BStGer - BB.2017.8 - Ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 en lien avec l'art. 322 al. 2 CPP). - Beschwerdekammer: Strafverfahren
Karar Dilini Çevir:



Décision du 7 février 2017
Cour des plaintes


Composition Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler,
président, Tito Ponti et Patrick Robert-Nicoud,
le greffier David Bouverat

Parties A.,
recourant

contre

MINISTÈRE PUBLIC DE LA CONFÉDÉRATION,
intimé


Objet Ordonnance de non-entrée en matière
(art. 310 en lien avec l'art. 322 al. 2 CPP)




B u n d e s s t r a f g e r i c h t
T r i b u n a l p é n a l f é d é r a l
T r i b u n a l e p e n a l e f e d e r a l e
T r i b u n a l p e n a l f e d e r a l



Numéro de dossier: BB.2017.8


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Faits:

A. Le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) diligente depuis juil-
let 2009 une instruction pénale contre B. et autres, notamment pour blanchi-
ment d'argent (art. 305bis CP), faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et faux
dans les certificats (art. 252 en relation avec l'art. 255 CP).

L'autorité d'enquête a ordonné le séquestre du compte n° 1, ouvert auprès
de la Banque C. par D. AG, société dont le prénommé était administrateur.
Elle a ensuite levé partiellement cette mesure, qui a été maintenue sur des
obligations émises suite à un emprunt obligataire à hauteur de AUD 50 mil-
lions (in: act. 1.a).


B. Dans ce contexte, Me A. a défendu à la fois B., D. AG et certains clients de
cette dernière. Le 7 octobre 2010, le MPC l’a exclu de la procédure au motif
que cette pluralité de mandats créait un conflit d'intérêts et, partant, était
contraire à l'art. 12 de la loi fédérale du 23 juin sur la libre circulation des
avocats (LLCA; RS 935.61; cette décision a été confirmée le 27 décembre
2010 par le Tribunal pénal fédéral [décision BB.2010.98]).


C. Le MPC a constaté qu’un versement de AUD 700'000.-- avait été effectué
depuis le compte sur lequel les intérêts de l’emprunt obligataire précité
étaient crédités (détenu par la société E. Ltd auprès de la Banque C.) vers
une relation détenue par A. auprès de la banque F.. Il a alors requis de cette
dernière la production de la documentation bancaire y relative. Après exa-
men de celle-ci, il a transmis ce volet du dossier au Ministère public central
du canton de Vaud (ci-après: MP-VD) comme objet de sa compétence, con-
sidérant que les agissements de l'avocat en question étaient susceptibles de
tomber sous le coup de la loi pénale, en particulier de l’art. 305ter CP (défaut
de vigilance), voire de l’art. 305bis CP (blanchiment d’argent). La procédure
ouverte à la suite de cette transmission a été classée par le MP-VD le 18 avril
2013 (act. 1.6).


D. Le 18 avril 2013, A. a saisi le Procureur général de la Confédération d'une
plainte dirigée contre G., Procureure fédérale en charge de la procédure
ouverte contre B. et autres, pour violation du secret de fonction (art. 320 CP),
dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), calomnie (art. 174 al. 1 CP) et abus
d'autorité (art. 312 CP [act. 1.1]).


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E. Par ordonnance de non-entrée en matière du 12 novembre 2013, le Procu-
reur fédéral/Chef d'état-major suppléant a renoncé à entrer en matière
(act. 1.0).


F. Par décision du 26 mars 2014, la Cour de céans a admis un recours d’A.
dirigé contre cette décision, qu’elle a annulée (décision BB.2013.178 du
26 mars 2014). Elle a retenu en substance que celle-ci n’avait pas été rendue
par une autorité impartiale, au sens des art. 6 par. 1 CEDH, 14 par. 1 du
Pacte II ONU, 29a et 30 Cst. ainsi que 4 CPP, dès lors qu'un Procureur fé-
déral avait statué sur une plainte formée contre un autre Procureur fédéral.


G. En juin 2014, le MPC a nommé H. Procureur fédéral extraordinaire et l’a
chargé de statuer sur la plainte pénale déposée par A. (in: act. 1.a).


H. Par ordonnance du 30 décembre 2016, le magistrat précité a renoncé à en-
trer en matière sur la plainte (act. 1.a).


I. A. défère cette décision, dont il demande l’annulation, devant la Cour de
céans. Il conclut à la transmission de la cause à l’autorité inférieure pour
complément d’instruction et renvoi en jugement de la Procureure fédérale
prénommée (act. 1).


J. Dans sa réponse au recours, du 27 janvier 2017, le Procureur fédéral ex-
traordinaire conclut au rejet de celui-ci, tout en renonçant à déposer des ob-
servations (act. 3).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris,
si nécessaire, dans les considérants en droit.



La Cour considère en droit:

1.
1.1 En tant qu'autorité de recours, la Cour des plaintes examine avec plein pou-
voir de cognition en fait et en droit les recours qui lui sont soumis (Message
relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005
[ci-après: Message CPP], FF 2006 1057, p. 1296 in fine; GUIDON, Commen-
taire bâlois, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n° 15
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ad art. 393; KELLER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung
[StPO], Donatsch/Hansjakob/Lieber [édit.], Zurich/Bâle/Genève 2014, 2e éd.,
n° 39 ad art. 393; SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozess-
rechts, 2e éd., Zurich/Saint-Gall 2013, n° 1512).

1.2 Les décisions de non-entrée en matière du MPC peuvent faire l'objet d'un
recours devant la Cour de céans (art. 322 al. 2 CPP par renvoi de l'art. 310
al. 2 CPP; art. 393 al. 1 let. a CPP et 37 al. 1 de la loi sur l'organisation des
autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]). Le recours contre
les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit,
dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP)

Interjeté le 16 janvier 2017 contre une décision notifiée le 4 de ce même
mois, le recours a été formé en temps utile.

1.3 Dispose de la qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement
protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision (art. 382 al. 1 CPP;
arrêt du Tribunal fédéral 1B_657/2012 du 8 mars 2013, consid. 2.3.1). Cet
intérêt doit être actuel (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2013.88 du
13 septembre 2013, consid. 1.4 et références citées). La notion de partie
visée par cette disposition doit être comprise au sens des art. 104 et 105
CPP. L'art. 104 al. 1 let. b CPP reconnaît notamment cette qualité à la partie
plaignante soit, selon l'art. 118 al. 1 CPP, au « lésé qui déclare expressément
vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au
civil ». Conformément à l'art. 115 al. 1 CPP, est considérée comme lésée,
« toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infrac-
tion ». L'art. 105 CPP reconnaît également la qualité de partie aux autres
participants à la procédure, tels que le lésé (al. 1 let. a) ou la personne qui
dénonce les infractions (al. 1 let. b), lorsqu'ils sont directement touchés dans
leurs droits et dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts
(al. 2).

1.4 La qualité pour recourir de la partie plaignante, du lésé ou du dénonciateur
contre une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière est ainsi
subordonnée à la condition qu'ils soient directement touchés par l'infraction
et puissent faire valoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la
décision. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le
titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte
(ATF 129 IV 95 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les droits touchés sont les
biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété,
l'honneur, etc. (Message CPP, FF 2005 p. 1148). En revanche, lorsque
l'infraction protège en première ligne l'intérêt collectif, les particuliers ne sont
considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement
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touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme
la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF 129 IV 95 consid. 3.1 et les
arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 1B_723/2012 du 15 mars 2013, con-
sid. 4.1; 1B_489/2011 du 24 janvier 2012, consid. 1.2; décision du Tribunal
pénal fédéral BB.2012.67 du 22 janvier 2013, consid. 1.3). L'atteinte doit par
ailleurs revêtir une certaine gravité. À cet égard, la qualification de l'infraction
n'est pas déterminante; sont décisifs les effets de celle-ci sur le lésé (ATF
129 IV 216 consid. 1.2.1), lesquels doivent être appréciés de manière objec-
tive, et non en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de ce der-
nier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_266/2009 du 30 juin 2009, consid. 1.2.1).
L'art. 115 al. 2 CPP ajoute que sont toujours considérées comme des lésés
les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale. Selon le Message
CPP, cet alinéa apporte une précision en statuant que les personnes qui ont
qualité pour déposer plainte pénale selon l'art. 30 al. 1 CP, en d'autres
termes les titulaires des biens juridiques auxquels on a porté atteinte, doivent
toujours être considérés comme des lésés (Message CPP, ibidem).

1.5 En l'occurrence, le recourant a déposé plainte pour violation du secret de
fonction (art. 320 CP), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), calomnie
(art. 174 ch. 1 CP) et abus d'autorité (art. 312 CP). Ces dispositions légales
protègent ses intérêts privés, de sorte que le recourant est directement lésé
et dispose par conséquent de la qualité pour recourir (cf. décision du Tribunal
pénal fédéral BB.2013.178 du 26 mars 2014, consid. 1.3.2).

1.6 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’entrer en matière.


2.
2.1 Le litige porte sur la question de savoir si le Procureur fédéral extraordinaire
H. a décidé à bon droit de ne pas entrer en matière sur la plainte pénale
déposée par A..

2.2 Aux termes de l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiate-
ment une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénoncia-
tion ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou
les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas ré-
unis.


3. Le recourant dénonce tout d’abord une violation de cette disposition légale,
en lien avec les art. 174, 303, 312 et 320 CP. Selon lui, G. a commis un abus
d'autorité en sollicitant de la banque F. des informations à son sujet; elle
aurait aussi violé le secret de fonction, respectivement l'aurait calomnié, en
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fournissant à cette banque des détails sur la procédure. Enfin, la saisine du
MP-VD constituerait une dénonciation calomnieuse, dès lors que la Procu-
reure en cause aurait su, au moment où elle a accompli cette démarche, qu'il
ne pouvait pas s'être rendu coupable d'une quelconque infraction.


4. Le MP-VD a classé la procédure ouverte contre le recourant au motif que la
transaction passée entre le compte bancaire de E. Ltd et celui de l'intéressé
l'avait été dans le cadre de l’activité traditionnelle d’avocat pratiquée par ce
dernier. Cela étant, l’opération en cause aurait également pu être effectuée
par le recourant en tant qu’intermédiaire financier, qualité que celui-ci revê-
tait par ailleurs, au su du MPC. Or, dans cette seconde hypothèse, la com-
mission d’un défaut de vigilance, au sens de l’art. 305ter CP, ne pouvait pas
être exclue dès puisqu'apparemment l'intéressé n'avait pas identifié l'ayant
droit économique des fonds en question. C’est précisément pour déterminer
dans lequel de ces deux cas de figure on se trouvait en l’espèce que le MPC
a transmis la cause aux autorités de poursuite pénale vaudoises. Dans ces
conditions, les éléments constitutifs des infractions mentionnées dans la
plainte pénale du 18 avril 2013 n'étaient d'emblée pas remplis. En effet, on
ne se trouve manifestement pas dans une situation où une personne en ac-
cuse une autre ou jette sur elle le soupçons de tenir une conduite contraire
à l'honneur alors qu'elle connaît la fausseté de ses allégations (art. 174 al. 1
CP), respectivement dénonce à l'autorité une personne qu'elle savait inno-
cente (art. 303 al. 1 CP). Le comportement adopté par G. ne pouvait pas non
plus relever de l'abus d'autorité, au sens de l'art. 312 CP, dès lors que le
Ministère public a l'obligation d'ouvrir une instruction lorsqu'il existe des
soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise
(art. 309 al. let. a CPP) et que tel était bien le cas en l'espèce, comme on
vient de le voir. Finalement, la demande par un procureur d'informations ten-
dant à clarifier l'arrière-plan économique d'une transaction suspecte ne
tombe à l'évidence pas sous le coup de la violation du secret de fonction
instituée à l'art. 320 CP. Le premier grief soulevé est donc mal fondé.


5. Le recourant se plaint ensuite d’une violation de son droit d’être entendu.
Toutefois, de l’aveu même de l’intéressé, l’argumentation développée sur ce
point repose intégralement sur la prémisse selon laquelle le Procureur fédé-
ral extraordinaire n’était en l’occurrence pas habilité à rendre une ordon-
nance de non-entrée en matière. Or, au vu de ce qui précède, celle-ci est
erronée. Partant, le second grief soulevé est également mal fondé.


6. Compte tenu de ce qui précède, le recours est mal fondé.

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7. Selon l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la
charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou
succombé. Le recourant, qui succombe, supportera ainsi les frais de la pré-
sente décision, qui se limitent à un émolument fixé, en application de l'art. 8
du règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émolu-
ments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF;
RS 173.713.162), à CHF 2'000.--.




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Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Le recours est rejeté.

2. Un émolument de CHF 2'000.-- est mis à la charge du recourant.


Bellinzone, le 7 février 2017

Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral

Le président: Le greffier:











Distribution

- Me A.
- H., Procureur fédéral extraordinaire, c/o Ministère public de la Confédération




Indication des voies de recours

Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les arrêts de la Cour des plaintes relatifs aux mesures
de contrainte sont sujets à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du
17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). La procédure est réglée par les art. 90 ss LTF.

Le recours ne suspend l’exécution de l’arrêt attaqué que si le juge instructeur l’ordonne (art. 103
LTF).


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