les uns aux autres, chacun étant irrémédiablement indépendant des
autres. Cela étant, il faut examiner si dite fonction est de nature à troubler
la planification des jeux proposés. En fait, cette fonction n'influe ni sur la
masse totale des gains ni sur le nombre total des billets, chacun des
billets reçus – qu'il soit gagnant ou perdant – appartenant à la masse finie
des billets. Elle n'altère pas non plus la situation selon laquelle tous les
billets joués au moyen de la fonction BET ne seront plus à la disposition
des autres joueurs, si bien que ces derniers se trouvent toujours dans un
rapport d'interdépendance entre eux. La possibilité de jouer plusieurs bil-
lets simultanément ne saurait donc faire douter de la planification des
jeux en cause.
Sur le vu de ce qui précède, quand bien même la fonction BET permet-
tant de jouer plusieurs billets simultanément au moyen du distributeur
« Tactilo » ne se retrouve pas dans les loteries à prétirage, elle n'est pas
de nature à remettre en cause la conformité à un plan des jeux proposés.

7.6 Dans ces circonstances, force est de constater que les jeux pro-
posés par les distributeurs « Tactilo » sont exploités en conformité à un
plan satisfaisant au critère de la planification permettant de distinguer les
loteries des autres jeux de hasard.
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56 BVGE / ATAF / DTAF

8. Dans sa réponse du 17 mars 2009, l'intimée a requis – si le Tri-
bunal administratif fédéral estimait que le plan constituait le critère
déterminant de délimitation entre jeu de hasard et loterie – à pouvoir
prendre plus amplement connaissance des expertises. À ce sujet, il sied
tout d'abord de relever que, invitée à se déterminer quant à son accès au
dossier, elle a expressément accepté que celui-ci soit limité aux pièces
n'étant pas considérées comme confidentielles par les recourants ainsi
qu'aux résumés établis pour celles tenues pour telles – parmi lesquelles
figurent notamment les expertises. Elle n'a pour le reste émis aucune ré-
serve se référant aux critères de délimitation retenus. De plus, le Tribunal
administratif fédéral n'a nullement restreint le droit de l'intimée de se
déterminer sur l'ensemble de la procédure. Enfin, les éléments ayant per-
mis au Tribunal administratif fédéral de juger que les jeux proposés par
les distributeurs « Tactilo » satisfaisaient au critère de planification de
l'art. 1 al. 2 LLP figurent tous dans les versions abrégées des expertises
établies par les recourants dont l'intimée a pu prendre connaissance. En
conséquence, son droit d'être entendue a été pleinement respecté.
9. Dans la décision entreprise, l'autorité inférieure a mentionné bon
nombre de similitudes entre les appareils « Tactilo » et une machine à
sous au sens de l'art. 3 al. 2 LMJ. À cet égard, elle fait valoir qu'ils sont
programmés de manière à présenter un taux de redistribution variant
entre 89 et 92 % et permettent une grande vitesse de jeu, à de courts
intervalles de temps. Elle ajoute qu'ils ont en outre pour caractéristique
de donner le résultat du jeu juste après la mise. Elle a enfin retenu qu'ils
procurent une série de sensations dues aux tensions que le jeu suscite de
manière continuelle, à intervalles rapprochés et avant même que le joueur
ne sache s'il a gagné. Il sied en conséquence d'examiner si ces éléments
s'avèrent déterminants – eu égard à la compétence de l'autorité inférieure
– dans le cadre de la présente procédure d'assujettissement.
9.1 Dans son arrêt du 1
er
décembre 2004 relatif aux mesures pro-
visionnelles ordonnées par l'autorité inférieure et concernant la procédure
objet du présent litige, le Tribunal fédéral a considéré que, en vertu de ses
larges compétences destinées à assurer l'application uniforme du droit
fédéral, l'ancienne CFMJ est habilitée – comme la CFB dans son do-
maine (cf. ATF 130 II 351 consid. 2 et les réf. cit.) – à examiner si cer-
taines activités tombent sous le coup de la loi et à mener ainsi une
« procédure d'assujettissement ». Ses investigations supplémentaires
devaient établir si le « Tactilo » et le « Touchlot » entraient effectivement
dans le champ d'application de la loi sur les maisons de jeu ou béné-
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


BVGE / ATAF / DTAF 57

ficiaient de la réserve des compétences cantonales prévue à l'art. 1 al. 2
LMJ (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.437/2004 du 1
er
décembre 2004
consid. 2.1 s.).
En vertu de l'art. 1 al. 1 LLP, les loteries sont prohibées; celles visant un
but d'utilité publique ou de bienfaisance peuvent cependant être auto-
risées par l'autorité cantonale compétente, pour le territoire du canton où
elles sont organisées dans les limites du droit fédéral (art. 5 al. 1 LLP).
L'autorisation n'est accordée que si l'entreprise offre aux acquéreurs de
billets des garanties suffisantes au point de vue de la sécurité et de la pro-
tection de leurs droits, et si la valeur totale des lots est convenablement
proportionnée au montant des billets à émettre (art. 7 al. 1 LLP). La
loterie doit être entièrement exploitée dans le délai de deux ans au maxi-
mum et, si elle fait l'objet d'un tirage en plusieurs séries, dans les
trois ans au plus. L'autorité compétente pour accorder l'autorisation fixe
dans ces limites la durée d'exploitation de chaque loterie ; l'autorité peut,
pour de justes motifs, prolonger d'un an au plus la durée d'exploitation
lorsque le titulaire de l'autorisation en fait la demande (art. 8 al. 1 et 2
LLP). Dite autorité surveille ou fait surveiller l'organisation et l'exploita-
tion de la loterie, en particulier le tirage, la délivrance des lots et l'emploi
du produit de l'entreprise (art. 10 LLP). Le tirage de la loterie est public
et son résultat est publié. Après le tirage, il est rendu compte à l'autorité
du résultat de la loterie (art. 11 LLP). Selon l'art. 15 LLP, la législation
cantonale désigne une autorité unique, compétente pour accorder les au-
torisations; elle peut réglementer d'une façon plus détaillée les opérations
des loteries. Elle a le droit de soumettre les loteries d'utilité publique ou
de bienfaisance à des restrictions plus sévères ou de les interdire complè-
tement (art. 16 LLP). La législation fédérale sur les loteries ne s'avère
donc pas exhaustive et autorise les cantons à adopter des législations
complémentaires (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_62/2009 du 10 août
2009 consid. 3.2.1). En effet, le législateur entendait tenir compte du
sentiment général à l'égard des loteries d'utilité publique dans les diverses
parties du pays, ce qui exigeait que les dispositions de droit fédéral
n'aient pas un caractère exclusif mais qu'elles admettent au contraire la
coexistence d'une réglementation cantonale là où celle-ci paraît recom-
mandable (cf. message concernant la LLP, FF 1918 IV 352).
9.2 En l'espèce, les caractéristiques relevées par l'autorité inférieure
s'attachent au déroulement des jeux proposés, soit leur vitesse, leur taux
de redistribution ainsi que d'autres modalités de leur exploitation. Elle
fait également référence à la perception des appareils en cause par les
2011/4 Jeux de hasard et maisons de jeu


58 BVGE / ATAF / DTAF

joueurs. Ces éléments, si importants soient-ils, s'avèrent bien davantage
liés aux mesures de sécurité et de surveillance visant à garantir le bon
déroulement d'une loterie qu'à la qualification même des jeux proposés,
la planification constituant le caractère distinctif des loteries par rapport
aux jeux de hasard soumis à la LMJ (cf. consid. 6). Or, comme relevé ci-
dessus (consid. 9.1), le mandat légal reconnu à l'autorité inférieure se
circonscrit à déterminer la loi applicable aux appareils « Tactilo » et non
à veiller à ce que les jeux proposés satisfassent aux exigences légales de
sécurité. En effet, la LLP a expressément transféré cette compétence aux
autorités cantonales chargées des autorisations et de la surveillance des
loteries (art. 5 al. 1, art. 10 et art. 15 al. 1 LLP).
Par voie de conséquence, dès lors qu'il a été admis que les jeux en cause
remplissaient le critère de la planification distinguant précisément les lo-
teries des autres jeux de hasard, il appartient auxdites autorités cantonales
– et non à l'autorité inférieure – de s'assurer que ces jeux ne soient pas
dénaturés et soient au contraire assortis de règles d'installation ainsi que
de fonctionnement susceptibles de prévenir dans la mesure du possible sa
dangerosité potentielle (cf. réponse du Conseil fédéral à l'interpellation
Hans Lauri du 20 mars 2003, BO 2003 E 640). A cet égard, la CILP du
7 janvier 2005 prévoit des mesures de prévention contre la dépendance
au jeu (art. 17 et art. 18) et règle la publicité pour les loteries et paris
(art. 19). C'est donc dans le cadre de l'autorisation et de la surveillance –
lesquelles incombent désormais à la Commission des loteries et paris
(Comlot) instituée par ladite CILP (art. 7) – qu'il convient d'examiner si
les jeux proposés par les distributeurs « Tactilo » ne remettent pas en
cause les objectifs visés par la LLP, en particulier de veiller à ce qu'ils
soient accompagnés de modérateurs de jeux. À ce sujet, certains d'entre
eux ont d'ores et déjà été mis en place et leur efficacité reconnue (cf. Im-
pact de mesures visant à promouvoir le jeu responsable sur les distribu-
teurs de loterie électronique [« Tactilo »], étude qualitative de Christian
Osiek et Isabelle Carrard, septembre 2006, pièces 17181 ss du dossier de
la procédure devant la CFMJ; Evaluation des mesures visant à favoriser
le jeu responsable sur les distributeurs de loterie électronique [« Tac-
tilo »], rapport de Michael Cantinotti et Robert Ladouceur, août 2006,
pièces 17249 ss du dossier de la procédure devant la CFMJ). Enfin, il
sied de mentionner que dans le cadre des procédures menées par la
Comlot ou la Commission de recours, les autorités fédérales, précisément
le DFJP, ont le droit de participer à la procédure et, ainsi, de veiller à une
juste application du droit fédéral, notamment par le dépôt d'un recours au
Jeux de hasard et maisons de jeu 2011/4


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Tribunal fédéral si elles le jugent nécessaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral
2C_62/2009 du 10 août 2009 consid. 1 et 2).
9.3 En conséquence, force est de constater que les éléments retenus
par l'autorité inférieure se référant au déroulement des jeux proposés par
les distributeurs « Tactilo » outrepassent son domaine de compétence
puisqu'ils ne relèvent pas de la définition légale d'une loterie, seule à
même de déterminer l'assujettissement à la LLP.