AYDEMİR c. TURQUIE
Karar Dilini Çevir:
AYDEMİR c. TURQUIE

 
 
 
 
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 21013/11
Ziya AYDEMİR
contre la Turquie
 
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 2 avril 2019 en un comité composé de :
Valeriu Griţco, président,
Ivana Jelić,
Darian Pavli, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 11 mars 2011,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  Le requérant, M. Ziya Aydemir, est un ressortissant turc né en 1957 et résidant à Diyarbakır. Il a été représenté devant la Cour par Me S. Aracı Bek et Me T. Bek, avocats exerçant à Adana.
2.  Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
4.  Par un acte d’accusation du 28 février 2006, le procureur de la République d’Adana inculpa le requérant des chefs d’appartenance à une organisation illégale et de propagande en faveur d’une organisation terroriste. À cet égard, il soutint notamment que l’intéressé avait exposé des photographies de membres décédés d’une organisation illégale en les présentant comme des martyrs.
5.  Le 14 mai 2007, la cour d’assises d’Adana (« la cour d’assises ») reconnut le requérant coupable de l’infraction de propagande en faveur d’une organisation terroriste et le condamna à dix mois d’emprisonnement.
6.  Le 7 juillet 2010, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation formé par le requérant et confirma l’arrêt de la cour d’assises.
7.  Le 8 septembre 2010, l’arrêt de la Cour de cassation fut déposé au greffe de la cour d’assises.
GRIEFS
8.  Invoquant l’article 10 la Convention, le requérant voit dans sa condamnation pénale une atteinte à sa liberté d’expression.
EN DROIT
9.  Le requérant allègue que sa condamnation pénale constitue une atteinte à son droit à la liberté d’expression. Il invoque l’article 10 de la Convention.
10.  Le Gouvernement soulève trois exceptions d’irrecevabilité. Tout d’abord, il excipe du non-respect du délai de six mois. Il expose à cet égard que l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2010, qui, selon lui, constitue en l’espèce la décision interne définitive, a été déposé au greffe de la cour d’assises le 8 septembre 2010, date à laquelle, toujours selon lui, le délai de six mois a commencé à courir. Il considère dès lors que la requête a été introduite plus de six mois après cette dernière date et qu’elle doit être déclarée irrecevable pour non-respect du délai de six mois. Il soutient ensuite que, afin d’éviter le rejet de sa requête pour non-respect du délai de six mois, le requérant a délibérément indiqué la date inexacte du 15 septembre 2010 comme date du dépôt de l’arrêt de la Cour de cassation dans son formulaire de requête, et il estime par conséquent que la requête doit être considérée comme étant abusive à cet égard. Il est enfin d’avis que la requête doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes au motif que le requérant n’a pas soulevé son grief tiré de l’article 10 de la Convention devant les juridictions internes.
11.  Le requérant conteste les exceptions du Gouvernement. Il allègue avoir été informé que, en l’espèce, la décision interne définitive avait été rendue le 15 septembre 2010, et il soutient n’avoir donné aucune information erronée à cet égard. Il ajoute que la décision interne définitive ne lui a pas été notifiée par courrier.
12.  La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire qu’elle se prononce sur les deuxième et troisième exceptions, la requête étant en tout état de cause irrecevable pour non-respect du délai de six mois pour les raisons exposées ci‑après.
13.  La Cour rappelle avoir déjà constaté, s’agissant du droit et de la pratique en vigueur en Turquie, que les arrêts rendus au pénal par la Cour de cassation, tel l’arrêt prononcé en l’espèce par la haute juridiction, n’étaient pas notifiés aux parties. Il ressort de sa jurisprudence constante qu’elle a toujours pris en compte comme point de départ du délai de six mois la date à laquelle l’arrêt de la Cour de cassation au pénal avait été versé au dossier de l’affaire se trouvant devant la juridiction de première instance (voir, parmi beaucoup d’autres, İpek c. Turquie (déc.), no 39706/98, 7 novembre 2000, Yavuz et autres c. Turquie (déc.), no 48064/99, 1er février 2005, Benli c. Turquie, no 65715/01, § 24, 20 février 2007, et Alada c. Turquie no 67449/12, § 31, 7 juillet 2015).
14.  En l’espèce, la Cour relève que l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 7 juillet 2010, qui constitue la décision interne définitive, n’a pas été signifié au requérant ou à ses représentants. Le 8 septembre 2010, le texte de cet arrêt a été versé au dossier de l’affaire se trouvant au greffe de la cour d’assises et a ainsi été mis à la disposition des parties. Il appartenait en conséquence au requérant ou à ses représentants de suivre la procédure devant les juridictions nationales et de faire preuve de diligence pour obtenir une copie de la décision interne finale.
15.  Eu égard à ce qui précède, considérant que le délai de six mois a commencé à courir à partir du 8 septembre 2010 et que le requérant a introduit sa requête le 11 mars 2011, la Cour estime que la requête est tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 mai 2019.
Hasan BakırcıValeriu Griţco
Greffier adjointPrésident

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