BStGer - BV.2018.33, BV.2018.34 - Séquestre (art. 46 DPA). - Beschwerdekammer: Strafverfahren
Karar Dilini Çevir:



Décision du 18 avril 2019
Cour des plaintes
Composition Les juges pénaux fédéraux
Giorgio Bomio-Giovanascini, président,
Roy Garré et Stephan Blättler,
la greffière Yasmine Dellagana-Sabry

Parties A.,

B.,

tous deux représentés par Me Philippe Béguin,
avocat,
plaignants

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES
CONTRIBUTIONS,
intimée


Objet Séquestre (art. 46 DPA)

B u n d e s s t r a f g e r i c h t
T r i b u n a l p é n a l f é d é r a l
T r i b u n a l e p e n a l e f e d e r a l e
T r i b u n a l p e n a l f e d e r a l

Numéro de dossier: BV.2018.33-34



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Faits:

A. Le 25 juillet 2018, la Division affaires pénales et enquêtes de l’Administration
fédérale des contributions (ci-après: DAPE, respectivement, AFC) a ouvert
une procédure pénale administrative à l’encontre de A. et de B., en raison
de soupçons de soustractions d’impôt anticipé au sens de l’art. 61 let. a de
la loi fédérale sur l’impôt anticipé (LIA; RS 642.21) commises dans la gestion
de la société C. SA pour les exercices 2010 à 2017 (BV.2018.33 et
BV.2018.34, act. 2).

B. Par demandes de renseignements transmises en date du 26 juillet 2018,
l’enquêteur de la DAPE en charge du dossier a requis de divers
établissements bancaires la production, à titre de moyens de preuve, d’un
certain nombre de documents tendant à mettre à jour l’existence de flux
financiers ainsi que de revenus et de fortune non déclarés, respectivement,
non comptabilisés. Dites demandes visaient ainsi les comptes bancaires
dont les plaignants, actionnaires et directeurs de C. SA, sont les titulaires,
mais également ceux de cette dernière société ainsi que de l’épouse de A.
et de l’ex-épouse B. (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2.1 et 2.2).


C. Le 31 octobre 2018, l’AFC a ordonné, par actes séparés, le séquestre à titre
de moyens de preuve des documents édités concernant les comptes
bancaires dont les plaignants sont titulaires, respectivement, co-titulaires
(BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2.3).


D. Le 6 novembre 2018, les plaignants ont, sous la plume de leur conseil, saisi
le directeur de l’AFC d’une plainte à l’encontre des ordonnances précitées,
par laquelle ils concluent à l’annulation de celles-ci ainsi que des autres
ordonnances liées directement ou indirectement aux premières et à l’octroi
d’une indemnité de dépens (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1, p. 3).


E. Le directeur de l’AFC s’est déterminé sur ladite plainte en date du
12 novembre 2018 par des écritures séparées et a conclu à son rejet dans
la mesure de sa recevabilité (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2). Le dossier
a, à cette même date, été transmis à la Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral (ci-après: la Cour).


F. Par mémoire de réplique du 3 décembre 2018, les plaignants ont fait valoir
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leurs observations relatives aux déterminations précitées en persistant dans
leurs conclusions (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 6).


Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris,
si nécessaire, dans les considérants en droit.




La Cour considère en droit:

1.
1.1 Les mesures de contrainte au sens des art. 45 ss de la loi fédérale sur le
droit pénal administratif (DPA; RS 313.0) et les actes et les omissions qui s'y
rapportent peuvent faire l'objet d'une plainte devant la Cour de céans (art. 26
al. 1 DPA en lien avec l'art. 37 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l'organisation
des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]). La plainte
doit être déposée par écrit auprès de l’autorité compétente, avec des
conclusions et un bref exposé des motifs, dans les trois jours à compter de
celui où le plaignant a eu connaissance de l’acte d’enquête ou reçu
notification de la décision (art. 28 al. 3 DPA). Si la décision contestée émane
du directeur de l'administration, la plainte est directement adressée à la Cour
des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Dans les autres cas, elle est adressée
à ce directeur qui la transmet à la Cour, avec ses observations, s'il n'entend
pas y donner suite (art. 26 al. 2 et 3 DPA). Ce, au plus tard le troisième jour
ouvrable suivant celui où dite plainte a été déposée (art. 26 al. 3 DPA).

En l’espèce, la saisine de la Cour de céans intervient dans le respect des
modalités et délais prévus par les art. 26 et 28 al. 3 DPA.

1.2 Dispose de la qualité pour déposer plainte quiconque est atteint par l’acte
d’enquête qu’il attaque, l’omission qu’il dénonce ou la décision sur plainte et
a un intérêt digne de protection à ce qu’il y ait une annulation ou modification
(art. 28 al. 1 DPA).

En l'espèce, la plainte porte sur le séquestre de documents bancaires portant
sur diverses relations ouvertes les unes au nom de A., les autres à celui de
B. En tant que titulaires desdites relations bancaires, les plaignants sont
personnellement et directement concernés par les ordonnances entreprises
et ont sans aucun doute un intérêt digne de protection à leur annulation ou
modification (v. TPF 2007 158 consid. 1.2). Aussi, chacun d'eux est légitimé
à se plaindre des séquestres ordonnés en tant qu'ils portent sur la
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documentation relative à leurs propres comptes ainsi qu’à leur compte
commun (compte no. 1 ouvert auprès de la banque D., BV.2018.33 et
BV.2018.34, act. 2.2).

S’agissant en revanche des autres ordonnances de séquestre visant la
documentation relative aux comptes bancaires de « personnes proches des
plaignants, notamment épouse et belle-mère », pour lesquelles ces derniers
concluent également à leur annulation (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1,
p. 3), il n’apparaît nullement à la lecture du dossier de la cause qu’ils soient
titulaires desdits comptes. Ce que les plaignants n’étayent au demeurant
aucunement tant dans leur plainte que dans le cadre de l’échange d’écriture
menée au cours de la présente procédure (v. BV.2018.33 et BV.2018.34,
act. 1 et 6). Il résulte de ce qui précède que la plainte relative aux
ordonnances de séquestre qui ne concernent pas les plaignants en tant que
titulaire des relations bancaires concernées est irrecevable.

1.3 Au vu de ce qui précède, il est entré en matière sur la plainte déposée à
l’encontre des ordonnances de séquestre du 31 octobre 2018 visant la
documentation bancaire relative aux comptes dont les plaignants sont
titulaires.


2.
2.1 Par économie de procédure, la présente Cour a la faculté de joindre les
causes, notamment lorsque les griefs soulevés par les plaignants sont
identiques (arrêt du Tribunal fédéral 2P.201/2004 et 2A.465/2004 du 8 février
2006 consid. 1).
2.2 En l’espèce, bien que les ordonnances attaquées diffèrent s’agissant des
documents visés par les séquestres, tant le complexe de faits que la
motivation développée par l’autorité ainsi que les griefs soulevés par les
plaignants sont identiques.
2.3 Il se justifie par conséquent de joindre les causes BV.2018.33 et BV.2018.34.

3. Dans un premier grief, les plaignants soutiennent que la décision entreprise
serait insuffisamment motivée, ce qui aurait pour résultat de violer le secret
bancaire et, partant, leur sphère privée (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1,
p. 2).
3.1 S’agissant de l’atteinte au secret bancaire, la Cour rappelle à titre liminaire
que – dans le cadre notamment d’une procédure de droit pénal
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administratif – celui-ci ne constitue pas à lui seul un obstacle légal absolu au
séquestre probatoire de la documentation afférente à un compte (v. art. 47
al. 5 LB; ATF 142 IV 207 consid. 10; 137 II 431 consid. 2.1.2; Message CPP,
p. 1185; KELLER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung
(StPO), 2e éd. 2014, n. 22 ad art. 248 et n. 17 ad art. 264 CPP; HARARI,
Procédure pénale: la banque comme détentrice d'informations et de valeurs
patrimoniales appartenant à son client, in: Journée 2010 de droit bancaire et
financier, 2011, p. 96 s.). La Cour de céans constate au surplus que les
plaignants ne font valoir aucun intérêt prépondérant à la confidentialité du
secret en question.
Il résulte de ce qui précède que l’argumentation tirée de la violation du secret
bancaire est mal fondée et doit, partant, être rejetée.
3.2
3.2.1 Il découle notamment du droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la
Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101), l’obligation
pour l’autorité d’indiquer dans son prononcé les motifs qui la conduisent à sa
décision (arrêt du Tribunal fédéral 1A.95/2002 du 16 juillet 2002 consid. 3.1).
Cette garantie tend à donner à la personne touchée les moyens d’apprécier
la portée du prononcé et de le contester efficacement, s’il y a lieu, devant
une instance supérieure (arrêt du Tribunal 1A.58/2006 du 12 avril 2006
consid. 2.2). L’objet et la précision des indications à fournir dépendent de la
nature de l’affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en
règle générale, il suffit que l’autorité mentionne au moins brièvement les
motifs qui l’ont guidée, sans qu’elle soit tenue de discuter de manière
détaillée tous les arguments soulevés par les parties (ATF 112 Ia 107
consid. 2b; v. ég. ATF 126 I 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146
consid. 2a); l’autorité n’est pas davantage astreinte à statuer séparément sur
chacune des conclusions qui lui sont présentées (arrêt du Tribunal fédéral
1A.95/2002 du 16 juillet 2002 consid. 3.1; TPF 2009 49 consid. 4.3 et les
réf. citées). Elle peut se limiter à l’examen des questions décisives pour
l’issue du litige; il suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la
portée de la décision et l’attaquer à bon escient (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa;
125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124 V 180 consid. 1a et les
arrêts cités).
3.2.2 En l’espèce, bien que motivée de manière particulièrement succincte, la
décision entreprise contient un bref exposé du contexte factuel dans lequel
s’inscrit l’enquête pénale menée par l’AFC et mentionne l’identité des deux
inculpés, soit les plaignants, l’infraction poursuivie (soustractions d’impôt
anticipé; art. 61 let. a LIA), les actes visés par le séquestre probatoire ainsi
que les motifs pour lesquels lesdites mesures de contrainte litigieuses ont
été prononcées, à savoir le fait qu’il convenait, pour les besoins de l’enquête,
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d’éclaircir, notamment, les flux financiers liés avec les soupçons de
commission de ladite infraction, les revenus et l’état de la fortune des
inculpés. La motivation de la décision en cause n’a au demeurant pas
échappé aux plaignants qui, assistés d’un mandataire professionnel, ont été
en mesure d’apprécier correctement sa portée et de l’attaquer à bon escient.
La Cour de céans relève en outre, que, dans le cadre de la procédure
conduite par devant elle et où elle dispose du même pouvoir d’examen que
l’autorité inférieure (art. 28 al. 2 DPA), d’une part, l’autorité intimée a justifié
et expliqué sa décision plus en détail dans ses observations du 12 novembre
2018 (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2) et, d’autre part, les plaignants ont
eu l’occasion de prendre position sur les motifs contenus dans lesdites
observations par mémoire de réplique du 3 décembre 2018 (BV.2018.33 et
BV.2018.34, act. 6; v. ATF 125 I 209 consid. 9a et les arrêts cités; décision
du Tribunal pénal fédéral BB.2012.192 du 25 avril 2013 consid. 2.5 et arrêt
du Tribunal pénal fédéral BB.2010.22 du 26 juillet 2010 consid. 2).
3.2.3 Au vu de ce qui précède, force est de constater que la décision entreprise
satisfait aux exigences de motivation susmentionnées et que, partant, mal
fondé, le grief tiré de la violation du droit d’être entendu doit être rejeté.

4. Dans un second moyen, les plaignants soulèvent un autre aspect de leur
droit d’être entendu qui aurait été violé par le fait que les dénonciations
anonymes qui seraient à la base des séquestres litigieux ne leur ont pas été
transmises avant que les ordonnances y relatives ne soient prises
(BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1, p. 2 s.) ni même dans le cadre de la
présente procédure. Et ce, nonobstant leur requête faite en ce sens dans
leur plainte du 6 novembre 2018 (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1, p. 3 et
act. 6, p. 2 s.).
4.1 Les art. 26 à 28 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA;
RS 172.021) sont applicables par analogie (art. 36 DPA) concernant la
consultation des pièces. L’octroi de l’accès au dossier aux parties constitue
la règle, et la restriction son exception (v. note marginale aux art. 26 et 27
PA; arrêt du Tribunal pénal fédéral BV.2010.47-48 du 17 septembre 2010
consid. 3.1). L’autorité ne peut refuser la consultation des pièces que si
l’intérêt d’une enquête officielle non encore close l’exige (art. 27 al. 1 let. c
PA). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à
celles qu’il y a lieu de garder secrètes (art. 27 al. 2 DPA). L’accès au dossier
peut ainsi être limité lorsqu’il compromettrait l’établissement de l’état de fait
de manière importante (ATF 115 V 297 consid. 2f). La limitation du droit
d’accès au dossier ne peut toutefois revêtir qu’une forme provisoire; elle ne
peut être maintenue qu’en tant qu’existe un risque concret pour l’enquête en
cours (TPF 2017 107 consid. 4.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral
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BV.2010.47-48 du 17 septembre 2010 consid. 3.1; OESCHGER,
Waldmann/Weissenberger (édit.), VwVG, Praxiskommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2e éd. 2016, n. 21 ad art. 27).
Un tel risque existe lorsque, par exemple, une partie pourrait adapter ses
déclarations à des moyens de preuve existant (BRUNNER,
Auer/Müller/Schindler (édit.), VwVG, Kommentar zum Bundesgesetz über
das Verwaltungsverfahren, 2e éd. 2018, n. 39 ad art. 27). La restriction du
droit d’accès au dossier doit intervenir après un examen proportionné des
intérêts en présence (ATF 115 V 297 consid. 2f). Une pièce dont l’intéressé
n’a pas eu accès peut toutefois être utilisée pour fonder une décision si
l’autorité lui en a communiqué oralement ou par écrit le contenu essentiel se
rapportant à l’affaire et lui a en outre donné l’occasion de s’exprimer à ce
propos (art. 28 PA; v. ATF 122 I 53; BOVAY, Procédure administrative, 2e éd.
2015, p. 288; BRUNNER, op. cit., n. 5-7 ad art. 28).
4.2 En l’occurrence, les intéressés ont formulé la requête d’accès aux
dénonciations anonymes dans leur plainte du 6 novembre 2018 (BV.2018.33
et BV.2018.34, act. 1, p. 2 s.). L’on ne saurait ainsi faire grief à l’autorité
intimée de ne pas les avoir transmises d’office aux plaignants, qui –
rappelons-le – ont le statut d’inculpé dans la procédure menée par l’AFC,
dès lors que les séquestres, intervenus à un stade initial de la procédure,
visent notamment la documentation relative aux comptes bancaires qu’ils
auraient dissimulés aux autorités fiscales et dont la découverte découle
précisément desdites dénonciations (v. BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2,
p. 6).
S’agissant de leur transmission requise dans le cadre de la présente
procédure de recours, si, faute de motivation à ce propos de la part de
l’autorité intimée, il n’apparaît pas pourquoi cette dernière ne les a pas
produites dans le cadre de la présente procédure, il convient toutefois de
retenir qu’elle en a exposé le contenu essentiel dans ses observations du
12 novembre 2018, en tant qu’elle précise qu’« il ressort de dénonciations
anonymes à [leur] disposition que B. et A. auraient caché aux autorités
fiscales l’existence de plusieurs comptes bancaires » (BV.2018.33 et
BV.2018.34, act. 2, p. 6). Elle ajoute par ailleurs dans sa prise de position
relative au séquestre de B., que, des informations obtenues des
dénonciations anonymes, il apparait que lesdits comptes bancaires seraient
notamment « gérés […] dans les banques E., F. (aujourd’hui banque G.) et
D. » (BV.2018.34, act. 2, p. 6), ce qui a, au demeurant, été confirmé par les
banques précitées dans le cadre de leurs réponses respectives aux
demandes de renseignements écrits formulées le 26 juillet 2018 par l’autorité
intimée pour les besoins de son enquête (BV.2018.34, act. 2.1). A l’occasion
de leurs mémoires de réplique du 3 décembre 2018, les plaignants ont en
outre eu la possibilité de s’exprimer librement à ce propos par devant la Cour
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de céans (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 6), qui dispose du même pouvoir
d’examen que l’autorité inférieure (v. supra, consid. 3.2.2), de sorte que
l’autorité intimée n’a en rien violé le droit d’être entendu des plaignants. Il
sied également de relever que la connaissance du contenu complet des
dénonciations anonymes, qui ne fondent au demeurant pas à elles seules le
prononcé des ordonnances entreprises (v. BV.2018.33 et BV.2018.34,
act. 2, p. 6), n’apparaît, au vu des considérations qui précèdent, pas utile aux
plaignants, dès lors que comme en témoigne les arguments développés
dans leur plainte ainsi que dans leurs mémoires de réplique, ils ont pu
contester les ordonnances de séquestre litigieuses à bon escient. Il est par
ailleurs fort à penser que la défense des plaignants s’exercera en pleine
connaissance des pièces produites au dossier de la cause à un stade
ultérieur de la procédure. Par surabondance, la Cour de céans constate enfin
que les plaignants n’indiquent nullement en quoi ils subiraient un préjudice
irréparable du fait qu’ils n’ont pour l’heure pas eu accès au contenu complet
des dénonciations anonymes en question.
4.3 Il résulte de ce qui précède que, mal fondé, le présent grief doit être rejeté.

5. Dans un moyen soulevé dans le cadre de leurs mémoires de réplique, les
plaignants contestent la validité des séquestres en ce sens qu’ils ne seraient
pas justifiés par l’existence de soupçons suffisants et qu’ils seraient de
surcroît disproportionnés (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 6, p. 2).
5.1 Le séquestre prévu à l’art. 46 DPA constitue une mesure procédurale
provisoire, respectivement conservatoire (ATF 120 IV 365 consid. 1c;
PIQUEREZ/MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd. 2011, n. 1388) qui
permet notamment de mettre en sûreté les objets pouvant servir de pièces à
conviction (art. 46 al. 1 let. a DPA). Au stade initial de l'enquête, pour que le
séquestre soit justifié, il suffit qu'existent des indices suffisants de la
commission d'une infraction et de sa relation avec les objets séquestrés
(ATF 124 IV 313 consid. 4). Selon la jurisprudence constante de la Cour des
plaintes, l’existence d’un soupçon "suffisant" – par opposition au "grave"
soupçon – ne suppose pas que les preuves et indices en présence parlent
en faveur d’une probabilité élevée ou importante de condamnation. Le
soupçon "suffisant" se distingue ainsi avant tout du soupçon "grave" quant à
la force probante des éléments de preuve recueillis, et quant à l’exigence de
concrétisation de l’état de fait (arrêt du Tribunal pénal fédéral BV.2009.16 du
14 juillet 2009 consid. 2.2). Pareille constatation ne change rien au fait qu’un
tel soupçon doit se renforcer au cours de l’enquête. Au contraire du juge du
fond, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral n’a pas à examiner les
questions de fait et de droit de manière définitive (ATF124 IV 313 consid.3b
et 4; 120 IV 365 consid. 1c; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2005.11 du
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14 juin 2005 consid. 2 et réf. citées). Par ailleurs, et à l’instar de toute autre
mesure de contrainte, le séquestre doit également être justifié par un intérêt
public et respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal pénal
fédéral BV.2005.30 du 9 décembre 2005 consid. 2.1 et BV.2005.13 du
28 juin 2005 consid. 2.1 et réf. citées). S’agissant de cette troisième
condition, le séquestre probatoire est justifié, notamment, s’il apparaît
vraisemblable que les documents concernés puissent être directement ou
indirectement, utiles à la manifestation de la vérité dans le cadre de la
procédure pénale en cause (v. décision du Tribunal pénal fédéral du 15 mars
2016 BV.2015.18 consid. 1.2.2 et les arrêts cités).
5.2 L’AFC diligente une enquête pénale administrative à l’encontre des
plaignants pour soupçons de soustractions d’impôt anticipé au sens de
l’art. 61 let. a LIA (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1.2 et 2). Cette infraction
est consommée lorsque le contribuable soustrait, intentionnellement ou par
négligence, à son propre avantage ou à celui d’un tiers, des montants
d’impôt anticipé à la Confédération. L’élément constitutif objectif de la
soustraction d’impôt présuppose que le comportement du contribuable
aboutisse à ce que l’impôt anticipé ne soit pas déclaré ou prélevé dans sa
totalité (BEUSCH/MALLA, Zweifel/Beusch/Bauer-Balmelli (édit.), Kommentar
zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die
Verrechnungssteuer, 2e éd. 2012, n. 10 ad art. 61 LIA).
5.3
5.3.1 Il ressort des ordonnances de séquestre litigieuses ainsi que des
observations qui les ont suivies formulées dans le cadre de la présente
procédure que les soustractions d’impôt anticipé reprochées auraient été
commises par les plaignants, tous deux actionnaires et directeurs de la
société C. SA, dans la gestion de celle-ci et concernent les exercices 2010
à 2017 (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 1.2 et 2). Ces soupçons se fondent,
d’une part, sur des informations reçues du Service cantonal des contributions
du canton de Neuchâtel, desquelles l’AFC a notamment pu constater que
« la société C. SA aurait comptabilisé des frais non justifiés
commercialement ». A titre d’exemple, ceux-ci avoisineraient, pour le seul
exercice 2015, CHF 100'000.-- (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2, p. 6 et
2.4). Il ressort par ailleurs d’une comparaison faite entre l’évolution de la
fortune et le revenu effectif net des plaignants que des revenus et/ou des
bénéfices n’auraient pas été déclarés (BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2, p.
6; BV.2018.33, act. 2.5 et BV.2018.34, act. 2.5). A la lecture du document
transmis à ce propos du Service cantonal des contributions précité, il
apparaît en effet que B. aurait subvenu à ses besoins personnels ainsi qu’à
ceux de sa famille au moyen d’un solde disponible de CHF 36'723.-- en 2013,
CHF 8'666.-- en 2014, CHF 66'242.--, en 2015 et CHF 2'225.-- en 2016
(BV.2018.34, act. 2.5). Le même constat a été fait s’agissant de A. qui aurait
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disposé pour lui et sa famille d’une solde de CHF 27'787.-- en 2013 et
CHF 38'232.-- en 2014 (BV.2018.33, act. 2.5). D’autre part, l’AFC a été
informé par le biais de dénonciations anonymes que les plaignants auraient
cachés aux autorités fiscales l’existence de plusieurs comptes bancaires
(BV.2018.33 et BV.2018.34, act. 2, p. 6), « gérés notamment dans les
banques E., F. (aujourd’hui G.) et D. » (BV.2018.34, act. 2, p. 6). L’AFC
précise à ce propos que, conformément à l’expérience générale de la vie,
« la non-déclaration de comptes bancaires est, très souvent, liée à des
soustractions de revenus et/ou de bénéfices, notamment en relation avec
l’activité professionnelle d’un contribuable » (BV.2018.33 et BV.2018.34,
act. 2, p. 6).
5.3.2 Il ressort des développements qui précèdent que l’AFC a décrit de manière
aussi détaillée que possible les soupçons qu’elle nourrit quant aux faits
reprochés, ce – à un stade initial de la procédure – en se fondant sur les
informations reçues. Il est clairement fait état que la société concernée aurait
comptabilité des frais non justifiés commercialement et que les plaignants
n’auraient pas déclaré des éléments de fortune et/ou de revenus par la
dissimulation de comptes bancaires dont ils seraient les titulaires, ce qui a
au demeurant pu être vérifié par la transmission de la part d’un certain
nombre d’établissements bancaires des documents relatifs auxdits comptes
visés par les mesures de séquestre contestées.
Par conséquent, la condition de l’existence de soupçons fondés d’infractions
de soustractions d’impôt anticipé apparaît en l’espèce réalisée, étant rappelé
que dans le cadre de la présente procédure, la Cour de céans se limite à
statuer sur l’admissibilité du séquestre (v. supra, consid. 5.1).
5.3.3 Mal fondé, le présent grief doit partant être rejeté.
5.4
5.4.1 S’agissant de la prétendue violation du principe de la proportionnalité
invoquée de but en blanc par les plaignants et, partant, sans aucune
motivation à cet égard (BV.2018.33 et BV.2018.34, act.1), la Cour de céans
constate que l’AFC a précisément indiqué les documents bancaires visés
par les ordonnances de séquestre entreprises, lesquels concernent les
relations dissimulées par les intéressés et dont ils sont titulaires, voire co-
titulaires, pour les seules périodes relatives aux faits reprochés. Dite
documentation bancaire apparaît en outre pertinente pour l’enquête dès lors
qu’elle permet notamment à l’autorité intimée d’analyser les flux financiers
qui pourraient exister entre les comptes bancaires de C. SA et ceux de ses
actionnaires et directeurs, qui ne sont autres que les plaignants, permettant
ainsi de faire la lumière sur les soupçons de soustractions d’impôt anticipé.
- 11 -


Au stade actuel de la procédure, l’AFC dispose par conséquent d’un intérêt
à pouvoir verser lesdites pièces au dossier de la cause dès lors qu’elles sont
susceptibles de contenir des éléments utiles à l’enquête et, plus
généralement, à la manifestation de la vérité. En outre, aucun autre acte
moins incisif que les séquestres probatoires en cause n’apparaît in casu
comme plus adéquat pour parvenir au but précité.
5.4.2 Mal fondé, le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité doit
également être rejeté.

6. Au vu des considérations qui précèdent, la plainte est rejetée dans la mesure
de sa recevabilité.

7. En tant que parties qui succombent, les plaignants supporteront de manière
solidaire un émolument fixé à CHF 3'000.-- (art. 73 LOAP applicable par
renvoi de l'art. 25 al. 4 DPA; art. 5 et 8 du règlement du Tribunal pénal fédéral
sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale
fédérale [RFPPF; RS 173.713.162]), réputé couvert par l'avance de frais
acquittée. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera aux plaignants le
solde par CHF 1'000.--.

- 12 -


Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Les causes BV.2018.33 et BV.2018.34 sont jointes.

2. La plainte est rejetée dans la mesure de sa recevabilité.

3. Un émolument de CHF 3'000.-, couvert par l’avance de frais déjà versée, est
mis à la charge solidaire des plaignants. La caisse du Tribunal pénal fédéral
restituera à ces derniers le solde par CHF 1'000.--.


Bellinzone, le 18 avril 2019

Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral

Le président: La greffière:











Distribution

- Me Philippe Béguin
- Administration fédérale des contributions




Indication des voies de recours
Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les arrêts de la Cour des plaintes relatifs aux mesures
de contrainte sont sujets à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du
17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). La procédure est réglée par les art. 90 ss LTF.
Le recours ne suspend l’exécution de l’arrêt attaqué que si le juge instructeur l’ordonne (art. 103
LTF).


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