BOGDAN c. ROUMANIE
Karar Dilini Çevir:
BOGDAN c. ROUMANIE

 
Communiquée le 7 février 2019
 
QUATRIÈME SECTION
Requête no 36889/18
Camelia BOGDAN
contre la Roumanie
introduite le 18 juillet 2018
OBJET DE L’AFFAIRE
La requête concerne une procédure disciplinaire initiée le 24 juin 2016 par le Conseil supérieur de la magistrature (« CSM ») contre la requérante, alors qu’elle était juge à la cour d’appel de Bucarest. Plus précisément, l’affaire porte sur la contestation formulée par celle-ci contre une décision du 8 février 2017, du CSM, ordonnant son exclusion de la magistrature. Cette décision disciplinaire fut justifiée par une situation d’incompatibilité à la suite de l’exercice, du 17 juillet au 7 août 2014, par la requérante, d’une activité de formateur juridique dans le cadre d’un programme financé de fonds publics, visant la formation de fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, au sujet de la prévention des actes de corruption. La requérante dénonce l’absence d’un délai de prescription pour l’imposition de la sanction disciplinaire à son encontre (article 6 § 1 de la Convention). Lors de la procédure disciplinaire un rapport d’évaluation, réalisé le 20 mai 2016, par l’Agence nationale d’intégrité (« ANI »), fut versé au dossier par la requérante. Ce rapport conclut à l’inexistence d’une situation d’incompatibilité ou de conflit d’intérêts lors de l’exercice de l’activité de formateur juridique mentionnée ci-dessus. Sur ce point, la requérante dénonce le défaut de prévisibilité de la législation interne et se plaint, en substance, d’une atteinte à son droit au respect de sa vie privée (article 8 de la Convention).
Le 21 mars 2017, la requérante fit l’objet d’une la mesure d’interdiction d’exercice de ses fonctions. Il en ressort que cette interdiction, adoptée d’une manière automatique suite à l’exercice par la requérante du recours contre la décision disciplinaire du CSM, prit fin le 13 décembre 2017, lorsque la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »), sur recours de la requérante, confirma l’existence de la situation d’incompatibilité, mais remplaça la sanction initiale avec la mutation disciplinaire pour une durée de six mois à partir du 15 janvier 2018. L’arrêt fut mis au net le 18 janvier 2018. La requérante dénonce l’impossibilité de contester la mesure d’interdiction adoptée le 21 mars 2017 et invoque le défaut d’accès à un tribunal (article 6 § 1 de la Convention).
L’affaire concerne également une demande formulée par la requérante, auprès du CSM, en vertu de l’article 30 de la loi no 317/2004, tendant à la protection de sa réputation professionnelle à la suite d’une campagne de presse dirigée à son encontre, pendant l’enquête disciplinaire, par un poste de télévision et deux journaux l’accusant, entre autres, d’avoir commis des actes de corruption. Cette demande fut finalement rejetée par une décision du 11 janvier 2018, de la formation plénière du CSM, au motif que les critiques exprimées dans le mass-média s’inscrivaient dans une activité d’information du public, étaient déterminées par l’activité de formatrice de la requérante, et, qu’en tout état de cause, la réaction de la presse n’avait pas été disproportionnée, n’ayant pas affecté sa réputation professionnelle. La requérante invoque une atteinte à son droit au respect de sa vie privée (article 8 de la Convention). Enfin, toujours sur le terrain de l’article 8 de la Convention, la requérante dénonce la communication à la presse, par les autorités, d’informations confidentielles de son enquête disciplinaire pendante à l’époque des faits, concernant les circonstances légales de sa participation à la formation du 17 juillet au 2 août 2014 (voir, par exemple, la communication du 24 février 2016 de la cour d’appel de Bucarest).
QUESTIONS AUX PARTIES
1. S’agissant de la procédure disciplinaire initiée le 24 juin 2016, par le CSM, et terminée par l’arrêt du 13 décembre 2017 de la Haute Cour, peut‑on considérer que la législation interne appliquée dans la situation de la requérante ne prévoyait pas de délai de prescription pour l’imposition d’une sanction disciplinaire à l’encontre de celle-ci ? Dans l’affirmatif, le principe de la sécurité des rapports juridiques, découlant de l’article 6 § 1 de la Convention, a-t-il été respecté dans la présente affaire (mutatis mutandis, Oleksandr Volkov c. Ukraine, no 21722/11, §§ 135-140, CEDH 2013 ?
 
2. Y-a-t-il eu en l’espèce méconnaissance du droit de la requérante d’avoir accès à un tribunal, tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, compte tenu de la l’impossibilité alléguée par celle-ci de contester la mesure automatique d’interdiction d’exercer les fonctions de juge, adoptée le 21 mars 2017 par le CSM (mutatis mutandis, Paluda c. Slovakie, no 33392/12, §§ 39-55, 23 mai 2017) ?
 
3. La mesure d’interdiction d’exercer les fonctions de juge, infligée à la requérante dans le cadre de la procédure disciplinaire dirigée à son encontre, a-t-elle constitué une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 § 1 de la Convention (mutatis mutandis, D.M.T. et D.K.I. c. Bulgarie, no 29476/06, §§ 102-103, 24 juillet 2012) ? Dans l’affirmative, compte tenu des interprétations différentes opérées en l’espèce au sujet de l’incompatibilité de la requérante, par les deux entités ayant des compétences en matière d’incompatibilités des fonctionnaires (le CSM et l’ANI), l’adoption de cette mesure était-elle « prévue par la loi » et conforme aux autres exigences de l’article 8 § 2 de la Convention (à comparer avec Ternovszky c. Hongrie, no 67545/09, §§ 23-27, 14 décembre 2010) ?
 
4. Le refus opposé le 11 janvier 2018, par la formation plénière du CSM, à la demande formulée par la requérante en vertu de l’article 30 de la loi no 317/2004, tendant à la protection de sa réputation professionnelle en raison de la campagne de presse dont elle fit l’objet, ainsi que la communication à la presse d’informations confidentielles du dossier d’enquête disciplinaire, pendant le déroulement de l’enquête, ont-ils constitué une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 § 1 de la Convention ? Dans l’affirmative, cette ingérence était‑elle conforme aux exigences de l’article 8 § 2 de la Convention (Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08, §§ 83-84, 7 février 2012 ; Von Hannover c. Allemagne (no 2) [GC], nos 40660/08 et 60641/08, § 106, CEDH 2012) ?

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