ANSAR c. GRÈCE
Karar Dilini Çevir:
ANSAR c. GRÈCE

 
 
 
Communiquée le 7 mai 2019
 
PREMIÈRE SECTION
Requête no 23413/16
Jahngeer ANSAR
contre la Grèce
introduite le 28 April 2016
EXPOSÉ DES FAITS
Le requérant, M. Jahngeer Ansar, est un ressortissant pakistanais né en 2000. Il est représenté devant la Cour par Me E.-L. Koutra, avocate exerçant à Athènes.
Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant, mineur non accompagné à l’époque des faits, arriva le 24 février 2016 par une petite embarcation à l’île de Lesbos en provenance de Turquie. D’après ses dires, il souhaitait obtenir une réunification familiale avec un oncle qui résidait légalement à Athènes. Appréhendé avec d’autres, il fut conduit au hotspot de Moria. Tous les nouveaux arrivants furent informés que la procédure d’enregistrement était close pour les ressortissants pakistanais, ce qui avait comme conséquence d’exclure ces ressortissants des facilités d’hébergement dans le camp.
Le requérant fut alors placé pendant plusieurs semaines dans un camp adjacent à celui de Moria qui était géré par une organisation non-gouvernemental. En dépit du fait que cette organisation identifia le requérant comme une personne vulnérable, elle n’était pas en mesure de lui obtenir l’accès à la procédure d’enregistrement en raison d’une mauvaise coordination avec les autorités du camp de Moria.
Quelques jours avant l’adoption de la « Déclaration UE –Turquie », le 20 mars 2016, des policiers se rendirent dans le camp où se trouvait le requérant. Ils cherchaient à appréhender des ressortissants pakistanais pour les emmener au camp de Moria. Le 19 mars 2016, le requérant fut transféré à Moria et placé dans la partie du camp réservée aux mineurs.
Le 21 mars 2016, le requérant fut enregistré avec mention de « son intention » de demander la protection internationale. À cette date, les autorités du camp établirent divers documents officiels concernant le requérant, dont une note où il était mentionné que celui-ci était enregistré comme mineur non-accompagné et demandait la nomination d’un tuteur, le Service national de solidarité social (EKKA) ayant été informé.
Au début avril, le requérant était repéré par des policiers en train d’inciser la partie intérieure de ses bras avec un rasoir. Les policiers l’avertirent que c’était la dernière fois qu’ils toléraient ce « comportement ».
Le 12 avril 2016, les policiers transférèrent le requérant à la Section B du camp de Moria. Cette Section était une zone interdite, séparée du reste du camp, qui servait pour la coordination des déportations et pour placer ceux qui avaient de problèmes disciplinaires. Le requérant passa une nuit dans cette Section et, le lendemain, à la suite de l’intervention des organisations non-gouvernementales et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, il fut transféré dans la partie du camp réservée aux mineurs.
Le 26 avril 2016, une émeute éclata au sein de cette partie du camp qui dura plusieurs heures. Les mineurs non accompagnés demandaient leur mise en liberté. Le requérant n’y participa pas. À 21 h, une bagarre éclata entre jeunes pakistanais et afghans dans cette même partie du camp. Selon le requérant, les policiers restèrent passifs et n’autorisèrent l’entrée des secouristes et des ambulances qu’à 21 h 30. Le requérant fut violemment frappé à l’estomac avec une chaise par un autre mineur et il se trouva dans l’impossibilité de marcher. Il dut attendre plusieurs heures avant d’être transféré à l’hôpital. Très tôt, le 27 avril 2016, il retourna au camp. Comme la zone réservée aux mineurs était détruite, la police plaça les mineurs pakistanais dans la Section B du camp. Lorsque ceux-ci demandèrent de retourner à la zone réservée aux mineurs, les policiers les frappèrent. Le requérant, qui avait été aussi battu par les policiers, resta dans la section B pendant quelques jours, sans avoir accès à des soins médicaux.
Le 29 avril 2016, à la suite d’une demande d’application de l’article 39 du règlement à la Cour, le requérant fut transféré à l’hôpital. Toutefois, sur place, il ne bénéficia pas de l’assistance d’un interprète et il ne se vit délivrer aucun certificat médical à sa sortie de l’hôpital.
Le requérant retourna à la Section B du camp où il n’avait ni la possibilité de sortir dans une cour, ni de bénéficier d’une activité compatible avec son statut de mineur ni d’avoir accès à des bénévoles des organisations non-gouvernementales. Il allègue que pendant un jour il fut même privé d’eau à boire.
Le 4 mai 2016, la représentante du requérante reçut des autorités du camp des extraits du dossier administratif du requérant. Il en ressortait que qu’alors que le 21 mars 2016, la détention de celui-ci avait été ordonnée pour quinze jours, le directeur du Service de première réception prolongea la restriction à la liberté de mouvement du requérant pendant dix jours supplémentaires, en utilisant la formule stéréotypée suivante : « [le requérant] n’a pas encore accompli la procédure relative à la première réception ou n’a pas encore complété sa demande de protection internationale ».
Le requérant fut maintenu en détention jusqu’au 4 mai 2016, date à laquelle il fut transféré à une structure appropriée pour mineurs non accompagnés.
GRIEFS
Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint de ses conditions de détention/vie dans la zone réservée aux mineurs du camp de Moria et dans la Section B de celui-ci, ainsi que d’avoir été battu par des policiers alors qu’il était enfermé dans cette Section.
Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant se plaint de l’irrégularité de sa détention, en raison du fait qu’en dépit de sa situation de mineur non accompagné, il fut détenu dans les mêmes conditions que des adultes pendant une longue période.
Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de son droit au respect de la vie familiale, car à compter de son entrée en Grèce et jusqu’à l’introduction de sa requête à la Cour, les autorités ne lui ont pas permis d’engager une procédure pour obtenir la réunification familiale avec son oncle qui réside légalement à Athènes.
Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint l’absence d’un recours effectif pour se plaindre des conditions de sa détention.
QUESTIONS AUX PARTIES
1.  Le requérant a-t-il fait l’objet d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention en raison :
–  de ses conditions de détention/vie dans la partie réservée aux mineurs du camp de Moria et dans la Section B de celui-ci ?
–  des coups allégués qu’il aurait reçus des policiers dans la Section B lorsqu’il a demandé avec d’autres mineurs d’être transféré dans la zone réservée aux mineurs ?
 
2.  La détention du requérant, mineur non accompagné, a-t-elle été régulière au sens de l’article 5 de la Convention, compte tenu notamment de son placement dans le camp de Moria et notamment dans la Section B de celui-ci ?
 
3.  La prétendue attitude des autorités tendant à empêcher le requérant d’engager une procédure pour la réunification familiale avec son oncle qui vivait à Athènes, a-t-elle porté atteinte à son droit au respect de sa vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention ?
 
4.  Le requérant disposait-il d’un recours effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour se plaindre de ses conditions de vie dans le hotspot de Moria ?

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