ARBAĞ c. TURQUIE
Karar Dilini Çevir:
ARBAĞ c. TURQUIE

 
 
 
 
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 30646/10
Keziban ARBAĞ
contre la Turquie
 
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 19 mars 2019 en un comité composé de :
Julia Laffranque, présidente,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Arnfinn Bårdsen, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 25 mars 2010,
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 11 décembre 2018 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
La requérante, Mme Keziban Arbağ, est une ressortissante turque née en 1972 et résidant à Konya. Elle a été représentée devant la Cour par Me H. Şenalp et Me A. Özer, avocats exerçant à Konya.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
Sans invoquer aucun article de la Convention, la requérante se plaignait d’une atteinte à sa vie privée.
La requête avait été communiquée au Gouvernement.
EN DROIT
La requérante alléguait que les allégations dirigées à son encontre dans un article de presse publié dans le quotidien Hürriyet constituaient une atteinte portée à ses droits à la protection de la réputation et à la liberté de conscience. Elle n’invoquait aucun article de la Convention.
Après l’échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 10 décembre 2018 le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
La déclaration était ainsi libellée :
« I declare that the Government of Turkey offers to pay the applicant Keziban Arbağ, EUR 3000 (three thousand euros) to cover any non-pecuniary damage as well as costs and expenses, plus ant tax may be chargeable to the applicant with a view to resolving the above-mentioned case pending before the European Court of Human Rights.
The Government further emphasizes that Article 375 § 1 (i) of the Code of Civil Procedure, as amended by the Law no. 7145 of 31 July 2018, now requires reopening of civil proceedings in cases where the European Court of Human Rights decides to strike an application out of its list of cases following a friendly settlement or a unilateral declaration. The Government considers that the aforementioned remedy is capable of providing redress in respect of the applicant’s complaints under Article 8 of the Convention.
This sum will be converted into Turkish liras at the rate applicable on the date of payment, and will be payable within three months from the date of notification of the decision by the Court pursuant to Article 37 § 1 of the European Convention on Human Rights. In the event of failure to pay this sum within the said three-month period, the Government undertake to pay simple interest on it, from expiry of that period until settlement, at a rate equal to the marginal lending rate of the European Central Bank during the default period plus three percentage points. The payment will constitute the final resolution of the case.
The Government respectfully invites the Court to declare that it is not justified anymore to continue the examination of the application and to strike the case out of its lists in accordance with Article 37 of the Convention. »
La requérante n’a pas répondu à cette lettre alors qu’elle avait été invitée à soumettre ses observations y afférentes au plus tard le 15 janvier 2019.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête  »
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).
La Cour a établi dans un certain nombre d’affaires, dont celles dirigées contre la Turquie, sa pratique en ce qui concerne les griefs tirés de la violation du droit à la protection de la vie privée (Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, § 50, CEDH 2004‑VI, Sanchez Cardenas c. Norvège, no 12148/03, § 38, 4 octobre 2007, Pfeifer c. Autriche, no 12556/03, § 35, 15 novembre 2007, A. c. Norvège, no 28070/06, § 64, 9 avril 2009, Polanco Torres et Movilla Polanco c. Espagne, no 34147/06, § 40, 21 septembre 2010, Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08, § 83, 7 février 2012, et Petrie c. Italie, no 25322/12, § 39, 18 mai 2017, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France ([GC], no 40454/07, §§ 83-93, CEDH 2015 (extraits) et Tarman c. Turquie no 63903/10, §§ 36-38, 21 novembre 2017).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
La Cour interprète cette déclaration dans le sens que cette somme, convertie en livres turques au taux applicable à la date du paiement, devra être versée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l’article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement devra verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l’article 8 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 11 avril 2019.
Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente

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